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Esaïe 29
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Malheur à Ariel, à Ariel, à la cité où David a dressé sa tente ! Ajoutez année à année ; laissez revenir les solennités,

Le châtiment et la délivrance d’Ariel

Ce discours a été prononcé environ un an avant l’invasion des Assyriens (voir verset 1). Au moment où cette période d’angoisse va s’ouvrir pour Juda, Ésaïe annonce que Jérusalem sera assiégée et menacée d’une ruine complète, mais que dans l’épreuve elle manifestera une force invincible et, au moment de la plus grande détresse, sera miraculeusement délivrée par l’Éternel. Ainsi le prophète anéantit la fausse confiance des moqueurs et console en même temps les fidèles par la promesse d’un relèvement spirituel et matériel du peuple à la suite de son humiliation.

Ce morceau se compose de deux parties :

  1. Jérusalem sera assiégée, mais miraculeusement délivrée, versets 1 à 8
  2. Les paroles du prophète sont inintelligibles pour les chefs et la masse incrédules ; c’est pourquoi Dieu continuera à les frapper de ses jugements, versets 9 à 14.

Jérusalem assiégée et délivrée (1-14)

Ariel : nom symbolique de Jérusalem, comme le prouvent les mots qui suivent : cité où David a dressé sa tente. On peut traduire ce nom de deux manières : soit lion de Dieu, soit foyer (ou autel) de Dieu. Le premier sens a pour lui le passage 2 Samuel 23.20, où le mot ariel désigne deux guerriers moabites comme des lions (ou héros) de Dieu. Ce nom, appliqué ici à Jérusalem, signifierait que, par la force d’en-haut, elle se montrera invincible, même en face des ennemis les plus nombreux et les plus puissants (comparez la même image du lion Ésaïe 31.4). Mais, les villes étant toujours du genre féminin en hébreu, il semble que Jérusalem devrait être comparée à une lionne plutôt qu’à un lion. Le second sens possible du mot ariel se trouve Ézéchiel 43.15-16, où il désigne l’autel des holocaustes dans le nouveau temple. Appliqué à Jérusalem, ce nom la caractériserait comme le lieu où le feu est continuellement entretenu sur l’autel de Jéhova (Lévitique 6.12-13). Les mots qui suivent : cité où David…, rappelleraient le moment où, en devenant la résidence de David, Jérusalem est devenue en même temps celle de Jéhova. À ce dernier titre elle ne saurait périr. Le feu serait l’emblème soit du jugement par lequel Dieu purifie son peuple (Ésaïe 1.25 ; Ésaïe 10.12), soit plutôt du châtiment terrible qui frappera les Assyriens au moment où ils approcheront de Jérusalem ; de cette ville sortira alors comme une flamme qui les dévorera (même idée Ésaïe 30.33 et Ésaïe 31.9). Quel que soit le sens qu’on adopte, le nom mystérieux d’Ariel, destiné à exciter fortement l’attention des auditeurs, résume ici tout ce que Jérusalem sera pour Dieu à travers les temps si difficiles qui commencent.

Cité où David…. comparez Ésaïe 37.35.

Dressé sa tente. Comparez la tente de David, Ésaïe 16.5.

Ajoutez année à année, laissez revenir les solennités, c’est-à-dire : qu’une année s’ajoute à la précédente ; qu’à partir du prochain renouvellement de l’année, le cycle des grandes fêtes s’accomplisse encore une fois et Jérusalem sera en détresse. Le prophète annonce l’arrivée des Assyriens après un peu plus d’une année. C’est au bout d’un an environ qu’il les attend également Ésaïe 32.10. On peut supposer qu’il prononçait ces discours à l’approche de la fête de Pâques, qui ouvrait l’année religieuse des Israélites ; il prédisait ainsi l’invasion de Sanchérib pour le printemps ou l’été suivant, c’est-à-dire pour l’époque de l’année où les conquérants ont coutume de se mettre en campagne.

2 et je serrerai de près Ariel ; et elle ne sera que plaintes et gémissements ; mais elle sera pour moi comme Ariel !

Les versets 1 et 2 sont le thème de tout ce qui suit : ils renferment sous une forme énigmatique et brève tout le contenu du reste du discours, l’annonce du châtiment et la promesse de la délivrance. Après cela, le prophète décrit en propres termes d’abord le châtiment (versets 3 et 4), puis la délivrance de Jérusalem (versets 5 à 8).

Je serrerai de près… Dieu est le véritable auteur du jugement qu’exécutent les Assyriens (Ésaïe 10.5) ; ce sera donc lui qui en déterminera l’intensité et la durée.

Elle sera pour moi comme Ariel. Selon le sens qu’on donne au mot ariel, ces mots signifient, ou bien : Le lion sera serré de toutes parts, jeté par terre, réduit à gémir ; mais il ne démentira pourtant pas sa nature de lion et ne sera pas vaincu ; c’est-à-dire : la foi des fidèles de Jérusalem ne succombera pas dans l’épreuve ; elle y grandira plutôt et ne sera pas confondue (voir au chapitre 37 l’héroïque foi d’Ézéchias, sans laquelle Jérusalem n’eût sans doute pas été délivrée) ; ou bien : je délivrerai cette ville, parce que, quels que soient les péchés de ses habitants, elle est et demeure mon autel, mon sanctuaire.

3 Je camperai tout autour de toi ; je t’enserrerai d’assiégeants et j’établirai contre toi des retranchements.

Jérusalem fut cernée, coupée de toutes ses communications avec le reste du pays et mise en grand péril par les Assyriens ; mais l’assaut ne fut pas donné. La situation ici annoncée est celle qui est décrite Ésaïe 1.6-8. Voir dans les notes des chapitres 36 et 37 les détails de l’accomplissement tels qu’ils résultent des récits des Assyriens eux-mêmes.

4 Tu seras abaissée ; c’est de terre que s’élèvera ta voix, et de la poussière que s’échappera ta parole ; ta voix sortira de la terre comme celle d’un spectre, et ta parole montera de la poussière comme un chuchotement.

Jérusalem est comparée à une femme en deuil, assise dans la poussière et dont les gémissements semblent sortir de la terre (Ésaïe 3.26). L’angoisse sera extrême, l’orgueil de la superbe capitale humilié. Voir Ésaïe 36.22 à 37.3  ; comparez Ésaïe 26.16. Pour la fin du verset, comparez Ésaïe 8.19, note.

5 Mais la multitude de tes ennemis sera comme la poudre menue, et la multitude des violents comme la paille qui s’envole ; et soudain, en un instant, c’en sera fait.

Promesse de la délivrance : les ennemis, quoique innombrables, seront dispersés en un clin d’œil, comme la poussière par un coup de vent, comparez Ésaïe 17.12-14 ; Ésaïe 30.28.

6 Tu seras visitée par l’Éternel des armées avec fracas, tonnerre et grand bruit, tempête, tourbillon et flamme de feu dévorant.

Comparez Ésaïe 30.30-33.

Tu seras visitée. Le mot visiter, employé si souvent pour désigner l’intervention de Dieu quand il punit, est pris ici dans un sens à la fois favorable et défavorable : la visitation divine sauvera Jérusalem, mais en détruisant les Assyriens. Cette intervention miraculeuse est dépeinte par l’image d’un orage terrible.

7 Et comme il en est d’un songe, d’une vision de la nuit, ainsi il en sera de toute la multitude des nations qui marchent contre Ariel et de tous ceux qui marchent contre elle et contre sa forteresse et qui la serrent de près ;

Les ennemis disparaîtront sans laisser plus de traces que si leur existence n’avait été qu’un rêve.

8 et comme un homme affamé ; songe qu’il mange ; et il se réveille, et son âme est vide ; et comme un homme qui a soif songe qu’il boit ; et il se réveille, et voici il est las, et son âme est altérée ; telle sera toute la multitude des nations qui marchent contre la montagne de Sion.

La comparaison du songe est employée ici d’une autre manière que dans le verset 7. Les Assyriens seront comme un homme qui rêve qu’il mange et qu’il boit, mais, qui, à son réveil, s’aperçoit que tout cela n’était qu’illusion. Ils croient déjà faire de Jérusalem leur proie ; mais leur convoitise ne sera pas satisfaite et un terrible réveil trompera leur attente. Il en avait été tout autrement devant Samarie (Ésaïe 28.4).

9 Étonnez-,vous…, vous serez dans la stupeur ! Aveuglez-vous… vous serez aveuglés ! Ils sont ivres, mais non pas de vin ; ils chancellent, mais non pas de cervoise !

Aveuglement des habitants de Jérusalem, Dieu continuera à les frapper de ses jugements (9-14)

Étonnez-vous aveuglez-vous… Le peuple accueille le discours du prophète avec une incrédulité mêlée de surprise. La foi, qui leur manque, serait nécessaire pour comprendre et accepter ces prédictions étranges : le profond abaissement et le relèvement miraculeux de la ville de David. Le prophète leur annonce, comme châtiment de leur aveuglement volontaire, un aveuglement plus complet dont Dieu les frappera : Comme Pharaon s’endurcit et fut ensuite endurci, vous aussi, fermez votre cœur à la parole de Dieu ; gardez vos illusions et Dieu vous frappera de cécité. Toute votre sagesse, devenue folie, vous conduira enfin à la ruine complète.

Comparez Ésaïe 6.10 ; Ésaïe 19.14 ; Romains 1.28.

10 Car l’Éternel a répandu sur vous un esprit de léthargie ; il a bouché vos yeux, les prophètes ; il a jeté un voile sur vos têtes, les voyants.

Sur les noms de prophètes et de voyants, voir le début de l’introduction générale. Les prophètes sont appelés ici les yeux, les têtes de la nation ; ils devraient voir pour les autres, les éclairer et les conduire ; mais ce sont eux, au contraire, qui les égarent. Comparez Ésaïe 3.12 ; Ésaïe 28.7 ; Michée 3.5-7.

Bouché vos yeux. Comparez Ésaïe 6.10.

Jeté un voile. Les yeux fussent-ils même ouverts, ils ne seraient plus en état de voir. Comparez Ésaïe 22.8.

11 Et toutes les visions sont devenues pour vous comme les paroles d’un-livre scellé ; on le donne à un homme qui sait lire, en disant : Lis donc cela !
Et il dit : Je ne puis, car cela est scellé.

Les visions, c’est-à-dire les révélations des vrais prophètes, sont pour eux comme un livre scellé, ou un livre qu’on est incapable de lire.

Ceux qui savent : les prêtres, les prophètes. S’ils ne comprennent pas la prophétie, ce n’est pas faute de connaissance, mais parce que leur incrédulité leur en voile le sens divin (verset 9 ; Matthieu 11.25). S’ils voulaient comprendre, ils le pourraient.

12 Et on donne le livre à un homme qui ne sait pas lire, en disant : Lis donc cela !
Et il dit : Je ne sais pas lire.

Il en est autrement de la foule désignée dans les mots suivants : ceux qui ne savent pas lire : c’est la multitude ignorante, qui ne peut que se laisser égarer par les précédents ; car elle n’a pas même l’intelligence la plus extérieure des paroles prophétiques.

13 Le Seigneur dit : Puisque ce peuple s’approche de moi en paroles et m’honore des lèvres, tandis qu’il éloigne son cœur de moi, et que le culte qu’ils me rendent n’est qu’une leçon apprise des hommes ;

L’incrédulité et l’aveuglement (versets 9 à 12) ont pour conséquence un culte qui est pur formalisme. Bien des gens avaient, sans aucune piété réelle, accepté la réforme d’Ézéchias, soit par crainte de déplaire au roi, soit dans la pensée que Dieu se contentait d’un culte tout extérieur. Asaph déjà (Psaumes 50), Amos (Amos 5.21 et suivants) et Michée (Michée 6.6 et suivants) avaient dénoncé ce culte sans sincérité. Comparez Ésaïe 1.11-15.

Ce peuple. Voir, sur le sentiment qui inspire cette expression, Ésaïe 6.9, note.

14 à cause de cela, voici, je continuerai à user de prodiges avec ce peuple, de prodiges étranges ; et la sagesse de ses sages périra, et l’intelligence de ses intelligents disparaîtra.

Comparez Ésaïe 28.21. L’œuvre que Dieu fera en Israël sera étrange, prodigieuse. Il livrera, sans souci apparent de sa propre gloire, ce peuple, son peuple, à des châtiments sans exemple (Deutéronome 28.58-59) et le frappera à coups répétés (comparez Ésaïe 28.19, note).

La sagesse de ses sages… Tous les artifices par lesquels les chefs de Juda veulent le sauver (versets 15 et 16 ; Ésaïe 30.1-2), seront réduits à néant.

15 Malheur à ceux qui cachent leurs desseins bien loin de l’Éternel, et dont l’œuvre se fait dans les ténèbres, et qui disent : Qui nous voit, et qui nous connaît ?

Premier discours contre l’alliance égyptienne (15-24)

Ce morceau est le premier des trois discours dirigés par Ésaïe contre l’alliance égyptienne, qui était à ses yeux le grand péché et le grand péril du moment.

Le prophète annonce la ruine prochaine de ceux qui poursuivent en secret des desseins contraires à la volonté de l’Éternel. Car la face des choses va changer : les puissants seront abaissés, les impies retranchés, les humbles glorifiés ; et le peuple revenu à son Dieu sera de nouveau digne de ses origines.

Qui cachent leurs desseins bien loin… : qui s’imaginent pouvoir faire quelque chose à l’insu de Dieu, comme si le Créateur était inférieur en science à sa créature (verset 16). Ces mots se rapportent certainement à l’alliance avec l’Égypte dont le prophète parlera plus explicitement dans les chapitres suivants. Connaissant bien l’opposition qu’Ésaïe ferait à leur projet, les grands de Jérusalem avaient soin de le tenir secret. Il leur démontre ici par le fait que rien ne saurait être caché à l’Éternel et à son prophète.

16 Ô folie ! Le potier compte-t-il donc pour de l’argile, que l’œuvre dise de l’ouvrier : Il ne m’a point fait !
Et le pot du potier : Il n’y entend rien ! 17 Dans bien peu de temps, le Liban ne sera-t-il pas changé en verger, et le verger ne sera-t-il pas compté comme forêt ?

Le Liban (la forêt inculte) changé en verger et le verger en forêt : image d’une transformation complète. Le sens de cette image est expliquée dans les versets 18 à 21. Ce qui est petit sera élevé et ce qui est élevé sera abaissé (Luc 1.52). De cette révolution sortira un peuple renouvelé (comparez Ésaïe 32.15-20).

18 En ce jour-là, les sourds entendront les paroles du livre, et, sortant des ténèbres et de l’obscurité, les yeux des aveugles verront ;

Sourds, aveugles : c’est le peuple qu’abusent ses chefs, mais qui alors comprendra la parole de Dieu (Ésaïe 30.20-21) ; même les plus ignorants pourront la lire et l’entendre. Comparez Matthieu 11.25 ; Jean 9.39.

19 les débonnaires auront joie sur joie en l’Éternel, et les pauvres parmi les hommes tressailleront d’allégresse dans le Saint d’Israël.

Comparez Ésaïe 41.17 et suivants.

20 Car le violent aura disparu, et le moqueur ne sera plus, et tous ceux qui méditent l’iniquité seront exterminés,

Comparez Ésaïe 32.6-7.

21 ceux qui condamnent un homme pour un mot, qui tendent des piéges à celui qui les confond à la porte, et qui perdent le juste par leurs faussetés.

Ce verset se rapporte à l’injustice des juges (comparez Ésaïe 10.2) ; 1 Rois 21 est un exemple frappant de ce péché.

À la porte : où l’on s’assemblait pour rendre la justice (Amos 5.10-12).

22 C’est pourquoi, ainsi a dit à la maison de Jacob l’Éternel, qui racheta Abraham : Jacob n’aura plus à rougir, et sa face ne pâlira plus ;

Dieu a racheté Abraham quand il l’a fait sortir du milieu des idolâtres (Josué 24.2-3). Cette rédemption garantit le salut final du reste d’Israël : Dieu ne laissera pas inachevée l’œuvre qu’il a commencée.

Jacob n’aura plus à rougir. Les enfants d’Israël ont péché au point de couvrir leurs pères de honte. Ceux-ci cesseront d’avoir à rougir de la conduite de leurs descendants ; ils se réjouiront en contemplant le changement qui s’opérera chez eux. Comparez Malachie 4.6.

23 car quand lui, quand ses fils verront l’œuvre de mes mains au milieu d’eux, ils sanctifieront mon nom ; ils sanctifieront le Saint de Jacob, et ils redouteront le Dieu d’Israël ;

L’œuvre de mes mains : le jugement et le salut non moins miraculeux d’Israël. Comparez Ésaïe 5.12 ; Ésaïe 28.21. Le fruit de ces expériences sera le retour du peuple à son Dieu (Ésaïe 10.20 ; Ésaïe 17.7-8).

Ils sanctifieront… Voir Ésaïe 8.13, note.

Le Saint de Jacob. Ésaïe écrit ordinairement le Saint d’Israël ; voir Ésaïe 1.4, note.

24 ceux qui avaient l’esprit égaré apprendront la sagesse, et ceux qui murmuraient recevront l’instruction.

Allusion aux versets 9 à 12 et 18. Le peuple qui survit au châtiment a reconnu sa folie et reçoit avec empressement les instructions que Dieu lui donne par la bouche de ses prophètes.