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Ecclésiaste 8
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Qui est comme le sage, et qui comprend l’explication des choses ? La sagesse de l’homme illumine sa face et lui enlève son air farouche.

Ne pas se révolter contre l’ordre établi, même dans les temps d’oppression. La volupté n’est pas la seule tentation à laquelle l’homme doive et, à l’aide de la sagesse, puisse résister : il y a les entraînements politiques. Mais, avant d’aborder ce sujet, l’Ecclésiaste fait de nouveau (comparez Ecclésiaste 7.19) l’éloge de la sagesse et célèbre le bonheur de l’homme qui, laissant de côté les fausses maximes qui ont cours dans le monde (Ecclésiaste 7.29), s’en tient à la loi suprême de la crainte de Dieu.

Qui comprend l’explication des choses, leur vraie valeur morale, sans que pour cela aient disparu tous les mystères (Ecclésiaste 7.24). D’autres traduisent : la signification de la parole suivante, du proverbe que citerait la seconde partie du verset.

Lui enlève son air farouche. Les oppressions et les injustices aigrissent ; la sagesse rassérène les traits en apaisant le cœur (Psaumes 34.6 ; Proverbes 15.13).

2 Je [dis] : Observe les ordres du roi, et cela à raison du serment fait devant Dieu.

Cette heureuse influence, elle l’exerce en enseignant que l’obéissance au souverain qui a reçu votre serment de fidélité (Ézéchiel 17.13), est un devoir religieux. Et tel est l’enseignement que l’Ecclésiaste va développer ici de la part de la Sagesse.

Je dis. Comparez une ellipse pareille en Ésaïe 5.9, note ; Jérémie 20.10.

Observe les ordres du roi, en dépit des oppressions qui s’exercent (Ecclésiaste 3.16, 4.1) et auxquelles le roi n’est peut-être pas étranger.

3 Ne te hâte pas de le quitter et ne t’arrête pas à une chose mauvaise, car il peut faire tout ce qu’il lui plaît.

Comparez Proverbes 24.21 et, pour l’obéissance aux monarques païens eux-mêmes, Jérémie 27.12-13.

Ne te hâte pas … dans un mouvement de dépit. Et, si tu t’es déjà joint à des mécontents, reviens !

Une chose mauvaise : non seulement moralement (verset 2), mais même au point de vue purement utilitaire, car il peut faire tout ce qu’il lui plaît (verset 4) (Proverbes 16.14 ; Proverbes 19.12).

4 En effet la parole du roi est puissante, et qui lui dira : Que fais-tu ?

Qui lui dira : Que fais-tu ? Comparez Job 9.12 ; Ésaïe 45.9, où il s’agit de la toute-puissance divine. En Israël, à l’occasion, les prophètes tenaient tête aux mauvais rois ; dans les grands empires de l’Orient, le monarque agissait comme n’ayant personne au-dessus ni à côté de lui.

5 Qui observe le commandement n’éprouve rien de funeste. Le cœur du sage sait qu’il y a un temps et un jugement,

Si, même sous un pouvoir despotique, on demeure dans la soumission, en laissant à Dieu le soin d’intervenir quand il le trouvera bon (verset 6), on évitera bien des choses fâcheuses (Romains 13.3 ; 1 Pierre 2.13-17).

Un temps et un jugement. Le sage n’oublie pas ce qui a été dit Ecclésiaste 3.17 et il en tient compte : le cœur du sage sait.

6 car il y a pour chaque chose un temps et un jugement ; l’iniquité de l’homme pèse lourdement sur lui.

Pour chaque chose : pour les révoltes aussi bien que pour les actes de tyrannie.

L’iniquité de l’homme pèse lourdement sur lui : non pas sur sa conscience, mais de fait.

7 Il ne sait ce qui adviendra. Qui lui dira comment les choses se passeront ?

Il ne sait ce qui adviendra. Le moment où le jugement éclatera est ignoré de l’homme, comme aussi la manière en laquelle il se manifestera.

Dans Ecclésiaste 10.14 se retrouvent des paroles presque identiques, mais dans un contexte et avec une valeur tout autre.

8 Nul homme n’est maître du vent et ne le peut enfermer ; nul n’a pouvoir sur le jour de la mort ; il n’y a point de dispense en temps de guerre, et le crime ne sauve pas qui le commet.

Mais, troisième caractère du jugement, il est inévitable. Il n’est pas plus possible d’échapper aux justes rétributions de Dieu, qu’il ne l’est d’arrêter le vent. Sur cette comparaison voir déjà Proverbes 30.4. Rien, surtout pas le crime, en dépit de Ecclésiaste 7.15, ne dispense du suprême service militaire, quand une fois on a reçu l’ordre de marche.

9 Tout cela, je l’ai vu en appliquant mon cœur à tout ce qui se passe sous le soleil, quand l’homme domine sur les hommes pour leur malheur.

Ne pas abandonner cette confiance en la justice de Dieu, alors même que parfois elle est lente à se manifester (9-14)

Transition

Tout cela. Ce que je viens de dire repose sur une expérience personnelle : j’ai vu sous de mauvais rois des révoltes qui aboutissaient à de cruelles représailles et j’ai vu l’inévitable justice divine éclater sur les coupables, quels qu’ils fussent.

Pour leur malheur. Ces mots préparent ce qui suit. Ces oppressions peuvent pousser à bout ceux qui en sont les victimes, car souvent il arrive que Dieu laisse à l’homme le temps de faire cent fois le mal avant d’intervenir (versets 11 et 12).

10 Ainsi j’ai vu des méchants recevoir la sépulture et s’en aller [en paix] ; et ceux qui avaient fait le bien doivent s’éloigner du lieu saint et sont oubliés dans la ville. Cela aussi est une vanité.

Je dis : pour son malheur, car, par exemple, j’ai vu… En général, qui possède son âme par la patience, sous un mauvais gouvernement, évite un sort trop rigoureux. Toutefois, il n’en est pas toujours ainsi : il peut arriver que, tandis que le tyran meurt de mort naturelle et reçoit une somptueuse sépulture, le juste soit opprimé, exilé et oublié dans sa mort (Ésaïe 57.1). De là peut naître une nouvelle tentation, pire que celle de se révolter contre les supérieurs terrestres, celle de renier Dieu et de s’abandonner à une vie déréglée.

Doivent s’éloigner du lieu saint : du sanctuaire. Comparez 2 Samuel 15.25.

Et sont oubliés dans la ville sainte : près de laquelle on sait que les Juifs tiennent à être enterrés et à avoir un mémorial ; ou bien en général : dans leur ville.

Cela aussi est une vanité, comme le montrera le verset 14.

11 Parce que la sentence contre les mauvaises actions ne s’exécute pas promptement, le cœur des fils des hommes se remplit du désir de mal faire.

Se remplit du désir de mal faire. On se demande si l’on ne pourrait pas se livrer au mal sans retenue. Cette terrible tentation, l’Ecclésiaste l’a connue (Ecclésiaste 2.20) ; aussi peut-il sympathiser avec ceux qui sont ébranlés et qu’il s’efforce de fortifier en affirmant de la manière la plus positive sa foi au triomphe du bien (versets 12 et 13).

12 Quoique le pécheur fasse cent fois le mal et que ses jours soient prolongés, je sais cependant que les fidèles se trouveront bien d’avoir craint devant la face de Dieu.

Se trouveront bien, une fois ou l’autre, mais pour toujours. Si Dieu, dit saint Jérôme, a tant de bonté pour les méchants qui l’offensent continuellement, s’il les attend à pénitence avec autant de miséricorde, s’il leur laisse, après tant de crimes, le loisir de se reconnaître, que ne fera-t-il pas pour ses serviteurs fidèles ?

D’avoir craint devant la face de Dieu. Voici littéralement la fin du verset 12 : Je sais cependant que bien sera à ceux qui craignent Dieu, lesquels ont de la crainte devant sa face. Il y a ici une tautologie intentionnelle : bien sera aux véritables fidèles. On peut rapprocher de cette manière de dire l’expression de Paul : les veuves vraiment veuves (1 Timothée 5.3).

13 Mais le bonheur n’est pas pour le méchant ; il ne prolongera pas ses jours ; il sera comme l’ombre, parce qu’il n’a pas craint devant la face de Dieu.

Il ne prolongera pas ses jours, en dépit de Ecclésiaste 7.15. Pendant que le méchant est adoré sur la terre, le temps paraît long : Je n’ai fait que passer, il n’était déjà plus ! (Psaumes 37.36).

14 C’est une vanité qui se produit sur la terre, qu’il y a des justes qui sont traités selon l’œuvre des méchants, et des méchants qui sont traités selon l’œuvre des justes. J’ai dit que cela aussi est une vanité.

En attendant le triomphe du bien, auquel je crois, il faut reconnaître que tout n’est pas pour le mieux ici-bas.

15 Alors j’ai vanté la joie, puisqu’il n’y a d’autre bien pour l’homme sous le soleil que de manger, de boire et de se réjouir, et que c’est là ce qui lui reste dans son labeur pendant les jours de vie que Dieu lui accorde sous le soleil.

Conclusion (15-17)

Après avoir constaté que Dieu tolère bien des injustices dans le monde, l’Ecclésiaste vante la joie, comme il l’a fait déjà à plusieurs reprises (Ecclésiaste 2.24 ; Ecclésiaste 3.12 ; Ecclésiaste 3.22 ; Ecclésiaste 5.17-18) et comme il le fera encore (Ecclésiaste 9.7-10 ; Ecclésiaste 12.1-2). Avons-nous là un refrain absolument uniforme, un conseil toujours le même, qu’il ne se lasse pas de répéter pour le mieux inculquer à ses auditeurs ? Nous ne le pensons pas. Sans doute, le grand prédicateur de la Vanité tient à couvrir sa responsabilité en mettant l’homme en garde contre le désespoir et le pessimisme. Tout est vanité. Mais ce serait une erreur de croire qu’à ses yeux l’idéal de la sagesse consiste dans le désenchantement de tout. Le sage sait jouir. On pourrait aisément oublier ce côté de la piété. Voilà pourquoi il faut le répéter.

Mais cette exhortation est chaque fois accompagnée de considérations particulières. Jouissons de ce que Dieu nous envoie et ne croyons pas pouvoir trouver le bonheur par nos propres efforts (Ecclésiaste 2.24). Attendons-le ; il surviendra au moment fixé par Dieu (Ecclésiaste 3.12). Ne laissons pas passer les occasions ; elles ne reviendront peut-être pas (verset 22). Jouissons en bonne conscience de ce que Dieu dispense et que ces biens passagers soient sanctifiés par la pensée qu’ils viennent de Dieu (Ecclésiaste 5.17-18). Jouissons, alors même que nous ne comprenons pas tout dans le gouvernement du monde et remercions même pour le peu qui nous est accordé (Ecclésiaste 8.15-17). Pas d’humeur chagrine ! Dieu prend plaisir à notre joie et à notre activité (Ecclésiaste 9.7-10). Jouis, mais sans jamais perdre de vue le jugement qui s’approche (Ecclésiaste 12.1-2).

16 Lorsque j’ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse et à me livrer à l’occupation à laquelle on se fatigue sur la terre, car ni jour ni nuit l’homme ne jouit du sommeil,

L’occupation à laquelle on se fatigue et où l’on perd le sommeil, est, ici comme Ecclésiaste 1.13, celle qui consiste à s’efforcer de tout comprendre.

Ne jouit du sommeil, littéralement : ne voit le sommeil.

17 alors j’ai vu à l’égard de toute l’œuvre de Dieu l’impuissance de l’homme à saisir ce qui se fait sous le soleil ; quelque peine qu’il se donne pour chercher, il ne trouve pas ; même quand le sage prétend arriver à savoir, il ne peut y parvenir.

L’auteur sait que, sous l’apparent désordre des événements, l’œuvre de Dieu s’accomplit (Ecclésiaste 3.14) ; mais ces voies divines échappent à l’observation du sage lui-même. L’Ecclésiaste ne se fait pas faute de constater l’insuffisance des lumières de l’homme et, dans le clair obscur de l’ancienne alliance, il soupire après la pleine lumière. Le sage lui-même est loin de tout comprendre. Sa sagesse consiste à craindre Dieu : tel est dans ce dédale son fil conducteur.