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Introduction à Osée
Bible Annotée

I

Le nom du prophète Osée signifie : salut, délivrance. Nous ne savons sur sa personne que ce que nous apprend son livre, et c’est fort peu de chose. Il était fils de Béeri. Tout son ministère s’est exercé dans le royaume de Samarie. Juda est mentionné assez fréquemment, sans doute, mais on s’aperçoit aisément que le prophète n’en parle qu’incidemment et pour le mettre en parallèle avec le royaume d’Israël (1.7 ; 4.15 ; 5.5 ; 10.11-14 ; 12.1,3). Jérusalem n’est pas nommée une seule fois ; c’est le royaume des dix tribus qui occupe surtout le prophète, et dont les localités sont le plus souvent citées : Guilgal, Béthel, Galaad, etc. ; Osée paraît connaître certains traits particuliers de l’histoire de Sichem (6.9) ; et, ce qui est plus concluant encore, le royaume de Samarie est appelé le pays, et son roi notre roi (1.2 ; 7.5). Osée était donc citoyen de ce royaume et n’y a pas été seulement en passage comme Amos. Enfin, ce qui caractérise aussi un écrivain de la Palestine septentrionale, la langue contient plusieurs araméismes ou locutions rappelant le syriaque. Toutefois, les nombreuses réminiscences de notre prophète, que l’on rencontre dans Jérémie, montrent que son écrit n’avait pas tardé à se répandre dans le royaume de Juda auquel il était aussi indirectement destiné (voir le titre 1.2 et l’introduction, III).

Tandis que quelques Pères de l’Église affirment qu’Osée est mort dans sa patrie, la tradition juive rapporte qu’il a terminé ses jours à Babylone, et que son corps, transporté sur un chameau, a été inhumé en Galilée. Ces légendes n’ont aucune base certaine.

II

Osée commença son ministère sous le règne de Jéroboam II (1.1). Ce vaillant monarque appartenait à la dynastie de Jéhu qui avait renversé celle d’Achab. Jéhu avait reçu d’Élisée l’ordre d’exterminer toute la famille d’Achab, afin d’abolir ensuite le culte de Baal ; mais il s’était arrêté à moitié chemin dans l’exécution de cet ordre, soit qu’il n’osât pas ou ne voulût pas s’attaquer au culte des veaux d’or. Ce culte, que Jéroboam avait établi dès le début de l’existence du royaume des dix tribus, paraissait nécessaire au maintien du schisme qu’il avait en quelque sorte consacré. Aucun monarque dès lors, pas même Jéhu, n’eut le courage de le supprimer ; on craignait toujours qu’une fois les veaux d’or enlevés, le peuple ne retournât à Jérusalem et ne se rattachât à la dynastie de David. La conduite de Jéhu ayant été partagée entre l’obéissance et l’infidélité, Dieu, de son côté, ne put faire en sa faveur tout ce qu’il aurait fait pour un serviteur docile. Jéhu avait obéi en abolissant le culte de Baal et en châtiant la famille d’Achab ; il reçut en échange la promesse que quatre de ses descendants occuperaient après lui le trône de Samarie (2 Rois 10.30), d’autre part, il avait été infidèle en laissant subsister les veaux d’or : un châtiment lui fut infligé par l’invasion des Syriens qui commença déjà de son vivant (2 Rois 10.32-33). Tout le pays de Galaad fut occupé par l’ennemi. Joachaz, fils de Jéhu, fut encore plus profondément humilié ; il se vit attaqué par les Syriens jusque dans le centre de son pays ; il cria à l’Éternel qui lui promit de susciter un libérateur (2 Rois 13.1-7). Sous Joas, en effet, fils de Joachaz, le relèvement d’Israël commença ; les Syriens furent refoulés au-delà du Jourdain ; Juda même, avec lequel il était aussi en guerre, fut vaincu (2 Rois 13.22-25 ; 14.8-14) : Enfin, Jéroboam II, fils de Joas, monta sur le trône et régna sur ce petit État avec un éclat inconnu auparavant et qui ne fut plus atteint depuis. Les Syriens perdirent même ce qu’ils avaient conquis à l’est du Jourdain dans le pays de Galaad et furent envahis à leur tour. La frontière du royaume de Samarie s’étendait à ce moment jusqu’à Damas et à la vallée de Hamath au nord, et jusqu’à la mer Morte au sud. Mais en même temps, cette grande prospérité amena à l’intérieur le luxe et des excès de tout genre ; le culte de Baal s’introduisit subrepticement. Sous des dehors brillants, le corps de la nation se corrompait toujours plus profondément (2 Rois 14.23-29). Cependant l’Éternel patientait encore, ses promesses étaient là ; il avait annoncé qu’un quatrième rejeton de Jéhu occuperait encore le trône. Zacharie succéda à son père Jéroboam II. Mais son règne ne dura que six mois, et avec ce roi s’éteignit cette dynastie de Jéhu qui s’était distinguée par l’énergie des caractères et par les capacités militaires, et avait donné lieu à de si hautes espérances.

À peine le dernier représentant de cette famille a-t-il disparu de la scène, que les conspirations et les meurtres règnent dans ce malheureux pays. Zacharie est assassiné, et après lui se succèdent rapidement Sallum, Ménahem, Pékachia, Pékach, Osée. Avec l’anarchie marchent de pair l’ivrognerie, la débauche, l’adultère, le meurtre, jusqu’à ce que, la patience de Dieu arrivant à son terme, ce malheureux peuple, entièrement dévoyé, soit vaincu par les Assyriens et ses restes déportés en Orient (2 Rois 15.8-31 ; 17).

C’est dès le règne de Ménahem que nous constatons les premières traces de l’intervention des Assyriens dans l’histoire d’Israël. Deux partis se forment depuis ce moment : l’un croit pouvoir s’appuyer sur l’Assyrie ; l’autre redoute cet immense empire et cherche un appui auprès de l’Égypte. Ce fut ce dernier parti qui amena la ruine de Samarie. Le roi Osée, tributaire du roi d’Assyrie, ayant conclu une alliance avec l’Égypte, se révolta. Il fut aussitôt écrasé par Salmanasar dont il avait tenté de secouer le joug.

Les débuts du ministère d’Osée nous placent à l’époque du règne de Jéroboam II (824-783) ; et comme la vie du prophète s’est prolongée jusqu’au règne de son homonyme, le roi Osée (730-722), dernier souverain de Samarie, son ministère doit avoir embrassé une période de 60 ans au moins.

III

Le titre complet du livre porte : « La parole de l’Éternel qui fut adressée à Osée, fils de Béeri, au temps d’Ozias, de Jotham, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda, et au temps de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël ».
La mention des quatre rois de Juda étonne ; on se demande pourquoi les rois de Juda sont nommés dans le titre d’un livre qui traite essentiellement du royaume de Samarie. On pourrait penser que le prophète en a agi ainsi, parce qu’à ses yeux la dynastie de David continuait à être la seule légitime. Mais, dans ce cas, Jéroboam II devrait-il être nommé ? Il faudrait expliquer la mention de ce souverain par le caractère exceptionnellement important de son règne. On a aussi supposé que la mention des rois de Juda ne faisait pas partie du titre primitif, et qu’elle a été ajoutée par ceux qui ont formé le recueil des petits prophètes, afin de rappeler le titre tout semblable d’Ésaïe (1.1) et de faire comprendre indirectement qu’Osée, le plus grand prophète d’Israël, avait été le contemporain du plus grand prophète de Juda ; le titre primitif aurait donc été : « Parole de l’Éternel qui fut adressée à Osée, fils de Béeri, au temps de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël ». Cette indication chronologique ne s’appliquerait dans ce cas qu’au commencement du ministère du prophète (les trois premiers chapitres). Mais il nous paraît plus probable que, si, comme on peut le supposer, le livre d’Osée n’a été rédigé que vers la fin de son ministère (voir plus bas), il l’aura été essentiellement en vue de Juda qui subsistait encore, et à qui ses avertissements pouvaient encore être salutaires ; et cela expliquerait pourquoi, dans le titre, le prophète ou les collecteurs postérieurs auraient associé la dynastie de Juda à celle d’Israël.

Quand Osée fut envoyé par l’Éternel à Israël, ce peuple se trouvait dans un état de double infidélité : défection de son Dieu par l’idolâtrie régnante ; défection de son roi légitime, du roi de Juda, descendant de David, par le schisme politique. Le contenu de l’écrit est en rapport constant avec ce double péché : le culte des veaux d’or et même de Baal, et la séparation d’avec le souverain légitime. Cet état anormal est aux yeux du prophète le principe de tous ses autres péchés, la cause réelle de la ruine qui le menace (8.4-6). Ce n’est donc qu’autant que ce double interdit sera ôté, que les promesses de Dieu pourront reprendre leur cours et marcher à leur accomplissement final.

Le livre se divise en deux parties : chapitres 1 à 3 et 7 à 14. Dans la première, que nous intitulons : l’adultère d’Israël, l’idolâtrie et les nombreuses défections du peuple sont dépeintes sous la forme symbolique de deux mariages successifs du prophète avec des femmes de mauvaise vie. Cette première prophétie a été prononcée du temps de Jéroboam II. En effet, la dynastie de Jéhu est encore sur le trône, mais ce n’est plus pour longtemps (1.4) ; la prospérité mentionnée en 2.5, 11, 12, et la sécurité charnelle qui en résulte ne se sont plus retrouvées dès lors dans de telles proportions.

La seconde partie est un recueil de discours, dans lesquels n’apparaît plus la forme symbolique qui régnait dans la première. Comme elle forme une suite continue sans points d’arrêt bien marqués, on a supposé que le prophète avait dû la rédiger d’un seul jet, et cela sans doute à la fin de sa carrière, comme résumé de son long ministère. Mais si même il en est ainsi, la vivacité extraordinaire et dramatique des mouvements et des images force d’admettre des rédactions immédiates dont il se sera servi en résumant le tout.

Reproches, menaces, promesses, tels sont les trois thèmes qui se succèdent en quelque sorte périodiquement dans chaque morceau de cette seconde partie : les péchés du peuple lui sont d’abord dévoilés, le châtiment qu’ils lui attireront est annoncé ; enfin la grâce finale de Dieu est plus ou moins clairement promise. À ce rythme de la pensée prophétique correspond également la marche du recueil entier ; on peut, en effet, y distinguer trois sections principales :

  1. Chapitres 4 à 6
  2. Chapitres 7 à 11
  3. Chapitres 11 à 14

Dans chacune de ces sections, nous retrouvons, il est vrai, les trois éléments indiqués plus haut ; mais dans la première, c’est l’accusation qui domine ; dans la seconde, la menace ; dans la troisième la promesse.

IV

Il ne faut cependant pas insister trop sur ces divisions. Le génie d’Osée ne s’astreint pas à une marche et à un ordre absolument réguliers. Les trois grands courants dont nous venons de parler sont bien distinctement indiqués, mais souvent le cadre se rompt, le cœur déborde. Car la nature d’Osée est ardente : il est comme fou de douleur en voyant son peuple sourd à ses reproches et courant de gaieté de cœur à sa ruine (9.3). Mais son profond amour ne peut se taire longtemps, il ne saurait se résoudre à terminer un seul de ses discours par la menace, et souvent, en dehors de tout lien avec ce qui précède, la promesse du salut fait explosion (2.1-3,16 ; 3.5 ; 11.8-11). Puis, la réalité le rappelle au devoir de la répréhension, jusqu’à ce qu’enfin, le trésor des menaces étant épuisé, la grâce peut l’emporter définitivement au chapitre 14.

Ce caractère ému de la prophétie d’Osée explique peut-être en partie ce qu’il y a de brusque et de saccadé dans son langage. Les images, toujours hardies et colorées, sont parfois jetées plutôt que développées, et restent obscures ; le style, d’une extrême concision, paraît embarrassé, énigmatique ; on se heurte à des aspérités et à des tournures de phrase étranges ; c’est comme si les termes usuels ne lui suffisaient pas pour exprimer le trop plein de ses pensées ; la vivacité de ses impressions est telle qu’il passe d’une idée à l’autre sans lien apparent. Le blâme, l’indignation, l’amour bouillonnent à la fois dans son cœur ; il faut qu’il leur donne essor. On est profondément remué en assistant à cette lutte qui se livre dans le cœur d’Osée, d’un côté, sa mission est la même que celle de Jérémie ; comme lui, il voit venir la catastrophe inévitable et il a la tâche de la justifier plutôt que de l’empêcher. Mais, d’autre part, il rappelle plutôt Ésaïe par la virilité de son caractère et l’éclat de son langage. On pourrait dire qu’il est à la fois l’Ésaïe et le Jérémie des dix tribus.

Il ne lui a pas été donné d’ajouter quelque trait nouveau à la figure du Roi-Messie ; c’est plutôt sous une forme impersonnelle que se présente à ses yeux le tableau des derniers jours. Il en est de même des autres prophètes du royaume des dix tribus, peut-être parce que cet État n’était pas en relation directe avec la famille de David à laquelle se rattachait l’attente du Messie personnel.