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Jean 12
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie, où était Lazare, que Jésus avait ressuscité d’entre les morts.

Le repas de Béthanie (1-8)

Par cette particule donc l’évangéliste se reporte au Jean 11.55, où il avait fait pressentir que l’approche de la Pâque allait amener Jésus à Jérusalem, pour y accomplir la rédemption du monde.

En effet, notre chapitre nous conduit jusqu’aux grandes scènes de la Passion.

Six jours seulement nous en séparent. Mais ces mois ne nous disent pas quel jour de la semaine Jésus arriva à Béthanie, parce que nous ne savons pas si l’évangéliste entend par la Pâque le 14 nisan, où l’on immolait l’agneau pascal, ou le 15, qui était le premier jour de la fête.

Cette question n’aurait pas grande importance, si celle concernant le jour de la mort de Jésus ne s’y mêlait en quelque mesure (voir Jean 13.1, note).

La plupart des interprètes pensent que Jésus arriva auprès de ses amis de Béthanie le vendredi soir et y resta le lendemain, jour du sabbat.

Le Sauveur, sur la voie de ses souffrances, aurait eu la douceur de passer ce dernier sabbat de sa vie avec ceux qu’il aimait.

Ce samedi serait le premier des six jours que note ici l’évangéliste et qui nous conduiraient au jeudi de la semaine suivante. Le lendemain, vendredi, la fête commençait.

Telle est l’opinion de Wieseler, Tholuck, Olshausen, MM. Meyer, Luthardt, Weiss et Godet, dans la première édition de son commentaire sur saint Jean. Dès la seconde édition, M. Godet suit une chronologie différente : voyage de Jéricho à Jérusalem le dimanche, repas de Béthanie le dimanche soir, entrée à Jérusalem le lundi.

2 On lui fit donc là un souper ; et Marthe servait ; or Lazare était l’un de ceux qui étaient à table avec lui.

L’évangéliste note dès l’abord, en termes frappants, la présence de ce Lazare que Jésus avait ressuscité, parce qu’il était là, au milieu de la scène qui va suivre, comme un témoin vivant de la puissance et de l’amour du Sauveur. Il le nommera même une seconde fois au verset suivant.

Le texte reçu porte : Lazare qui avait été mort. Ces mots manquent dans Codex Sinaiticus, B, versions et sont généralement considérés comme inauthentiques.

Voir, sur ce récit, Matthieu 26.6-13 et surtout Marc 14.3-9, notes.

Grec : Ils lui firent un souper, ils, qui ? Évidemment les amis de Jésus, réunis avec leurs parents et leurs amis, tous pénétrés d’une vive reconnaissance et d’un saint enthousiasme pour le Sauveur.

Jean ne dit pas où eut lieu ce souper, mais Matthieu et Marc nous ont appris que c’était chez Simon le lépreux, parent ou ami de la famille. Notre évangéliste lui-même, par cette observation que Marthe servait et que Lazare était à table avec Jésus, indique que le repas ne se donnait pas dans leur demeure, car cette remarque eût été oiseuse s’ils avaient été chez eux.

Ici, comme dans les deux premiers évangiles et conformément à son caractère actif et dévoué, Marthe sert.

Ce banquet, observe M. Godet, était une courageuse réponse à l’édit du sanhédrin (Jean 11.57) ; c’était le proscrit que l’on honorait.
3 Marie donc ayant pris une livre d’un parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et essuya ses pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l’odeur du parfum.

Pour bien comprendre l’action de Marie, cette effusion de sa vénération et de son amour dont le parfum qui se répand est le symbole, il faut se rappeler les mœurs de l’Orient.

Lorsqu’on recevait dans une maison un hôte de distinction, on lui offrait, avant tout, une huile odoriférante pour oindre sa tête et de l’eau tiède pour laver ses pieds couverts de poussière, ablution que l’usage des sandales rendait nécessaire. C’étaient là des soins remis à des serviteurs. Marie s’en acquittera elle-même.

Elle prend un vase, un flacon d’albâtre, rempli d’un parfum de grand prix (voir Marc 14.3, note), elle oint d’abord la tête de son Sauveur (Matthieu et Marc), puis elle répand encore l’huile sur ses pieds comme si ce parfum de grand prix n’était que de l’eau et avec tant de profusion, qu’elle doit les essuyer avec ses cheveux.

Par ces derniers traits, Jean achève le tableau de la tendre et humble vénération de Marie pour son Maître.

D’après les deux premiers évangiles, elle n’aurait oint que la tête de Jésus. Jean nous la montre oignant ses pieds et essuyant ses pieds. Nos versions, même les plus modernes, suppriment cette répétition voulue.

La critique négative ne craint pas de s’attaquer à cet admirable récit, pour le mettre en contradiction avec celui des deux premiers évangiles ! Il faut se garder d’identifier notre récit avec celui de la femme pécheresse, ou tout est différent (voir à ce sujet Luc 7.36, note).

4 Mais Judas Iscariot, l’un de ses disciples, celui qui devait le livrer, dit : 5 Pourquoi ce parfum n’a-t-il pas été vendu trois cents deniers, et donné aux pauvres ?

Voir Marc 14.5, note.

Quel contraste (mais) entre le généreux amour de Marie et ce froid calcul de la cupidité et de l’hypocrisie ! Et cependant ce murmure intéressé, Judas n’était pas seul à le proférer, il exprimait le sentiment de quelques-uns des disciples, comme nous l’apprennent les deux premiers évangiles.

Le texte reçu ajoute : fils de Simon, au nom de Judas ; ces mots manquent dans Codex Sinaiticus, B.

6 Or il dit cela, non qu’il se souciât des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait.

Il prenait, grec il portait.

Jean prend ce verbe dans le sens d’emporter, dérober : (Jean 20.15) il le fait entendre assez clairement par cette remarque que Judas était voleur. Il avait le soin de la bourse commune, où les amis du Sauveur déposaient leurs dons pour son modeste entretien (Luc 8.3) ; et, possédé par l’avarice, il était infidèle envers ce dépôt sacré.

On s’est demandé comment il se fait que Jésus, qui ne pouvait pas ignorer le caractère de Judas, lui eût laissé le soin de la bourse commune, puisque c’était là pour lui une tentation continuelle.

Beaucoup plutôt encore pourrait on se demander pourquoi il l’avait appelé à l’apostolat (voir à ce sujet Matthieu 26.15, 1re note et Jean 17.12 note).

7 Jésus dit : Laisse-la donc ; elle l’a gardé pour le jour de ma sépulture.

« Elle a gardé, conservé ce parfum pour me rendre, vivant, les honneurs qu’on rend aux morts » (comparer Matthieu 26.12, note).

Il y a ici une variante admise par Tischendorf et beaucoup de critiques et d’exégètes, selon laquelle il faudrait traduire ainsi ce verset : « Laissez-la ! afin qu’elle garde cela pour le jour de ma sépulture ».

Cette version, une fois admise, est expliquée de diverses manières. Meyer, par exemple, pense que Jésus veut dire que Marie conservera cela, c’est-à-dire le reste de ce parfum pour embaumer le corps du Seigneur après sa mort, le jour de son ensevelissement.

Mais ce parfum, il n’en restait rien, car Marie avait brisé le vase d’albâtre qui le contenait et qui ne pouvait plus être fermé (Marc 14.3). Et quelle apparence que Jésus voulût demander une seconde fois cette manifestation de vénération et d’amour !

Le sens de MM. Luthardt, Weiss, Keil : « Permets-lui d’avoir réservé ce parfum pour le jour,… » c’est-à-dire : considère son acte comme une sépulture anticipée ? Est difficilement admissible, car permettre de se rapporte à un fait à venir.

Nous croyons donc, avec Lücke, de Wette, M. Godet et d’autres interprètes, que cette variante, bien qu’appuyée de témoignages importants (Codex Sinaiticus, B, D), est une glose erronée, provenant de ce qu’on ne comprenait pas que Jésus, vivant, parlât de sa sépulture.

8 Car les pauvres, vous les avez toujours avec vous ; mais moi, vous ne m’avez pas toujours.

Ce verset manque tout entier dans D.

Voir, sur cette parole, Matthieu 26.11, note.

Comparer Deutéronome 15.11.

Telle fut la réponse directe de Jésus à Judas qui prétextait le soin des pauvres. Jésus parle au présent : vous avez toujours les pauvres, mais vous ne m’avez pas toujours, afin de rendre d’autant plus vivement le contraste entre les pauvres qui sont là en permanence ? Et lui-même dont le départ était si prochain.

Le présent se trouve également dans Matthieu et Marc. C’est donc à tort que nos versions ordinaires traduisent ces verbes par le futur.

9 Une grande multitude donc de Juifs apprirent qu’il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir aussi Lazare, qu’il avait ressuscité d’entre les morts.

Cette grande multitude de Juifs étaient des habitants de Jérusalem où Jésus était attendu avec un vif intérêt (Jean 11.56) et qui, ayant appris qu’il était là, tout près, à Béthanie, s’empressèrent d’y venir pour rencontrer Jésus et surtout pour voir de leurs yeux ce Lazare qu’il avait ressuscité d’entre les morts.

Ils voulaient se convaincre, par eux-mêmes de la réalité de ce grand miracle.

Encore ici (comparez Jean 11.37, note) plusieurs interprètes ont voulu voir dans ces Juifs des adversaires de Jésus, parce que Jean désigne ordinairement ainsi ces derniers. Le verset 11 rend cette opinion inadmissible.

10 Mais les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare, 11 parce que beaucoup de Juifs se retiraient, à cause de lui, et croyaient en Jésus.

Jean met en opposition (mais) ces principaux sacrificateurs avec la foule du verset précédent.

Ils avaient déjà décidé la mort de Jésus (Jean 11.57) et maintenant, ils veulent se défaire aussi de Lazare, ce témoin gênant de la puissance divine du Sauveur.

Ils voyaient, en effet, avec une vive irritation que beaucoup de Juifs, convaincus par la vue de ce ressuscité (à cause de lui), les abandonnaient (grec s’en allaient) et croyaient en Jésus.

Cet exemple frappant montre que pour des hommes aveuglés par l’endurcissement et la haine de la vérité, les preuves les plus éclatantes sont parfaitement impuissantes.

Quelle confirmation de la parole de Jésus : Luc 16.31 !

12 Le lendemain, une grande foule, celle qui était venue à la fête, ayant appris que Jésus se rendait à Jérusalem, 13 prit des branches de palmier, et sortit au-devant de lui ; et ils criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, et le roi d’Israël !

Le lendemain désigne le jour qui suivit la visite de Jésus à Béthanie, c’est-à-dire, selon la supposition la plus généralement admise (verset 1, note), le dimanche, appelé dès lors dans l’Église le dimanche des Rameaux ou des palmes, en souvenir de l’entrée royale de Jésus à Jérusalem.

C’est ici, en effet, que le récit de Jean rejoint celui des synoptiques, qui passent sous silence le séjour de Jésus à Béthanie ; ils placent quelques jours plus tard l’acte accompli par Marie chez Simon le lépreux, afin de le mettre dans un rapport direct avec l’histoire de la Passion (voir Matthieu 21.1, note).

Il ne faut pas confondre cette grande foule avec celle dont il est parlé au verset 9. Ici il s’agit moins des habitants de Jérusalem que de cette multitude de pèlerins étrangers venus à la fête et qui, ayant appris que Jésus approchait, allèrent en divers groupes au devant de lui.

Ainsi, à mesure qu’il avançait, Jésus voyait s’augmenter son cortège

Un souffle de Joie céleste passe sur cette multitude. Leur allégresse et leurs espérances éclatent dans des chants et des symboles significatifs. Le palmier, par la beauté permanente de sa magnifique couronne de feuilles, est l’emblème non seulement de la force, de la beauté et de la joie, mais du salut (Lévitique 23.40 ; et 13.51).
— Godet

Voir, sur ce chant de louanges emprunté au Psaume 118. Matthieu 21.9, note.

Par ces paroles pleines de joie, la foule reconnaît en Jésus Celui qui vient au nom du Seigneur (en hébreu, au nom de l’Éternel), c’est-à-dire, le Messie promis, le Roi d’Israël.

Et tandis qu’auparavant Jésus s’était dérobé à d’autres foules qui voulaient le proclamer roi (Jean 6.15), il accepte maintenant ces hommages, parce que son heure était venue.

14 Or Jésus ayant trouvé un ânon, s’assit dessus, selon qu’il est écrit :

Jean ne dit pas comment Jésus trouva, se procura cet ânon ; il suppose le fait connu d’après les premiers évangiles (Matthieu 21.2 et suivants).

Quant à la prophétie de Zacharie 9.9, l’évangéliste ne fait que la rappeler en l’abrégeant, afin d’en montrer l’accomplissement dans les faits qu’il raconte (Voir, sur cette citation, Matthieu 21.5, note).

Aux paroles triomphantes du prophète : « Tressaille de joie, fille de Sion », Jean substitue un simple : Ne crains point, parce qu’à ses yeux l’humble monture du Sauveur marque surtout le caractère doux et paisible de son règne.

Il y a même dans le texte un gracieux diminutif : petit ânon, opposé, dit Bengel, au cheval de guerre dont Jésus n’a pas voulu se servir.

15 Ne crains point, fille de Sion ; voici, ton roi vient, assis sur le petit d’une ânesse. 16 Ses disciples ne comprirent pas d’abord ces choses ; mais quand Jésus eut été glorifié, alors ils se souvinrent que ces choses étaient écrites de lui, et qu’on les lui avait faites.

Au premier abord, les disciples ne comprirent ni le sens symbolique de cette entrée royale sous un appareil si humble, ni le rapport de cet événement avec la prophétie, mais après que Jésus fut glorifié et qu’eux-mêmes furent remplis de l’Esprit de lumière, alors ils se souvinrent et comprirent.

Les derniers mots : qu’on les lui avait faites (grec qu’ils les lui avaient faites) pourraient se rapporter aux disciples eux-mêmes et rappeler que c’étaient ceux-ci qui avaient procuré à Jésus son humble monture et l’avaient fait asseoir dessus.

Telle est la pensée de plusieurs exégètes (Meyer, Holtzmann, Godet).

Mais comme le fait remarquer M. Weiss, ce n’était là qu’un incident secondaire dont Jean ne parle pas ; il est donc plus naturel de considérer la grande foule (verset 12) comme sujet sous-entendu de ce verbe et de rapporter celui-ci aux acclamations dont Jésus venait d’être l’objet.

C’était là le fait important de la journée, c’était son peuple qui avait fait ces choses à Jésus et les disciples s’en souvinrent avec bonheur, quand ils eurent compris la royauté éternelle de leur Maître.

17 La foule donc, qui était avec lui quand il avait appelé Lazare hors du sépulcre et qu’il l’avait ressuscité des morts, rendait témoignage. 18 Ce fut aussi pour cela que la foule alla au-devant de lui ; parce qu’elle avait appris qu’il avait fait ce miracle.

Dans ces deux versets (versets 17 et 18) l’évangéliste explique (donc) que la cause de ces hommages rendus à Jésus était la résurrection de Lazare.

Ce fait est exprimé en termes triomphants : il avait appelé Lazare hors du sépulcre et l’avait ressuscité d’entre les morts.

Jean mentionne ici deux foules qui glorifiaient le Sauveur : l’une qui était avec lui à Béthanie, qui avait été présente à la résurrection de Lazare et qui rendait témoignage l’autre qui, de Jérusalem, alla au-devant de lui, parce qu’elle avait appris qu’il avait fait ce miracle (verset 12).

Ce furent ces deux foules réunies qui acclamèrent Jésus comme Messie et Roi d’Israël (verset 13).

D’après une variante de D, quelques majuscules, Itala, admise par Lachmann, Tischendorf, Meyer, il faudrait traduire ainsi le verset 17 « La foule qui était avec lui, rendait témoignage qu’il avait appelé Lazare », au lieu de : « Qui était avec lui quand il avait appelé Lazare ».

Selon le contexte, l’idée reste la même au fond mais la leçon que nous adoptons est beaucoup plus autorisée (Codex Sinaiticus, B, A, C, majuscules et minuscules) et la plupart des éditeurs et interprètes l’admettent, considérant l’autre comme une correction.

19 Les pharisiens dirent donc entre eux : Vous voyez que vous ne gagnez rien ; voilà que le monde s’en est allé après lui.

Quel contraste entre ces pharisiens ennemis et la multitude remplie d’enthousiasme pour le Sauveur ! Les premiers semblent regarder leur cause comme perdue : « Vous voyez de vos yeux que vous ne gagnez rien par vos lenteurs ; voilà que le monde, tout le peuple, vous abandonne et que déjà il s’en est allé après lui ! »

On voit là des hommes uniquement occupés de leurs intérêts, de leur domination et nullement de la vérité.

20 Or il y avait quelques Grecs, de ceux qui étaient montés pour adorer à la fête ;

Les dernières paroles de Jésus en public (20-36)

21 ceux-ci donc abordèrent Philippe, qui était de Bethsaïda en Galilée, et ils lui faisaient une demande, disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus.

Ces Grecs étaient des prosélytes nés païens et parvenus à la connaissance du vrai Dieu par leurs relations avec les Juifs. C’est ce qui ressort de cette remarque de l’évangéliste qu’ils étaient montés pour adorer à la fête (comparez Actes 8.27), à cette fête de Pâque qui était proche (Jean 11.55).

Leur désir était de voir Jésus, de faire sa connaissance, de l’entendre, ils ne demandaient pas seulement que Philippe le leur montrât de loin (Weiss), car en ce cas la conduite hésitante de Philippe ne s’expliquerait pas. Ce désir leur était sans doute inspiré par des espérances messianiques et par tout ce qu’ils apprenaient de Jésus à Jérusalem.

Peut-être avaient-ils été témoins des hommages que le peuple lui rendait (verset 12 et suivants). Ils s’adressent donc respectueusement (Seigneur) à Philippe, qui était de Bethsaïda en Galilée.

On a conclu de cette mention expresse du lieu d’origine de Philippe que ces Grecs habitaient eux-mêmes la Galilée. Cette province contenait un grand nombre de païens.

L’évangéliste ne nous dit pas où se passa cette scène qui fut l’occasion des paroles profondes que Jésus va prononcer. Ce fut probablement dans quelque parvis extérieur du temple. Mais ce qu’il y a de remarquable, c’est que, tandis que Jean passe sous silence tous les grands enseignements du Sauveur durant cette dernière semaine de sa vie, parce qu’il les suppose connus par les autres évangiles, il recueille avec soin le récit qui va suivre. Il attache une importance d’autant plus grande à cette scène que Jésus y parle en termes émouvants de sa mort, dont il éprouve déjà toutes les tristesses. Ce récit nous prépare à l’agonie de Gethsémané, que Jean ne se propose pas de redire après les autres évangélistes.

22 Philippe vient et le dit à André, et André et Philippe le disent à Jésus.

Il y avait pour les disciples quelque chose d’insolite à présenter à Jésus ces étrangers, nés païens (comparez Matthieu 15.24) ; Philippe, qui était d’un caractère timide et circonspect (Jean 6.5-7 ; Jean 14.8), s’adresse donc à André, qui était du même village que lui (Jean 1.45) et, comme frère de Simon Pierre (Jean 1.44), se trouvait plus rapproché du Maître et ne craignait pas de lui adresser la parole (Jean 6.8-9 ; comparez Marc 13.3).

Les deux disciples expriment à Jésus le désir des Grecs. On voit dans tous ces menus détails historiques comme les caractères des personnages restent les mêmes, ce qui est la marque évidente du témoin oculaire.

23 Mais Jésus leur répond disant : L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.

Le mais fait pressentir un contraste entre la réponse de Jésus et le désir que les disciples lui transmettent de la part des Grecs.

L’expression : leur répondit (Codex Sinaiticus, B, portent : répond) s’applique aux deux disciples (verset 22), mais ce pronom n’exclut pas d’autres auditeurs.

On peut donc supposer, avec M. Godet, que, Jésus, après avoir prononcé le discours suivant et en traversant le parvis des Gentils pour sortir du temple (verset 36), aura accordé à ces Grecs un témoignage de sympathie.

Ou bien l’on peut croire que les Grecs furent admis en sa présence et entendirent les paroles qu’il prononça. En ce cas, le contraste fut grand entre les espérances qui les amenaient à Jésus et les déclarations qu’ils ouïrent. Ils s’attendaient sans doute à la révélation de quelque grande vérité religieuse, nouvelle pour eux, ou même à voir Jésus opérer en leur présence quelque œuvre de sa puissance divine ; et lui, il parle de sa mort, d’une mort dans laquelle devront le suivre tous ceux qui voudront être ses disciples !

En tout cas, il n’y a pas lieu de douter, comme le fait Meyer, que Jésus ait admis ces étrangers en sa présence. Sa réponse (verset 23 et suivants) n’implique pas un refus de les recevoir.

L’heure est venue, cette heure suprême marquée par la volonté souveraine de Dieu (Jean 13.1 ; Jean 17.1), où le Fils de l’homme, le représentant de l’humanité, allait être glorifié, d’abord par ses souffrances et sa mort qui seront la rédemption du monde, puis par son retour dans la gloire éternelle (Jean 17.5), d’où il agira par l’Esprit (Jean 7.39) pour attirer tous les hommes à lui (verset 32).

24 En vérité, en vérité, je vous le dis : Si le grain de blé, après être tombé dans la terre, ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.

Par opposition à tous les rêves d’un Messie glorieux que les disciples entretenaient encore et à toutes les pensées de sagesse humaine qui pouvaient occuper l’esprit des Grecs, Jésus affirme de la manière la plus solennelle (en vérité, en vérité) la nécessité absolue de sa mort pour le salut du monde.

L’image par laquelle il exprime cette pensée est pleine de justesse et de profondeur. Il faut que le grain de blé, pour produire son fruit, soit jeté dans la terre et y meure, s’y dissolve, en sorte que le germe qu’il renferme se nourrisse des sucs du sol et que la vie naisse de la mort (comparer 1 Corinthiens 15.36).

À cette condition seule, le grain porte beaucoup de fruit.

Si, au contraire, il est gardé en quelque endroit qui ne provoque point sa mort, il se conserve, mais il reste seul, parce qu’il n’a aucune force de reproduction.

C’est à lui-même que Jésus applique tout d’abord cette image. S’il n’avait pas donné sa vie pour le salut du monde, il serait resté de lui quelques grandes vérités religieuses et morales et les quelques disciples qu’il avait jusqu’alors rassemblés autour de lui ; on n’aurait pas vu se former une Église chrétienne, une humanité nouvelle et naître à la vie divine les millions d’âmes qui depuis dixneuf siècles, ont été le fruit de sa mort (comparer Apocalypse 7.9).

Mais si ce principe absolu du royaume de Dieu : par la mort à la vie, a été vrai pour le Chef de notre humanité, il ne l’est pas moins pour tous ses membres. C’est ce que Jésus nous déclare positivement au verset suivant.

25 Celui qui aime sa vie la perd ; et celui qui hait sa vie en ce monde la conservera pour la vie éternelle.

Au lieu de : sa vie, il y a proprement son âme.

L’âme, c’est la vie physique et la vie psychique, naturelle, avec toutes les facultés dont l’activité manifeste cette vie. Celui qui l’aime se refusera à la livrer à la mort comme le Sauveur a livré la sienne (verset 24), celui qui la hait en ce monde où règne le péché, la sauvera pour la vie éternelle, ou, comme on peut traduire aussi, la conservera en vie éternelle, parce qu’elle sera changée en vie éternelle.

Il faut bien remarquer ces contrastes absolus : aimer et haïr, perdre et conserver, ce monde et la vie éternelle.

Entre ces termes extrêmes, il faut choisir.

Ces paroles, qui ne sont que l’application du verset 24 à tous les chrétiens, avaient aux yeux du Sauveur, une importance suprême, car elles reviennent fréquemment dans ses discours (voir les notes sur Matthieu 10.39 ; Matthieu 16.25 ; Marc 8.35 ; Luc 9.24 ; Luc 17.33).

Codex Sinaiticus, B, portent le présent : la perd, au lieu du futur : la perdra, qui a été introduit par analogie avec le second futur : la conservera. Le verbe au présent signifie qu’aimer sa vie naturelle, c’est la perdre déjà actuellement.

26 Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur ; si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

Il y a dans ces paroles une sérieuse exhortation et une riche promesse découlant l’une et l’autre immédiatement de ce qui précède, depuis le verset 23.

Servir le Sauveur, c’est se donner à lui et par conséquent le suivre dans sa vie et dans sa mort (versets 24 et 25).

Ce chemin qu’il a suivi lui-même, conduit avec certitude là où il est, c’est-à-dire, dans sa gloire (verset 23 ; comparez 2 Timothée 2.11).

Il faut remarquer ce verbe au présent (là où je suis), par lequel Jésus anticipe sa vie glorieuse comme la possédant déjà (comparer Jean 14.3 ; Jean 17.24).

Or, être avec Jésus là où il est c’est la félicité et la gloire du ciel et c’est ainsi que sera réalisée parfaitement cette précieuse promesse : mon Père l’honorera.

27 Maintenant mon âme est troublée ; et que dirai-je ?… Père, sauve-moi de cette heure !… Mais c’est pour cette heure même que je suis venu. 28 Père, glorifie ton nom ! Vint donc une voix du ciel :
Et je l’ai glorifié, et je le glorifierai encore.

Le pressentiment de sa mort terrible et si prochaine (maintenant) fait éprouver à Jésus une émotion profonde ; son âme, ce siège intime de la vie et des affections son âme en est troublée.

Il le dit avec candeur, comme plus tard il fera de ses disciples bien-aimés les confidents de son angoisse (Matthieu 26.38). Il sent le besoin de prier ; mais, pressé entre le sentiment de sa haute vocation et le désir de la délivrance, il hésite sur ce qu’il demandera à Dieu : Que dirai-je ?

Lutte redoutable, observe Bengel, entre l’horreur de la mort et l’ardeur de l’obéissance. Le cri de la nature s’échappe de son âme en cette ardente supplication : Père, sauve-moi de cette heure !

Bientôt en Gethsémané retentira cette même requête : « Père ! Que cette coupe passe loin de moi ! » Mais, dans cette lutte suprême, il ajoutera aussitôt, avec un abandon absolu à la volonté de Dieu : « Non comme je veux, mais comme tu veux ».

De même ici, il reprend pour ainsi dire sa prière par ces mots d’une sainte résignation : mais c’est pour cette heure même que je suis venu. Et des lors toute son âme s’élève victorieuse vers ce but suprême de son sacrifice : Père, glorifie ton nom !

Ce nom, expression de toutes les perfections divines, sera, en effet, glorifié par la rédemption du monde. Ainsi les scènes mystérieuses de Gethsémané sont le vrai commentaire de ce douloureux moment de la vie du Sauveur et ce fait nous explique peut-être pourquoi Jean ne les a pas racontées dans son évangile.

La plupart des interprètes objectent à l’interprétation que nous donnons des mots : Père, sauve-moi de cette heure, que si Jésus avait vraiment voulu demander à son Père de le dispenser de mourir, il aurait ajouté, comme en Gethsémané : « S’il est possible ».

Les uns pensent que sa requête signifie : Fais moi sortir victorieux de la lutte intérieure actuelle.

D’autres, en plus grand nombre en font une question et traduisent : Dirai-je : Père, sauve-moi de cette heure ?

Les premiers nous paraissent méconnaître que « cette heure », dont Jésus demande à Dieu de le « sauver », ne saurait être que l’heure de sa mort et aux seconds, nous dirons, avec Meyer, qu’ils font d’une ardente prière une simple réflexion incompatible avec une telle situation. Non, quand Jésus souffrant s’adresse à son Père, il ne spécule pas, il prie. Que si l’on craint de trouver dans cette parole entendue comme une prière, une contradiction trop directe avec cette expression d’une entière résignation : mais c’est pour cette heure que je suis venu, nous répondrons que cette contradiction est dans les choses, disons mieux, dans le fond de l’âme de Jésus, où se livre une lutte terrible entre la nature humaine vraiment humaine et l’amour divin qui se dévoue.

Enfin, au lieu de cette traduction : mais c’est pour cette heure même que je suis venu (grec mais c’est à cause de cela que je suis venu pour cette heure, ou jusqu’à cette heure), on a proposé d’interpréter : c’est à cause de cela à cause des souffrances et de la mort que je dois subir, que j’ai persévéré dans la voie où j’ai marché jusqu’à présent.

Mais l’expression cette heure ne saurait avoir un autre sens qu’au commencement du verset et au verset 23 (2e note). Elle désigne le moment suprême de la mort, et, par conséquent, les mots : pour cette heure même ne sont qu’une apposition explicative de la locution : à cause de cela.

La particule donc indique que cette voix du ciel et les paroles qu’elle prononce sont une réponse à la prière de Jésus : « Glorifie ton nom ! » Je l’ai glorifié, mon nom, dans toute l’apparition de mon Fils sur la terre, dans sa parfaite obéissance, dans ses œuvres de puissance, dans la sainteté de sa vie ; et je le glorifierai encore (grec de nouveau) : Dieu le glorifiera en soutenant le Sauveur sur la croix, en le ressuscitant, en l’exaltant à sa droite et enfin en consommant son œuvre au moyen du Saint-Esprit à travers tous les siècles et jusque dans l’éternité. Ainsi se conclut l’alliance de grâce, en ce que le Fils s’offre en sacrifice à son Père et que le Père accepte solennellement devant tout le peuple ce sacrifice volontaire, dernier degré du dévouement et de l’amour. C’est la troisième fois que, selon nos évangiles, cette voix du ciel rend un témoignage solennel au Fils bien-aimé de Dieu (Matthieu 3.17 ; Matthieu 17.5).

29 La foule donc qui était là, et qui avait entendu, disait qu’un coup de tonnerre avait retenti. D’autres disaient : Un ange lui a parlé.

La voix du ciel fut assez retentissante et majestueuse pour qu’une partie de la foule crût avoir entendu le tonnerre.

Plusieurs exégètes en concluent qu’il n’y eût en réalité qu’un coup de tonnerre et que celui-ci fut considéré comme la voix de l’Éternel (Psaumes 18.14 ; Psaumes 39.3 et suivants).

L’évangéliste aurait interprété (verset 28) le sens de cette manifestation céleste.

Le contexte ne permet pas cette explication. Jésus lui-même ne parlerait pas de cette voix (verset 30), s’il n’y avait eu qu’un phénomène physique. D’ailleurs si les uns crurent qu’un coup de tonnerre avait retenti, d’autres entendirent réellement des paroles, sans peut-être les comprendre clairement, car ils disaient : Un ange lui a parlé.

Dans toutes les révélations du ciel, chacun entend selon le degré de sa réceptivité et de son intelligence spirituelle ; il n’en était pas autrement de la parole et des enseignements du Sauveur lui-même.

30 Jésus répondit et dit : Ce n’est pas à cause de moi que cette voix s’est fait entendre, mais c’est à cause de vous.

Jésus ne relève point ces opinions diverses sur la voix entendue ; mais il tient à expliquer le but de cette manifestation divine, qui était moins de répondre à sa prière (à cause de moi), car « il sait que le Père l’exauce toujours » (Jean 11.42), que d’instruire et de convaincre ceux de ses auditeurs qui jusqu’alors n’avaient pas cru en lui (à cause de vous).

En effet, le moment suprême approchait pour eux, où ils n’entendraient plus la voix du Sauveur et ne pourraient plus marcher à sa lumière (verset 31).

31 Maintenant il y a jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors ;

Il y a quelque chose de très solennel et, comme l’observe Meyer, l’assurance d’un vainqueur dans ce mot maintenant deux fois répété et qui correspond au maintenant du verset 27.

Le monde, rebelle à la vérité, se préparait à juger le Fils de Dieu et il se trouvera que, par ce fait, ce monde lui-même sera jugé. Mais quel est ce jugement ?

On peut en avoir une idée fausse si, avec toutes nos versions (sauf celle de Rilliet), on traduit : le jugement de ce monde. Cette traduction inexacte semble confirmer l’opinion des interprètes qui prétendent que notre évangéliste n’admet pas le jugement du dernier Jour, mais y substitue un triage graduel entre les croyants et les incrédules. Il maintient au contraire les deux notions et les coordonne.

Le mot jugement n’a pas non plus dans notre passage le sens de « condamnation » comme si Jésus voulait dire : le monde va, en me crucifiant, prononcer sa condamnation.

Non, Jésus pense à un jugement, un triage, qui va s’opérer dans notre humanité par sa mort car d’une part, cette mort révélera le dernier fond de perversité et d’iniquité qui est dans le cœur de l’homme, et, d’autre part, elle attirera à lui tous ceux qui ont faim et soif de justice.

En passant devant la croix, une partie des hommes y trouvent par la foi leur salut, tandis que l’autre partie, par l’incrédulité, consomme sa condamnation, voilà le jugement du monde qui résulte du Vendredi saint. Il commencera intérieurement ce jour-là même. Sa première grande manifestation extérieure sera la Pentecôte, la seconde, la ruine de Jérusalem. Le jugement final universel en sera la solennelle ratification.
— (verset 48) Godet

Mais c’est surtout le prince de ce monde que la mort du Sauveur fera déchoir de sa domination : il sera jeté dehors, c’est-à-dire hors de l’empire qu’il a usurpé sur notre humanité par le péché qu’il y a introduit (comparer Luc 10.18).

Seulement il faut remarquer, avec R. Stier, que ce verbe au futur, sera jeté dehors, indique que cette victoire sur le mal doit être graduelle, comme toute l’œuvre de notre rédemption et qu’elle ne sera définitive qu’au dernier jour.

Cette parole n’est donc pas en contradiction avec les autres déclarations de l’Écriture sur l’influence du prince des ténèbres (Romains 16.20 ; 2 Corinthiens 4.4 ; Éphésiens 2.2 ; 1 Pierre 5.8).

Il y a une amère ironie dans ce nom de prince de ce monde donné à l’esprit des ténèbres (Jean 14.30 ; Jean 16.11 ; 2 Corinthiens 4.4 ; Éphésiens 2.2) ; c’est Dieu qui devait être, dans tous les sens, le prince de ce monde et qui le deviendra (verset 32).

32 et moi, quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi.

Par opposition au prince de ce monde dont il annonce la défaite, Jésus continue par ce mot solennel : et moi ; lui, en effet il le déclare, va devenir le véritable chef de notre humanité sauvée.

Quelle grandeur, quelle certitude de la victoire dans cette parole : j’attirerai tous les hommes à moi !

Tous, que faut-il entendre par là ? Les nations païennes aussi bien que les Juifs ? (Jean 10.16) Les enfants de Dieu dispersés ? (Jean 11.52) Tous ceux que le Père a donnés au Fils (Jean 6.37), c’est-à-dire les élus ? Tous dans le sens d’un rétablissement universel ? Chacune de ces réponses a été faite à notre question.

Nous pensons qu’il faut laisser au mot tous sa pleine signification. Il n’est aucun homme qui, à des degrés divers, par différents moyens, ne fût ce que par les besoins profonds de sa nature déchue, n’éprouve à tel moment de sa vie cet attrait du Sauveur.

Mais comme l’homme a le triste pouvoir d’y résister, cela ne veut point dire que tous viennent réellement à Jésus. Là est le mystère de la grâce de Dieu et de la liberté de l’homme. Il en est de même de la déclaration Jean 6.44, où cette action divine est attribuée au Père dans les mêmes termes.

Quant à ces mots : quand j’aurai été élevé de la terre, voir la note suivante.

33 Or il disait cela indiquant de quelle mort il devait mourir.

Par cette remarque, l’évangéliste nous donne son commentaire sur cette parole de Jésus : élevé de la terre.

Il y voit le genre de mort que devait subir son Maître, la croix. Or un grand nombre d’exégètes se sont hâtés d’affirmer que cette explication n’est pas conforme aux termes du texte, attendu que ce mot élevé de le terre ne peut signifier autre chose que le retour de Christ dans la gloire du ciel.

Il faut bien avouer que ce dernier sens se présente naturellement à la pensée.

Mais comme Jean avait entendu plus d’une fois Jésus parler dans les mêmes termes de son élévation sur la croix (Jean 3.14 ; Jean 12.32), comme lui-même revient plus tard (Jean 18.32) à son interprétation, à laquelle évidemment il attachait une grande importance ; comme c’est un fait que la croix du Sauveur, c’est-à-dire l’immense amour divin qui s’y révèle est le plus puissant moyen d’attirer les cœurs à lui ; comme enfin Jésus ne pouvait être élevé de la terre au ciel qu’en étant d’abord élevé sur la croix, on conçoit fort bien que Jean s’attachât à cette pensée.

Il savait, aussi bien que ses critiques, que le terme suprême de l’élévation de Jésus était la Gloire du ciel ; mais comme aucun autre chemin n’y conduit que celui de la croix, il signale ainsi une réalité profonde qu’il met au-dessus de la logique des termes.

34 La foule lui répondit donc : Nous avons appris, par la loi, que le Christ demeure éternellement ; comment donc dis-tu qu’il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Qui est ce Fils de l’homme ?

La foule a très bien compris que par ces mots : « Être élevé de la terre », Jésus annonçait sa mort. Or, quelques-uns dans cette foule, lui objectent que, selon la loi, c’est-à-dire d’après les Écritures (ainsi Jean 10.34), le Messie demeure éternellement (voir Daniel 7.13-14 ; Daniel 7.27 ; Psaumes 110.4 ; Ésaïe 9.6).

S’il en est ainsi Jésus ne saurait être le Messie. Qui es-tu donc ? Lui demandent-ils. En lui adressant cette question, ils se servent de ce terme de Fils de l’homme par lequel Jésus se désignait fréquemment et qu’il venait de prononcer à l’instant même (verset 23).

Ce nom, dans sa bouche, désignerait-il un autre que le Messie ? Il ne paraît pas que ce fût par hostilité que ces gens faisaient cette objection, mais parce qu’ils en étaient réellement embarrassés. Aussi Jésus leur fait-il entendre avec bonté un dernier et sérieux avertissement (versets 35 et 36).

35 Jésus leur dit donc : La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous ; marchez pendant que vous avez la lumière, de peur que les ténèbres ne vous surprennent ; et celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va.

Codex Sinaiticus, B, D, versions. Le texte reçu avec A, majuscules porte avec vous.

36 Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous deveniez des fils de lumière. Jésus dit ces choses, puis, s’en étant allé, il se cacha d’eux.

Jésus ne répond pas directement à la question de ses auditeurs, bien persuadé que, s’ils ouvraient leur cœur à la sérieuse exhortation qu’il leur adresse, ils ne tarderaient pas à être éclairés par sa lumière divine et à comprendre la nécessité et le but de sa mort.

Cette lumière allait disparaître du milieu d’eux, s’ils ne saisissaient pas ce dernier moment, ils seraient surpris par les ténèbres, et, semblables à un homme qui erre dans l’obscurité et qui ne sait où il va, ils courraient risque de périr.

Jésus insiste et il explique ce mot : marcher à la lumière par celui-ci : croyez en la lumière, c’est-à-dire en Celui qui la fait resplendir à vos yeux (Jean 8.12). Alors vous deviendrez des fils de lumière, hébraïsme qui signifie des êtres nés de cette lumière et qui en sont tout pénétrés, de manière à la faire resplendir eux-mêmes autour d’eux (comparer Luc 16.8 ; Éphésiens 5.8 ; 1 Thessaloniciens 5.5).

S’en étant allé, probablement à Béthanie, comme le suppose Meyer, afin de passer dans le cercle intime de ses amis les dernières heures qui lui restaient. Mais il ne revint pas ; il se cacha d’eux. Parole redoutable, tragique, pour ce peuple qui avait « méconnu le jour de sa visitation » et dont notre évangéliste va déplorer l’incrédulité (verset 37 et suivants).

37 Or, quoiqu’il eût fait tant de miracles devant eux, ils ne croyaient point en lui ;

Conclusion de l’évangéliste (37-50)

Après avoir nettement marqué la fin du ministère public de Jésus (verset 36), Jean jette un regard plein de tristesse sur l’incrédulité de son peuple (versets 37-43) ; puis, il résume en quelques traits lumineux l’enseignement du Sauveur sur sa mission divine (versets 43-50).

Tant de miracles (grec de signes), signes de la puissance et de l’amour divins, n’avaient pu amener les Juifs à la foi, ils ne croyaient point en lui, ce verbe à l’imparfait marque la persistance de leur incrédulité.

En rappelant ces miracles, qui furent beaucoup plus nombreux que ne les rapportent les évangiles (Jean 20.30), Jean ne les considère point comme le seul moyen d’amener les hommes à la foi ; la parole de Jésus et la sainteté de sa vie étaient plus propres encore à convertir à lui les âmes sincères (Jean 7.17) ; mais résister à des manifestations aussi directes de la présence de Dieu que celles des miracles, supposait un degré d’incrédulité qui allait jusqu’à l’endurcissement. C’est là ce qui afflige l’apôtre et telle était aussi la pensée souvent exprimée de Jésus lui-même (Jean 10.38 ; Jean 15.24). Aussi Jean voit-il dans cet endurcissement de son peuple un jugement de Dieu (verset 38 et suivants).

38 afin que fût accomplie la parole qu’Ésaïe, le prophète, a prononcée : Seigneur, qui a cru à notre prédication, et le bras du Seigneur, à qui a-t-il été révélé ?

Ésaïe 53.1, cité exactement d’après les Septante, conformes à l’hébreu. Telle était la plainte douloureuse du prophète sur l’incrédulité de son peuple, cette parole introduit la description des humiliations et des souffrances du Messie méprisé et rejeté par ce peuple. Elle s’est réalisée dans l’histoire du Sauveur.

Non seulement sa prédication, comme celle du prophète, est restée sans effet sur le grand nombre, mais le bras du Seigneur, c’est-à-dire sa puissance manifeste dans les œuvres de Jésus, n’a pas été révélé à son peuple. Cette incrédulité devait se produire, si étrange soit elle, pour accomplir la prophétie.

Il faut laisser au mot afin que toute sa signification, car l’évangéliste va l’expliquer par une autre citation.

39 Aussi bien ne pouvaient-ils croire, parce qu’Ésaïe a dit encore : 40 Il a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur, afin qu’ils ne voient point des yeux et qu’ils ne comprennent point du cœur et qu’ils ne se convertissent point et que je ne les guérisse point.

Ésaïe 6.10. Voir sur cette citation : Matthieu 13.14-15, note. Ce qui, dans l’hébreu est un ordre de Dieu au prophète, est rendu par l’évangéliste comme une action de Dieu lui-même qui, par un juste jugement sur l’incrédulité de son peuple, a aveuglé leurs yeux et endurci leur cœur ; c’était, en effet, alors un fait accompli.

Jean tire de là cette conclusion : Grec : C’est pourquoi ils ne pouvaient croire. Le c’est pourquoi porte sur le parce que suivant : (comme Jean 5.18 ; Jean 10.17) Ils ne pouvaient croire pour cette raison que

Le dessein de Dieu, en envoyant son Fils au monde, était non d’endurcir et de perdre les hommes, mais de les sauver et Jésus avait abondamment offert à tous la grâce et le salut. Aussi le jugement de Dieu, ici révélé, ne commence que là où sa miséricorde rencontre une incrédulité et un endurcissement sans espoir.

Il faut donc dire avec Bengel :

Avant tout, ils ne croient pas, étant rebelles ; puis, ils ne peuvent croire. Ils se trompent donc, ceux qui renversent ainsi l’ordre de ces paroles : ils n’ont pu croire, donc ils n’ont pas cru.
41 Ésaïe dit ces choses, lorsqu’il vit sa gloire et parla de lui.

Les paroles du prophète, que l’évangéliste vient de citer, furent prononcées immédiatement après la grande vision de la gloire du Seigneur, par laquelle Ésaïe fut confirmé dans sa sainte mission (Ésaïe 6.1-7).

En conformité avec toutes les Écritures, Jean n’hésite pas à nous montrer, dans l’Adonaï qui apparut au prophète, la Parole éternelle par laquelle eurent lieu toutes les révélations divines de l’ancienne Alliance et qui est devenue chair en Jésus-Christ (comparer Jean 1.1, note).

Les mots : il parla de lui, se rapportent précisément aux paroles du prophète que Jean vient de citer et qui se trouvent à la suite de la vision ici rappelée (Ésaïe 6.8 et suivants).

Une variante de Codex Sinaiticus, B, A adoptée par la plupart des éditeurs et par plusieurs exégètes (Meyer, Luthardt, Weiss), porte : parce qu’il vit sa gloire, au lieu de lorsqu’il vit sa gloire. Dans ce cas, l’évangéliste indiquerait que la vision du prophète fut la cause ou le fondement des paroles qu’il prononce.

Mais, comme les anciennes versions latine et syriaque sont favorables au mot lorsque et que celui-ci, d’un emploi plus rare, a pu être changé en parce que, plutôt que l’inverse, nous préférons, avec M. Godet, la leçon reçue qui donne un sens plus naturel et plus conforme au contexte.

42 Il y en eut cependant, même d’entre les chefs, beaucoup qui crurent en lui, mais, à cause des pharisiens, ils ne confessaient point leur foi, de peur d’être exclus de la synagogue.

L’évangéliste se plaît à rappeler que, malgré l’incrédulité d’Israël, dont il parle avec tristesse, plusieurs, même d’entre les chefs, c’est-à-dire des membres du sanhédrin, crurent en Jésus, mais qu’ils n’osaient confesser leur foi de peur d’être exclus de la synagogue.

Le parti qui terrorisait le conseil et le peuple était celui des pharisiens (comparer Jean 9.22).

43 Car ils aimèrent la gloire qui vient des hommes plus que la gloire qui vient de Dieu.

La foi timide de ces hommes n’avait pas encore l’énergie nécessaires pour renoncer à la gloire qui vient des hommes et lui préférer la gloire qui vient de Dieu seul.

L’empire de l’opinion (c’est là proprement le sens du mot grec) les dominait encore. Mais nous savons de quelques-uns d’entre eux, Nicodème, Joseph d’Arimathée, que, plus tard, au moment même du plus grand danger, ils furent affranchis de cette tyrannie et partagèrent l’opprobre de Christ (Jean 19.38 et suivants).

44 Or Jésus cria et dit : Celui qui croit en moi, ne croit pas en moi, mais en Celui qui m’a envoyé ;

Comme il est évident que l’évangéliste a clos (verset 36) le récit de la vie publique de Jésus ; comme il n’indique ni le temps, ni le lieu où les paroles suivantes furent prononcées, ni les auditeurs à qui elles furent adressées ; comme enfin ce dernier discours ne renferme que des paroles de Jésus qui se retrouvent en substance dans ses enseignements précédents, la plupart des interprètes admettent que l’évangéliste a voulu donner ici un résumé énergique et lumineux de la prédication du Sauveur touchant les bienfaits assurés à ceux qui croiraient en lui, afin de montrer combien était coupable l’incrédulité des Juifs dont il venait de parler.

Dans ce cas, les mots : il cria et dit, sont destinés à faire vivement sentir combien Jésus avait hautement et publiquement proclamé la vérité sur sa mission divine et sur le malheur de ceux ; qui la rejetaient.

C’est, en effet, sur ce point capital que l’évangéliste insiste dans ce résumé, qui ne renferme que des paroles réellement prononcées par le Seigneur. Telle est, sur ce morceau qui termine notre chapitre, l’opinion de Lücke, Tholuck, Olshausen, Meyer, Ewald, Ebrard, Astié. MM. Luthardt Weiss, Schlatter, Godet.

D’autres exégètes, Calvin, Bengel, Hengstenberg, pensent que Jésus prononça réellement encore ce discours avant de se séparer des Juifs. Cette idée s’accorde difficilement avec la déclaration du verset 36.

45 et celui qui me contemple, contemple Celui qui m’a envoyé.

L’expérience de tous les chrétiens leur démontre que, dès qu’ils croient de cœur en Jésus et contemplent Jésus des yeux de l’âme, cette foi et cette contemplation ne s’arrêtent pas à sa personnalité humaine, telle qu’elle parut sur la terre mais embrasse Dieu lui-même qui l’a envoyé et dont il est la révélation parfaite (comparer sur ces paroles Jean 5.36 ; Jean 7.29 ; Jean 8.19-42 ; Jean 10.38 ; Jean 11.9).

46 Je suis venu dans le monde comme une lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure point dans les ténèbres.

Grec : Moi lumière je suis venu dans le monde afin que.

Voir sur ces paroles Jean 1.4-9 ; Jean 3.19 ; Jean 8.12 ; Jean 9.5 ; Jean 12.35.

En présence de cette lumière divine, si quelqu’un demeure dans les ténèbres, il en portera seul la responsabilité, car il aura volontairement fermé les yeux

47 Et si quelqu’un entend mes paroles, et ne les garde pas, ce n’est pas moi qui le juge ; car je ne suis point venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. 48 Celui qui me rejette et ne reçoit point mes paroles a son juge ; la parole que j’ai annoncée, c’est elle qui le jugera au dernier jour.

Après avoir rappelé la manifestation de Dieu dans sa personne, Jésus insiste avec énergie sur la responsabilité et le malheur de ceux qui rejettent ses paroles.

Il ne les juge point maintenant, car il est venu pour sauver, mais ils n’en seront que plus rigoureusement juges au dernier jour, et cela, par cette parole même, éternelle vérité qu’ils ont méprisée (comparer Jean 3.17-19 ; Jean 5.45-47 ; Jean 8.15-16).

49 Car pour moi, je n’ai point parlé par moi-même, mais le Père qui m’a envoyé m’a commandé lui-même ce que je dois dire et comment je dois parler ; 50 et je sais que son commandement est la vie éternelle. Ainsi donc, les choses dont je parle, j’en parle comme le Père me les a dites.

Ces dernières déclarations confirment et motivent celles qui précèdent (car) ; en effet, la parole de Jésus a toujours été la parole de Dieu même, fidèlement reproduite.

Le Père qui m’a envoyé, dit-il, m’a (grec) donné un commandement, ce que je dis et ce que j’énonce ; le premier de ces verbes se rapporte au fond, le second à la forme du discours (comparer Jean 8.43, note).

Ce commandement, cet enseignement, qu’il a toujours docilement reçu et fidèlement transmis, a le pouvoir de régénérer et de vivifier ; ainsi il est la vie éternelle pour tous ceux qui l’entendent et le reçoivent avec foi (Jean 6.63 ; comparez Jean 5.30 ; Jean 7.16 ; Jean 8.25-28 ; Jean 14.10).