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Matthieu 12
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Matthieu 12

Les épis arrachés

Les disciples, passant par un champ de blé le jour du sabbat, froissent des épis et en mangent pour apaiser leur faim. Accusé par les pharisiens d’avoir violé le sabbat, Jésus les justifie :

  1. par l’exemple de David mangeant, avec sa troupe, les pains de proposition ;
  2. par le service des sacrificateurs dans le temple au jour du sabbat ;
  3. en citant la Parole de Dieu, qui préfère la miséricorde au sacrifice ;
  4. en invoquant sa propre autorité sur le sabbat (1-8).

L’homme à la main sèche

Jésus se rend de là à la synagogue. Il s’y trouvait un homme ayant une main paralysée. Les pharisiens demandent à Jésus, afin de pouvoir l’accuser, s’il est permis de guérir le jour du sabbat. Il leur demande à son tour quel est celui d’entre eux qui ne retire sa brebis tombée dans une fosse le jour du sabbat ? Et il ne serait pas permis de faire du bien à un homme ! Alors il ordonne au malade d’étendre sa main et il le guérit. Les pharisiens, étant sortis, consultent pour le faire mourir (9-14).

Guérisons, interdiction de les publier, prophétie accomplie

Jésus, connaissant leurs desseins, se retire dans la solitude, suivi par la multitude, dont il guérit tous les malades. Il leur défend de proclamer ses œuvres, afin que soit accomplie la prophétie d’Ésaïe sur le bien-aimé de Dieu, sur sa douceur et sa tendre charité (15-21).

1 En ce temps-là, Jésus passa par les blés un jour de sabbat ; or ses disciples eurent faim ; et ils se mirent à arracher des épis et à manger.

Attitude des pharisiens et des chefs du peuple (chapitre 12)

Versets 1 à 21 — Jésus est à deux reprises accusé de violer le sabbat, guérisons accomplies

En ce temps-là est une de ces expressions vagues qu’emploie Matthieu et qui désignent plutôt la suite de son récit qu’une chronologie régulière.

En effet, Marc et Luc placent les deux traits suivants, relatifs au sabbat, à une époque antérieure. Mais les trois évangiles concordent pleinement, d’abord en nous montrant dans ces faits la première manifestation de l’hostilité pharisaïque, qui allait se développer jusqu’au dénouement sanglant du ministère de Jésus ; et ensuite en rapportant cet enseignement de Jésus au sujet du sabbat, proféré avec une autorité divine qui domine les institutions légales elles-mêmes (verset 8).

Au point de vue du droit légal, l’action des disciples était permise en soi (Deutéronome 23.25) ; mais elle avait lieu le jour du sabbat, là était le péché, selon les minutieuses observances pharisaïques (verset 2. Comparer d’ailleurs Exode 16.22-30).

2 Or les pharisiens, voyant cela, lui dirent : Voici, tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire le jour du sabbat. 3 Mais il leur dit : N’avez-vous pas lu ce que fit David quand il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui : 4 comment il entra dans la maison de Dieu, et mangea les pains de proposition, qu’il ne lui était pas permis de manger, non plus qu’à ceux qui étaient avec lui, mais aux seuls sacrificateurs ?

Il y a dans cette question : N’avez-vous pas lu ? adressée à des pharisiens qui se croyaient si bien instruits dans la loi et répétée immédiatement après (verset 5) une fine ironie.

Le trait de la vie de David ici rappelé, se trouve 1 Samuel 21.6 et suivants Codex Sinaiticus, B, ont : ils mangèrent au lieu de il mangea.

Sur les pains de proposition, réservés aux seuls sacrificateurs, voir Lévitique 24.5-9 ; Exode 29.23-30  ; et sur la table sacrée où ils étaient exposés, Exode 37.10-16

Ce nom de proposition, ou présentation, est tiré de la version grecque des Septante, exprimant l’idée que ces pains, au nombre de douze, étaient chaque semaine présentés, offerts à l’Éternel comme le sacrifice du travail et de la vie du peuple.

En hébreu ils s’appelaient les pains des rangées, selon l’ordre où ils étaient exposés (Exode 40.23), ou les pains de la face (de l’Éternel, 1 Samuel 21.6).

Quant à l’argument que Jésus tire du fait cité, contre l’accusation des adversaires, ceux-ci n’eurent absolument rien à y répondre. Il s’agissait en effet pour David et pour le sacrificateur qui consentit à sa demande, de choisir entre l’observation d’un rite cérémoniel et la conservation de la vie d’un grand nombre d’hommes. Or la conclusion s’imposait d’elle-même et Jésus ne tarde pas à la tirer expressément (verset 11 ; comparez Marc 2.26, note).

5 N’avez-vous pas lu dans la loi que les jours de sabbat les sacrificateurs violent le sabbat dans le temple, et ne sont point coupables ?

Lu dans la loi que vous invoquez (Nombres 28.9-10).

Les sacrificateurs violent (grec profanent) le sabbat. Jésus parle au point de vue rigoriste des adversaires. C’est ce qui avait lieu par les divers travaux du service, des sacrifices etc., et cela, dans le temple (grec lieu saint), ce qui est plus grave encore. Et cependant, voyez l’inconséquence ! Vous admettez qu’ils ne sont point coupables. Ainsi Jésus confondait l’interprétation servilement littérale de la loi.

6 Or je vous dis qu’il y a ici quelque chose de plus grand que le temple.

Jésus a montré :

  1. Que l’action de David, beaucoup plus grave que celle des disciples (verset 1), était justifiée par la nécessité,
  2. que les travaux des sacrificateurs étaient sanctifiés par la sainteté du temple et de son service. « S’il en est ainsi, ajoute le Seigneur, mes disciples, employés à mon service, n’ont point violé la loi, car, je vous le déclare, il y a ici quelque chose de plus grand que le temple ».

Telle est la traduction littérale de cette parole d’après la vraie leçon.

Le texte reçu porte : « Il est ici un plus grand (au masculin) que le temple ».

L’adjectif neutre qu’emploie Jésus a un sens plus étendu, plus énergique encore. Dans le sentiment de la grandeur divine de sa personne et de son œuvre, sachant qu’il y avait dans sa présence sur la terre une manifestation de Dieu bien autrement complète et sainte que toutes celles dont le temple avait été le théâtre, qu’en un mot il était à tous égards quelque chose de plus grand que le temple, il considère l’action de ses disciples, accomplie à son service, comme plus sanctifiée encore que les travaux des sacrificateurs au jour du sabbat.

Ce n’est donc pas seulement dans l’Évangile de Jean Jean 2.19, mais bien aussi dans les synoptiques que Jésus-Christ se met, lui, au-dessus du temple et révèle sa divinité (comparer verset 8, note).

7 Et si vous saviez ce que signifie : Je veux la miséricorde et non le sacrifice, vous n’auriez pas condamné ceux qui ne sont point coupables.

Après avoir justifié ses disciples, Jésus dévoile aux adversaires par quelle mauvaise disposition de leur cœur ils venaient d’accuser, même de condamner des hommes non coupables.

C’était ce manque de miséricorde qui laissait leur cœur sec et dur au milieu de tous les sacrifices sur lesquels ils fondaient leur propre justice, sacrifices que Dieu ne veut pas dans cet esprit (Voir, sur cette citation d’Osée Osée 6.6, Matthieu 9.13).

8 Car le fils de l’homme est maître du sabbat.

Grec : Seigneur du sabbat.

Le texte reçu ajoute : « même du sabbat », mot qui n’est pas authentique ici, mais qui se trouve en Marc 2.28 et Luc 6.5, d’où il a été copié.

Ainsi l’autorité divine du Sauveur est au-dessus de la loi, qu’il interprète et observe selon l’Esprit de Dieu même. Dans ce sens les disciples de Jésus sont aussi maîtres du sabbat. Celui -ci a changé entièrement de caractère sous l’Évangile, qui est la source d’une vie de liberté et d’amour (comparer Jean 5.17 et suivants). Par ces mots, le Maître prend sur lui la responsabilité de ce qu’ont fait les disciples.

C’est sur la majesté de Christ que s’appuient l’innocence et la liberté des disciples.
— Bengel
9 Et étant parti de là, il vint dans leur synagogue.

D’après le récit de Matthieu, ce fut en ce même jour de sabbat que Jésus se rendit dans leur synagogue (la synagogue de ce lieu-là, ou de ceux qui avaient accusé les disciples).

Marc laisse la date incertaine, mais Luc dit positivement que ce fut « en un autre sabbat » très probablement le sabbat suivant. Les trois synoptiques placent ces deux faits à la suite l’un de l’autre, parce qu’ils avaient donné lieu à deux instructions analogues sur le sabbat.

10 Et voici, il s’y trouvait un homme qui avait une main sèche. Et ils l’interrogèrent disant : Est-il permis de guérir dans les jours de sabbat ? C’était afin de pouvoir l’accuser.

Séchée : par suite de la paralysie la circulation du sang s’était arrêtée dans ce membre et la vie s’en était retirée (comparer 1 Rois 13.4 ; Jean 5.3).

Par cette question captieuse, les adversaires ne voulaient pas seulement provoquer une réponse en paroles ou en théorie ; ils s’attendaient à ce que Jésus répondrait en guérissant le malade (Marc 3.2), Alors ils auraient une raison de l’accuser devant la synagogue ou le tribunal du lieu, non seulement d’avoir enseigné la violation du sabbat, mais de l’avoir violé en fait.

11 Mais lui leur dit : Quel sera l’homme d’entre vous qui aura une seule brebis, et qui, si elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisira et ne l’en retirera pas ? 12 Or, combien un homme ne vaut-il pas plus qu’une brebis ? Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat.

Grec permis de bien faire, dans le sens moral le plus étendu du mot. Or ce principe renfermait le devoir de délivrer un malheureux le jour du sabbat. Nier cette vérité c’était, de la part des pharisiens, faire du sabbat une institution légale sans aucune moralité et qui était la négation de la charité. Or, sans amour il n’y a point de religion.

Voir sur l’exemple si concluant d’une brebis (une seule !) tombée dans une fosse, Luc 14.5-6, notes.

13 Alors il dit à l’homme : Étends ta main. Et il l’étendit ; et elle fut rendue saine comme l’autre.

Ce fut la parole de Jésus : Étends ta main, qui (grec) rétablit ce membre malade et le rendit sain. Sans l’intervention de cette puissance divine, l’ordre lui-même eût été inexécutable.

Il faut lire les récits de Marc 3.1-6 et de Luc 6.6-11 pour bien comprendre tout ce qu’il y eut de dramatique dans cette scène (voir les notes).

14 Et les pharisiens étant sortis, tinrent conseil contre lui, afin de le faire périr.

On voit par le récit de Luc que les pharisiens, bien loin d’être persuadés par la vue de ce miracle en furent « remplis de fureur ».

Les trois évangélistes nous apprennent que dès ce moment les pharisiens résolurent de le faire périr (grec de le perdre) et cherchèrent les moyens et l’occasion d’exécuter leur dessein. Telle était, déjà alors, leur haine qui alla croissant jusqu’à la fin.

15 Mais Jésus, l’ayant su, se retira de là. Et beaucoup de gens le suivirent, et il les guérit tous ;

Jésus se retire en présence de l’opposition croissante, par le même sentiment d’humilité, de charité et de prudence qui se trouve si bien exprimé : dans les versets suivants.

Au lieu de beaucoup de gens (grec plusieurs) le texte reçu, avec C, D et la plupart des majuscules, porte de grandes foules.

Quoi qu’il en soit de la variante, il est évident que le mot « il les guérit tous » doit s’entendre des malades qui se trouvaient parmi le peuple.

16 et il leur défendit avec menaces de le faire connaître ;

Grec : de le manifester, lui, Jésus, c’est-à-dire de répandre sa renommée parmi le peuple, en publiant les guérisons qu’il venait d’accomplir. En présence de la haine des adversaires et de leurs desseins meurtriers (verset 14), le but de cette défense est parfaitement clair.

Ailleurs Jésus avait d’autres motifs encore (Matthieu 8.4, note).

17 afin que fût accompli ce qui avait été dit par Ésaïe le prophète, disant : 18 Voici mon serviteur, que j’ai élu, mon bien-aimé, en qui mon âme a pris plaisir. Je mettrai mon Esprit sur lui, et il annoncera le jugement aux nations. 19 Il ne contestera point, et ne criera point, et l’on n’entendra point sa voix dans les rues. 20 Il ne brisera point le roseau froissé, et il n’éteindra point le lumignon fumant, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement ; 21 et les nations espéreront en son nom.

Ésaïe 42.1-4. Ce que l’évangéliste veut montrer accompli, en citant ces belles paroles, ce sont les traits par lesquels l’Éternel caractérise le Messie : sa douceur, sa charité, son humilité, son amour du silence et de la retraite. Et c’est le motif que Matthieu donne de cette défense de Jésus de publier ses œuvres (verset 16). Mais il est évident que tous les autres traits de cette prophétie ne sont pas moins accomplis dans la personne et la vie du Sauveur.

Matthieu n’hésite pas à appliquer cette prophétie à Jésus-Christ et en cela il est d’accord avec les meilleurs commentateurs juifs, avec tout le Nouveau Testament, qui nous montre dans le « serviteur de l’Éternel » (Ésaïe 40 à 66) le Messie promis à Israël, enfin et surtout avec le Sauveur lui-même, qui a sanctionné de son autorité divine cette interprétation (Par exemple Luc 4.21). D’autres applications de notre passage, par exemple au prophète lui-même ou au peuple d’Israël, selon la traduction paraphrasée des Septante, n’ont donc aucun fondement.

Cette citation est faite très librement et de mémoire, en partie suivant l’hébreu, en partie suivant la version grecque des Septante, mais elle conserve bien la pensée générale du prophète.

Il est très remarquable que cette parole de Dieu parlant par la bouche du prophète : Mon bien-aimé en qui je prends plaisir, se retrouve littéralement dans les deux témoignages solennels rendus au Sauveur (Matthieu 3.17 ; Matthieu 17.5).

Quant à l’Esprit de Dieu répandu sans mesure sur le Sauveur, voir Ésaïe 11.2 ; Ésaïe 61.1 ; Matthieu 3.16.

Le jugement que le Messie devait annoncer aux nations, faire triompher (grec faire sortir en victoire), c’est la révélation de la justice de Dieu (Romains 1.17), qui a lieu dans la conscience humaine par la prédication de la vérité et de la grâce et qui se consommera au dernier jour, comme une victoire éternelle du règne de Dieu.

Un roseau froissé, un lumignon qui fume au lieu de jeter une flamme vive c’est l’image de ces pauvres en esprit (Matthieu 5.3), de ces âmes fatiguées et chargées (Matthieu 11.28) que le Sauveur ne brise point par la sévérité, mais qu’il relève, vivifie et sauve par son amour.

22 Alors lui fut amené un démoniaque aveugle et muet ; et il le guérit ; de sorte que l’aveugle et muet parlait et voyait.

Occasion de l’accusation des pharisiens

Jésus guérit un démoniaque aveugle et muet. À cette vue, la foule se demande s’il ne serait point le Messie. Mais des pharisiens déclarent qu’il ne chasse les démons que par le prince des démons (22-24).

Jésus réfute cette accusation

  1. elle est absurde, car tout pouvoir divisé contre lui-même périt, Satan serait donc proche de sa fin ;
  2. elle est injuste, puisqu’ils n’ont garde d’attribuer à une telle cause les exorcismes de leurs disciples ;
  3. ils doivent donc reconnaître qu’il opère ses guérisons par l’Esprit de Dieu et en tirer la conclusion que le royaume de Dieu est venu jusqu’à eux, que l’homme fort, Satan, a été vaincu, puisque sa maison est mise au pillage. Jésus constate que, n’étant pas avec lui, ils sont contre lui (25-30).

Jésus dénonce les conséquences de leur attitude

Elle les entraîne au seul péché irrémissible (31-32).

Il montre que cette sévère condamnation est juste

Car la parole blasphématoire est la révélation d’un cœur entièrement corrompu. Tel fruit, tel arbre. L’homme produit au dehors ce qu’il a dans le trésor intérieur ; c’est pourquoi il rendra compte de chaque parole proférée (33-37).

Discours de Jésus pour sa défense, le blasphème contre de Saint-Esprit (22-37)

Grec : et parlait et voyait. Expression significative du double effet du miracle. Luc 11.14 place la discussion avec les pharisiens à la suite de la guérison d’un démoniaque muet. Cette guérison parait identique avec celle que raconte Matthieu Matthieu 9.34 et qui avait déjà donné lieu à la même accusation. Marc 3.22 rapporte l’accusation des pharisiens et le discours de Jésus sans parler de la guérison.

Voir sur les démoniaques Matthieu 8.28, note.

23 Et toute la foule fut stupéfaite, et elle disait : Celui-ci serait-il le fils de David ?

Le Messie. Cette question était pour plusieurs le premier cri de la foi naissante. Au sein de cette foule dont l’enthousiasme est surexcité, elle pouvait être le point de départ d’un mouvement important. Aussi les ennemis du Sauveur se hâtent-ils de l’étouffer (verset 24).

Cette question, en effet, trahit de l’indécision et ne renferme pas une négation. Son sens est : « Celui-ci serait-il le fils de David ? Son attitude précédente ne révélait aucunement en lui le Messie mais ces guérisons qu’il opère seraient-elles des signes de sa mission divine » ?

24 Mais les pharisiens, entendant cela, dirent : Celui-ci ne chasse les démons que par Béelzébul, le prince des démons.

Comparer Matthieu 9.34, et, sur ce nom de Béelzébul, Matthieu 10.25, note.

Ces hommes n’essaient pas même de nier la réalité du miracle, mais plutôt que d’y reconnaître la puissance divine du Sauveur, ils l’attribuent au prince des démons.

Un des caractères de l’incrédulité, c’est de haïr la vérité.

25 Mais Jésus connaissant leurs pensées, leur dit : Tout royaume divisé contre lui-même est réduit en désert, et toute ville ou toute maison divisée contre elle-même ne subsistera pas. 26 Et si Satan chasse Satan, il est divisé contre lui-même. Comment donc son royaume subsistera-t-il ?

Les trois exemples cités par Jésus : un royaume, une ville, une maison, qui se détruiraient par leurs divisions intestines, renferment un principe incontestable, sans cesse confirmé par l’expérience.

Ce principe posé, Jésus l’applique au cas actuel : Si Satan chasse Satan, son royaume ne saurait subsister.

Les pharisiens, par leur accusation (verset 24), admettaient que les démons chassés par Jésus appartenaient à un royaume des ténèbres dont Satan était le prince ; et Jésus, loin de le nier, le confirme par sa réponse. L’on ne saurait voir là une accommodation à des idées fausses et superstitieuses, qu’il aurait positivement confirmées, au lieu de les dissiper par la vérité.

27 Et si c’est par Béelzébul que moi je chasse les démons, vos fils, par qui les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges.

Ceci est un autre argument contre l’accusation des pharisiens.

Il ne faut entendre par vos fils ni les apôtres de Jésus comme le font plusieurs Pères de l’Église (car ce ne serait point là un argument contre les pharisiens), ni les propres fils de ces derniers ; mais bien leurs disciples, dans le sens où l’Ancien Testament parle de « fils des prophètes », ou, dans un sens plus indéterminé (car il n’est pas prouvé que les pharisiens eussent des écoles où se formaient des exorcistes), « des hommes de votre sorte, animés de votre esprit ».

Il y avait au sein du judaïsme de ce temps beaucoup d’hommes qui faisaient métier d’exorciser les démoniaques et de guérir par la magie. Cela est connu par le Nouveau Testament Luc 9.49, Actes 19.13, par les Pères de l’Église et particulièrement par les écrits de l’historien Josèphe (Antiquités Juives, VIII, 2, 5 ; Guerre des Juifs VII, 6, 3. Voir dans le Commentaire de M. Godet sur Luc, 3e édition, II, p. 92, le récit, traduit de Josèphe, d’une de ces opérations d’exorcistes).

Jésus ne porte ici aucun jugement sur ce qu’il pouvait y avoir de vrai ou de faux dans les pratiques de ces exorcistes juifs mais il conclut avec toute raison à l’injustice de l’accusation portée contre lui par les pharisiens qui approuvaient de tels actes chez leurs disciples, sans songer à les attribuer au démon. Argument ad hominem.

Au jour du jugement, où ils témoigneront contre votre injustice (comparer versets 41 et 42).

28 Mais si c’est par l’Esprit de Dieu que moi je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu’à vous.

Conclusion évidente (donc !) Détruire le royaume de Satan (verset 26), en délivrer les malheureux qui y gémissaient, c’est l’œuvre du Messie et le royaume de Dieu (quelle antithèse !) est parvenu à vous (grec vous a prévenus, est arrivé sur vous, comparer 1 Thessaloniciens 2.16, où se trouve le même verbe).

Il y a dans cette dernière expression un avertissement sérieux : le royaume de Dieu les atteindra comme un jugement s’ils persistent à méconnaître le Messie.

Un autre contraste frappant et finement exprimé se trouve entre l’accusation des pharisiens et ces mots : si c’est par l’Esprit de Dieu…

29 Ou comment quelqu’un peut-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller son bien, s’il n’a auparavant lié l’homme fort ; et alors il pillera sa maison ?

Jésus passe à un troisième argument par cette particule ou ; ou bien, si vous ne croyez pas que c’est par l’Esprit de Dieu que j’agis, comment expliquerez-vous ma puissance sur le prince des ténèbres ?

Cette pensée exprimée par l’image qui suit et qui est peut-être empruntée à Ésaïe 49.24 et suivants, va fournir encore une preuve sans réplique.

L’homme fort, c’est Satan ; comment Jésus pourrait-il lui arracher ses captifs, si d’abord il ne l’avait lié, vaincu ?

Les interprètes modernes voient dans ces paroles une allusion à l’histoire de la tentation (Matthieu 4), où le Sauveur remporta sur Satan une première victoire qui fut le point de départ de toutes les autres. Cette allusion est possible, mais elle n’est pas évidente.

30 Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse.

C’est là une expression proverbiale dont le sens est clair en soi. Le Sauveur paraissant au milieu des hommes avec l’autorité de Dieu même, il faut qu’ils se décident et qu’ils soient pour lui, ou contre lui : il n’y a point là de place pour une neutralité qui ne serait qu’une coupable indifférence.

C’est pourquoi quiconque n’assemble pas avec lui disperse. Ces termes figurés sont empruntés aux travaux de la moisson ; assembler, c’est recueillir (comparer Matthieu 3.12 ; Matthieu 6.26 ; Jean 4.36 où se retrouve le même verbe).

M. Godet préfère y voir l’image du berger qui rassemble son troupeau (Jean 10.13-16 ; Jean 11.52).

Ce que les adversaires dispersaient au lieu d’assembler, s’étaient les âmes que Jésus ramenait à Dieu pour les sauver.

Mais, s’est-on demandé à qui est-ce que Jésus applique ces paroles d’après l’ensemble de son discours ?

Les interprètes ont fait à cette question diverses réponses. Les uns pensent que Jésus veut engager ses auditeurs à s’unir à lui dans la lutte contre Satan, en leur déclarant qu’en présence de cette lutte ils ne peuvent demeurer neutres. D’autres croient que Jésus a en vue les exorcistes juifs (verset 27), qui faisaient une œuvre opposée à la sienne, aussi longtemps qu’ils ne s’étaient pas unis à lui. D’autres enfin appliquent sa sentence aux pharisiens (verset 24). Cette opinion est la plus conforme au contexte.

C’est à ses adversaires, en effet, c’est à leur accusation blasphématoire que Jésus répond dans tout ce discours ; c’est à eux qu’il s’adresse directement dans les paroles qui suivent : C’est pourquoi je vous dis. Et en constatant qu’ils étaient contre lui il rompt ouvertement avec eux et sépare sa cause de la leur. Tel était, quant à eux le résultat de son ministère en Galilée, tel il sera encore en Judée (Matthieu 21.43 et ailleurs). Mais du reste cette sentence sévère reste vraie en tout temps et en tous lieux, dans son application à tous les adversaires du Sauveur et de son œuvre.

31 C’est pourquoi je vous dis : Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes ; mais le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné aux hommes. 32 Et si quelqu’un dit une parole contre le fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais si quelqu’un parle contre l’Esprit-Saint, il ne lui sera point pardonné ni dans ce siècle, ni dans celui qui est à venir.

Ce redoutable jugement commence par une des plus consolantes révélations de la miséricorde de Dieu. Sous l’économie de l’Évangile, qui est celle de la grâce, tout péché et même le blasphème, qui est la forme la plus coupable du péché, parce qu’il procède directement de la haine contre Dieu, peut être pardonné. Évidemment ce pardon suppose en l’homme la repentante et la foi au Sauveur, qui seules le rendent moralement possible.

Quelle est donc la différence que Jésus établit entre le blasphème contre lui, le fils de l’homme et le blasphème contre l’Esprit-Saint, qui ne sera point pardonné ?

Cette différence tient essentiellement au degré de connaissance que l’homme a des choses divines, selon que Dieu s’est manifesté à lui plus ou moins directement et personnellement. Ainsi, dans le cas actuel, les pharisiens (verset 24, voir sur cette secte Matthieu 3.7 note) avaient méconnu le Fils de Dieu sous sa forme de serviteur parce qu’ils étaient incapables moralement de comprendre sa parole ; ils avaient blasphémé contre le fils de l’homme en prenant parti contre lui, en détournant les foules de le suivre et en cherchant les moyens de le faire périr (Matthieu 9.3-11 ; Matthieu 12.2 ; Matthieu 12.10 ; Matthieu 12.14).

Ce péché, quelle qu’en fût la culpabilité, pouvait leur être pardonné, à cause de leur ignorance. Luc 23.34.

Mais ici comme dans la circonstance rapportée Matthieu 9.32-34, ils vont plus loin dans leur endurcissement. En attribuant au démon des œuvres si évidemment accomplies par l’Esprit de Dieu (verset 28), ils péchaient contre leur propre conviction et contre une manifestation divine plus directe que la simple présence de Jésus.

Le Sauveur n’affirme pas positivement qu’ils ont blasphémé l’Esprit-Saint et qu’il n’y a plus pour eux aucun espoir ; mais le principe absolu qu’il exprime doit les faire réfléchir et leur inspirer la crainte d’avoir atteint la dernière limite de la possibilité du salut.

Qu’ils fassent un pas de plus, qu’ils résistent à un nouveau degré de lumière, de conviction intérieure produit par l’Esprit de Dieu dans leur conscience et ils auront volontairement commis un suicide moral qui rend impossible toute action de Dieu sur leur âme. C’est là ce que l’apôtre Jean nomme « le péché à la mort » (1 Jean 5.16-17), parce qu’il est déjà la mort.

Ainsi, le pardon est rendu impossible non par une détermination de la volonté de Dieu, mais par le fait de la volonté et de l’endurcissement de l’homme. D’où il résulte, d’une part, que jamais aucun homme ne peut dire d’un autre qu’il a commis ce péché, ne connaissant pas son cœur ; et d’autre part, que toute conscience angoissée par la crainte de l’avoir commis, peut se rassurer par là même, parce que le caractère distinctif de cet état d’âme, c’est l’endurcissement et la résistance volontaire à l’Esprit de Dieu.

Ce siècle, c’est l’économie présente, s’étendant jusqu’au retour de Christ pour le jugement ; celui qui est à venir, c’est l’éternité après le jugement. Ni dans l’un, ni dans l’autre, c’est-à-dire jamais c’est le mot qui se trouve dans Marc 3.29.

Luc, qui rapporte cet avertissement dans des circonstances différentes Luc 12.10, dit simplement : « Ne sera point pardonné ».

On a souvent conclu de cette dernière parole : ni dans le siècle à venir, qu’en général le pardon est encore possible au-delà de la vie présente. C’est une question importante, que l’exégèse n’a pas à examiner ici.

33 Ou faites l’arbre bon et son fruit bon ; ou faites l’arbre mauvais et son fruit mauvais, car au fruit on connaît l’arbre.

Application nouvelle de l’image déjà employée Matthieu 7.16-20, mais cette application n’est pas sans difficultés.

  1. Le verbefaites n’est pas pris dans son sens ordinaire, dans lequel l’image ne serait pas naturelle. En effet, si l’on peut, par la greffe, faire l’arbre bon et par là même son fruit bon, il n’est pas d’usage de faire l’arbre mauvais.
    Dès lors, la plupart des interprètes entendent le verbe faire dans ce sens qu’il a aussi en français : représenter comme, supposer. Le Sauveur veut dire : Soyez conséquents ; si vous admettez que le fruit est bon, admettez-le aussi de l’arbre et l’inverse.
  2. À qui Jésus applique-t-il ce principe ? À lui-même, répondent plusieurs interprètes et ce serait là une réfutation de la fausse accusation des adversaires (verset 24) ; chasser les démons est une bonne œuvre, un bon fruit, comment donc, moi qui le produis serais-je mauvais, animé par l’esprit de ténèbres ? N’est-ce pas au fruit qu’on connaît l’arbre ?

Cette interprétation est en harmonie avec la pensée générale du discours qui est destiné à justifier Jésus de l’accusation portée contre lui. D’autres pensent que Jésus applique ces paroles aux pharisiens et à ceux qui parlent contre le Saint-Esprit (verset 32). Ils attirent sur eux la condamnation par leur seule parole ; mais ce jugement ne doit pas paraître trop sévère, car leur parole révèle l’état de leur cœur et de tout leur état moral. Ce sens est plus en harmonie avec le contexte immédiat (versets 34 et 36).

34 Race de vipères, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, étant mauvais ? Car de l’abondance du cœur la bouche parle.

Ces paroles (comparez Matthieu 3.7) sont évidemment une application de celles qui précèdent.

Vous ne pouvez pas, à moins d’un changement total de votre cœur, penser et dire de bonnes choses, pas plus que le mauvais arbre ne peut porter de bons fruits ; car la parole, comme la vie n’est que la révélation de ce qui rempli le cœur. Là est la source du mal, là aussi doit avoir lieu la régénération.

35 L’homme bon tire les bonnes choses du bon trésor ; et l’homme mauvais tire de mauvaises choses du mauvais trésor.

Grec : jette dehors de bonnes choses, ou de mauvaises choses, comme si cela se faisait de soi-même, d’abondance (verset 34).

C’est là une autre image destinée à illustrer la pensée qui précède. Le trésor (mot qui signifie en grec : magasin, dépôt), c’est encore le cœur avec ses dispositions diverses, bien que les mots de son cœur, qu’ajoute le texte reçu, ne soient pas authentiques. Ils se trouvent dans Luc 6.45.

36 Or je vous dis que toute parole oiseuse que les hommes auront prononcée, ils en rendront compte au jour du jugement ; 37 car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné.

Encore ici le Seigneur fait allusion à la parole blasphématoire qu’ont prononcée ses adversaires (verset 24).

Cette parole était pire que oiseuse ou inutile ; mais le Seigneur en fait d’autant mieux ressortir le caractère coupable, en employant un terme si modéré. En même temps, le contexte explique très bien ce qui pourrait paraître exagéré dans cette sentence.

Les paroles d’un homme le justifieront ou le condamneront (au jour du jugement), parce qu’elles sont la manifestation de ce qui est dans son cœur et parce que les effets qu’elles peuvent avoir 2 Timothée 2.17 en font vraiment des actes.

Le jugement des actions, de la conduite générale, de la vie tout entière, dans ses manifestations extérieures, comme dans son principe secret, est donc impliqué dans ce jugement basé sur les paroles proférées.

38 Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui répondirent, disant : Maître, nous voulons voir un signe de toi.

Le signe de Jonas

Quelques scribes et pharisiens, en présence des sévères déclarations de Jésus, lui demandent un signe. Jésus répond qu’il ne sera donné d’autre signe à cette génération que celui de Jonas : comme le prophète séjourna dans le ventre du poisson, le fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. Les hommes de Ninive et la reine du midi condamneront cette génération au jour du jugement, car il y a ici plus que Jonas et plus que Salomon (38-42).

Le démon expulsé qui revient avec sept autres

Par cette parabole Jésus peint l’état moral de sa génération : son amendement passager et son endurcissement toujours plus profond (43-45).

La mère et les frères de Jésus

Interrompu par sa mère et ses frères qui demandent à lui parler, Jésus étend sa main sur ses disciples et déclare que sa vraie famille, ce sont ceux qui font la volonté de son Père (46-50).

Discours de Jésus (suite), un signe demandé, l’endurcissement de la génération contemporaine, la famille de Jésus (38-50)

Atteints par les sévères paroles de Jésus, les pharisiens répondirent en exigeant un signe comme preuve de sa mission divine. La guérison qu’il venait d’accomplir sous leurs yeux (verset 22) ne leur suffisait pas. Ne pouvant la nier, ils l’avaient attribuée au démon ; et ils demandent maintenant un signe particulier qui soit la confirmation éclatante de la déclaration de Jésus (verset 28).

Les guérisons ne pouvaient à elles seules établir qu’il était le Messie ; il fallait une démonstration dans le genre de celle que Satan proposait au Sauveur (Matthieu 4.5-6). Jésus la leur refuse parce que telle n’était pas la manière dont son règne devait venir (verset 39).

Dans une autre occasion (Matthieu 16.1), ils précisent l’objet de leur désir en lui demandant un signe venant du ciel. Luc 11.16 (voir la note), parait avoir réuni les deux faits en un même récit (comparer aussi Marc 8.11).

39 Mais lui, répondant, leur dit : Une génération méchante et adultère recherche un signe ; mais il ne lui sera point donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète.

Le mot adultère est pris dans un sens religieux et moral qu’il a souvent dans les Écritures (Ésaïe 57.3-4 ; Jacques 4.4 ; Apocalypse 2.20).

L’expression est fondée sur la belle image par laquelle l’union de Dieu avec son peuple est représentée comme un mariage. Ainsi quand le peuple devient infidèle, abandonne Dieu, il devient adultère.

Le signe de Jonas est connu par le livre de ce prophète. Les paroles qui suivent expliquent en quoi il consiste.

40 Car, comme Jonas fut dans le ventre du grand poisson trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits.

Grec : dans le cœur de la terre. Irénée, Tertullien et plusieurs des plus notables exégètes modernes, rapprochant cette expression de Éphésiens 4.9, y voient une allusion à la descente de Christ aux enfers (1 Pierre 3.19), au séjour des morts, qui serait situé au centre de la terre. Il est plus naturel d’y voir un hébraïsme qui désigne d’une manière figurée le tombeau.

Beaucoup d’interprètes se sont achoppé à cette expression trois jours et trois nuits, parce que Jésus n’est resté dans la tombe qu’un jour et deux nuits.

M. Godet va jusqu’à dire que dans la teneur qu’elle a chez Matthieu cette parole peut être difficilement mise dans la bouche de Jésus (Commentaire sur Luc 11.30).

Mais, à les prendre ainsi à la lettre, il faudrait douter de l’authenticité de paroles telles que Marc 8.31 ; Jean 2.19 (comparer Matthieu 27.63).

De telles évaluations s’expliquent quand on considère que les Hébreux comptent comme un jour toute partie des vingt quatre heures entrant dans l’espace de temps dont il s’agit. On peut aussi y voir la désignation proverbiale d’un court laps de temps (comparer Osée 6.2).

D’après ce verset 40, le signe de Jonas est la mort et la résurrection de Jésus-Christ, préfigurées par le miracle de Jonas. Dans Luc 11.30, le Seigneur ne mentionne pas le séjour de Jonas dans le ventre du grand poisson et dit que « le fils de l’homme sera un signe pour sa génération comme Jonas le fut pour les Ninivites », c’est-à-dire par sa prédication. Celle-ci est mentionne aussi au verset 41 comme motif de la condamnation de cette génération.

Plusieurs interprètes en ont conclu que le verset 40 est une explication donnée par l’évangéliste, du signe dont il s’agit, tandis que le Seigneur lui-même n’aurait eu en vue que la prédication du prophète.

Weiss objecte avec raison que cette interprétation n’a aucun fondement dans le texte de Matthieu, car :

  1. au verset 40, il s’agit d’un signe futur ;
  2. le verset 41 qui n’est lié par aucune conjonction au verset 40 n’est pas destiné à donner l’explication du signe de Jonas ; il ouvre un nouvel ordre de pensées,
  3. la prédication de la repentante que Jésus fit entendre à sa génération, comme Jonas aux Ninivites, ne pouvait être le signe messianique demandé par les contemporains du Sauveur ; ce signe, ce miracle éclatant, destiné à proclamer qu’il était le Fils de Dieu, leur fut accordé par sa résurrection.

Celle-ci est restée pour son peuple et pour l’Église tout entière le signe par excellence, le miracle suprême, fondement de la foi et pierre d’achoppement de l’incrédulité (voir la prédication apostolique dans le livre des Actes et dans toutes les épîtres).

41 Les hommes de Ninive se lèveront au jour du jugement avec cette génération, et la condamneront ; parce qu’ils se repentirent à la prédication de Jonas ; et voici, il y a ici plus que Jonas. 42 La reine du midi se lèvera au jour du jugement avec cette génération, et la condamnera ; car elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ; et voici, il y a ici plus que Salomon.

Ce verset indique la raison pour laquelle Jésus appelle cette génération « méchante et adultère ».

Le nom de Jonas qu’il vient de prononcer a évoqué devant lui le souvenir des Ninivites repentants, qui forment un frappant contraste avec cette génération sourde à ses appels.

Le verbe ici traduit par se lèveront, se lèvera (grec se relèveront, ou se réveilleront) est le même qui signifie aussi ressusciter et rien n’empêche de traduire ainsi.

C’est ce que fait M. Rilliet. En tout cas, il ne faut pas traduire : se lèveront contre, mais avec ; le terme de l’original exprimant la simultanéité de leur apparition en jugement avec cette génération qui sera condamnée par le seul contraste que son incrédulité présentera avec la repentance de Ninive et la foi de la reine de Séba.

Sur la repentance des hommes de Ninive, voir Jonas 3.3 et suivants et sur la reine du Midi, 1 Rois 10.1 et suivants, 2 Chroniques 9.1 et suivants.

Il y a ici plus que Jonas, plus que Salomon (comparer verset 6). En s’exprimant ainsi, Jésus fait voir qu’il a clairement conscience de sa dignité surhumaine, car autrement il manquerait de modestie ; et en même temps, il rend plus accablant le parallèle qu’il établit entre cette génération et les Ninivites ou la reine du Midi.

43 Or, lorsque l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides, cherchant du repos, et il n’en trouve point.

Ces versets (43-45) renferment une parabole qui ramène la fin du discours à son commencement, méthode souvent suivie par Jésus. Il a guéri un malheureux dominé par la puissance des ténèbres (verset 22). Accusé par ses adversaires, il les a patiemment réfutés et les a rendus attentifs au terrible danger de blasphémer l’Esprit de Dieu.

Interrogé par ceux qui lui demandaient un signe (verset 38), il signale dans sa réponse l’incrédulité, non de ses interlocuteurs seulement, mais de cette génération tout entière, c’est-à-dire du peuple juif (versets 41 et 42) et c’est encore l’état moral de cette génération (verset 45) qu’il décrit par cette remarquable parabole. Le sujet lui en est fourni par le possédé qu’il a guéri et par le discours qu’il a prononcé, peut-être aussi par les fausses guérisons qu’opéraient les exorcistes du temps (verset 27).

Mais sous l’image de ces esprits impurs, qui ne sont ici que les personnages d’un drame terrible, c’est l’état moral de son peuple que Jésus représente. Dans Luc 11.24 et suivants, la parabole est appliquée plus spécialement aux adversaires de Jésus.

Les lieux arides sont le désert où, selon les images de l’Ancien Testament, habitent les bêtes féroces et les esprits méchants (Ésaïe 13.21-22 ; Ésaïe 34.14 ; Lévitique 16.11 ; Lévitique 16.21-22 ; Apocalypse 18.2).

Chercher du repos et n’en point trouver ! tel est l’affreux état de tout esprit déchu de Dieu, pour qui il a été créé (Ésaïe 57.20-21).

44 Alors il dit : Je retournerai dans ma maison, d’où je suis sorti ; et étant venu, il la trouve vide, balayée et ornée.

Toute prête pour le recevoir, l’ invitant à en reprendre possession, car c’est encore sa maison.

Cette image ne représente donc pas le retour à un état sain ; car, dans ce cas, le démon aurait trouvé la maison fermée et gardée. Il n’a été que momentanément exclu et n’y a point été remplacé par un bon esprit.

45 Alors il s’en va, et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui, et étant entrés, ils habitent là ; et la dernière condition de cet homme-là est pire que la première. Il en sera de même aussi pour cette méchante génération.

Ce n’est point, comme on l’a dit, pour chercher du renfort que l’esprit méchant amène avec lui sept autres esprits plus méchants ; il n’éprouve aucune résistance. Ce trait de la parabole indique seulement le progrès du mal, une domination plus complète de la puissance des ténèbres. C’est ce que Jésus exprime clairement par cette dernière condition pire que la première (grec dernières choses pires que les premières). C’est là l’explication de toute la parabole : d’abord un démon, ensuite huit (comparer 2 Pierre 2.20).

Telle est l’application de tout cet enseignement (verset 43, note). Mais quelle époque de l’histoire de son peuple Jésus a-t-il en vue ? On a répondu : le temps où ce peuple avait été délivré du démon de l’idolâtrie par l’influence des prophètes et par l’exil et où les sept démons d’un orgueilleux pharisaïsme s’emparèrent de lui pour détruire en lui toute aspiration à une justice supérieure et le rendre incapable de se repentir et de recevoir le salut que Dieu lui destinait.

Mais Jésus parle de l’avenir : « Ainsi il en sera ». Il pense donc à une œuvre qui est en voie d’accomplissement. L’annonce du règne de Dieu par Jean-Baptiste, l’action puissante du Sauveur, « venu pour détruire les œuvres du diable », tout cela n’a produit qu’une impression passagère sur cette méchante génération : elle va s’endurcir dans son incrédulité et elle périra. Tous les premiers symptômes de l’incurable maladie sont là (versets 24, 31 et 32).

Si Jésus parlait de nos jours, il est évident qu’il ferait la même application à plus d’un peuple, à plus d’une église, à plus d’une âme !

46 Comme il parlait encore aux foules, voici sa mère et ses frères se tenaient dehors, cherchant à lui parler.

Qui sont les frères de Jésus ?

On sait à combien de controverses cette question a donné lieu, depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours. Et pourtant, on peut affirmer qu’elle n’a été posée que dans un intérêt dogmatique et depuis qu’on eut commencé à rendre des honneurs idolâtres à la mère de Jésus, pour laquelle il s’agissait dès lors de revendiquer une virginité perpétuelle.

Plusieurs des Pères de l’Église puis tous les catholiques et plus d’un théologien protestant, ont imaginé de faire de ces frères du Seigneur, soit des enfants de Joseph par un premier mariage, soit des fils de la sœur de Marie, c’est-à-dire des cousins de Jésus.

Cette supposition se heurte au fait que partout dans les évangiles ces frères de Jésus sont nommés, comme ici, avec sa mère (Luc 8.19 ; Jean 2.12 ; Actes 1.14).

Marc Marc 3.31-32, selon le vrai texte, mentionne ses sœurs.

Les frères de Jésus sont enfin désignés par la voix publique comme enfants de Joseph et Marie (Matthieu 13.55-56).

Tout porte donc à croire qu’il s’agit de vrais frères de Jésus et c’est ainsi que se justifie le titre de premier-né qui lui est donné (Matthieu 1.25, note ; Luc 2.7).

47 Et quelqu’un lui dit : Voilà, ta mère et tes frères se tiennent dehors, cherchant à te parler.

Voir Matthieu 12.47 manque dans Codex Sinaiticus, B et quelques autres. Plusieurs critiques le retranchent du texte.

48 Mais lui, répondant, dit à celui qui lui parlait : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? 49 Et étendant sa main sur ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. 50 Car quiconque fera la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère.

Ces premiers mots de la réponse de Jésus (verset 48) pourraient paraître durs, au premier abord. Mais ils se comprennent parfaitement par un trait du récit de Marc (Marc 3.21).

Au moment où Jésus allait prononcer le long discours qui précède, ces membres de sa famille, le voyant s’exposer par son zèle à la dangereuse opposition des adversaires, voulurent le retenir, l’arrêter et ils disaient : « Il est hors de lui-même ».

Puis, pendant qu’il parlait encore (verset Matthieu 12.46 ; Marc 3.31), ils insistèrent de nouveau par des motifs peut-être bienveillants, mais tout charnels ; car « ses frères ne croyaient pas en lui » Jean 7.5 et sa mère pouvait céder à un mouvement de fausse tendresse.

Comment donc Jésus n’aurait-il pas subordonné entièrement cette parenté selon la chair à la communion sainte et éternelle qui s’établissait alors entre lui et ses disciples ?

Non seulement il le fait lui-même, mais il exige de ceux qui veulent lui appartenir qu’ils agissent dans le même esprit (Matthieu 10.37).

La vraie famille de Dieu, dont il est le Frère aîné, se compose de ceux qui font la volonté de son Père.

Du reste, on sait assez que Jésus a lui-même sanctifié les liens de la famille (Luc 2.51) et témoigné à sa mère le plus tendre amour (Jean 19.25 et suivants). Et ici même, quel amour il révèle à ceux qu’il veut bien appeler du nom de frères et de sœurs  !