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Ezéchiel 27
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Ezéchiel 27

Complainte sur la ruine de Tyr

Ce chant funèbre sur la chute de la métropole commerciale du monde antique réunit deux caractères qui paraissent s’exclure : ceux de l’inspiration lyrique et de l’exactitude statistique. C’est que l’auteur n’écrit ni en poète, ni en économiste, mais en prophète, qui combine, en les faisant servir à son but, les vives intuitions de l’imagination et la connaissance très exacte des faits matériels. Son but, c’est celui de l’Écriture entière : anéantir l’homme et glorifier Dieu. L’homme peut briller par sa force, comme Nébucadnetsar, ou par sa sagesse et son habileté, comme le roi de Tyr. Dans un cas aussi bien que dans l’autre, le jugement de Dieu lui fera connaître son néant.

Le prophète contemple d’abord la grande cité marchande, qui remplit les mers de ses vaisseaux, sous l’image d’un navire admirablement construit et équipé, qui traverse fièrement les grosses eaux, emportant et rapportant les marchandises du monde entier (versets 2 à 25). Puis, dans un second tableau, il voit ce navire sombrer soudain au souffle d’un ouragan venu d’orient et il entend le cri d’effroi du monde entier à la vue de ce désastre (versets 26 à 36).

1 Et la parole de l’Éternel me fut adressée en ces mots : 2 Et toi, fils d’homme, prononce sur Tyr une complainte ;

Le premier morceau comprend, d’abord, le tableau de la beauté et de la puissance de Tyr (versets 2 à 14), puis celui de son immense commerce (versets 12 à 25).

L’État de Tyr, représenté sous l’image d’un navire merveilleux pour la construction et l’embellissement duquel le monde entier a réuni tout ce qu’il produit de plus excellent. Cette image d’un navire est empruntée à la situation de Tyr, bâtie sur une île, d’où elle dominait les mers. Le prophète y reste fidèle d’un bout à l’autre du morceau, sauf dans quelques traits de détail (versets 11 : murailles, tours).

3 et dis à Tyr : Ô toi qui es assise aux abords de la mer, qui portais les marchandises des peuples à des îles nombreuses, ainsi parle le Seigneur l’Éternel : Toi, ô Tyr, tu as dit : Je suis parfaite en beauté !

Aux abords de la mer. L’île de Tyr avait deux ports, l’un au nord, du côté de Sidon, l’autre au sud, du côté de l’Égypte ; un bras de mer de dix minutes de largeur seulement, la séparait du continent ; il avait deux sorties, au nord et au sud.

Des îles nombreuses : les contrées riveraines de la Méditerranée.

Tu as dit. Ce premier mot signale le sentiment d’orgueil qui amènera la chute de cette reine des mers.

4 Ton domaine est au sein des mers ; ceux qui t’ont construite, avaient rendu ta beauté parfaite.

Ton domaine… D’autres peuples règnent sur les continents ; mais les mers sont le domaine de Tyr.

T’ont construite… ici commence l’allégorie.

5 Ils ont construit en cyprès de Sénir toutes tes parois ; ils ont pris du Liban un cèdre pour t’en faire un mât.

Dans les versets 5 à 7 est décrite la construction du navire. Et d’abord sa coque : toutes tes parois. Elle est du bois le plus inaccessible aux insectes et à la pourriture, celui du cyprès de Sénir.

Sénir était le nom amorrhéen de l’Anti-Liban, la chaine parallèle au Liban, du côté de l’est ; il désignait spécialement le Hermon, cette montagne magnifique, le Mont-Blanc de la Palestine, qui termine l’Anti-Liban au sud (Deutéronome 3.9). On a retrouvé récemment ce nom de Sénir dans les inscriptions assyriennes.

Un mât. Il est fait du bois le plus réputé, de celui des cèdres du Liban.

6 Ils ont fait tes rames de chêne de Basan et tes bancs d’ivoire incrusté dans du buis apporté des îles de Kittim.

Tes rames… Les chênes de Basan sont au nombre des arbres les plus robustes (Ésaïe 2.13).

Tes bancs : peut-être le mot hébreu désigne-t-il le pont du vaisseau. L’usage d’incruster l’ivoire dans le buis est constaté par Virgile (Enéide : X, 137 : Ebur per artem, inclusum buxo).

Kittim (Ésaïe 23.1, Ésaïe 23.12) Ce nom désigne proprement la ville de Cittium, port célèbre dans l’île de Chypre, puis l’île de Chypre en général (Jérémie 2.10). On trouve parfois le nom de Cittiens appliqué aux Macédoniens et même aux Romains.

7 Du lin brodé d’Égypte, voilà ce que tu employais pour faire tes voiles ; tu avais pour tes tentures l’hyacinthe et l’écarlate des îles d’Élisa.

La voilure et la tenture. La première est faite de ces magnifiques tissus de lin égyptiens, brodés de fleurs et de figures de toutes couleurs, qui étaient l’un des produits les plus célèbres de l’industrie de ce peuple.

Les tentures qui recouvrent le pont sont teintes en violet et en écarlate. Cette couleur rouge est celle de la pourpre d’Elisa. Elisa était l’un des fils de Javan (Genèse 10.4), l’ancêtre des Grecs. Ce nom désigne le Péloponèse (Elide). Le coquillage qui fournissait cette couleur pourpre se recueillait en abondance sur les rivages de la Laconie.

8 Les habitants de Sidon et d’Arvad te servaient de rameurs ; quant aux hommes habiles qu’il te fallait, ô Tyr, tu les avais chez toi ; c’étaient eux qui étaient tes pilotes.

Le prophète passe à l’équipage du vaisseau. Et d’abord les rameurs ; ce sont les habitants d’autres villes phéniciennes, exercés dès l’enfance à la navigation.

Sidon, plus ancienne que Tyr, était maintenant subordonnée à celle-ci.

Arvad : l’île et la ville d’Aradus, sur les côtes de la Phénicie (aujourd’hui Ruwad, au nord de Tripoli). Strabon dit que les Aradiens passaient de son temps pour les plus excellents marins ; ils ont encore aujourd’hui cette réputation.

Mais tandis que Tyr confiait les rames de ses vaisseaux aux habitants de ces villes vassales, elle se réservait l’honneur de fournir les pilotes.

9 Les vieux et les habiles de Guébal étaient chez toi comme tes radoubeurs. Tous les vaisseaux de la mer et leurs marins venaient chez toi pour faire l’échange de tes marchandises.

Guébal : le Byblos des Grecs, célèbre par son culte d’Adonis ; aujourd’hui Djébeil, sur la côte au nord de Beyrout.

Tes radoubeurs : ses habitants étaient déjà célèbres comme charpentiers sous le roi Salomon (Guibelim, 1 Rois 5.18 ; texte hébreu, verset 32).

Dans la fin du verset, on voit le navire typique abordé par les vaisseaux de tous les autres peuples pour trafiquer avec lui.

10 Perses, Lydiens et Lybiens étaient dans ton armée. C’étaient des gens de guerre ; ils suspendaient chez toi le bouclier et le casque et te donnaient de l’éclat.

Enfin l’armée de Tyr, la partie militaire de l’équipage du vaisseau (10-11)

Pour les guerres extérieures et la protection de ses colonies, Tyr possédait une armée de mercenaires, comme le faisaient aussi les Carthaginois. C’étaient des hommes enrôlés de bien loin. Le terme de Perses : Paras (on les retrouve comme auxiliaires dans l’armée de Gog, Ézéchiel 38.5), peut difficilement désigner ici le peuple asiatique ordinairement appelé de ce nom ; peut-être s’agit-il de la peuplade des Pharousiens, que Pline et Strabon mentionnent comme habitant au nord de l’Afrique ; c’étaient d’excellents archers. Les deux peuples suivants, Lud et Put habitaient ces mêmes contrées : Lud ou les Lydiens, non ceux d’Asie-Mineure (Genèse 10.22), mais un peuple d’origine chamitique ; ils servaient aussi comme auxiliaires ans l’armée égyptienne (Jérémie 46.9 ; comparez Ézéchiel 30.5).

Put ou les Lybiens ; ils occupaient la côte septentrionale de l’Afrique jusqu’à l’Atlas (Genèse 10.6).

11 Les fils d’Arvad et ton armée couvraient tes murailles, et des hommes vaillants étaient sur tes tours. Ils suspendaient leurs boucliers à tes murs tout à l’entour ; ils rendaient ta beauté parfaite.

L’usage de suspendre aux murailles et aux tours les boucliers et les casques paraît dater déjà du temps de Salomon, qui l’avait peut-être emprunté à Hiram, roi de Tyr ; comparez 1 Rois 10.16-17 ; Cantique 4.4. Il existait encore au temps des Maccabées (1 Maccabées IV, 57). Il faut se représenter les parois du navire symbolique resplendissant au loin de l’éclat de ces armes brillantes. Il ressort des découvertes de Ninive que l’on décorait réellement de cette manière les vaisseaux.

Mais la garde de la ville elle-même n’était confiée qu’à des troupes indigènes, à savoir aux fils d’Arvad et aux Tyriens (ton armée). Le titre d’hommes vaillants (gammadim) était sans doute un nom d’honneur réservé à ces troupes d’élite.

12 Tharsis commerçait avec toi pour ses richesses de toutes sortes ; c’était en argent, en fer, en étain et en plomb qu’elle payait tes marchandises.

On peut faire rentrer le tableau suivant du commerce de Tyr dans l’allégorie, en le considérant comme la description de la cargaison du navire.

Tharsis : l’ancienne colonie tyrienne de Tartessus, au midi de l’Espagne. Ce pays possédait de riches mines d’argent et d’autres métaux (fer, plomb, étain), comme l’attestent Pline et Diodore ; comparez Ésaïe 23.1, note ; Jérémie 10.9. Le prophète part de l’extrémité de l’occident ; puis il se rapproche de Tyr dans le verset suivant.

13 Javan, Tubal et Mésec trafiquaient avec toi ; ils échangeaient contre tes marchandises des âmes d’hommes et des vases de cuivre.

Javan : la Grèce, avec l’Ionie (en Asie-Mineure) ; Tubal, les Tibaréniens ; Mésec, les Mosques ; ces deux dernières peuplades habitaient à l’angle sud-est de la mer Noire et au sud du Caucase, entre cette mer et la mer Caspienne (Genèse 10.2).

Des âmes d’hommes. Encore aujourd’hui, c’est de ces derniers pays que l’on tire les plus beaux esclaves, hommes et femmes, pour les cours et les harems de l’Orient. Les Grecs faisaient le commerce des esclaves, particulièrement des prisonniers de guerre, dont les fournissaient les Phéniciens (Joël 3.6). Les montagnes de la Colchide (Tubal, Mésec) renferment des mines de cuivre inépuisables. On exploitait aussi ce métal en Eubée et en Chypre.

14 Ceux de la maison de Thogarma payaient avec des chevaux de trait, des chevaux de course et des mulets.

Thogarma : l’Arménie (Genèse 10.3) ; l’extrémité orientale, opposée à Tharsis. Ce pays était riche en chevaux (Strabon) et en ânes (Hérodote) ; on devait donc y élever aussi des mulets. D’ici le prophète se dirige vers le sud.

15 Les fils de Dédan trafiquaient avec toi ; des îles nombreuses étaient tes clientes ; elles te donnaient en paiement des dents d’éléphant et de l’ébène.

Dédan : tribu d’origine chamitique (Genèse 10.7), établie en Arabie sur les bords du golfe Persique et qui entretenait le commerce des caravanes entre les pays de l’océan Indien et ceux de la Méditerranée. Il est probable qu’il faut distinguer ce peuple de celui de même nom mentionné au verset 20, Ézéchiel 25.13 et Jérémie 49.8, et qui paraît avoir été d’origine sémitique.

Des îles nombreuses. Ce terme désigne ici les contrées de l’Arabie, de l’Inde et de l’Afrique, situées sur les bords de l’océan Indien. De là on exportait les dents d’éléphant (le naturaliste Pline les appelle cornes, comme, le prophète, à cause de leur forme) et l’ébène. Les anciens, dit Pline, tiraient ce bois de l’Inde et de l’Éthiopie (Abyssinie).

16 Aram faisait le commerce avec toi pour la multitude de tes produits ; il payait tes marchandises avec des escarboucles, de l’écarlate, des broderies, du fin lin, du corail et des rubis.

La description revient droit au nord.

Aram. On serait bien tenté d’admettre ici une correction du texte et de lire Édom, puisque les Édomites habitaient à l’ouest de la tribu précédente ; ils formeraient ainsi la transition naturelle à Juda et à Damas (versets 17 et 18). Mais le prophète ne suit pas un ordre géographique eux et les objets de commerce mentionnés conviennent mieux à la Syrie et à la Mésopotamie, ordinairement désignées par Aram. C’était de Damas, capitale de la Syrie, que provenaient les tissus les plus célèbres, comme l’indiquait (Amos 3.12, texte hébreu) et l’indique encore leur nom. Babylone (sud de la Mésopotamie) était le marché le plus riche du monde pour les pierres précieuses et pour les tissus de fin lin teints en pourpre et bigarrés (comparez Josué 7.21).

Corail : ou peut-être perles.

17 Juda et la terre d’Israël trafiquaient avec toi ; ils te donnaient en paiement du froment de Minnith, du biscuit, du miel, de l’huile et du baume.

Le pays de Juda était si riche en froment qu’il en fournissait la Phénicie (1 Rois 5.11 ; Actes 12.20). Outre cela, il faisait le commerce entre Tyr et le pays des Ammonites, qui produisait du blé en abondance (2 Chroniques 27.5). C’était dans ce dernier pays que se trouvait la ville de Minnith (Juges 11.33), dont le froment avait, paraît-il, une réputation particulière.

Le mot pannag, que nous avons traduit par biscuit, est inconnu ; on pourrait y voir le nom d’un pays ou d’une ville (du froment de Minnith et de Pannag). On l’a traduit aussi, d’après un mot araméen assez semblable, par gâteau, pâtisserie. Enfin, quelques rabbins y ont vu une herbe propre à fabriquer le savon.

Du baume : probablement le produit de l’arbre à baume, qui croissait à Jéricho.

18 Damas faisait le commerce avec toi en échangeant contre tes nombreux produits ses biens de toute sorte, du vin de Helbon et de la laine de Tsachar.

Damas : la capitale de la Syrie, située au nord-est de la terre d’Israël. À deux lieues au nord de cette ville se trouve la vallée de Helbon, où l’on voit encore de fort grandes ruines. Cette vallée est couverte de vignobles qui produisent le vin le plus exquis de l’Orient. Les rois de Perse, disait-on, ne buvaient que de ce vin-là.

Laine de Tsachar ; d’autres traduisent : laine éblouissante de blancheur.

19 Védan et Javan de Ouzzal te donnaient du fil en paiement de tes marchandises ; le fer travaillé, la casse et le roseau odorant étaient parmi tes objets d’échange.

Védan et Javan. Ces deux districts ne sont nommés nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament. On a rapproché, non sans vraisemblance, le nom de Védan de celui du port d’Aden, à l’entrée de la mer Rouge. Javan ne désigne point ici les Grecs, comme le montrent les mots suivants : de Ouzzal, ajoutés sans doute pour distinguer ce Javan du Javan ordinaire. Ouzzal désignait primitivement la capitale de l’Arabie heureuse (ou Yémen) ; cette ville s’est nommée plus tard Sana (Genèse 10.27).

Le fer travaillé. Cette contrée de l’Arabie fournit encore aujourd’hui les lames d’acier les plus excellentes, au moins aussi appréciées que celles de l’Inde.

La casse (cassia) était selon Pline, un arbre croissant en Inde et, appartenant au genre laurier ; son écorce intérieure, quand elle est séchée, a un parfum très doux et une saveur plus forte encore que celle de la cannelle ordinaire. Le roseau odorant est le calmus (acorus calamus) qui croît dans les endroits humides en Inde et en Arabie et qui était connu comme l’un des parfums les plus agréables (Cantique 4.14 ; Ésaïe 43.24). Tous deux entraient dans la composition de l’huile sainte (Exode 30.23-24).

L’auteur revient au sud.

20 Dédan échangeait avec toi des housses pour monter à cheval.

Dédan. Il s’agit probablement ici d’une tribu d’origine sémitique, habitant dans le désert plus près d’Édom que les Dédanites du verset 15 ; comparez Ézéchiel 25.13. C’étaient des Arabes bédouins. Les housses ornées et brodées sont un des signes distinctifs des chefs orientaux et un grand objet de luxe chez les tribus arabes.

21 L’Arabie et tous les princes de Kédar étaient tes clients ; ils faisaient avec toi commerce de moutons, de béliers et de boucs.

Kédar : tribu arabe descendant d’Ismaël et habitant, comme la précédente, entre l’Arabie Pétrée et la Babylonie (Ésaïe 21.16, note). Pline les appelle Cedrei. Leur richesse consistait surtout en troupeaux (Ésaïe 60.7).

22 Les marchands de Schéba et de Raama trafiquaient avec toi ; ils payaient tes marchandises avec ce qu’il y a de mieux en aromates de toute sorte, avec toute espèce de pierres précieuses et avec de l’or.

Schéba et Raama. On voit par Genèse 10.7 que c’étaient des descendants de Cham ; ils habitaient la partie sud-est de l’Arabie, l’Oman.

Une ville de Regma (Raama ?) était située au fond d’une baie du golfe Persique. Les contrées méridionales de l’Arabie abondent en pierres précieuses, en or et en arbrisseaux à baume.

23 Haran, Canné et Éden, les marchands de Schéba, Assour et Kilmad trafiquaient avec toi.

Ce verset nous ramène au nord, en Mésopotamie. Haran (Carrhae) : ancienne ville de Mésopotamie, au sud d’Edesse (Ésaïe 37.12, note) ; là mourut Thérach père d’Abraham. C’était le point de croisement de plusieurs routes de caravanes, allant du sud au nord (le long du Tigre et le long de l’Euphrate) et de l’est à l’ouest.

Canné : probablement Calné, près du Tigre (Genèse 10.10 ; Ésaïe 10.9, note).

Éden. Ce mot ne s’écrit pas comme le nom du paradis ; ce n’est pas non plus l’Éden qui est dans le Liban ; c’était un endroit situé dans la Mésopotamie (2 Rois 19.12 ; Ésaïe 37.12, note).

Schéba. On est étonné de retrouver ici le nom d’une contrée d’Arabie ; mais Pline nous apprend que les Sabéens apportaient eux-mêmes leurs marchandises aux grandes foires annuelles de Haran et passaient de là jusqu’en Phénicie.

Assour ne nous paraît pas pouvoir désigner ici l’Assyrie ; c’est probablement la ville de Sura, aujourd’hui Essurieh, à l’ouest de l’Euphrate, sur la route des caravanes de Palmyre (Tadmor) à Haran.

Kilmad : sans doute la ville de Charmande, dont parle Xénophon comme d’une grande cité située au-delà de l’Euphrate.

24 Ils trafiquaient avec toi en objets de luxe, en manteaux de pourpre et de brocart, en coffres à vêtements, en cordes tressées et fortes et en planches de cèdre pour tes expéditions.

La traduction du nom des objets mentionnés dans ce verset ne repose pour ainsi dire que sur des conjectures.

Cordes tressées. On en faisait en Orient d’excellentes avec les fibres des feuilles de palmier ou celles du roseau papyrus.

25 Les navires de Tharsis étaient les caravanes qui t’apportaient tes marchandises ; tu t’es remplie de biens ; tu es devenue très puissante au sein des mers.

Ce verset est le sommaire et la clôture de toute la description précédente. Les navires tyriens qui faisaient les voyages de long cours jusque sur les côtes d’Espagne (vaisseaux de Tharsis), sont comparés aux caravanes qui transportent les marchandises à travers les déserts de l’Orient. Les derniers mots : au sein des mers, font ressortir la hardiesse des marins tyriens, qui ne se bornaient pas à la navigation côtière. Ils forment le lien avec le morceau suivant et sont répétés par cette raison au verset 26.

26 Mais sur les grandes eaux où t’avaient conduite tes rameurs, le vent d’orient t’a brisée au sein des mers !

Le second tableau, celui de la ruine de Tyr. Le navire qui représente la ville et l’État de Tyr, est surpris par un ouragan au milieu des grosses eaux qu’il a osé affronter et il sombre soudain avec tout son équipage et toutes ses richesses. À la vue de ce désastre, tous les autres navigateurs saisis de terreur, descendent sur le rivage le plus voisin et prononcent une complainte.

Le vent d’orient. Ce vent souffle d’une manière à la fois violente et saccadée et fait ainsi courir aux navires lancés en pleine mer les plus grands dangers. Il représente ici l’invasion subite des hordes sauvages de Nébucadnetsar.

27 Tes richesses, tes marchandises, ton trafic, tes marins et tes pilotes, tes radoubeurs, tes courtiers, tous les hommes de guerre qui sont chez toi, dans la multitude que tu portes, tomberont au sein des mers au jour de ta chute.

Récapitulation de toute la description précédente, pour faire contraster encore une fois la grandeur de Tyr avec sa ruine.

28 Au cri de tes pilotes la contrée d’alentour tremblera ;

L’équipage du navire pousse un cri terrible avant de disparaître.

29 et quiconque manie une rame, tout marin et tout pilote de la mer, descendra de ses navires et se tiendra sur terre.

L’effroi fait descendre les marins de leurs navires.

30 Ils élèveront la voix sur toi et pousseront des cris amers. Ils jetteront de la poussière sur leurs têtes et se couvriront de cendre.

Poussière, cendre : signes de deuil (Josué 7.6 ; 1 Samuel 4.12 ; Job 2.12).

31 Pour toi ils se raseront la tête et se ceindront de sacs et pleureront amèrement sur toi, dans l’amertume de leur deuil.

Se raseront, se ceindront : voir à Ézéchiel 7.18, note.

32 Dans leur douleur ils t’adresseront une complainte, et voici quelle sera leur complainte sur toi : Qui était comme Tyr, comme cette ville [maintenant] muette au milieu de la mer ? 33 Quand tes marchandises sortaient des mers, tu rassasiais des peuples nombreux ; de l’abondance de tes richesses et de ton trafic tu enrichissais les rois de la terre.

Tes marchandises sortaient des mers : sur les navires d’où on les déchargeait.

34 Quand tu as été brisée par les mers et jetée au fond des eaux, ta cargaison et tout ton équipage ont sombré avec toi. 35 Tous les habitants des îles sont dans la stupeur à cause de toi ; leurs rois sont saisis d’effroi, leurs visages sont bouleversés. 36 Les marchands étrangers sifflent sur toi. Tu es un objet d’épouvante ; c’en est fait de toi pour toujours !

Tandis que ceux qui échangeaient leurs produits avec les commerçants tyriens se désolent, les rivaux et les concurrents de Tyr se rient de sa chute, comme elle s’est moquée de celle de Jérusalem (Ézéchiel 36.2).

Trois observations :

  • Le tableau un peu prolixe, mais si intéressant, du commerce de Tyr a sa grande éloquence quand on le met en face de la ruine complète dont cette ville est menacée et que nous pouvons constater aujourd’hui après 2500 ans.
  • Cette description est rendue plus remarquable par le contraste entre l’annonce non adoucie de cette chute et la promesse, plusieurs fois répétée dans ces morceaux mêmes, de la restauration d’Israël : Ils habiteront dans leur pays que j’ai donné à mon serviteur, à Jacob Ézéchiel 28.25.
    En ce jour-là je ferai germer la force de la maison d’Israël (Ézéchiel 29.21).
  • Le prophète a certainement composé ce morceau avant la ruine de Tyr. Car s’il eût écrit après coup, il n’eût pas présenté comme une ruine immédiate et soudaine une décadence graduelle qui n’est arrivée à son terme qu’après une longue suite de siècles.