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Matthieu 13
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Matthieu 13

L’occasion

Jésus étant sur le bord de la mer, pressé par la foule avide de l’entendre, monte sur une barque, s’y assied, tandis que le peuple est debout sur le rivage et il enseigne par des paraboles (1-3).

Le semeur répandant sa semence

Une partie tombe sur le chemin, où elle est enlevée par les oiseaux ; sur des endroits rocailleux, où elle lève aussitôt, mais est brûlée par l’ardeur du soleil ; parmi les épines, où elle est étouffée ; enfin dans la bonne terre et elle y produit un fruit abondant (4-9).

Raison de l’enseignement en paraboles

Alors les disciples demandent à Jésus pourquoi il enseigne par des paraboles. À quoi il répond : C’est parce qu’il n’a pas été donné à la foule de comprendre les mystères du royaume des cieux ; et c’est ainsi que s’accomplit en eux la prophétie d’Ésaïe concernant l’inintelligence et l’endurcissement de leur cœur. Mais vous, vous êtes heureux de voir et d’entendre ce que tant de prophètes et de justes ont si longtemps désiré d’entendre et de voir (10-17).

Explication de la parabole

La semence, c’est la Parole divine, que le malin enlève du cœur de ceux qui ne la comprennent pas ; c’est là le chemin. Les endroits rocailleux représentent l’homme qui entend la Parole et la reçoit aussitôt avec joie, mais qui, dès les premières difficultés, retombe. Les épines, ce sont les soucis du monde, les séductions des richesses, qui étouffent la Parole et la rendent infructueuse. La bonne terre enfin, ce sont ceux qui entendent la Parole, qui la comprennent et produisent du fruit dans des proportions diverses (18-23).

1 Ce jour-là, Jésus étant sorti de la maison, s’assit au bord de la mer.

La retraite du Messie (chapitre 13)

Les paraboles du Royaume de Cieux

Versets 1 à 23 — La fondation du Royaume, la parabole du semeur et son explication

Comparer Marc 4.1-20 ; Luc 8.1-15.

Ce jour-là était celui où Jésus avait prononcé les discours rapportés au chapitre précèdent et où il avait été interrompu par la visite de sa famille (Matthieu 12.46). Tel est aussi l’ordre du récit de Marc (Marc 3.31 ; comparez Marc 4.1 et suivants).

Luc place ces faits dans une autre suite et rapporte la parabole du semeur sans indiquer le temps et le lieu où elle fut prononcée.

La maison d’où il sortit est celle où il était quand ses parents vinrent à lui (Matthieu 12.46).

2 Et de grandes foules s’assemblèrent auprès de lui, de sorte que, montant dans la barque, il s’y assit ; et toute la foule se tenait sur le rivage.

Quelle scène et quel culte ! Pour cathédrale, la voûte étincelante d’un ciel d’Orient ; pour auditoire, ces grandes foules, debout, couvrant au loin le rivage ; une barque de pêcheur sert de chaire, le prédicateur c’est Jésus !

Les manuscrits varient entre la barque et une barque. S’il faut conserver l’article, cela signifierait une barque connue, peut-être appartenant à l’un des disciples.

3 Et il leur parla en paraboles sur beaucoup de choses, disant : Voici, le semeur sortit pour semer ;

Ou par des paraboles.

Le mot grec parabole désigne l’action de mettre à coté l’un de l’autre deux objets dans le but de les comparer. L’un de ces objets, c’est le récit fictif d’un événement emprunté à la vie ordinaire ou à la nature et qui n’a d’autre but que de présenter à l’esprit une vérité religieuse ou morale qui est comparée, assimilée à cet événement.

De là le mot similitude qu’affectionnent nos anciennes versions.

La parabole a deux parties, le corps et l’âme : le corps est le récit de l’histoire qu’on a imaginée et l’âme, le sens moral ou mystique caché sous les paroles ou le récit.
— Littré

Il faut remarquer toutefois que dans le Nouveau Testament le mot de paraboles ne s’applique pas seulement à ces récits allégoriques prolongés qu’employait si souvent le Sauveur, mais aussi à toute comparaison ou image dessinée à illustrer la pensée (Ainsi Matthieu 15.15 ; Matthieu 24.32 ; Marc 3.23 et suivants ; Luc 4.23 ; etc.).

Il est important de remarquer encore la différence notable qu’il y a entre la parabole et un autre genre analogue d’enseignement, la fable. Dans celle-ci le récit fictif n’est pas nécessairement emprunté au domaine du possible et du vrai, elle fait penser et parler les animaux, les plantes, etc.

Jamais Jésus ne se permet rien de pareil dans ses paraboles. Tout dans son récit est tellement naturel et vrai, que souvent on se demande si c’est un fait réel ou une fiction. Ainsi, le semeur, le bon Samaritain, l’enfant prodigue, etc. Et ces histoires sont, au point de vue de la forme, d’une telle beauté, d’une si grande perfection, qu’on s’arrêterait beaucoup plus à les admirer à cet égard, si les imposantes vérités religieuses qu’elles renferment ne s’emparaient de toute notre attention.

Au fond, la parabole du Nouveau Testament est une création de Jésus-Christ. Ni les mythes des anciens, ni la fable qu’on lit au chapitre 9 du livre des Juges Juges 9, ni les maschals du prophète Ézéchiel (Ézéchiel 17.2 ; Ézéchiel 24.3) n’en pouvaient donner l’idée.

Grec : Il leur dit beaucoup de choses.

Ceux qui nient la vraisemblance historique d’un long discours composé d’une série de paraboles et qui attribuent à Matthieu ce recueil de similitudes prononcées par Jésus en divers temps, ne peuvent voir dans ces paroles d’introduction, comme dans celles qui servent de conclusion au récit (verset 53), qu’une invention de l’évangéliste de même, la mise en scène qui se trouve aux versets 1 et 2, ne serait qu’un cadre fictif donné à ce grand tableau.

À cette opinion on peut opposer les remarques qui suivent :

  1. Matthieu ne prétend nullement rapporter un discours soutenu, composé de sept paraboles et de l’explication de deux d’entre elles. Il marque lui-même, dès le verset 10, une première interruption provoquée par une question des disciples et la réponse de Jésus ; il en marque une seconde, par une réflexion sur ce genre d’enseignement (verset 34) et enfin une troisième, avec changement complet de lieu et de temps (verset 36), alors que Jésus n’avait encore prononcé que deux paraboles, sans doute avec des développements et des applications sérieuses à son grand auditoire.
  2. Il est très possible, probable même, que Matthieu, selon sa méthode de grouper les enseignements et les faits homogènes, ait volontairement consigné ici telles paraboles de moindre étendue que Jésus avait prononcées ailleurs et auxquelles Luc assigne une autre place (Luc 13.18-21).
  3. Que Jésus ait fait, au bord de la mer, un discours prolongé dans lequel à plusieurs reprises, sa parole revêtit la forme de la parabole, c’est ce que témoigne positivement le récit de Marc (Marc 4.1-2). Cet évangéliste rapporte quelques-unes de ces paraboles, une même, que Matthieu n’a pas, puis il ajoute : (verset 33) « Et par beaucoup de paraboles semblables, il leur annonçait la parole ».
  4. On peut faire observer avec Meyer que
l’assemblage de ces sept paraboles présente aussi peu d’invraisemblance historique que le sermon sur la montagne, cette prédication en paraboles est le prolongement de ce dernier, comme l’édifice s’élève sur le fondement.
4 et comme il semait, une partie tomba le long du chemin, et les oiseaux vinrent et la mangèrent toute.

Jésus dira lui-même (verset 19) ce qu’il entend par ces oiseaux.

Ici, nous nous en tenons exclusivement à la lettre du récit.

Le semeur (grec le semant ou celui qui sème) n’a pas l’intention de jeter aucune partie de sa semence sur un chemin ; mais comme ce chemin longe son champ et qu’il sème abondamment, vivement plus d’un grain tombe le long du chemin (grec : auprès du chemin, sur le bord). Ces grains n’étant pas recouverts par la terre sont mangés par les oiseaux.

5 Une autre tomba sur des endroits rocailleux, où elle n’avait pas beaucoup de terre, et aussitôt elle leva, parce qu’elle n’avait pas une terre profonde. 6 Mais le soleil s’étant levé, elle fut brûlée, et parce qu’elle n’avait pas de racine, elle sécha.

Ces endroits rocailleux ne sont pas une partie du champ couverte de pierres, qu’on aurait pu ôter ; mais bien, comme on peut le voir dans toutes les contrées montagneuses et arides, des endroits où une légère couche de terre recouvre le roc.

Là, la semence peut lever, elle leva même aussitôt, poussa en dehors, précisément parce qu’elle ne pouvait pas enfoncer ses racines dans une terre profonde. Mais aux premières ardeurs du soleil du printemps, elle fut brûlée, desséchée parce qu’elle n’avait pas de racines qui pussent la nourrir des sucs de la terre. Luc dit : « pas d’humidité ».

7 Une autre tomba parmi les épines, et les épines montèrent et l’étouffèrent.

Pourquoi des épines dans un champ ensemencé ?

C’est que si, d’un côté, le champ est bordé par un chemin (verset 4), il l’est, de l’autre, par une haie vive.

Les grains de la semence tombent aux abords de la haie, parmi (grec sur) les épines, au moment où elles germent encore dans la terre. La semence lève, mais les épines montent avec plus de vigueur encore et l’étouffent.

Ici, la plante du blé ne périt pas, elle subsiste, mais elle est trop épuisée pour produire des épis fertiles (Comparez verset 22).

8 Et une autre tomba dans la bonne terre, et donna du fruit ; un grain cent, un autre soixante, et un autre trente.

La bonne terre est une terre rendue fertile par la culture, l’engrais, etc.

Cette grande productivité, s’élevant jusqu’à cent pour un, était très ordinaire dans les pays de l’Orient (comparer Genèse 26.12) Pour le sens religieux de cette parabole, voir verset 18 et suivants.

9 Que celui qui a des oreilles, entende !

Comparer Matthieu 11.15, note.

Le texte reçu ajoute les mots pour entendre, retranchés d’après les meilleures autorités.

10 Et les disciples s’étant approchés, lui dirent : Pourquoi leur parles-tu en paraboles ?

D’après Marc et Luc, les disciples auraient demandé simplement l’explication de la parabole. Mais ils firent certainement aussi la question que Matthieu leur attribue, comme le prouve la réponse immédiate de Jésus (verset 11). L’autre demande, loin d’être exclue, est au contraire supposée par notre évangile, puisque l’explication désirée suit bientôt après (verset 18).

Cet entretien entre Jésus et les disciples eut-il lieu aussitôt après l’énoncé de la parabole, sur la barque même (verset 2), interrompant ainsi l’enseignement de Jésus aux foules, comme le récit de Matthieu le ferait supposer, ou bien après le discours, quand Jésus fut seul avec les disciples, comme le rapporte Marc (Marc 4.10) ? La place que ce dernier lui assigne paraît plus naturelle.

11 Et, répondant, il leur dit : Parce qu’il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux ; mais à eux, cela ne leur a pas été donné.

Donné ou pas donné par Dieu, qui seul ouvre, par son Esprit, l’intelligence et le cœur et qui est souverain dans la dispensation de ses dons.

C’est à la volonté de Dieu que Jésus en appelle ; c’est dans le décret insondable de la sagesse divine qu’il montre la raison dernière pour laquelle les mystères du royaume des cieux sont révélés aux uns, cachés aux autres. Mais les paroles d’Ésaïe qui suivent (verset 15) prouvent que, soit dans la possession, soit dans la privation de la lumière divine, l’action et la responsabilité de l’homme ont leur part.

Ce qu’il s’agit de connaître, d’une manière vivante, expérimentale, ce sont les mystères du royaume des cieux, c’est-à-dire les vérités divines de ce royaume, qui restent mystères tant qu’elles ne sont pas révélées à l’homme par la Parole et l’Esprit de Dieu.

D’après le contexte cette expression désigne peut-être d’une manière plus spéciale les desseins de Dieu pour le salut des hommes, le plan divin suivant lequel le royaume doit s’établir, les conditions de son développement, que Jésus indique précisément dans les paraboles de ce chapitre (comparer Romains 16.25 ; 1 Corinthiens 4.1 ; Éphésiens 3.3 et suivants, note).

Or c’est là ce qui a été donné aux disciples déjà alors dans une certaine mesure et qui leur sera donné beaucoup plus encore par l’Esprit de la Pentecôte, en sorte que Jésus peut leur parler sans paraboles.

Mais pour d’autres, il doit employer cette forme d’enseignement et il en dit la raison au verset 13 et suivants.

12 Car à celui qui a, il sera donné, et il aura en abondance ; mais pour celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté.

Avant d’énoncer directement (verset 13) la raison pour laquelle il parle en paraboles, Jésus la fait pressentir en citant un proverbe qui exprime ce que l’on constate souvent dans les affaires ordinaires de la vie : celui qui est riche le devient toujours plus et l’inverse. Cela est dans la nature des choses. Et cela n’est pas moins vrai dans le domaine de la vie religieuse.

Le développement moral de l’homme obéit à une double loi, selon que l’Esprit ou la chair dominent. Dans le premier cas, il a et il reçoit toujours davantage et il abonde : dans le second, il perd nécessairement même ce qu’il a, c’est-à-dire ce qui lui restait encore de vie religieuse et morale.

Luc dit : ce qu’il croit avoir. Luc 8.18 Cela lui est ôté et par la force des choses et par un jugement de Dieu.

Jésus montre l’application du même principe, dans la parabole des talents (Matthieu 25.29), qui nous en fait très bien saisir le sens.

13 C’est pourquoi je leur parle en paraboles : parce qu’en voyant ils ne voient point, et qu’en entendant ils n’entendent ni ne comprennent.

C’est pourquoi, en raison du fait affirmé verset 11 et conformément au principes énoncés verset 12, Jésus leur parle en paraboles, leur présente « les mystères du royaume des cieux » (verset 11) sous ce voile à demi transparent, parce que (cette conjonction introduit un motif qui explique et justifie celui qu’indique le c’est pourquoi) alors même que la vérité s’offre à eux (voyant, entendant), ils ne voient, n’entendent, ni ne comprennent.

Leur réceptivité est en défaut. Ils ne veulent pas voir, aussi attirent-ils sur eux un jugement. Ce jugement n’est pas définitif sans doute ; il a pour but de les épargner et d’empêcher que leur culpabilité ne devienne plus grande ; mais il les exclut du nombre de ceux qui ont part les premiers au royaume et en deviennent les fondateurs.

La parabole, en effet, est destinée à opérer un triage dans la masse indécise ; les simples curieux, les irrésolus, les cœurs impénitents n’emportent qu’un récit gracieux dont le sens leur échappe. Mais ceux qui ont soif de la vérité la découvrent sous le voile de la parabole (versets 11 et 12), témoins ces disciples qui, n’ayant pas eux-mêmes tout compris, demandent des explications. Matthieu 13.36 ; Marc 4.10

Cette dispensation divine envers les hommes, selon leurs dispositions diverses, est donc pleine de sagesse et de miséricorde.

Ainsi, voulant paraître à découvert à ceux qui le cherchent de tout leur cœur et caché à ceux qui le fuient de tout leur cœur, il tempère sa connaissance, en sorte qu’il a donné des marques de soi visibles à ceux qui le cherchent et obscures à ceux qui ne le cherchent pas. Il y a assez de lumière pour ceux qui ne désirent que de voir et assez d’obscurité pour ceux qui ont une disposition contraire.
— Pascal

Cette règle, qui est une loi générale du royaume de Dieu dans tous les temps, Jésus commence maintenant à l’appliquer à ses concitoyens. Dans les premiers mois de son ministère en Galilée, il leur a annoncé la vérité sans réticence. Ils ne l’ont pas reçue. Dès ce moment ils attirent sur eux un jugement de Dieu.

Le Sauveur se dérobe à eux tout d’abord en enveloppant son enseignement du voile de la parabole. Un peu plus tard il s’éloignera lui-même en se retirant dans d’autres contrées.

C’est pourquoi nous considérons cette collection de paraboles (versets 1-52) comme le premier chapitre de cette portion de l’histoire évangélique qui peut s’intituler : « la retraite du Messie ».

14 Et pour eux s’accomplit la prophétie d’Ésaïe, qui dit : Vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point ; et en regardant, vous regarderez, et vous ne verrez point. 15 Car le cœur de ce peuple s’est engraissé ; et ils ont ouï dur de leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient des yeux, et qu’ils n’entendent des oreilles, et qu’ils ne comprennent du cœur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse.

Ésaïe 6.9-10, cité exactement d’après les Septante.

Ce texte diffère de l’hébreu, qui a tous les verbes du verset 10 à l’impératif : Engraisse le cœur de ce peuple, alourdis ses oreilles, enduis ses yeux, de peur…

C’est-à-dire que le prophète doit exécuter, par sa prédication même, ce jugement de Dieu : l’endurcissement puni par un endurcissement plus grand.

Dans le texte grec, cette action parait attribuée au peuple lui-même : « son cœur s’est engraissé ». Telle est l’interprétation de Meyer et de M. Godet (dans Jean 12.40). B. Weiss, insistant sur le passif du verbe : a été engraissé, attribue cette action au décret divin.

Quelque sens qu’on adopte, la cause première de cet endurcissement est bien la volonté rebelle du peuple, car le but de la prédication seul conforme à l’amour divin est de sauver et Dieu n’endurcit que ceux qui se sont déjà endurcis. Mais tel est, sous cette réserve, l’effet de la parole de la grâce : « Odeur de vie, ou odeur de mort » (2 Corinthiens 2.16).

Quant aux expressions du texte, il faut remarquer d’abord que la cause de l’inintelligence et de l’aveuglement (verset 14) est placée dans le cœur (car, verset 15), qui est engraissé (sens de l’hébreu, le grec signifie aussi épaissi), rendu insensible par la prospérité.

Les effets de cette insensibilité sont exprimés par les images qui suivent : l’ouïe dure (grec lourde), les yeux à demi fermés, comme dans la somnolence, ou lorsqu’on craint la lumière ; et tout cela de peur qu’ils ne voient, n’entendent, ne comprennent, ne se convertissent et que je ne les guérisse.

Il faut remarquer dans ce dernier verbe le changement de personne ; Dieu parle directement comme celui d’où procède toute guérison.

Quelle gradation profonde dans l’ordre où ces organes sont énumérés et l’ordre inverse serait également vrai, car il y a action et réaction : d’abord le cœur, l’ouïe, les yeux ; puis les yeux, l’ouïe, le cœur.

Tout part du cœur et tout y aboutit dans l’œuvre du salut ou de l’endurcissement.

16 Mais pour vous, heureux sont vos yeux, parce qu’ils voient, et vos oreilles, parce qu’elles entendent.

Bien que ce soit une manière inusitée de s’exprimer, que de déclarer heureux les organes de la vue et de l’ouïe, au lieu de l’homme qui les possède, nous traduisons littéralement, afin de conserver le contraste voulu entre ces paroles et celles des versets 13-15.

17 Car en vérité je vous dis que beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, et entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu.

Raison des paroles qui précèdent (car).

Que de justes, que de prophètes de l’Ancien Testament ont soupiré après ces temps de l’Évangile, qui n’étaient pas accomplis, selon les desseins de Dieu ! Quel motif de reconnaissance pour les disciples et pour nous !

18 Vous donc, écoutez la parabole du semeur.

Vous donc qui pouvez comprendre, écoutez ! (verset 16).

Les disciples et d’autres auditeurs avaient demandé l’explication de cette parabole (Marc 4.10). Jésus avait de son côté exprimé son étonnement de ce qu’ils ne l’eussent pas comprise (Marc 4.13) et pourtant il la leur explique.

Cette interprétation que Jésus a donnée d’un petit nombre de paraboles (verset 37 et suivants ; verset 49) est pour nous d’un prix infini, car par là il nous a donné la clef de toutes les autres.

19 Quiconque entend la parole du royaume, et ne la comprend pas, le malin vient, et ravit ce qui a été semé dans son cœur ; c’est celui qui a reçu la semence le long du chemin.

La parole du royaume (Matthieu 4.23 ; Matthieu 24.14) ou, selon Luc, la parole de Dieu, et, d’après Marc, simplement la parole, telle est la semence de la parabole.

Il y a une analogie profonde entre l’image et la réalité. Dieu a voulu qu’il y eut en chaque grain de semence un principe de vie qui se développe avec une irrésistible puissance, dès que la semence se trouve dans des conditions favorables. Ainsi la parole du Dieu vivant renferme et produit la vie, une vie divine ; elle est créatrice.

Mais, pour cela, il faut que la parole, comme la semence, tombe dans une terre bien préparée. Or ce sont précisément quatre espèces de terrain, représentant des dispositions morales diverses, qui forment les traits caractéristiques de la parabole.

Et d’abord ; le chemin. Là, le Seigneur avait dit, selon Luc, que la semence fut foulée par les passants. Dans son explication il ne relève pas ce trait, qui a pourtant évidemment un sens moral. La semence foulée par les passants, c’est la parole rendue infructueuse par les distractions et les pensées terrestres de cette classe d’auditeurs.

En outre, sur ce sol durci et sans culture, la semence n’était point recouverte de terre et ne pouvait germer.

L’auditeur ne comprend pas la parole ; explication propre à Matthieu et qui indique une seconde cause de stérilité, l’inintelligence et l’endurcissement du cœur, qui n’a pas été rendu attentif et n’a pas été amolli par une sérieuse repentance.

Enfin il y a une troisième cause. L’image de ces oiseaux (verset 4), à laquelle nous aurions à peine songé à donner un sens spirituel, en a un très important : Jésus nous y montre l’action du malin (Marc dit Satan, Luc le diable) qui ravit ce qui a été semé. Cela lui est d’autant plus facile que la parole n’a point été comprise et que le cœur n’arrive point à la foi (Romains 10.10).

Il n’est pas nécessaire de voir là une action immédiate et magique du malin. Les moyens par lesquels il agit abondent et dans l’homme même et en dehors, dans le monde (comparer sur cet enseignement verset 39, note).

20 Et celui qui a reçu la semence dans des endroits rocailleux, c’est celui qui entendant la parole, et la recevant aussitôt avec joie, 21 n’a cependant point de racine en lui-même, mais n’est que pour un temps ; et lorsque l’affliction ou la persécution survient à cause de la parole, il y trouve aussitôt une occasion de chute.

Ici, il y a progrès. Non seulement cet auditeur entend la parole, mais il en reçoit aussitôt des impressions qui le remplissent de joie.

La parole divine est si puissante, la vérité si belle, l’Évangile si plein de charmes ! Mais ce sont là des impressions superficielles, point de racines profondes en lui-même c’est-à-dire dans la conscience par la repentance, dans le cœur par la foi, tout cela est passager pour un temps.

Et comme le soleil brûle et dessèche la semence verdoyante (verset 6), il suffit de quelque affliction ou de quelque persécution qu’il faudrait endurer à cause de la parole, pour que ce caractère faible et léger (grec) se scandalise aussitôt, c’est-à-dire y trouve une occasion de chute. Il se retire, dit Luc.

Il faut remarquer comment ce dernier aussitôt correspond bien au premier (verset 20).

22 Et celui qui a reçu la semence parmi les épines, c’est celui qui entend la parole ; mais les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent la parole ; et elle devient infructueuse.

Sur ce troisième terrain, il y a progrès encore (comparer verset 7, note).

La parole entendue n’est ni enlevée ni reniée, comme dans les deux cas qui précèdent elle persiste ; mais d’autres forces, figurées par les épines, agissent avec elle et lui disputent le cœur de l’homme. Ces forces sont, d’une part, les soucis du siècle, c’est-à-dire de ce monde qui en est rempli, soit pour le pauvre, soit pour le riche ; d’autre part, la séduction qu’exerce la richesse, ici personnifiée et qui trompe ses dupes en leur promettant le bonheur (comparer Matthieu 6.19 ; 1 Timothée 6.9).

La parole est ainsi étouffée au dedans du cœur et ne peut produire ses fruits de régénération et de vie.

Mais ce n’est qu’au jour de la moisson qu’apparaîtra cette triste stérilité. Jusque-là, que d’illusions possibles !

23 Et celui qui a reçu la semence dans la bonne terre, c’est celui qui entend et comprend la parole, qui, par conséquent, porte du fruit, et un grain en produit cent, l’autre soixante, l’autre trente.

La bonne terre n’est ici caractérisée que par les résultats, comme les autres espèces de terrain qui précèdent.

D’après Luc, Jésus l’aurait interprétée par un cœur honnête et bon, qui retient la parole et la rend fructueuse.

Matthieu indique les mêmes effets par ces trois degrés : entendre, comprendre, porter du fruit.

Ce dernier résultat montre assez que comprendre n’est pas une action purement intellectuelle, mais que, puisqu’il y a du fruit dans la vie morale, la parole a du pénétrer dans la conscience, où elle produit la repentance et dans le cœur, où elle crée l’amour.

C’est ce qui est finement indiqué dans le texte original par une particule que nos versions ordinaires, même celle de Lausanne, ne traduisent pas du tout, mais que Rilliet n’a pas négligée. Celui qui entend et comprend comme il faut porte du fruit par une conséquence toute naturelle, en porte certainement.

Quant à l’abondance de ce fruit, elle est exprimée simplement par ces termes employés dans l’image (verset 8) et qui n’ont pas besoin d’explication : cent, soixante, trente. Et ainsi la fin de l’interprétation se confond, d’une manière gracieuse, avec la fin de la parabole même.

24 Il leur proposa une autre parabole, disant : Le royaume des cieux est semblable à un homme qui a semé de bonne semence dans son champ.

L’ivraie dans le champ

Il arrive dans le royaume des cieux ce qui arriva à un homme qui avait semé de bonne semence dans son champ ; pendant la nuit, son ennemi vint et y répandit de l’ivraie, qui parut dès que l’herbe eut poussé. Ses serviteurs étonnés lui demandent d’où vient cette ivraie et lui offrent d’aller la cueillir. Mais il le leur défend, craignant qu’en cueillant l’ivraie, ils ne déracinent aussi le blé. Il ordonne de les laisser croître ensemble jusqu’à la moisson et alors aura lieu le triage (24-30).

Le grain de sénevé

Ou la puissance d’expansion du royaume. Les progrès du royaume des cieux sont semblables à la croissance d’un grain de sénevé semé dans un champ. Cette petite semence produit un arbre assez grand pour que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses branches (31-32).

Le levain

Ou la puissance de pénétration et de transformation du royaume. Jésus compare les progrès du règne de Dieu à du levain qu’une femme mêle à trois mesures de farine et qui suffit pour faire lever toute la pâte (33).

Jésus n’enseigne que par paraboles

Jésus n’enseignait alors que par des paraboles, accomplissant ainsi la parole d’un prophète (34-35).

Explication de la parabole de l’ivraie

Quand Jésus eut quitté la foule et fut rentré dans la maison, ses disciples le prièrent de leur expliquer la parabole de l’ivraie. Il leur donne brièvement l’interprétation de chaque trait, puis il tire de là une redoutable prédiction de ce qui se passera au jour du jugement (36-43).

Le développement du Royaume, paraboles de l’ivraie, du grain de sénevé et du levain (24-43)

Le Seigneur propose une parabole qui n’est pas sans analogie avec la précédente, mais qui en agrandit l’horizon en révélant qu’un double ensemencement s’opère, dont les résultats sont opposés dans le monde entier. Rien de plus grand que cette instruction, rarement bien comprise parce qu’elle soulève des questions fort difficiles. Arrêtons-nous d’abord simplement au sens littéral et attendons l’explication du Maître (verset 37 et suivants).

Le texte reçu porte : un homme qui sème ; il faut, d’après une variante, a semé. Ces semailles ont déjà eu lieu au moment où la parabole commence. Par la même raison on lit dans l’original : le royaume des cieux a été assimilé à… Toute cette grande action avait commencé depuis longtemps par la présence de cet homme divin qui semait en tout lieu. Aussi la parabole ne commence-t-elle pas, comme on l’aurait attendu, par ces mots : « Le royaume des cieux est semblable à un champ, où… » mais par ceux-ci : à un homme, de qui tout dépend et sur lequel toute l’attention doit se porter (comparer verset 37).

25 Mais, pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie parmi le blé, et s’en alla.

Grec : selon une variante très autorisée : « sema de l’ivraie par-dessus, ou sursema », après que la bonne semence eut été jetée, en terre.

Et l’ennemi a bien soin que son ivraie soit parmi le blé.

Il n’est pas dit que les hommes qui dormaient soient les serviteurs du maître du champ, ce sont plutôt les hommes en général et leur sommeil indique simplement aussi que l’action de l’ennemi se passe durant la nuit, dans les ténèbres (comparer Marc 4.27). Il ne faut donc pas, dans l’application de ce trait, imputer à ces hommes un manque de vigilance, de la paresse, etc. Jésus ne le fait pas dans l’interprétation (voir verset 37 et suivants).

L’ivraie est une plante de la famille des graminées (lolium), dont le fruit est malsain et produit une sorte d’ivresse (ces deux mots ont la même étymologie) et qui, soit en herbe, soit en épi, ressemble beaucoup au blé. C’est ce qui peut expliquer la crainte exprimée au verset 29.

Dans le vieux langage, l’ivraie s’appelait, d’après le grec, zizanie ; de là l’expression tirée de notre parabole : semer la zizanie.

26 Or quand l’herbe eut poussé et eut produit du fruit, alors l’ivraie parut aussi. 27 Et les serviteurs du maître de la maison vinrent à lui et lui dirent : Seigneur, n’as-tu pas semé de bonne semence dans ton champ ? D’où vient donc qu’il porte de l’ivraie ? 28 Et il leur répondit : C’est un ennemi qui a fait cela. Et les serviteurs lui dirent : Veux-tu donc que nous allions la cueillir ?

Grec : un homme ennemi. Dans le sens littéral de la parabole il s’agit réellement d’un homme qui haïssait le maître du champ (verset 25) et qui voulait lui nuire.

Les serviteurs au contraire prennent intérêt à la moisson future et leurs deux questions (versets 27 et 28) sont l’expression de leur douleur.

29 Mais il dit : Non, de peur qu’en cueillant l’ivraie, vous ne déraciniez le blé en même temps.

La raison de cette défense est facile à comprendre : les racines de l’ivraie et celles du blé sont entrelacées, de sorte qu’on ne peut arracher l’une sans courir le risque de déraciner l’autre.

Faut-il ajouter que le maître n’a pas une telle confiance dans le discernement de ses serviteurs, qu’il ne puisse craindre, vu la ressemblance des deux plantes plus d’une erreur de leur part ? Peut-être, même dans le sens littéral de la parabole et bien certainement dans son application (voir versets 25 et 28 notes).

30 Laissez-les croître tous deux ensemble jusqu’à la moisson ; et au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Cueillez premièrement l’ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler ; mais, quant au blé, amassez-le dans mon grenier.

Au temps de la moisson (verset 39), il n’y aura plus aucun danger d’erreur ; la séparation pourra avoir lieu et elle se fera infailliblement, non par des hommes, mais par des anges (verset 41).

En attendant, il faut les laisser croître tous deux ensemble et par là même il reste une possibilité que la parabole ne pouvait pas statuer, mais qui est bien réelle dans le règne de Dieu en ce monde : c’est que

ceux qui aujourd’hui sont ivraie, demain soient froment.
— Augustin
31 Il leur proposa une autre parabole, disant : Le royaume des cieux est semblable à un grain de sénevé, qu’un homme a pris et semé dans son champ. 32 C’est bien la plus petite de toutes les semences, mais quand il a crû, il est plus grand que les légumes et devient un arbre, tellement que les oiseaux du ciel viennent et s’abritent dans ses branches.

La plante appelée sénevé, ou moutarde, provient d’une très petite semence, mais s’élève, en Orient, à une certaine hauteur et devient touffue comme arbre, tout en restant dans l’espèce des légumes (voir Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, Le lac de Génézareth, 7e édition, page 365).

Ce que le Sauveur veut relever par cette image, c’est la petitesse du royaume des cieux dans son origine, ses commencements et ses moyens et la grandeur de ses développements et de ses effets.

Ces caractères se vérifient dans toute l’histoire du règne de Dieu : Moïse, petit enfant dans son berceau de jonc et son œuvre immense durant tant de siècles ; la crèche de Bethléhem et la création nouvelle accomplie dans notre humanité ; les douze apôtres et l’établissement du règne de Dieu dans le monde. Et combien souvent l’évangélisation de tout un pays devenu chrétien, a-t-elle commencé par des moyens tout à fait inaperçus ! Voir l’histoire des missions. Toujours la très petite semence devenant un grand arbre. Rien de plus propre à affermir la foi et à relever les espérances dans les temps de découragement (comparer Zacharie 4.1 et suivants).

S’il faut donner un sens spirituel au trait charmant de ces oiseaux qui viennent s’abriter dans ses branches, ne le trouvera-t-on pas dans cette foule d’hommes qui, sans appartenir de cœur au règne de Dieu, jouissent pourtant des lumières de l’Évangile et des bienfaits de la civilisation chrétienne ?

33 Il leur dit une autre parabole : Le royaume des cieux est semblable à du levain, qu’une femme a pris et caché parmi trois mesures de farine, jusqu’à ce que tout fût levé.

Cette parabole a beaucoup d’analogie avec la précédente, mais elle en diffère par plusieurs traits. Elle révèle aussi la croissance mystérieuse du règne de Dieu, mais au dedans, plus qu’à l’extérieur.

Le levain caché dans la pâte, c’est la vie divine agissant lentement, mais constamment par la puissance qui lui est propre, jusqu’à ce que tout l’homme moral, toute la vie humaine, dans l’individu, la famille et la société, en soient pénétrés et sanctifiés.

34 Toutes ces choses, Jésus les dit en paraboles aux foules, et il ne leur disait rien sans parabole ;

Tel est le texte le plus autorisé : (comparer toutefois Marc 4.34).

Jésus, dans ce moment, employait exclusivement cette forme de discours, par la raison indiquée aux verset 11 et suivants.

35 afin que fût accompli ce qui a été dit par le prophète : J’ouvrirai ma bouche en paraboles, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde.

Ce prophète, c’est le psalmiste Asaph, à qui l’Ancien Testament donne aussi le titre de voyant, ou prophète (2 Chroniques 29.30).

On sait par les écrits de plusieurs Pères, Clément d’Alexandrie, Eusèbe, Jérôme, que quelques manuscrits très anciens portaient : « par le prophète Ésaïe ». Ils nous apprennent même que Porphyre se prévalait de cette faute pour accuser Matthieu d’ignorance.

Mais ces mêmes Pères renvoient l’accusation à des copistes inintelligents et presque tous les témoignages critiques actuellement connus, omettent le nom d’Ésaïe. Malgré cela, Tischendorf, qui l’avait toujours rejeté, l’a admis dans sa huitième édition sur l’autorité du Sin.

Psaumes 78.2, librement cité. L’hébreu dit : « des choses cachées (littéralement énigmatiques) dès les temps anciens ».

Les Septante : « des sentences (ou problèmes) dès le commencement », terme que Matthieu rend par celui-ci : dès la fondation (Plusieurs manuscrits omettent du monde, qui du reste s’entend de soi-même).

Ce ne sont proprement ni des paraboles ni des énigmes qui se trouvent dans ce Psaume ; mais comme Asaph y chante les principaux événements de la vie de son peuple pour en tirer de sérieuses instructions, il peut à bon droit considérer cette histoire comme une grande parabole et les enseignements religieux qu’elle renferme comme des choses cachées qu’il faut savoir y découvrir.

Et c’est de même que Jésus, dans ses paraboles, nous dévoile les grandes vérités du royaume de Dieu qui sont comme cachées, soit dans la nature, soit dans la vie humaine, où il puise les sujets de ses similitudes.

36 Alors, ayant renvoyé la foule, il entra dans la maison ; et ses disciples s’approchèrent de lui, disant : Explique-nous la parabole de l’ivraie du champ.

La maison, celle dont il est parlé au verset 1

37 Il répondit et dit : Celui qui sème la bonne semence, c’est le fils de l’homme.

Le fils de l’homme (voir sur ce terme Matthieu 8.20, note).

Avec quelle assurance Jésus attribue à son action sur ce monde, tout le bien qui s’y trouve, tous les « fils du royaume » (verset 38) ! Dans la parabole du semeur, où il s’agit de répandre dans la terre une semence qui représente la « Parole de Dieu », Jésus-Christ, tout en restant le premier et le grand semeur, peut considérer tous ses serviteurs fidèles comme des continuateurs de son œuvre. Mais ici, où cette semence représente des hommes « engendrés par la parole de la vérité » (Jacques 1.18), productions vivantes de la première semence, créations de l’Esprit de Dieu, le Sauveur est le seul qui puisse en remplir ce champ qui est le monde ; en ce sens, semer la bonne semence est son œuvre exclusive.

Cette œuvre, il l’a accomplie de tout temps, comme Parole éternelle au sein de notre humanité (Jean 1.3) ; il l’accomplissait alors sur la terre, où il était venu opérer une création nouvelle et il l’accomplira jusqu’à la fin des temps.

38 Le champ, c’est le monde. La bonne semence, ce sont les fils du royaume. L’ivraie, ce sont les fils du malin.

Le monde ! il faut donner une attention particulière à cette parole qui est la clef de notre parabole.

Jésus n’entend point par là, comme on l’a cru souvent, la partie mauvaise, mondaine de l’humanité (Jean 17.16 ; 1 Jean 2.15), par opposition au peuple de Dieu ; mais bien cette humanité tout entière, que le Seigneur appelle à bon droit son champ ou son royaume (verset 41) et qui est destinée par la miséricorde divine (Jean 3.16) à recevoir la bonne semence et à devenir le « royaume des cieux » (verset 24).

De tout temps il y a eu des interprètes qui, méconnaissant ce trait fondamental de notre parabole : le champ c’est le monde, y ont substitué de diverses manières ce sens tout différent : le champ c’est l’Église.

Alors, en présence de la question empressée des serviteurs : « Veux-tu que nous allions la cueillir » ? Et de la réponse catégorique de Jésus « Non » (versets 28 et 29) ! Ils se sont résignés à ne voir dans l’Église chrétienne que cette confusion perpétuelle de l’ivraie et du froment, des « fils du royaume » et des « fils du malin » (verset 38), dont le monde offre le spectacle et dont notre parabole serait l’image.

Ainsi Calvin, malgré ses principes rigoureux de discipline, assez peu conciliables avec la défense de Jésus s’il s’agit ici de l’Église, se console de la confusion qui y reste, en écrivant ces mots :

Mais cette solution doit nous suffire que Christ ne parle point ici (dans sa défense) de l’office des pasteurs ou des magistrats, mais ôte seulement le scandale qui trouble les infirmes, quand ils voient que l’Église ne consiste pas seulement en des élus, mais qu’il y a aussi des méchantes canailles.
— commentaire sur cette parabole

D’autre part, il y a eu toujours, depuis les donatistes d’Afrique jusqu’aux hommes du Réveil, des chrétiens qui ont pensé pouvoir constituer des Églises triées, soumises à une sévère discipline, estimant que la défense de Jésus ne concernait que le monde, c’est-à-dire l’humanité rebelle et hostile à l’Évangile.

Mais ce mot, dans la pensée du Sauveur, avait une signification plus étendue et plus universelle, embrassant l’humanité tout entière, dans laquelle la puissance des ténèbres est en lutte constante avec l’Évangile du salut.

Voici dès lors ce que le Maître prescrit à ses serviteurs, dans des vues pleines de sagesse et de miséricorde. Il ne leur demande pas de voir avec indifférence l’erreur, le mensonge, le péché, toutes les corruptions et les iniquités que l’ennemi du royaume de Dieu sème dans le monde ; il leur ordonne au contraire de les combattre avec toute la puissance et l’énergie que donnent les armes spirituelles de la Parole et de l’Esprit de Dieu.

Mais ce qu’il leur interdit d’une manière absolue, c’est de recourir dans cette lutte aux armes charnelles, d’y faire intervenir le pouvoir séculier, d’employer la contrainte, d’user de moyens matériels de répression et de propagande.

La raison de cette interdiction est indiquée par la parabole : le froment et l’ivraie représentent des hommes (verset 38) ; or, arracher celle-ci, la détruire avant le temps, ce serait exercer un jugement qui n’appartient qu’à Dieu. Ce que Jésus prévoyait (verset 29) est toujours arrivé : en s’imaginant cueillir l’ivraie, ces serviteurs, désobéissant à l’ordre du maître, ont arraché le froment. Ce sont les esprits les plus nobles, les plus indépendants, les plus pieux qui sont devenus leurs victimes.

Qui ne voit quelle lugubre série de persécutions, d’iniquités et de crimes eût été épargnée à l’humanité, si tous avaient compris et observé cette seule parole de Jésus : Laissez-les croître ensemble jusqu’à la moisson !

Ce mélange, tout affligeant qu’il est, doit servir au salut des uns, à l’épreuve et à la patience des autres. Mais la confusion ne durera pas toujours ; il vient, le jour de la moisson (verset 30) et alors ce que les serviteurs désirent sera accompli, non par des hommes faillibles et pécheurs, mais par la main des anges exécutant la justice de Dieu (versets 40-43).

Dans la parabole du semeur, la semence est la parole de Dieu, tombant dans le cœur d’hommes diversement disposés. Ici, c’est cette même parole qui a produit des effets contraires selon qu’elle a été reçue ou repoussée ; et ces effets de la parole divine sont identifiés dans un langage plein de hardiesse avec les hommes eux-mêmes qui les éprouvent.

Les uns sont fils du royaume ; ils y ont été introduits et ont été engendrés par la parole, ils sont animés de l’esprit de ce royaume (voir sur ce terme Matthieu 3.2, note).

Les autres sont fils du malin, de celui qui sème l’ivraie (verset 39) ; ils sont sous son influence (verset 19), animés de son esprit (comparer Jean 8.44 ; 1 Jean 3.8-10).

39 L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable. La moisson, c’est la consommation du temps ; et les moissonneurs sont les anges.

Les serviteurs, qui, dans la parabole, représentent les disciples de Jésus, avaient demandé avec étonnement et douleur : D’où vient qu’il y a de l’ivraie ?

Maintenant que nous savons ce qu’est le champ, nous pouvons dire que c’est là la question des questions, le problème désolant de toute philosophie et de toute théologie : d’où vient le mal dans ce monde qui est le champ de Dieu et où il n’a pu semer que le bien ?

La réponse du Sauveur est la seule vraie théodicée. Elle écarte d’un mot tous les systèmes qui, d’une façon ou d’une autre, font remonter le mal jusqu’à Dieu et qui par là touchent au blasphème.

Le mal ne vient pas non plus de l’homme, il n’est pas essentiel à sa nature : donc il y a pour lui espoir de guérison. Il vient du dehors, d’un ennemi qui est le diable.

Cet enseignement de Jésus est conforme à toute l’Écriture, conforme aussi à la saine raison :

Le péché, qui n’existe que dans une volonté vivante et personnelle, ne peut avoir son origine que dans une volonté personnelle qui en a été la source.
— R. Stier

Si l’on objecte que cette solution ne fait que reculer la question, nous y consentons. Mais l’exégèse n’a pas à remonter plus haut. Ceux qui voudront le faire, trouveront toujours une solution possible et rationnelle dans la volonté d’un être libre qui, dès lors, d’ange peut devenir démon.

Quelque opinion qu’on veuille donc se faire sur l’existence personnelle de cet ennemi, nul ne peut nier que Jésus ne l’enseigne de la manière la plus positive. Même la fausse théorie d’une accommodation aux préjugés de son siècle est ici parfaitement inadmissible.

En effet :

  1. Jésus fait entendre cette déclaration précise, non dans la parabole, mais pour expliquer la parabole et nous en indiquer le sens.
  2. Rien ne provoque cette déclaration, donnée spontanément, non devant le peuple, mais dans le cercle intime des disciples (verset 36).
  3. Le diable est nommé comme l’auteur personnel d’une action positive, comme source et origine du mal dans le monde, par opposition à un autre être personnel, le fils de l’homme, auteur et origine du bien.

Nous ne nions pas qu’on puisse être chrétien sans admettre l’existence personnelle du diable, mais on ne peut nier non plus que pour cela il faille fausser tous les principes d’une saine exégèse ou rejeter l’autorité de Jésus-Christ lui-même.

Grec : la consommation ou l’achèvement du siècle (aïôn), c’est-à-dire du temps actuel, de la période qui doit s’écouler jusqu’au retour de Christ pour le jugement définitif.

C’est ce que nos versions rendent par le terme peu exact de fin du monde. Comparer Matthieu 13.40-49 ; Matthieu 24.3 ; Matthieu 28.20 ; Hébreux 9.26.

Comparer Matthieu 24.31 ; Matthieu 25.31.

40 Comme donc on arrache l’ivraie, et qu’on la brûle dans le feu, il en sera de même à la consommation du temps. 41 Le fils de l’homme enverra ses anges, qui arracheront de son royaume tous les scandales, et ceux qui font l’iniquité.

C’est-à-dire tout le mal et tous ceux qui le commettent.

Le royaume sera purifié, élevé à la perfection. C’est l’œuvre que le Sauveur avait interdite à ses pauvres serviteurs (verset 29) !

Ses anges, son royaume : majesté du fils de l’homme.
— Bengel
42 Et ils les jetteront dans la fournaise du feu ; là seront les pleurs et le grincement des dents.

La fournaise du feu qu’il ne faut pas matérialiser, est l’achèvement de l’image de l’ivraie qu’on brûle (verset 40).

Cette nouvelle expression figurée n’en représente pas moins une vive souffrance.

Les derniers et terribles termes de ce verset dépeignent un profond désespoir (comparer Matthieu 8.12).

43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Que celui qui a des oreilles entende !

Image magnifique de la gloire céleste, à laquelle auront part les justes (comparer Daniel 12.3).

Mais les derniers mots : dans le royaume de leur Père, montrent qu’au sein de cette gloire le vrai élément de la félicité sera l’amour éternel de Dieu. Quel contraste avec les images du verset 42 !

Mais pourquoi le Sauveur qui vient d’appeler son royaume (verset 41) ce champ du monde, qu’il purifie de toute souillure, le nomme-t-il maintenant le royaume du Père ?

L’apôtre Paul a répondu : c’est qu’alors la fin sera venue et le Médiateur, après avoir « aboli tout empire et toute puissance et toute force aura remis le royaume à Dieu le Père, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15.24-28).

Tel est le terme glorieux des destinées de notre humanité. Ces destinées sont tout entières dépeintes dans cette grande parabole, depuis l’origine du mal et du bien et du douloureux mélange de l’un et de l’autre, jusqu’à la journée où ce mystère sera résolu par le rétablissement du royaume de Dieu dans la perfection !

En présence de telles pensées, il y a une grande solennité dans ce dernier appel du Sauveur Que celui qui a des oreilles, entende !

44 Le royaume des cieux est encore semblable à un trésor caché dans un champ, qu’un homme a trouvé, et qu’il a caché ; et de la joie qu’il en a, il s’en va, et vend tout ce qu’il a, et achète ce champ.

  1. Jésus compare le royaume des cieux à un trésor caché dans un champ ; un homme le trouve par hasard et tout joyeux, il vend tout ce qu’il a pour acheter ce champ (44).
  2. Le royaume des cieux ressemble aussi à un marchand qui cherche des perles précieuses et qui, en ayant trouvé une de grand prix, vend tout ce qu’il possède et l’achète (45-46).
  3. Il compare encore son royaume à un filet jeté dans la mer, lequel se remplit de choses bonnes et de mauvaises et que les pêcheurs amènent sur le rivage pour recueillir les unes et rejeter les autres. Telle sera la séparation, au jour du jugement (47-50).
  4. Conclusion : Jésus demande à ses disciples s’ils ont compris ces paraboles. De leur réponse affirmative il conclut qu’ils doivent, imitant son exemple, tirer de leur trésor des choses nouvelles et des choses anciennes (51-52).

Le prix du Royaume et sa consommation finale, paraboles du trésor caché, de la perle, du filet, conclusion (44-52)

Le sens littéral de cette parabole est simple : un homme a découvert un trésor caché, enfoui dans un champ (grec le champ) ; il l’a caché de nouveau, enterré, afin que nul ne se doute de sa trouvaille.

Les verbes au passé indiquent l’expérience faite. Tout à coup ils sont mis au présent et dépeignent vivement la suite de l’action qui s’accomplit sous l’impression de la joie : il va, il vend tout, il achète le champ.

On peut soulever, à ce propos, une question de droit, qui, dans la vie ordinaire, ne serait certainement pas résolue en faveur d’un tel procédé. Mais Jésus n’a pas à s’en occuper, parce que, dans la signification religieuse de son récit, cette question ne se présente pas du tout (comparer la conduite de l’économe infidèle, Luc 16.1-8). En effet, le champ disparaît ; c’est arbitrairement que des interprètes ont prétendu y voir l’Écriture sainte ou l’Église.

Toute l’attention se reporte sur le trésor, les richesses impérissables de l’Évangile de la grâce, qu’on peut acquérir sans faire tort à personne, mais que nul n’obtient sans faire le sacrifice de tout ce qu’il a en propre.

La parabole, tout en figurant le prix infini du royaume, enseigne l’obligation pour chacun de se l’approprier personnellement et les conditions auxquelles il peut en prendre possession.

Elle montre enfin ce qui rend l’homme capable du renoncement complet qu’il doit pratiquer pour acquérir ce trésor : c’est la joie de sa possession nouvelle, la joie du salut. Le cœur ne se dépouille jamais d’un amour que par un amour plus grand, plus puissant !

45 Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de belles perles ; 46 et ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en est allé, a vendu tout ce qu’il possédait, et l’a achetée.

Une perle (grec une seule) de grand prix ; voilà encore la cause du dépouillement volontaire.

Cette parabole a donc le même sens que la précédente, avec cette différence que dans la première l’homme trouve simplement le trésor, tandis que dans la seconde, il l’a cherché.

Diversité des voies de Dieu pour amener les âmes au salut, selon leurs besoins et leurs capacités.

47 Le royaume des cieux est encore semblable à un filet qui a été jeté dans la mer, et qui a ramassé des poissons de toutes sortes ; 48 et quand il fut rempli, les pêcheurs le tirèrent sur le rivage ; et s’étant assis, ils recueillirent dans des vases ce qui était bon, et jetèrent dehors ce qui était mauvais. 49 Il en sera de même à la consommation du temps : les anges sortiront et sépareront les méchants du milieu des justes, 50 et ils les jetteront dans la fournaise du feu ; là seront les pleurs et le grincement des dents.

Cette parabole nous présente le royaume arrivé au terme de son développement et nous montre comment il passera de sa période historique à son existence parfaite et définitive. Elle reprend ainsi la dernière pensée de la parabole de l’ivraie. Elle nous transporte à l’époque qui est appelée dans celle-ci : « le temps de la moisson ».

Le royaume s’est étendu sur toute la terre, l’Évangile a été prêché à toute créature ; le temps de l’épreuve est achevé (Remarquez tous les verbes au passé).

Le filet est tiré et le triage de son contenu commence. Un jugement définitif sépare les justes et les méchants, qui jusque-là étaient confondus dans le royaume. Ce triage se fait avec calme et solennité. Les pêcheurs se sont assis pour opérer sans hâte le partage (comparer Matthieu 25.31. Sur les versets 49 et 50, voir versets 39-42, notes).

51 Avez-vous compris toutes ces choses ? Ils lui répondirent : Oui.

Le texte reçu ajoute les mots : Jésus leur dit, au commencement du verset et le mot : Seigneur, après le oui des disciples.

Bien que ces mots s’appuient sur des autorités importantes, on s’explique mieux qu’ils aient été ajoutés que retranchés et les critiques s’accordent généralement pour les supprimer.

Le sens reste le même. Jésus veut s’assurer que ses disciples ont compris toutes ces choses, c’est-à-dire les instructions profondes qu’il vient de leur donner par ses paraboles. Le but de sa question est, en outre, d’ajouter une nouvelle instruction pratique (verset 52).

Les disciples répondent naïvement et sincèrement oui, bien que ce qu’ils venaient d’entendre dépassât de toutes manières l’intelligence qu’ils en avaient alors.

52 Et il leur dit : C’est pourquoi tout scribe qui a été instruit pour le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes.

Conséquence tirée de la réponse des disciples (c’est pourquoi). Jésus prend ici le mot de scribe ou docteur de la loi (voir sur ce titre Matthieu 23.2), en un sens général, favorable et l’applique à ses propres disciples. D’après leur réponse (verset 51), il suppose qu’ils sont instruits (ou grec ont été faits disciples) pour le royaume des cieux (comparer Matthieu 3.2, note).

Or quel usage doivent-ils faire de ce grand privilège ? Celui que fait un maître de maison de son trésor : il en tire, selon le besoin de sa famille, des choses nouvelles et des choses anciennes, récemment acquises ou dès longtemps possédées.

Quel est le sens de cette image ?

Tout d’abord, Jésus fait ainsi allusion à ses paraboles, par lesquelles il révèle des vérités nouvelles sous les emblèmes de choses anciennes, comme la nature, la vie humaine, etc.

Mais la pensée du Sauveur va plus loin, il n’a pas en vue seulement la forme et la méthode de l’enseignement que ses disciples devront donner après lui, il considère le fond, la matière de cet enseignement : la loi ancienne élevée à la perfection (Matthieu 5), la prophétie et son accomplissement, les commandements anciens pratiqués dans un esprit et un amour nouveaux (1 Jean 2.7-8), les expériences nouvelles de vérités anciennes, tout formera leur trésor, qu’ils devront utiliser fidèlement pour d’autres.

Tout ce qui appartient au royaume de Dieu est à la fois ancien et nouveau, parce que ce royaume c’est la vie divine se réalisant perpétuellement dans l’âme humaine jusqu’à la perfection (Apocalypse 21.5).

53 Et il arriva, lorsque Jésus eut achevé ces paraboles, qu’il partit de là. 54 Et étant venu dans sa patrie, il les enseignait dans leur synagogue ; de sorte qu’ils étaient frappés d’étonnement, et qu’ils disaient : D’où viennent à celui-ci cette sagesse et ces miracles ?

À Nazareth, appelé sa patrie parce que c’était celle de sa famille et qu’il y avait été élevé.

Marc (Marc 6.1 et suivants) rapporte cette visite à Nazareth après la résurrection de la fille de Jaïrus, avant l’envoi des disciples. Matthieu paraît lui assigner une époque plus tardive.

Quant au récit que Luc (Luc 4.16 et suivants) place au commencement du ministère de Jésus et que plusieurs interprètes identifient avec celui de Matthieu et de Marc, il en diffère beaucoup trop par les traits les plus essentiels pour que cette identification soit probable (voir Godet, Commentaire sur Saint Luc, 3e édition, p. 327).

Grec : ces puissances, actes accomplis par la puissance divine (comparer verset 58). C’est un des termes les plus fréquents pour désigner les miracles.

Ainsi, ce qui étonnait les habitants de Nazareth, c’était la sagesse de Jésus, dans son enseignement et sa puissance, dans l’action. Cet étonnement pouvait, chez quelques-uns, être accompagné de confiance et de foi, chez d’autres, il était tout charnel.

C’est ce que prouve ce mot méprisant : Celui-ci, aussi bien que les paroles qui suivent.

55 Celui-ci n’est-il pas le fils du charpentier ? Sa mère ne s’appelle-t-elle pas Marie, et ses frères, Jacques et Joseph et Simon et Jude ? 56 Et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous ? D’où lui viennent donc toutes ces choses ? 57 Et il était pour eux une occasion de chute. Mais Jésus leur dit : Un prophète n’est méprisé que dans son pays et dans sa maison.

Grec : ils se scandalisaient en lui.

Ce scandale venait de ce que Jésus leur paraissait trop pauvre, trop petit, trop connu à Nazareth dès son enfance pour être un envoyé de Dieu, le Messie. C’est là l’éternel scandale de la raison humaine en présence du Dieu-homme (comparer Jean 6.42).

Que sera-ce quand il faudra admettre la folie de la croix ?

Dans le récit de Marc, Jésus lui-même est appelé le charpentier et sûrement avec raison ; il pratiqua ce travail manuel dans sa jeunesse.

Ici et dans Marc, les sœurs de Jésus sont nommées avec ses frères, comme appartenant à la famille du charpentier et de Marie.

Comment donc admettre que ces frères et ces sœurs ne le fussent pas en effet (comparer Matthieu 12.46, note) ?

Sur le nom d’un des frères de Jésus, les manuscrits varient entre Josès et Joseph. Ce dernier nom est plus autorisé dans Matthieu, le premier l’est plus dans Marc.

Expression proverbiale d’une grande vérité (Jean 4.44). On a peine à regarder des yeux de la foi ceux qu’on est habitué à voir des yeux de la chair.

58 Et il ne fit pas là beaucoup de miracles, à cause de leur incrédulité.

Jésus avait guéri là quelques malades (Marc 6.5) et ces guérisons produisirent l’impression décrite ci-dessus (verset 54), mais l’incrédulité de ceux qui l’entouraient mit fin à cette action puissante.

Marc observe même que Jésus ne put plus faire d’autres miracles ; terme qui doit s’entendre dans son sens moral.

L’incrédulité se ferme à elle-même la source des grâces divines que la foi seule reçoit. Multiplier dans un tel milieu ses œuvres de puissance et d’amour n’eût été de la part de Jésus que rendre plus coupables ceux qui en auraient été les témoins.