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1 Jean 3
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu ! Et nous le sommes. C’est pour cela que le monde ne nous connaît point, parce qu’il ne l’a point connu.

Codex Sinaiticus porte : « Nous a témoigné, c’est pourquoi le monde ne vous connaît pas ».

B porte : vous la première fois, nous la seconde.

Voyez ! Il faut considérer fréquemment la beauté, la douceur, la gloire d’un tel titre, la grandeur d’un tel privilège.

Et pour concevoir quelque chose de l’amour que le Père nous a témoigné (grec nous a donné), en nous appelant de ce nom, il faut nous demander : Qui éprouve cet amour ? Le Dieu saint et juste. Qui en est l’objet ? Des pécheurs, « enfants de colère » (Éphésiens 2.3 ; Romains 5.8).

Qui nous a assuré cette grâce ? Jésus, en nous aimant jusqu’à la mort de la croix et en nous régénérant par l’Esprit, de sorte que nous sommes « nés de Dieu » (1 Jean 2.29 ; Jean 1.12 ; Jean 1.13) et que notre titre d’enfants de Dieu exprime une réalité intime et profonde.

C’est cette réalité qu’affirment les mots : et nous le sommes qui se lisent dans Sin, B, A, C, après ceux-ci : que nous soyons appelés enfants de Dieu. Cette leçon est admise par tous les critiques. Nous n’avons pas seulement le titre, mais la qualité qu’il énonce (Romains 8.16). Au reste, la même pensée se retrouve au verset 2.

Jean a été conduit à parler de ce grand privilège des enfants de Dieu par la parole du verset qui précède : (1 Jean 2.29) « il est né de Dieu » et il déduit plus loin la conséquence pratique de ce privilège, savoir la régénération et l’entière sanctification de ceux que Dieu a ainsi aimés et qui sont destinés à lui devenir semblables et à le voir tel qu’il est (verset 2 et versets 3-10).

Par là, l’apôtre rentre dans son sujet : la communion avec Dieu, au moyen de la sainteté et de l’amour (1 Jean 1.3-10 ; 1 Jean 2.1-17).

Que le monde (1 Jean 2.15 ; 1 Jean 2.16, note) ne nous connaisse point, cela est naturel puisqu’il n’a point connu Dieu (Jean 17.26), il ne saurait donc connaître ceux qui, nés de lui, portent son image et sont animés de son Esprit).

Et cette profonde opposition entre le monde et Dieu (1 Jean 2.15-17 ; Jean 14.17 ; Jean 15.18-21) doit leur faire sentir plus encore la grandeur de l’amour dont leur Père céleste les a aimés).

2 Bien-aimés, maintenant nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté ; nous savons que, quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu’il est.

L’intime félicité d’être enfants de Dieu, n’est pas un bien qui nous soit promis dans un lointain indéterminé : nous le sommes maintenant, par la foi en Jésus et par la régénération du cœur (Jean 1.12 ; Jean 1.13 ; Romains 8.15 ; Romains 8.16) ; et cependant nous sommes, non seulement ignorés, méconnus du monde (verset 1), mais environnés de ténèbres, soumis à bien des misères ; notre glorieuse destination n’a pas encore été manifestée (Romains 8.24 ; Romains 8.25 ; 1 Corinthiens 2.9) ; nous avons de plus grandes choses à attendre.

Le texte reçu porte : Mais nous savons… Cette particule manque dans Codex Sinaiticus, B. À C.

On peut traduire : quand il sera manifesté (1 Jean 2.28) et alors il s’agit de Jésus-Christ, que nous verrons tel qu’il est, ou bien : « quand cela sera manifesté », c’est-à-dire ce que nous serons et alors, Celui que nous verrons tel qu’il est, c’est Dieu, le Père qui nous a aimés comme ses enfants (verset 1).

Même si, à cause de la proposition qui précède, on traduit : quand cela aura été manifesté les mots : nous le verrons tel qu’il est et nous lui serons semblables, peuvent se rapporter à Christ. La mention du retour de Christ (1 Jean 2.28) rend cette explication probable.

Paul (Romains 8.17 ; Romains 8.29 ; 1 Corinthiens 15.49 ; Philippiens 3.21) enseigne de même que nous serons transformés à la ressemblance de Christ. Il faut remarquer du reste que dans maint passage (1 Jean 2.3-6 ; 1 Jean 2.8 ; 1 Jean 2.20 ; 1 Jean 2.28-29), on ne saurait dire si Jean a parlé du Père ou du Fils, tellement les deux sont unis dans sa pensée. Ce sera la gloire et la félicité des enfants de Dieu de voir tel qu’il est, face à face, dans la plus intime et la plus parfaite communion, Celui qu’ils ne voient ici-bas que des yeux de la foi, comme dans un miroir, obscurément (Jean 17.24 ; 1 Corinthiens 13.12 ; 2 Corinthiens 5.7 ; Apocalypse 22.3 ; Apocalypse 22.4 ; comparez Matthieu 5.8).

Mais à cela l’apôtre ajoute une pensée admirable de vérité et de profondeur : c’est que la contemplation immédiate de Dieu nous rendra semblables à lui. « Semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu’il est » ; c’est le principe même de notre transformation, non pas le fait seulement duquel nous pouvons conclure que cette transformation aura lieu.

Par cette contemplation et cette communion, notre être tout entier se pénétrera si bien de la nature divine, que nous serons par degrés transformés à sa ressemblance (comparez 2 Corinthiens 3.18), sans jamais cesser d’être distincts de lui, dans une vivante personnalité.

Dieu est la vie, ainsi nous vivrons ; Dieu est amour, donc nous aimerons ; Dieu est juste, nous serons remplis de justice ; Dieu est éternellement bienheureux, nous jouirons d’un bonheur pareil.
— Luther
3 Et quiconque a cette espérance en lui se purifie soi-même, comme lui est pur.

La joie d’être enfant de Dieu et héritier de sa gloire pourrait demeurer stérile pour la vie chrétienne ; l’apôtre a soin de rappeler qu’un chrétien, avec cette espérance de voir Dieu, ne saurait rester asservi au péché.

Ce qu’il espère, c’est d’arriver à la ressemblance avec Dieu ? qui est incompatible avec toute souillure du péché (2 Corinthiens 7.1 ; 2 Pierre 3.13 ; 2 Pierre 3.14).

Commençons dès maintenant à former les traits de cette ressemblance qui nous est promise, si nous voulons la porter dans le ciel.
— Quesnel

L’expression : se purifier, est empruntée aux usages du culte israélite (Jean 11.55) ; le chrétien s’approche du vrai sanctuaire et participe au sacrifice seul efficace (Jean 17.17).

4 Quiconque commet le péché, transgresse aussi la loi ; et le péché est la transgression de la loi.

Grec : Quiconque fait le péché, fait aussi la transgression et le péché est la transgression.

Celui qui fait le péché a beau se rattacher à l’Église et se prétendre enfant de Dieu : il y a incompatibilité absolue entre la communion de Dieu et le péché (Matthieu 7.23) ; car Dieu, loin de laisser à l’homme le jugement arbitraire de ce qui lui déplaît ou lui est agréable, a manifesté sa sainte volonté par la loi.

Comment donc, en transgressant volontairement cette loi, en foulant aux pieds cette volonté, espérer être en communion avec Dieu, être enfant de Dieu ? C’est au contraire se mettre en pleine révolte contre lui.

Le Nouveau Testament tout entier suppose ou proclame la valeur permanente de la loi, comme expression de la sainte volonté de Dieu.

5 Et vous savez que celui-là a été manifesté afin qu’il ôtât les péchés, et il n’y a point en lui de péché.

Nouveau motif de ne point pécher : le but de toute l’œuvre de la rédemption, aussi bien que la parfaite sainteté dont le Rédempteur a donné l’exemple (verset 3), nous pressent d’avancer dans la sanctification.

La pensée du Sauveur occupe tellement l’esprit de Jean, qu’il parle de lui sans le nommer (Lui, celui-là : 1 Jean 2.6 ; 1 Jean 3.3 ; 1 Jean 3.7 ; 1 Jean 3.16).

L’expression : a été manifesté, s’applique à la première apparition de Jésus sur la terre, à toute sa vie ici-bas (verset 8). Jean emploie le même terme pour désigner sa seconde venue (verset 2).

Les péchés est la leçon de B, A, admise par les éditeurs modernes. Codex Sinaiticus, C, majuscules portent, avec le texte reçu : nos péchés.

Jésus a ôté les péchés en les portant, en les expiant sur la croix (Jean 1.29, 2e note). Mais il les ôte aussi du cœur et de la vie de ceux qui s’approprient son sacrifice (verset 6 ; comparez 1 Pierre 2.24).

6 Quiconque demeure en lui ne pèche point : quiconque pèche ne l’a pas vu et ne l’a pas connu.

Ces affirmations absolues, de même que celles des versets 8 et 9, paraissent être en contradiction directe avec 1 Jean 1.8 ; 1 Jean 1.9, non moins qu’avec le reste des Écritures et toute l’expérience des chrétiens les plus avancés.

Mais il faut remarquer que le mot pécher signifie proprement « manquer le but » et peut s’appliquer, non à un acte mais à l’état habituel de l’âme : celui qui pèche, c’est celui qui a manqué sa destination, qui n’est point en communion avec Dieu, qui vit dans le péché.

Qu’est-ce qui « règne » dans l’âme (Romains 6.12 ; Romains 6.14) et domine dans la vie ? Si c’est le péché, c’est-à-dire les actes contraires à la volonté de Dieu, à sa loi (verset 4), l’homme n’a point vu le Sauveur des yeux de la foi ; il ne l’a point connu (1 Jean 2.2-6, note) ; il est « du diable », dont Jésus-Christ a détruit les œuvres (verset 8).

Pécher, dans ce sens ce n’est donc pas commettre involontairement, par faiblesse, par surprise, quelque acte contraire à la loi de Dieu, car alors les paroles de Jean ne laisseraient à aucun chrétien la moindre espérance de salut sans compter que l’apôtre se contredirait lui-même.

Pécher c’est vivre dans une révolte habituelle contre la volonté de Dieu, ou du moins transgresser sa loi sciemment, volontairement et en y trouvant son plaisir. Toutefois, comme la limite entre les deux sens du mot pécher n’est pas tracée d’une manière bien précise dans la pratique de la vie, comme il y a toujours lieu à de funestes illusions, il est probable que Jean s’est, à dessein, exprimé en termes absolus, sans aucune restriction, afin de prévenir toutes les erreurs possibles (voir la note qui suit).

Le caractère absolu de cette affirmation : il ne pèche point, se trouve du reste tempéré par la désignation du sujet : quiconque demeure en lui. En tant que le pécheur demeure en son Sauveur, il ne pèche plus ; dès qu’il sort de la communion de Christ, il retombe dans le péché (comparer verset 9, note).

7 Petits enfants, que personne ne vous égare ; celui qui pratique la justice est juste, comme celui-là est juste.

Ainsi, point d’illusions : celui-là seul qui fait la justice (grec comme verset 10 et 1 Jean 2.29, note), c’est-à-dire qui exerce et pratique dans toute sa plénitude, en pensées et en actions, la volonté de Dieu telle qu’il nous l’a révélée par sa loi, celui là seul est juste, comme le Sauveur lui en a donné l’exemple et le chrétien ne doit se contenter de rien moins que cela (verset 3).

C’est le but, l’idéal qu’il est appelé à poursuivre constamment (1 Jean 2.6).

Il ne s’agit point ici de ce qui rend l’homme juste ou le justifie devant Dieu, mais de la justice intérieure, de la sainteté.

8 Celui qui commet le péché est du diable ; car dès le commencement le diable pèche. Voici pourquoi le Fils de Dieu a été manifesté : pour qu’il détruisît les œuvres du diable.

Est conduit par lui, animé de son esprit (Jean 8.44, 1re note).

Depuis que le péché est dans le monde (Genèse 3.1 et suivants ; Jean 8.44, 2e note).

Le Fils de Dieu et le diable sont en lutte, c’est à l’action du diable que Jésus lui-même a attribué l’hostilité des Juifs (Jean 8.41), la trahison de Judas (Jean 6.70), les souffrances de sa passion (Jean 14.30), etc.

Comment donc appartiendrait-on à Christ, si l’on fait les œuvres du diable ? L’un détruit l’autre, il faut choisir et ne pas chercher à unir Christ et Bélial.

9 Quiconque est né de Dieu ne commet point le péché ; parce que la semence de Dieu demeure en lui ; et il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu.

Comparer verset 6, note.

Jean indique ici pourquoi le chrétien régénéré ne peut plus pécher : il est né de Dieu, il y a en lui une vie qui exclut le péché, qui procède d’une tout autre source puisqu’elle a Dieu pour auteur.

De plus, la même cause qui a opéré en lui cette transformation, cette création nouvelle, y est encore agissante ; Jean la nomme la semence de Dieu ; il entend par là sa Parole et son Esprit, moyens de la régénération (comparer 1 Pierre 1.23, note).

Parce que cette semence demeure en lui, le chrétien ne peut pécher. Il est né de Dieu, il est une nouvelle création de son Esprit ; le péché apparaît dès lors dans sa vie comme une œuvre « du vieil homme, qui a été crucifié avec Christ afin que le corps du péché fût détruit » (Romains 6.6), comme un fait contraire à sa vraie nature, restaurée par le Sauveur et qui n’a que de saints désirs, des affections célestes.

Sans doute cette affirmation : il ne peut pécher, parce qu’il est né de Dieu, est une affirmation de la foi, plus qu’une donnée de l’expérience. Mais dans la mesure où le chrétien persévère dans cette foi, par laquelle il « se regarde comme mort au péché et comme vivant pour Dieu en Jésus-Christ » (Romains 6.11) et demeure humblement sous l’action de l’Esprit qui le sanctifie, il éprouve que la domination du péché sur son âme est brisée, que sa constitution spirituelle elle-même est modifiée qu’il lui devient moralement impossible de commettre telle faute grossière, de succomber à telle tentation qui lui était autrefois habituelle, de redevenir l’esclave de tel vice dont le joug a été brisé définitivement.

Et s’il doit encore lutter contre des manifestations plus subtiles du péché, contre une sensualité raffinée, contre l’orgueil et l’égoïsme, — cette lutte se prolonge aussi longtemps qu’il demeure dans ce « corps de mort » — il sait que la semence de Dieu demeure en lui et qu’elle renferme une puissance infinie de vie qui finira par triompher de tout péché.

L’assurance que ces paroles donnent à l’enfant de Dieu est bien consolante. On peut en conclure aussi que lorsqu’un homme retombe dans le péché et y persévère, cet homme n’était pas né de Dieu.

10 En ceci sont manifestés les enfants de Dieu et les enfants du diable : quiconque ne pratique pas la justice n’est point de Dieu, non plus que celui qui n’aime pas son frère.

Grec : « ne fait pas la justice » (voir verset 7, note).

C’est-à-dire « né de Dieu », animé de son Esprit (verset 9).

Au-dessus de tous les autres commandements est le commandement de l’amour, qui en est l’âme ; c’est pourquoi Jean ajoute ici ce signe infaillible pour discerner si nous sommes de Dieu, oui ou non.

11 Car c’est ici le message que vous avez entendu dès le commencement, que nous nous aimions les uns les autres ;

L’amour fraternel, signe distinctif de l’enfant de Dieu

Jean rappelle à ses lecteurs que dès leur conversion, ils ont été exhortés à s’aimer mutuellement, à ne pas imiter Caïn qui tua son frère, poussé à ce crime par ses mauvaises dispositions. Qu’ils ne s’étonnent pas de la haine du monde (11-13) !

L’amour fraternel, indice certain de notre régénération

Nous reconnaissons, à notre amour pour les frères, que nous avons la vie. Celui qui n’a pas cet amour reste dans la mort. La haine fait de lui un meurtrier. Aucun meurtrier ne possède la vie éternelle (14, 15).

Jésus-Christ, modèle de l’amour qui se donne et agit

Il nous a révélé l’amour en donnant pour nous sa vie. Nous devons donc sacrifier notre vie à nos frères ; quand nous avons ce qu’il faut à notre subsistance, ne pas refuser d’aider notre frère dans le besoin ; ne pas aimer en paroles, mais en œuvres (16-18).

L’amour fraternel, moyen de nous rassurer devant Dieu et de rendre nos prières efficaces

À cet amour, nous connaîtrons que nous sommes de la vérité. Nous nous persuaderons que, si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand ; et nous aurons la liberté de lui adresser nos requêtes, certains d’être exaucés parce que nous obéissons à sa volonté (19-22).

La foi en Jésus-Christ et l’amour fraternel, conditions pour demeurer en Dieu

Le commandement de Dieu est que nous croyions au nom de son Fils et que nous nous aimions les uns les autres. Dieu demeure en qui observe ce commandement. Nous reconnaissons sa présence en nous à l’Esprit qu’il nous a donné (23, 24).

Enfants de Dieu, nous devons nous aimer les uns les autres (11-24)

Ce message (1 Jean 1.5), ils l’ont entendu dès le commencement (1 Jean 2.7), c’est-à-dire dès le moment où ils eurent connaissance de l’Évangile de Jésus-Christ.

En effet, ce commandement de s’aimer les uns les autres a été donné par le Sauveur, avant qu’il fût répété par ses disciples (Jean 13.15-34 ; Jean 15.12).

L’apôtre, pour confirmer (car) l’idée qu’il vient d’énoncer (verset 10) que « celui qui n’aime pas son frère n’est pas de Dieu », va insister, dans les versets qui suivent, sur ce côté essentiel de la vie chrétienne, non moins énergiquement qu’il ne l’a fait (versets 3-10) sur la sainteté. C’est que toute sainteté, relativement à nos frères, est renfermée dans l’amour que nous leur portons (Romains 13.8-10).

12 que nous ne soyons point comme Gain, qui était du malin et qui tua son frère. Et pourquoi le tua-t-il ? Parce que ses œuvres étaient mauvaises, et que celles de son frère étaient justes.

Grec : Non comme Caïn était issu du malin et tua son frère. Comparer verset 8, 1re note et Jean 8.44.

La seule mention du crime de Caïn (Genèse 4.1-16) ne suffit pas à l’apôtre pour faire ressortir par contraste l’amour qu’il recommande ; il s’enquiert encore des causes morales de ce crime : pourquoi le tua-t-il ?

Il l’attribue, non à la jalousie, comme le ferait attendre le récit de la Genèse, ni à la haine, comme semblerait l’exiger le contexte (Genèse 4.13-15), mais à la valeur différente des œuvres de Caïn et d’Abel, qui tenait elle-même à ce que le premier était du malin et accomplissait les œuvres de son père (comparer Jean 8.38 ; Jean 8.41 ; Jean 8.44).

Par là, l’apôtre remonte à la cause première des mauvais sentiments de Caïn contre son frère ; il rattache aussi son explication aux paroles divines qui furent adressées au meurtrier avant son crime (Genèse 4.7) et qui indiquaient clairement pourquoi Dieu mit une si grande différence entre le sacrifice des deux frères.

Cette différence une fois manifestée tout le reste suivit naturellement et Caïn ne put accuser que lui-même de tout ce qui était arrivé, depuis la première cause de son péché jusqu’au châtiment qu’il attira sur lui. Dans ces deux frères se distinguent déjà les deux lignes parallèles de sentiments opposés qui se retrouveront toujours dans le monde : foi et incrédulité ; amour pour Dieu, œuvres qui lui sont agréables et amour du péché, souvent uni à des œuvres de propre justice ; royaume de Dieu et empire du monde ; enfants de Dieu et enfants du diable.

C’est ainsi que Jean généralise immédiatement (verset 13 et suivants) l’exemple qu’il vient de citer.

13 Ne vous étonnez pas, frères, si le monde vous hait.

Cette haine dont ils sont les objets de la part du monde (voir sur le sens de ce mot 1 Jean 2.15 ; 1 Jean 2.16, note) ne doit pas les étonner ; elle leur montre qu’ils sont de Dieu, puisqu’ils rencontrent la même hostilité à laquelle Abel fut exposé de la part de Caïn.

Les paroles et surtout l’exemple de leur divin Maître les avertissaient de cette opposition absolue du monde (Jean 15.18 ; Jean 15.19).

14 Pour nous, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères : celui qui n’aime pas, demeure dans la mort. 15 Quiconque hait son frère est un meurtrier, et vous savez qu’aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui.

Jean c’est si absolu dans l’énoncé des vérités qu’il exprime que parce qu’il prend ces vérités à leurs dernières profondeurs.

Ainsi, aimer, c’est le signe certain qu’on est passé de le mort à la vie (Jean 5.24), ou plutôt c’est la vie elle-même, car celui qui aime « est né de Dieu » (1 Jean 4.7), du Dieu qui est amour (1 Jean 4.8).

Ne pas aimer, ou, ce qui est la même chose, haïr (versets 13 et 15), c’est demeurer dans la mort spirituelle et morale (verset 14).

Et comme la haine souhaite le mal du prochain, comme elle peut conduire tout homme, aussi bien que Caïn, jusqu’au meurtre, comme Dieu regarde au cœur, siège des sentiments et non seulement à la main qui en est l’instrument, celui qui hait son frère est réellement, aux yeux de Dieu, un meurtrier.

Jésus-Christ a exprimé la même vérité sous une autre forme : il voit dans la haine une violation du sixième commandement (Matthieu 5.21 ; Matthieu 5.22).

16 En ceci nous avons connu l’amour, c’est que celui-là a donné sa vie pour nous ; nous aussi, nous devons donner nos vies pour les frères.

Celui qui hait peut en venir à sacrifier à sa haine la vie du prochain (verset 15) ; celui qui aime est rendu capable de sacrifier sa propre vie à ses frères, car son amour n’est pas autre que celui de Jésus vivant dans le cœur de son disciple.

Or Jésus (grec) a mis sa vie pour nous. Son dévouement nous a révélé l’amour, un amour inconnu à la terre.

Jésus lui-même l’a affirmé et a présenté l’amour dont il faisait preuve comme la norme de celui qu’il prescrivait à ses disciples (Jean 15.12 ; Jean 15.13).

Mais l’exemple du Sauveur n’est pas seulement un modèle extérieurement proposé à l’imitation de ses rachetés ; par l’Esprit, Christ rétablit l’image divine en eux, de sorte que leur obligation est, à tous égards, de lui ressembler, même en ce qui paraît le plus impossible à la nature humaine (1 Jean 2.6 ; 1 Jean 3.3)

Nous pouvons être appelés à donner nos vies pour nos frères, dans le sens le plus absolu du mot, mais, en tout cas, nous devons dépenser notre vie à leur service, « la leur donner en détail », Vinet.

17 Or si quelqu’un possède de quoi vivre dans le monde, et voit son frère dans le besoin, et lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? 18 Petits enfants, n’aimons pas en paroles, ni avec la langue, mais en œuvre et en vérité.

Celui qui par la puissance de l’amour peut donner le plus, sa propre vie (verset 16), ne saurait refuser le moins, ce qu’il possède pour vivre dans le monde (grec la subsistance du monde, comparez sur le sens de ce mot 1 Jean 2.16, note) (verset 17) ; autrement il aurait en cela même la preuve que son prétendu amour n’est qu’en parole et avec la langue (verset 18. Comparer Jacques 2.15 ; Jacques 2.16 ; Deutéronome 15.7-11 ; Ésaïe 58.10).

19 Et en cela nous connaîtrons que nous sommes de la vérité, et nous persuaderons notre cœur devant lui 20 que si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur, et qu’il connaît toutes choses.

Le mot et, au commencement du verset 19, manque dans B. À ; plusieurs éditeurs le retranchent.

Le texte reçu porte : nous connaissons, le futur se lit dans Codex Sinaiticus, B. A, C, etc.

Les mots en cela du verset 19, indiquant le signe auquel nous connaîtrons que nous sommes de la vérité (voir sur cette expression Jean 18.37, 3e note), ne sauraient se rapporter qu’à ce qui précède (versets 10-18) ; ce qui prouve que nous sommes « nés de Dieu », c’est l’amour.

L’amour seul nous permet de persuader notre cœur (notre conscience) devant Dieu (en nous examinant sous son regard et en nous soumettant à son jugement) que si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur.

D’autres interprètes traduisent : Nous rassurerons notre cœur devant Dieu. Bien que le verbe grec puisse avoir le sens « d’apaiser » (Matthieu 28.14), il est plus naturel de lui laisser ici sa signification habituelle. L’auteur suppose une sorte de dialogue que nous avons avec notre cœur (Codex Sinaiticus, C portent nos cœurs) et dans lequel nous cherchons à le persuader.

Ceux qui traduisent, au verset 19 « nous rassurerons notre cœur », prennent la conjonction laquelle s’ouvre le verset 20 dans son sens causal : « parce que, car, si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur ».

Mais, dans le texte grec, cette conjonction est répétée devant les mots : Dieu est plus grand ; or il est vraisemblable que l’auteur l’a employée les deux fois dans le même sens et une reprise du que s’explique mieux qu’une reprise du parce que : « Nous persuaderons notre cœur que, — si notre cœur nous condamne, — que Dieu est plus grand que notre cœur ».

Pour éviter cette répétition de la conjonction, beaucoup d’interprètes, depuis Bengel, ont proposé de traduire, en distribuant autrement les lettres grecques du commencement de la phrase (dans les manuscrits majuscules les mots ne sont pas séparés par un intervalle) : en quelque chose que notre cœur nous condamne, « nous le persuaderons que Dieu est plus grand », ou « nous le rassurerons, parce que Dieu est plus grand ». Cette traduction, qui ne se justifie pas entièrement au point de vue de la syntaxe grecque, doit être rejetée, parce que la proposition parallèle du verset 21 porte : « Si notre cœur ne nous condamne pas » et n’établit aucune distinction entre les sujets de condamnation.

Avec la traduction que nous avons adoptée, comment interpréterons-nous la pensée de Jean ? Quelle est son intention en nous invitant à nous persuader que Dieu est plus grand que notre cœur et qu’il sait toutes choses ?

Veut-il aggraver la condamnation prononcée par notre cœur et nous inspirer un effroi salutaire en invoquant la plus grande sévérité de ce Dieu qui sonde nos cœurs et nos reins et connaît nos fautes cachées (Psaumes 19.13 ; Psaumes 90.8) ?

Veut-il dire : Si notre cœur nous condamne, en nous convainquant que nous n’avons point encore le vrai amour (versets 18 et 19), que nous ne sommes point réellement nés de Dieu ; si notre cœur, malgré ses illusions et son aveuglement naturel, ne peut pas se rassurer devant Dieu, que sera ce du jugement de Dieu, de ce Dieu plus grand, plus saint, plus Juste que notre cœur et dont les yeux sont trop purs pour voir le mal (comparer 1 Corinthiens 4.4) ?

D’éminents interprètes, de saint Augustin et Calvin jusqu’à Lücke, de Wette et Neander, ont expliqué ainsi la pensée de l’apôtre. Mais avec cette explication, admise dans nos précédentes éditions, il est difficile de comprendre l’enchaînement des idées.

Jean nous a montré dans l’amour fraternel un signe auquel nous reconnaîtrons que nous sommes de la vérité (verset 19) début du verset, qui nous permettra d’acquérir, en consultant notre cœur, l’assurance de notre salut ; et il viendrait aussitôt après détruire cette assurance en évoquant la pensée d’un Dieu plus sévère que notre cœur ?

Et comment pourrait-il continuer, au verset 21, en disant : « Si notre cœur ne nous condamne pas, nous avons de l’assurance devant Dieu » ? L’absolution que nous donne notre cœur ne signifierait rien, si le jugement de Dieu est plus rigoureux que le sien.

Le contexte nous oblige ainsi à reconnaître, avec Luther, Bengel et la plupart des interprètes contemporains, que l’apôtre en appelle à la miséricorde de Dieu, qui est infiniment plus grande que celle des hommes (2 Samuel 24.14) et qui surpasse même les pensées de notre cœur (Ésaïe 55.7-9).

Ou plus exactement encore, ce que Jean invoque, c’est la toute science de ce Dieu devant lequel nous avons à nous examiner. Il la désigne expressément, quand il dit : « Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses ».

Ces derniers mots précisent la pensée de l’auteur ; ils montrent en quoi consiste la grandeur de Dieu, qu’il vient de rappeler (Weiss). Dieu est plus grand que notre cœur en ce qu’il connaît toutes choses.

Notre regard est borné : le moment présent existe seul pour nous. Quand nous venons de commettre une faute, nous ne voyons qu’elle ; le remords qu’elle nous cause nous fait douter de notre relèvement et de notre salut final, nous oublions les délivrances dont nous avons été l’objet, les grâces reçues.

Dieu connaît toutes choses, notre vie entière est découverte devant lui. Il sait les origines de notre foi, de notre amour, puisqu’il les a créés dans notre cœur. Il voit comment nous sortirons des difficultés, des tentations dans lesquelles nous nous débattons et qui nous désespèrent, puisque c’est « en lui, qui nous a aimés, que nous sommes plus que vainqueurs » (Romains 8.37).

En vertu de sa toute science, il nous a attirés à lui (Jean 6.44), aimés le premier (1 Jean 4.10), « prédestinés à être semblables à l’image de son Fils » (Romains 8.29) ; il nous a élus parce qu’il savait que nous persévérerions jusqu’à la fin.

Cette pensée de la toute science de Dieu est un sérieux avertissement pour ceux qui ne sont pas nés de Dieu et n’aiment pas « en vérité » (verset 18) ; ils peuvent, en feignant la charité, en copiant ses manifestations extérieures (1 Corinthiens 13.2 ; 1 Corinthiens 13.3), tromper les hommes et se faire illusion à eux-mêmes (Matthieu 7.22) ; ils ne sauraient échapper au jugement de Celui qui connaît toutes choses.

Mais pour ceux qui possèdent réellement en Dieu la vie de l’amour, la certitude que Dieu connaît toutes choses les rassure : quand le souvenir de leurs chutes les accable, quand ils sont assaillis de tentations ou d’épreuves et que leur foi chancelle, ils peuvent en appeler avec confiance à Celui qui sait quel est leur amour (Jean 21.17).

Ainsi comprise, la pensée de Jean s’accorde avec celle de Paul. Paul fonde l’assurance de notre salut sur la foi en Jésus-Christ, par laquelle nous sommes justifiés (Romains 5.1 et suivants ; Romains 8.31-39) ; mais il n’a garde d’oublier que cette foi doit être « agissante par la charité » (Galates 5.6). Jean indique cette dernière comme le signe incontestable d’une foi authentique, d’une vie vraiment créée et entretenue par l’Esprit de Dieu (versets 23 et 24).

21 Bien-aimés, si notre cœur ne nous condamne point, nous avons de l’assurance pour nous adresser à Dieu ; 22 et quoi que nous demandions, nous le recevons de lui, parce que nous gardons ses commandements, et que nous faisons ce qui est agréable devant lui.

Jean présente à ses bien-aimés, avec une tendre affection, le cas opposé à celui qu’il vient d’indiquer (verset 20). Il suppose que leur cœur, examine devant Dieu ne les accuse pas de manquer de charité il leur déclare qu’ils ont alors une grande assurance (grec) envers Dieu et il ajoute cette consolante pensée que l’assurance (grec la liberté de tout dire) avec laquelle ils s’adressent à Dieu dans la prière, comme des enfants à leur Père, n’est pas une vaine illusion et ne reste pas stérile mais leur obtient de son amour toutes les grâces nouvelles qu’ils lui demandent ; car ils sont avec lui dans un rapport filial de parfaite obéissance, qui les rend agréables à ses yeux (comparer Jean 5.19 ; Jean 5.20 ; Jean 5.30 ; Jean 11.42).

Dans quel sens profond et vivant Jean entend ce mot garder ses commandements, c’est ce qu’il nous apprend au versets 23 et 24 et ainsi il revient au vrai fondement de notre assurance devant Dieu, d’où il était parti (comparer fin de la note précédente).

23 Et c’est ici son commandement : que nous croyions au nom de son Fils Jésus-Christ, et que nous nous aimions les uns les autres, selon qu’il nous en a donné le commandement.

L’âme de toute la vie chrétienne, c’est croire et aimer.

Telle est la volonté souveraine de Dieu envers l’homme (Jean 6.40), ce que Jean appelle le commandement qu’il nous a donné, ces mots se rapportent probablement au commandement de l’amour fraternel, que Jésus a répété avec insistance à ses disciples dans les entretiens de la chambre haute (Jean 13.34 ; Jean 15.12 ; Jean 15.13).

En un sens, il faut convenir que ni la foi ni l’amour ne se commandent, mais quand on considère que l’objet de la foi c’est le nom du Fils de Dieu, Jésus-Christ, le Sauveur dont notre âme a un si profond besoin et que Dieu « marqué de son sceau », pour que tout homme le reconnaisse et mette en lui sa confiance ; que l’incrédulité à son égard est une révolte intérieure contre le Saint de l’Éternel et une méconnaissance aveugle de ce qu’il faut à un pauvre pécheur (Jean 16.9), on conçoit que la foi soit aux yeux de Dieu un acte moral qu’il peut commander et Jean ne fait guère que répéter ici une parole profonde de son Maître (Jean 6.29).

Quant à l’amour, fruit nécessaire de la foi, l’amour dont l’objet est « Celui qui nous a aimés le premier » et, en lui, nos frères, qui sont nés de lui, un tel amour peut d’autant plus être commandé à l’homme, que l’absence de cet amour n’est en lui qu’une coupable ingratitude ajoutée à tous ses péchés.

Ces deux commandements sont placés ici dans leur ordre naturel : ce n’est qu’en croyant véritablement en Jésus-Christ que nous parvenons à nous aimer les uns les autres.

24 Et celui qui garde ses commandements demeure en Dieu, et Dieu en lui ; et à ceci nous connaissons qu’il demeure en nous, à l’Esprit qu’il nous a donné.

Grec : Et celui qui garde ses commandements demeure en Lui et Lui en lui.

Jean ne craint pas de multiplier ces pronoms pour exprimer la communion la plus vivante, la plus intime de l’homme avec Dieu. Pour la première fois dans l’épître, il affirme que Dieu, à son tour, demeure dans l’homme quand l’homme, en gardant ses commandements, demeure en Dieu.

L’homme est avec Dieu dans le même rapport que Jésus-Christ avec son Père (Jean 10.38 ; Jean 14.10 ; 1 Jean 4.16 ; 1 Jean 2.3-6, note).

À ceci se rapporte, non à ce qui précède, mais à ce qui suit.

Nous connaissons que nous demeurons en lui, à quoi ? à l’Esprit qu’il nous a donné. Et par là, l’apôtre déclare qu’il n’y a de communion avec Dieu qu’en ce même Esprit, par lequel Dieu fait naître de nouveau ses enfants, met en eux le sceau de leur adoption et répand son amour dans leur cœur (1 Jean 2.20 ; 1 Jean 2.27 ; Romains 8.14-16 ; Romains 5.5).