Commentaire biblique de Michee 5.1 La double origine du Libérateur d’Israël : c’est de l’obscure Bethléem qu’il naîtra ; mais son existence n’en plonge pas moins ses racines jusque dans l’éternité.
Et toi… Ce brusque début correspond à celui de la strophe précédente (Michée 4.8 ). Bethléem est personnifiée et interpellée ici, comme l’avaient été au chapitre 4 la tour du troupeau et la colline de la fille de Sion (verset 88). Pour le sens, ce verset forme avec Michée 4.14 une antithèse (entre la royauté abaissée et restaurée) toute pareille à celle de Michée 4.1 et Michée 3.12 (entre le temple renversé et glorifié).
Bethléem Ephrata . Ephrat ou Ephrata, la féconde , est l’ancien nom de cette ville, située à 8 kilomètres au sud de Jérusalem ; Bethléem, maison du pain , en est le nom plus récent. Ce dernier était déjà connu à l’époque des patriarches, mais le premier fut usité encore plus tard (voir Genèse 35.16 ; Genèse 48.7 ; Ruth 1.2 ; 1 Samuel 17.12 ). L’un et l’autre font allusion à la grande fertilité de la contrée environnante, couverte, de nos jours comme autrefois, de champs de blé, de vignes et de beaux vergers. Si Michée juxtapose ici les deux noms, ce n’est pas simplement pour distinguer cette ville d’une autre de même nom, Bethléem de Zabulon (Josué 19.15 ) ; il lui eût suffi pour cela de l’expression ordinaire : Bethléem de Juda (Juges 17.7 ; Ruth 1.1-2 ). L’intention du prophète, en se servant du vieux nom, consacré par les souvenirs de l’histoire patriarcale, qu’il a déjà rappelés (Michée 4.8-10 ), est de donner plus d’ampleur et de solennité au discours.
Petite pour être entre les milliers… C’est la traduction littérale de l’hébreu. L’idée n’est pas : trop petite pour être… en ce sens que Bethléem ne serait réellement pas au nombre des milliers, mais : bien petite pour figurer, comme c’est en effet le cas, parmi les milliers… Voir 1 Samuel 20.6 ; 1 Samuel 20.29 .
Le terme milliers (hébreu alaphim , pluriel d’éleph, mille) désigne les grandes divisions, les branches de chaque tribu (appelées aussi mischpachoth ), qui comptaient chacune environ un millier de chefs de famille (Nombres 1.16 ; Nombres 10.4 ; Exode 18.25 ). Ce nombre pouvait être plus ou moins grand et l’importance de l’éleph varier (voir Juges 6.15 , hébreu). Bethléem paraît avoir formé l’un des plus petits, Sinon le plus petit. Elle avait si peu d’importance que le livre de Josué ne la mentionne pas dans le catalogue des villes de Juda (il est vrai que les LXX en ont rétabli la mention, Josué 15.60 ).
C’est cette petite Bethléem qui sera le lieu natal du Messie ; elle sera ainsi élevée entre les villes, comme la petite colline de Sion entre les montagnes (Michée 4.1 et suivants). Le Messie devant être un nouveau David et rétablir en Sion la glorieuse domination de son ancêtre (Osée 3.5 ; Michée 4.8 ), c’est de Bethléem qu’il doit sortir comme lui (comparez Ésaïe 11.1 où le Messie est, comme David, un rejeton du tronc d’Isaï, père de ce roi). Cette intention de rapprocher le Messie de son type historique, David, se remarque jusque dans les moindres détails du tableau ici tracé ; ainsi dans ce mot : me (li : pour moi ), qui se retrouve deux fois dans la scène de l’élection de David (1 Samuel 16.1 ; 1 Samuel 16.3 ) : Je me suis choisi pour roi un de ses frères… Tu oindras pour moi celui que je te dirai .
Les mots sortira pour moi (c’est l’Éternel qui parle) signifient que l’apparition du Messie est destinée à accomplir les desseins de Dieu. Cette pensée garantit la réalisation des promesses qui le concernent Dieu y est, pour ainsi parler, intéressé. Le terme sortir de… désigne clairement la naissance du Messie comme devant avoir lieu à Bethléem, ainsi que les Juifs l’ont toujours reconnu jusqu’à l’époque de J-C (voir Matthieu 2.5 et Jean 7.42 ). Les rabbins n’ont contesté, ce sens que depuis J-C et dans le but d’enlever au christianisme la preuve qu’il tirait de la naissance de Jésus à Bethléem en faveur de sa dignité messianique. Ils ont prétendu que ce passage annonçait simplement que le Messie devait sortir de la famille de David. Mais pourquoi le prophète insisterait-il dans ce cas si expressément sur la localité de Bethléem, puisque, depuis des siècles et pendant toute la période qui sépare David du Messie, la famille de David n’a plus habité à Bethléem, mais à Jérusalem ? Pourquoi surtout appuierait-il comme il le fait sur sa petitesse, circonstance qui n’aurait aucun intérêt, si le Messie n’en devait pas sortir directement ? Michée voit en esprit le grand prince de l’avenir sortant non de Sion, la citadelle royale de Jérusalem, mais de la pauvre bourgade où le premier David avait été appelé par l’Éternel à quitter son troupeau pour monter sur le trône. C’est un trait de ressemblance avec son grand ancêtre. Mais le fait qu’il naît à Bethléem et non à Jérusalem, suppose que, lors de son apparition, la famille royale sera revenue à l’état de pauvreté et d’obscurité qui était autrefois le sien à Bethléem.
Le terme peu usuel de dominateur (moschel ), employé ici pour désigner le roi futur, rappelle intentionnellement celui de domination (memschala ) dans Michée 4.8 ; les mots : sortira de toi rappellent ceux-ci : reviendra jusqu’à toi , dans le même verset du chapitre 4 ; et le titre de dominateur d’Israël est opposé à celui de juge d’Israël (Michée 7.14 ). La gloire et la grandeur divines du premier contrastent avec les humiliations du second.
La fin du verset : Et dont l’origine est dès les temps anciens, dès les jours éternels , a été interprétée de bien des manières.
L’origine , proprement l’issue, la sortie . Ce terme rappelle le verbe sortira dans la phrase précédente. Il y a en hébreu le pluriel : les issues, les origines . Mais ce pluriel ne renferme pas l’idée de plusieurs origines ; il exprime simplement la notion abstraite de provenance. Les interprètes juifs et les rationalistes refusent de voir dans les mots suivants l’indication d’une origine divine du Messie ; ces mots exprimeraient seulement l’idée de la haute antiquité de la famille de David, dont la généalogie, en effet, peut être poursuivie jusqu’à Pérets, fils de Juda (Ruth 4.18 ). Sans doute, le mot olam : éternité , se prend parfois dans le sens de longue durée ou de haute antiquité (Michée 7.14 ; comparez verset 20). Mais ce sens serait ici bien insignifiant. En quoi la famille de David se distinguerait-elle sous ce rapport des autres familles israélites, qui toutes sont également issues d’Abraham et dont la plupart possédaient leur arbre généalogique parfaitement en règle ? Les expressions si énergiques dont se sert le prophète doivent être prises ici dans le même sens que les termes analogues employés Proverbes 8.22-23 , où l’existence de la Sagesse créatrice est décrite comme antérieure au commencement du monde. Ainsi l’origine du Messie remonte au-delà de la création même ; elle est éternelle et divine. La seconde partie du verset forme donc le pendant de la première. L’origine divine du Messie contraste avec l’obscurité de son origine bethléémite. Il ne faudrait pas objecter contre le sens propre du mot éternité , qu’il est question ici de jours . L’éternité ne peut être pour notre conception humaine qu’une succession infinie de moments, de jours et nous ne pourrons jamais la désigner sans introduire dans la définition des déterminations temporelles. Sans vouloir anticiper sur l’enseignement du Nouveau Testament qui sera le fruit de révélations subséquentes, nous devons reconnaître que le prophète attribue ici au Messie deux origines, l’une locale, terrestre (Bethléem), l’autre supra-terrestre, divine. Nous ne saurions nous en étonner, puisque Ésaïe, le contemporain de Michée, affirme comme lui, d’un côté, que le Messie sera un descendant de David et, de l’autre, qu’il sera un être divin (Ésaïe 7.14 ; Ésaïe 9.5 ; Ésaïe 11.1 : un fils est né… ; du tronc d’Isaï… Emmanuel ; Dieu fort . Il faut se souvenir ici de cet Ange de l’Éternel en qui le nom, la pleine révéIation, de Dieu réside (Exode 23.21 ; Ésaïe 63.9 ) et dont l’avènement du Messie sera la suprême apparition en Israël (Malachie 3.1 ).
Le verset que nous venons d’expliquer est cité en partie et assez librement par Matthieu 2.6 . La principale modification que l’évangéliste fait subir au texte de Michée consiste à substituer les mots : Tu n’es pas la plus petite entre… à ceux-ci : petite pour être entre… Les deux textes font ressortir la petitesse extérieure de Bethléem, qui contraste avec le rôle qu’elle doit jouer comme lieu de naissance du Messie ; mais le texte de Michée l’énonce expressément, tandis que Matthieu la sous-entend, comme assez connue et y oppose la grandeur morale que Bethléem, si petite, est appelée à posséder dans le règne de Dieu (tu n’es pas la plus petite ! ). De là l’apparente contradiction entre le texte du prophète et la citation de l’évangéliste, contradiction qui n’est que dans les termes et n’existe pas dans l’idée.
Commentaire biblique de Michée 5.1