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Eusèbe – Histoire ecclésiastique – Livre VI

Voici ce qui est contenu dans le sixième livre de l’histoire ecclésiastique

I. La persécution de Sévère.

II. La formation d’Origène depuis l’enfance.

III. Tout jeune il proche la parole du Christ.

IV. Combien de ses disciples furent élevés aux honneurs du martyre.

V. Potamiène.

VI. Clément d’Alexandrie.

VII. Jude l’écrivain.

VIII. Action hardie d’Origène.

IX. Les miracles de Narcisse.

X. Les évêques de Jérusalem.

XI. Alexandre.

XII. Sérapion et les écrits qu’on a de lui.

XIII. Les écrits de Clément.

XIV. Quelles écritures il cite.

XV. Héraclas.

XVI. Avec quel zèle Origène s’occupait des Saintes Écritures.

XVII. Symmaque le traducteur.

XVIII. Ambroise.

XIX. Ce qu’on raconte d’Origène.

XX. Quels écrits des hommes de ce temps nous avons.

XXI. Quels évêques étaient célèbres à cette époque.

XXXII. Ce qui est venu jusqu’à nous des œuvres d’Hippolyte.

XXIII. Zèle d’Origène et comment il fut jugé digne du sacerdoce de l’Église.

XXiV. Quels commentaires il fit à Alexandrie.

XXV. Comment il cite les écritures testamentaires.

XXVI. Comment les evêques le considéraient.

XXVII. Héraclas reçoit le siège d’Alexandrie.

XXVIII. La persécution de Maximin.

XXIX. Fabien est miraculeusement désigné par Dieu comme évêque des Romains.

XXX. Combien nombreux devinrent les disciples d’Origène.

XXXI. Africain.

XXXII. Quels commentaires Origène fit à Césarée de Palestine.

XXXIII. L’erreur de Héryllus.

XXXIV. Ce qui arriva sous Philippe,

XXXV. Denis succéda à Héraclas dans l’épiscopat.

XXXVI. Combien d’autres écrits composa Origène.

XXXVII. La dissension des Arabes.

XXXVIII. L’hérésie des Helcésaïtes.

XXXIX. Ce qui arriva sous Dèce.

XL. Ce qui advint à Denys.

XLI. Ceux qui rendirent témoignage à Alexandrie même.

XLII. Les autres dont Denys fait mention.

XLIII. Novat, son genre de vie et son hérésie.

XLIV. Ce que Denys raconte de Sérapion.

XLV. Lettre de Denys à Novat.

XLVI. Autres lettres de Denys.

Chapitre I

La persécution de Sévére

Lorsque Sévère souleva lui aussi une persécution contre les églises, les athlètes de la religion accomplirent en tous lieux des martyres brillants, mais nombreux surtout à Alexandrie. Ce fut là que d’Égypte et de toute la Thébaïde les combattants de Dieu furent envoyés comme vers un stade très grand ; en supportant très courageusement une grande variété de tourments et de genres de mort, ils reçurent leurs couronnes auprès de Dieu. Parmi eux se trouva aussi Léonide, qu’on appelle le père d’Origène ; il eut la tête tranchée et laissa son enfant tout à fait en bas âge. Quelle fut, à partir de ce moment, la prédilection de celui-ci pour la parole divine : il n’est pas hors de propos de le retracer brièvement, à cause surtout de la réputation si grande et si répandue dont il jouit auprès de la plupart des hommes.

Chapitre II

La formation d’Origène depuis l’enfance

Il aurait beaucoup à dire, celui qui tenterait de donner à loisir et par écrit la vie du héros, et un pareil  sujet demanderait un ouvrage spécial. Toutefois, pour le moment, nous résumerons la plupart des faits aussi brièvement que possible, et le peu que nous raconterons de lui, nous l’exposerons d’après diverses lettres, et le récit de ses amis qui ont vécu jusqu’à nous.

Ein ce qui concerne Origène, même les langes de son berceau, pour ainsi dire, me paraissent dignes de mémoire. Sévère était donc à la dixième année de son règne, Laetus gouvernait Alexandrie et le reste de l’Égypte ; d’autre part, Démétrius avait tout récemment alors reçu, après Julien, l’administration des églises de ce pays. Le feu de la persécution allait grandissant, et des milliers de chrétiens avaient ceint la couronne du martyre. Un tel désir du martyre s’empara de l’âme d’Origène encore tout jeune enfant, qu’aller à la rencontre des dangers, bondir et s’élancer au combat lui était une joie. Alors, pour lui tout au moins, le terme de la vie fut proche ; mais la divine et céleste Providence, en vue du bien d’un grand nombre, se servit de sa mère pour dresser un obstacle à son empressement. Celle-ci commença donc par le conjurer par ses paroles ; elle l’exhortait à prendre pitié de l’amour maternel qu’elle lui portait ; mais le voyant plus fortement se raidir, lorsque, après avoir appris que son père était arrêté et en prison, il se donnait tout entier à son élan vers le martyre, elle lui cacha tous ses habits et lui imposa ainsi de rester forcément à la maison. Mais lui, n’ayant plus la possibilité de faire autre chose, et son ardeur croissant au-dessus de son âge, il ne put demeurer inactif ; il envoya à son père une lettre très fort exhortant au martyre, dans laquelle il l’encourage et lui dit expressément : « Fais attention de ne pas prendre un autre parti à cause de nous ». Voilà ce qui est à consigner comme la première preuve de la vivacité d’intelligence d’Origène enfant, et de ses dispositions très franches à l’égard de la religion.

Il avait déjà, en effet, jeté des bases sérieuses pour les sciences de la foi en s’exerçant aux saintes Écritures dès ses premières années ; ce qui est sûr, c’est qu’il s’y appliquait sans réserve ; son père, en outre du cycle de l’enseignement des enfants, s’en préoccupait pour lui autrement que d’un accessoire. Par-dessus tout, avant de donner son soin aux enseignements païens, il l’amenait à s’exercer aux connaissances sacrées et il exigeait chaque jour de lui des récitations et des comptes rendus. L’enfant n’y avait aucune répugnance, il s’y appliquait même avec un zèle excessif, si bien qu’il ne se contentait pas, pour les saintes Écritures, du sens obvie et qui est à la portée de la main, mais il cherchait plus loin, et déjà dès ce temps il s’occupait avec soin de théories plus profondes. Il suscitait même, de la sorte, des difficultés à son père, quand il lui demandait ce que voulait exprimer le sens des mots de l’Ecriture inspirée de Dieu. Léonide, en apparence et devant lui, le réprimandait, l’exhortant à ne rien chercher qui fût au-dessus de son âge, ni qui dépassât le sens qui apparaissait. Mais à part lui, il se réjouissait grandement, il rendait les plus profondes actions de grâces à Dieu source de tous biens, parce qu’il l’avait jugé digne d’être le père d’un pareil enfant. On dit qu’alors il allait souvent près de lui pendant son sommeil, lui découvrait la poitrine, et comme si l’Esprit divin en avait consacré l’intérieur, la baisait avec respect et s’estimait heureux de son bonheur de père. Voilà, avec d’autres traits analogues à ceux-ci, ce qu’on raconte d’Origène enfant.

Lorsque son père mourut martyr, il resta seul avec sa mère et six frères plus petits, n’ayant pas plus de dix-sept ans. Le bien de son père fut confisqué par les agents du lise impérial, et lui-même, avec ses parents, se trouva dans le besoin des choses nécessaires à la vie. Il fut jugé digne d’être l’objet de la providence de Dieu. Il fut reçu et mis hors de soucis par une femme très riche selon le siècle et du reste très remarquable. Elle traitait, il est vrai, avec égard un homme fort connu parmi les hérétiques d’Alexandrie ; celui-ci était d’Antioche par sa naissance, et celle personne l’avait avec elle comme son fils adoptif et le comblait absolument de soins. Mais Origène, qui était nécessairement en rapport avec lui, donna, à partir de ce moment, des preuves éclatantes de l’orthodoxie concernant la foi : tandis qu’une foule immense, non seulement d’hérétiques mais même des nôtres, s’assemblait auprès de cet homme, parce que Paul (c’était son nom) paraissait capable dans la science, jamais Origène ne consentit à s’unir à lui dans la prière. Il garda ainsi dès l’enfance la règle de l’Église ; il éprouvait du dégoût, comme il le dit lui-même en propre terme, aux enseignements des hérésies.

Son père l’avait avancé dans les études des Grecs et ce fut avec plus d’ardeur encore qu’après sa mort, il s’adonna tout à fait à l’exercice des belles lettres. Aussi bien, peu après la fin de Léonide, il posséda dans les arts grammaticaux une préparation suffisante, et en s’y consacrant, il pourvut, pour cet âge, abondamment au nécessaire de la vie.

Chapitre III

Tout jeune il prêche la parole du Christ

Cependant, tandis qu’il était occupé à son enseignement, ainsi qu’il le raconte encore lui-même dans ses écrits, il ne se rencontra plus personne à Alexandrie pour catéchiser : tous se trouvaient éloignés par la menace de la persécution, et quelques-uns des païens vinrent à lui pour entendre la parole de Dieu. Parmi ceux-ci, il désigne premièrement Plutarque, qui, après une vie honorable, eut l’honneur d’un saint martyre ; en second lieu, Héraclas, frère de Plutarque ; celui-ci, après avoir donné un grand exemple de vie austère et ascétique, fut jugé digne du siège épiscopal d’Alexandrie après Démétrius.

Il avait dix-huit ans lorsqu’il fut mis à la tête de l’école de la catéchèse : il y grandit dans les persécutions sous Aquila, gouverneur d’Alexandrie, et obtint alors un nom de la plus grande célébrité auprès de ceux qui sont initiés à la toi, à cause de son accueil et de son zèle à l’égard de tous les saints martyrs inconnus et connus. Il les assistait en effet non seulement lorsqu’ils étaient en prison, et pendant qu’ils étaient interrogés et jusqu’à la sentence suprême, mais même ensuite, lorsqu’ils étaient conduits à la mort. Il montrait à cela une grande indépendance et allait au-devant des dangers. Aussi bien lorsqu’il s’avançait courageusement, et quand, avec une grande audace, il saluait les martyrs avec un baiser, il arriva souvent que la foule des païens qui étaient autour, entrait en fureur, et il s’en fallut peu qu’ils ne se précipitassent sur lui : heureusement il trouva chaque fois la main de Dieu pour le secourir, et il échappa miraculeusement. La même grâce divine et céleste le garda encore et bien d’autres fois, sans qu’il soit possible de dire combien, contre ceux qui lui tendaient alors des embûches à cause de sa hardiesse excessive à exposer la doctrine du Christ et de la liberté de son langage. L’hostilité des infidèles contre lui était en effet si grande, qu’ils se concentraient en masses pour aller à la maison où il demeurait, et y plaçaient tout autour des soldats, tout cela à cause de la multitude de ceux qui étaient instruits par lui des choses de la sainte foi. Chaque jour la persécution contre lui était si ardente que la ville entière ne suffisait plus pour le cacher : il allait de maison en maison, changeant de demeure, chassé de partout à cause de la foule de ceux qui venaient à lui pour l’enseignement divin qu’il donnait : c’est qu’en lui les actes de sa vie contenaient des traits tout à fait dignes d’admiration et de la plus véritable philosophie. « Telle sa parole, disait, on, telle sa vie, et telle sa vie, telle sa parole ». C’était par là surtout, grâce à la force divine qui l’assistait, qu’il entraînait des milliers de gens à l’imiter.

Quand il vit les disciples venir à lui plus nombreux, comme il était le seul auquel Démétrius, le chef de l’Église, avait confié l’école de la catéchèse, il jugea incompatible l’enseignement des sciences grammaticales avec le travail qui a pour but de donner les connaissances divines, et sans larder il brisa avec le premier, le regardant comme inutile et opposé aux éludes sacrées. Puis il fit une convention afin de n’être pas dans le besoin de recourir à l’aide des autres : il céda tout ce qu’il avait jusque-là d’ouvrages anciens dont les copies étaient admirablement écrites, et les quatre oboles de chaque jour que lui donnait l’acheteur lui suffisaient. Pendant de longues années, il suivit ce régime des philosophes et il retrancha tout ce qui aurait alimenté les passions de la jeunesse ; tout le jour il accomplissait de grands travaux d’ascèse, et de sa nuit, il donnait la plus grande parla l’élude des divines écritures : il s’astreignait le plus possible à la vie la plus austère, s’adonnant tantôt aux exercices du jeûne, tantôt n’accordant au sommeil que des temps mesurés très court ; encore s’efforçait-il avec soin de ne pas le prendre en général sur une couverture, mais parterre. Il pensait qu’il fallait par-dessus tout observer les paroles évangéliques du Sauveur, qui nous recommandent de n’avoir pas deux vêtements et de ne pas se servir de sandales, comme aussi de ne point passer son temps dans les soucis de l’avenir. Mais aussi avec un courage au-dessus de son âge, il persistait à demeurer dans le froid et la nudité, poussant la pauvreté jusqu’à l’extrême limite. Ceux qui étaient auprès de lui en étaient très frappés et un fort grand nombre en étaient chagrinés, ils le priaient d’accepter de partager leurs biens avec eux, à cause des travaux qu’ils lui voyaient supporter pour l’enseignement divin ; mais lui ne se laissait pas fléchir par leurs efforts. On dit même que pendant bien des années, il marcha sans jamais se servir de sandale ; il s’abstint plus longtemps encore de l’usage du vin et de tous les aliments qui ne sont pas indispensables pour se nourrir ; aussi tomba-t-il alors en danger de soulèvement et d’altération de la poitrine. Il donnait à ceux qui en étaient témoins, de tels exemples d’une vie philosophique, et parla, ajuste titre, il provoquait tant de ses élèves à rivaliser avec lui, qu’alors des païens infidèles et des gens de culture et de philosophie, et non pas les premiers venus, étaient amenés à l’enseignement qu’il donnait ; il arriva même que ceux-ci, après avoir reçu de lui sincèrement dans le fond de leur âme la foi en la divine parole, se distinguèrent à cette époque de la persécution, si bien que quelques-uns furent arrêtés et finirent par le martyre.

Chapitre IV

Combien de ses disciple furent conduits aux honneurs du martyre

Le premier d’entre eux fut Plutarque, dont il a clé parlé un peu plus haut. Lorsqu’il fut conduit au supplice, peu s’en fallut encore que celui qui est l’objet de ce récit et qui l’assistait à la fin suprême de sa vie, ne pérît lui-même de la main de ses concitoyens, parce qu’il était manifestement cause de la mort du condamné ; mais la volonté de Dieu le garda encore cette fois. Après Plutarque, le second des disciples d’Origène qui est proclamé martyr, est Sérénus : il subit l’épreuve du feu pour la foi qu’il avait embrassée. Le troisième martyr de la même école est Héraclide et, après lui, le quatrième est Héron, le premier était encore catéchumène et celui-là néophyte ; tous deux eurent la tête tranchée. En outre de ceux-ci, un cinquième disciple de la même école est encore proclamé athlète de la piété, c’était un second Sérénus ; après avoir supporté les tortures avec une très grande constance, il eut, dit-on, la tête tranchée. Parmi les femmes aussi, lierais, qui était encore catéchumène, reçut, comme Origène lui-même le dit quelque part, le baptême du feu et sortit ainsi de la vie.

Chapitre V

Potamiène

Basilide est placé parmi ceux-ci au septième rang. Il conduisait au martyre la célèbre Potamiène, que des chants nombreux célèbrent encore aujourd’hui chez ses compatriotes. Après avoir soutenu mille combats contre ceux qui en voulaient à la pureté de son corps et à la virginité qui était sa gloire (car en vérité sans parler de l’âme, l’épanouissement de la beauté physique était en elle comme une fleur dans son éclat), après avoir supporté mille tourments, à la fin, après avoir enduré des tortures terribles dont le récit donne des frissons, elle subit avec sa mère Marcella le supplice du feu.

On raconte que le juge (il s’appelait Aquila), après avoir accumulé sur tous ses membres de terribles blessures, la menaça enfin de la livrer aux gladiateurs pour flétrir son corps. Elle réfléchit un court instant en elle-même : on lui demanda à quoi elle pensait, elle fit une réponse telle qu’elle parut avoir dit une chose tenue par eux pour impie. Elle parlait encore qu’elle reçut le texte de la sentence, et Basilide, un des soldats qui avait la fonction de conduire, la prit et l’emmena à la mort. La foule s’efforçait de l’ennuyer et de l’insulter avec des paroles inconvenantes ; Basilide écartait et tenait en respect les insulteurs et témoignait à la condamnée une très grande pitié et humanité. Celle-ci accueillit les témoignages de sympathie dont elle était l’objet et exhorta le soldat à être résolu ; elle priera pour lui après son départ auprès de son Seigneur et, sous peu, elle lui payera le retour de tout ce qu’il a fait pour elle. Après avoir dit cela, elle souffrit généreusement le trépas ; on lui versa de la poix bouillante sur toutes les parties du corps, depuis la pointe des pieds jusqu’à la tête, tout doucement et peu à peu. C’est ainsi que fut combattu le combat de cette jeune fille digne d’être chantée.

Basilide n’attendit pas longtemps ; pour un motif quelconque, il lui fut demandé un serment par ses compagnons d’armes ; il déclara nettement qu’il lui était absolument impossible de le prêter, parce qu’il était chrétien et qu’il le confessait ouvertement. On pensa tout d’abord qu’il plaisantait, mais comme il persistait avec obstination, on le conduisit vers le juge ; il lui avoua sa résistance et celui-ci le fit mettre en prison. Ses frères en Dieu vinrent près de lui et lui demandèrent la cause de cette ardeur subite et extraordinaire. On raconte qu’il dit que Potamiène, trois jours après son martyre, lui aurait apparu la nuit, lui aurait mis une couronne sur la tête et lui aurait dit qu’elle avait imploré sa grâce auprès du Seigneur et qu’elle avait obtenu sa requête, et qu’il la recevrait sous peu. Sur ce, les frères lui donnèrent le sceau du Seigneur, et le jour suivant, après s’être distingué dans le glorieux martyre du Seigneur, il eut la tête tranchée.

On raconte que beaucoup d’autres habitants d’Alexandrie vinrent en masse à la doctrine du Christ, à la même époque, parce que, pendant leur sommeil, Potamiène leur était apparue elles avait appelés. Mais en voilà assez sur ce sujet.

Chapitre VI

Clément d’Alexandrie

Clément, qui succéda à Pantène, dirigeait la catéchèse d’Alexandrie jusqu’à cette époque et il avait Origène parmi ses disciples. Parlant du sujet traité dans les Stromates, il établit au premier livre une chronologie et il détermine les temps jusqu’à la mort de Commode : il est évident qu’il travailla à cet ouvrage sous Sévère dont le présent livre raconte les temps.

Chapitre VII

Jude l’écrivain

Alors Jude lui aussi, un autre auteur, qui dissertait en des écrits sur les soixante-dix semaines de Daniel, établissait la chronologie jusqu’à la dixième année de Sévère : il pensait que la fameuse apparition de l’Antéchrist était alors prochaine, tant la violence de la persécution soulevée alors contre nous, frappait fortement les esprits du grand nombre.

Chapitre VIII

Action hardie d’origène

À cette époque, quand Origène s’acquittait de sa fonction dans la catéchèse d’Alexandrie, il fit une chose qui est la plus grande prouve d’un esprit sans maturité et juvénile, mais aussi de foi et de chasteté. Le passage : « Il y a des eunuques qui se sont rendus tels eux-mêmes pour le royaume des cieux », fut pris par lui de la façon la plus simple et la plus enfantine, et soit dans la pensée d’accomplir la parole du Sauveur, soit aussi parce qu’il prêchait la parole de Dieu, lui tout jeune homme, non seulement aux hommes mais encore aux femmes ; afin de couper court à tout soupçon et calomnie malveillante de la part des infidèles, il se mit à accomplir d’une façon réelle la parole du Sauveur et il eut soin d’en garder le secret à l’égard de la plupart de ses amis. Mais il ne dépendait pas de lui, malgré son vouloir, qu’un tel fait demeurât caché. Plus tard on effet, Démétrius, en sa qualité de chef de l’église de ce pays, le connut ; il admira tout à fait Origène pour sa, hardiesse ; il loua son zèle et la sincérité de sa foi, il l’exhorta à avoir confiance et l’encouragea à s’adonner, maintenant surtout, à l’œuvre de la catéchèse. Telle fut à cette époque l’attitude de Démétrius ; mais peu de temps après, lorsque le même époque vit que les succès d’Origène le rendaient grand, illustre et célèbre entre tous, il en éprouva un sentiment humain, et il essaya de l’accuser près des evêques de la terre, d’avoir tenté une action très déraisonnable, quand les evêques les plus estimables et les plus on renom de Palestine, ceux de Césarée et de Jérusalem, avaient jugé Origène digne de récompense et de l’honneur le plus haut, et lui avaient imposé les mains pour le sacerdoce. Il était arrivé alors à une grande gloire, et son nom était partout sur les lèvres de tous les hommes, et il possédait une réputation de vertu et de sagesse singulière ; Démétrius n’ayant pas d’autre sujet de plainte, lui reprocha méchamment l’action qu’il avait depuis longtemps commise dans son enfance et il eut l’audace d’envelopper dans ses accusations ceux qui l’avaient promu au sacerdoce.

Mais ceci arriva un peu plus tard : alors Origène était occupé à Alexandrie à l’œuvre de l’enseignement divin, il soutenait à tous ceux qui l’approchaient librement, la nuit et le jour, sacrifiant tout son loisir, sans hésitation, à ses divines éludes et à ceux qui venaient vers lui.

Sévère avait possédé le pouvoir dix-huit ans. Antonin son fils lui succéda. Alors parmi ceux qui s’étaient conduits bravement dans la persécution et qui avaient été sauvés après les luttes de la confession par la providence de Dieu, se trouvait un certain Alexandre que nous avons récemment présenté comme evêque de l’église de Jérusalem. Il s’était tellement distingué dans les témoignages rendus au Christ qu’il fut jugé digne du susdit siège, quoique Narcisse son prédécesseur fût encore vivant.

Chapitre IX

Les miracles de Narcisse

Cependant les fidèles de celle église rapportent beaucoup d’autres miracles de Narcisse qu’ils ont appris par tradition des frères, de génération en génération parmi ces faits, ils racontent le prodige suivant qu’il a opéré. Un jour, pendant la grande veille de la nuit de Pâques, l’huile, dit-on, manqua aux diacres : tout le peuple en conçut une vive inquiétude ; Narcisse ordonna à ceux qui préparaient les lampes, de tirer de l’eau avec une courroie et de l’apporter près de lui. Cela fut exécuté sur-le-champ, il pria sur l’eau et commanda avec une loi véritable au Seigneur de la verser dans les lampes. On lit encore cela, et par une puissance au-dessus de tout discours, miraculeuse et divine, il transforma la nature de l’eau et l’amena à être de l’huile. Beaucoup de frères de ce pays ont, pendant très longtemps, depuis cette époque et même jusqu’à notre temps, gardé un peu de cette huile comme preuve du prodige d’alors.

On énumère encore, de la vie de cet homme, beaucoup d’autres faits dignes de mémoire, parmi lesquels celui-ci. Sa droiture et la fermeté de sa vie étaient insupportables à certains individus méchants : par crainte qu’une fois pris, ils ne subissent un châtiment, car ils avaient conscience de leurs très nombreux méfaits, ceux-ci prennent les devants, ourdissent ensemble contre lui une machination et lancent sur lui une calomnie terrible. Ensuite, pour donner une garantie à ceux qui les entendaient, ils corroborent leurs dires par des serments : l’un jure de périr par le feu, l’autre de voir son corps dévoré par une maladie funeste et le troisième de perdre la vue. Mais même avec cela, quoiqu’ils eussent juré, personne parmi les fidèles ne fut de leur avis, à cause de la modestie de Narcisse qui avait toujours brillé aux yeux de tous et de .sa vie tout à fait vertueuse. Lui cependant ne supporta pas la malice de ces allégations ; d’ailleurs depuis longtemps il recherchait avec amour la vie philosophique. Il laissa clone foui à lait le peuple de l’église, alla se cacher dans les déserts et des lieux inconnus, et y passa de nombreuses années.

Mais l’œil puissant de la justice ne resta pas, lui non plus, oisif sur ce qui avait été accompli et celle-ci abandonna très rapidement les impies aux imprécations qu’ils avaient prononcées avec serment contre eux-mêmes. En ce qui concerne le premier, une petite étincelle tomba, sans cause aucune, purement et simplement, sur la maison qu’il habitait, la brûla entièrement pendant la nuit et lui-même lut entièrement consumé. Le second fut subitement, du bout des pieds à la tête, rempli du mal auquel il s’était condamné. Le troisième, voyant l’accomplissement des premières imprécations et tremblant devant l’inéluctable justice du Dieu qui voit tout, avoua à tous les machinations ourdies entre eux. Dans son repentir il s’épuisa tellement en gémissements et ne cessa de pleurer avec une telle abondance qu’il perdit les deux yeux. et voilà quel châtiment ils reçurent de leur mensonge.

Chapitre X

Les évêques de Jérusalem

Narcisse était donc parti et on ne savait en aucune manière où il se trouvait, Il parut bon aux chefs des églises voisines d’imposer les mains à un autre evêque : celui-ci s’appelait Dios, il siégea peu de temps et Germanion lui succéda, et après Germanion vint Gordios. Sous celui-ci, Narcisse reparut comme par suite d’une résurrection et fut de nouveau appelé par les frères au premier rang ; tous l’admiraient plus grandement encore, à cause de sa retraite, de sa vie philosophique et pardessus tout en raison de la vengeance que Dieu avait jugé bon de tirer.

Chapitre XI

Alexandrie

Comme il n’était plus capable de remplir sa charge à cause de sa vieillesse avancée, la Providence de Dieu appela Alexandre, dont nous avons parlé et qui était evêque d’une autre église, à partager le pontificat avec Narcisse, et cela dans une révélation et une vision qui se produisit pendant la nuit. Ce fut donc ainsi comme sur l’indication d’un oracle, qu’il quitta le pays des Cappadociens où tout d’abord il avait été honoré de l’épiscopat, et il entreprit le voyage de Jérusalem pour prier et visiter les lieux : les gens du pays l’accueillirent avec une très grande bienveillance, mais ils ne lui permirent pas de retourner chez lui, à cause d’une autre révélation qu’ils avaient vue pendant la nuit, et d’une voix qui l’avait fait savoir très clairement aux plus vertueux d’entre eux ; elle leur avait appris qu’ils devaient aller hors des portes et recevoir l’evêque qui leur avait été choisi par Dieu. Ils firent cela, et d’un commun accord avec les evêques qui gouvernaient les villes voisines, ils contraignirent Alexandre par la force à rester auprès d’eux.

Lui-même du reste rappelle dans ses propres lettres aux Antinoïtes qui sont encore conservées parmi nous que Narcisse fut évêque avec lui ; voici ce qu’il écrit textuellement à la fin de son épître : « Narcisse vous salue, il a gouverné avant moi l’église de ce pays et maintenant il exerce encore l’épiscopat conjointement avec moi par ses prières, il achève ses cent seize années et il vous exhorte comme moi à être dans la concorde ». C’est ainsi qu’il s’exprime.

Sérapion mort, Asclépiade lui succéda au siège de l’église d’Antioche et se distingua lui aussi dans les confessions au temps de la persécution. Alexandre raconte encore l’ordination de cet évêque, lorsqu’il écrit ceci aux gens d’Antioche : « Alexandre, serviteur et prisonnier de Jésus-Christ, à la bienheureuse église d’Antioche, salut dans le Seigneur. Le Seigneur a rendu mes liens supportables et légers lorsque j’ai appris au temps de ma prison,qu’Asclépiade, si sympathique à cause du mérite de sa foi, avait, selon la divine Providence, reçu la charge épiscopale de votre sainte église d’Antioche ». Il indique qu’il envoie cette lettre par Clément et voici ce qu’il dit vers la fin : « Je vous envoie cet écrit, mes seigneurs et mes frères, par Clément, le prêtre saint, l’homme vertueux et estimé que vous savez et que vous connaîtrez. Sa présence ici a, selon la providence et la vigilance du Maître, fortifié et fait accroître l’Église du Seigneur.

Chapitre XII

Sérapion et les écrit qu’on à de lui

De l’activité littéraire de Sérapion il est vraisemblable que d’autres commentaires soient encore conservés ailleurs, mais à nous il est venu seulement que ceux À Domnus, — c’était un chrétien qui dans la persécution était déchu delà foi au Christ et avait passé à la superstition juive, – À Pontius et Caricus, hommes ecclésiastiques, et d’autres lettres adressées à divers. Nous avons encore un autre ouvrage composé par lui : De l’évangile attribué à Pierre, que Sérapion fit pour réfuter les allégations mensongères qui s’y trouvent, à cause de certains chrétiens de l’église de Rossos : ceux-ci, sous prétexte de cet évangile, s’étaient égarés vers des enseignements hétérodoxes. Userai, propos de rapporter brièvement quelques paroles de l’œuvre de Sérapion, dans lesquelles il expose l’opinion qu’il avait du livre en question ; voici ce qu’il écrit : « Frères, nous recevons en effet, et Pierre et le reste des apôtres comme le Christ, mais les écrits mensongers mis sous leurs noms, nous sommes assez avisés pour les répudier, sachant que nous n’avons rien reçu de tel. Étant près de vous, je supposais que vous étiez tous attachés à la vraie foi, et n’ayant pas lu l’évangile présenté par eux sous le nom de Pierre, je disais : si cela est seulement paraître vous montrer de la petitesse d’esprit, qu’on le lise. Mais maintenant, j’ai appris par ce que j’ai lu, que leur esprit se blottit dans une hérésie ; je me hâterai de revenir vers vous ; ainsi donc, frères, attendez-moi bientôt. Nous-mêmes, frères, nous avons appris de quelle hérésie était Marcianus qui était en contradiction avec lui-même, ne pensant pas ce qu’il disait ; vous l’apprendrez par ce qui vous a été écrit. Après nous avoir en effet procuré cet évangile lui-même auprès d’autres gens qui l’avaient pratiqué, c’est-à-dire auprès des successeurs de ceux qui avaient commencé à l’introduire et que nous appelons Docètes (car la plupart de leurs sentiments sont de cette école), nous avons pu le parcourir, nous avons trouvé beaucoup de choses conformes à l’enseignement véritable du Sauveur et un certain nombre en désaccord que nous vous avons soumises ». Voilà ce qu’écrivait Sérapion.

Chapitre XIII

Les écrits de Clément

De Clément huit Stromates en tout sont conservées parmi nous ; il a cru convenable de les faire précéder de ce titre : Stromates des commentaires scientifiques selon la vraie philosophie ; de Titus Flavius Clémens. En pareil nombre sont ses livres intitulés Hypotyposes : il y mentionne nommément Pantène comme son maître, il rapporte les explications des écritures et les traditions qu’il a reçues de lui. Il a encore un discours aux Grecs Le Protrèptique ; les trois discours de l’ouvrage intitulé Pédagogue, et un autre discours intitulé : Quel riche est sauvé ; l’écrit de la Pâque ; des dialogues Sur le jeûne ; Sur la détraction, l’Exhortation à la patience ou Aux nouveaux baptisés ; celui qui est intitulé Canon ecclésiastique ou Aux Judaïsants, qu’il a dédié à Alexandre, l’evêque cité plus haut.

Dans les Stromates il ne fait pas seulement une tapisserie de ce qu’il tire de la Sainte Écriture, mais aussi de ce qu’il prend aux Grecs, lorsque quelque chose d’utile lui paraît avoir été dit par eux ; il rapporte et développe aussi les doctrines de la plupart des Grecs et aussi des barbares ; . il rectifie les opinions mensongères des hérésiarques ; il fait preuve d’une information abondante et nous fournit le sujet dune culture très instructive. Il môle encore à tout cela les sentences des philosophes : aussi bien, c’est justement ce qui fait que le titre de Stromates correspond au sujet. Il se sert aussi dans ces ouvrages de témoignages tirés des écritures contestées, de la Sagesse dite de Salomon, de celle de Jésus fils de Sirach, de l’épître aux Hébreux, de celles de Barnabé, de Clément et de Jude. Il cite le discours aux Grecs de Tatien et mentionne Cassien, comme ayant fait, lui aussi, une chronographie ; il parle encore de Philon et d’Aristobule, de Josèphe, de Démétrius, et d’Eupolémus, écrivains juifs, comme montrant dans leurs œuvres sur les vieilles généalogies des Grecs, la priorité de Moïse etde la race des Juifs. Les écrits qui sont cités de cet homme se trouvent remplis d’une foule d’autres choses excellentes à apprendre. Dans le premier livre de ses Stromates il nous montre qu’il est lui-même tout proche de la tradition venue des apôtres. Il promet aussi dans cet ouvrage de commenter la Genèse. Dans son traité Sur la Pâque, il confesse qu’il a été contraint par ses amis de rapporter par écrit les traditions qu’il se trouvait avoir entendues des anciens presbytres, pour ceux qui devaient venir plus tard ; il y parle aussi de Méliton, d’Irénée et d’autres dont il insère les récits.

Chapitre XIV

Quelles écritures il cite

Pour abréger, dans les Hypotyposes, il fait des exposés, sous forme de résumés, de toute l’Écriture testamentaire, sans omettre les livres controversés ; je dis l’épître de Jude et les autres épîtres catholiques, celle de Barnabé et l’Apocalypse attribuée à Pierre. Il dit que l’épître aux Hébreux est de Paul, qu’elle a été écrite aux Hébreux dans leur langue, mais que Luc l’a traduite avec soin et l’a publiée pour les Grecs ; voilà pourquoi on trouve à la traduction de cette épître le même air qu’aux Actes. Elle n’a pas l’inscription « Paul apôtre », et c’est naturel, « car, dit Clément, il l’adressait aux Hébreux qui avaient contre lui une prévention et qui le tenaient en défiance ; il fut tout à fait avisé pour ne pas les rebuter dès le début, de ne pas mettre son nom ». Ensuite un peu plus bas il ajoute : « Alors, ainsi que le disait le bienheureux presbytre, quand le seigneur Paul, qui était apôtre du Tout-Puissant, fut envoyé aux Hébreux, bien qu’il fût destiné aux Gentils, il ne s’intitula pas apôtre des Hébreux, par humilité et par respect pour le Seigneur, et aussi parce qu’il écrivait aux Hébreux par subrogation, étant le héraut et l’apôtre des Gentils ».

Dans les mêmes livres, Clément établit encore, en ce qui regarde l’ordre des Évangiles, la tradition des anciens presbytres qui est la suivante. Il dit que les Évangiles qui contiennent les généalogies furent écrits avant les autres. Celui de Marc fut entrepris de la façon suivante : Pierre prêchait publiquement à Rome la parole de Dieu, et exposait l’évangile sous l’action de l’Esprit ; ceux qui avaient assisté à ses prédications (ils étaient nombreux) exhortèrent Marc qui avait accompagné Pierre depuis longtemps et qui se souvenait des choses dites par lui, à les consigner par écrit. Il le lit et il donna l’Évangile à ceux qui le lui avaient demandé. Pierre l’apprit, et ne fit rien par ses conseils pour l’empêcher ni pour l’y pousser. Cependant Jean, le dernier, voyant que le côté matériel avait été mis en lumière dans les évangiles, poussé par les disciples et divinement inspiré par l’Esprit, fit un évangile spirituel. Voilà ce que dit Clément.

À son tour, Alexandre qui est mentionné plus haut parle de Clément en même temps que de Pantène, dans une lettre à Origène, comme de gens qui lui étaient connus ; voici ce qu’il écrit : « Ce fut en effet aussi la volonté de Dieu, comme tu sais, que depuis le temps de nos aïeux, notre amitié demeurât inviolable et bien mieux qu’elle devînt plus ardente et plus forte. Nous connaissons ces bienheureux pères qui nous ont précédés dans le chemin et vers qui nous serons bientôt : Pantène qui est vraiment bienheureux et maître, ainsi que le vénérable Clément qui est devenu mon maître et qui m’a secouru, et tel autre encore s’il en est quelqu’un. Par eux je l’ai connu, toi en tout excellent, mon seigneur et frère ». Voilà ce qu’il écrit.

Quant à Adamantios (c’est le nom d’Origène), aux temps où Zéphyrin gouvernait l’église des Romains, il séjourna à Rome ainsi qu’il l’écrit quelque part en ces termes : « Ayant souhaité voir la très ancienne église, des Romains ». Il y resta peu et il revint à Alexandrie où il remplit ses fonctions accoutumées à la catéchèse avec tout son zèle. Démétrius, qui était alors évêque de cette ville, l’encourageait et, pour ainsi dire, prenait sans hésitation l’initiative de lui demander de subvenir au besoin des frères.

Chapitre XV

Héraclas

Lorsque Origène vit qu’il ne pouvait plus suffire à l’étude plus approfondie des choses divines, à la recherche et à l’explication des Saintes Écritures, et encore à l’instruction catéchétique de ceux qui venaient auprès de lui et ne le laissaient pas même respirer, parce qu’ils se succédaient les uns aux autres à son école depuis le matin jusqu’au soir, il fit deux classes de la multitude de ses disciples ; puis choisissant parmi eux Héraclas, homme zélé pour les choses saintes, très éloquent du reste et non dépourvu de philosophie, il l’établit son collègue dans la catéchèse ; il lui laissa la direction de ceux qui ne faisaient que débuter et il garda pour lui l’instruction de ceux qui étaient plus avancés.

Chapitre XVI

Avec quel zèle Origène s’occupait des Saintes Écritures

Rechercher avec un très grand soin les Saintes Écritures tenait tellement à cœur à Origène, qu’il apprit encore l’hébreu et qu’il voulut posséder en propre les textes scripturaires primitifs qui sont en usage chez les Juifs et écrits en langue hébraïque. Il découvrit encore les éditions des auteurs qui avaient traduit les Saintes Écritures en dehors des Septante, et il trouva aussi, en outre des versions courantes et en usage, certaines autres, celles d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion, qu’il tira je ne sais de quelles cachettes où elles étaient depuis longtemps pour les amener à la lumière. À leur sujet, à cause de l’incertitude, ne sachant pas de qui elles étaient, il indiqua seulement qu’il avait trouvé l’une à Nicopolis, près d’Actium, la seconde dans un autre endroit analogue. Dans les Hexaples des Psaumes, aux quatre éditions insignes il ajouta non seulement une cinquième, mais encore une sixième et une septième version : de l’une encore il déclara qu’il l’avait trouvée à Jéricho dans un tonneau, au temps d’Antonin, fils de Sévère. Il rassembla toutes ces versions dans un même livre qu’il divisa en côla, et il les mit en lace l’une de l’autre avec aussi le texte hébreu ; ainsi il nous a laissé l’exemplaire appelé Hexaples ; il a mis à part les éditions d’Aquila, de Symmaque, de Théodotion avec celle des Septante dans une Tétraple.

Chapitre XVII

Symnaque le traducteure

IL faut savoir que l’un de ces traducteurs, Symmaque, était ébionite. L’hérésie appelée ébionite est celle des gens qui disent que le Christ est né de Joseph et de Marie, qui pensent qu’il est tout simplement un homme, et qui affirment avec force qu’il faut garder la loi tout à fait comme les juifs, ainsi du reste que nous le savons par ce qui a été exposé plus haut. On montre encore maintenant des commentaires de Symmaque dans lesquels il semble s’efforcer de confirmer ladite hérésie par l’Évangile de Matthieu. Origène mentionne qu’il tient ces ouvrages avec aussi d’autres gloses de Symmaque sur les Écritures, d’une certaine Julienne, et il dit qu’elle avait reçu ces livres en héritage de Symmaque lui-même.

Chapitre XVIII

Ambroise

À celle époque, Ambroise lui aussi partageait les idées de l’hérésie de Valentin, mais la vérité qui lui fut présentée par Origène le convainquit, et comme si son intelligence eût été éclairée par la lumière, il passa à la doctrine de l’orthodoxie de l’Église.

Beaucoup d’autres gens instruits, à cause de la renommée d’Origène qui était répandue partout, venaient encore à lui pour constater sa compétence dans les saintes doctrines. Des milliers d’hérétiques et un grand nombre de philosophes, parmi les plus distingués, s’attachaient à lui avec empressement, et apprenaient tout bonnement auprès de lui, en outre des sciences divines, même ce qui concernait la philosophie profane.

Tous ceux de ses disciples en qui il voyait de bonnes dispositions naturelles, il les appliquait encore à l’étude de la philosophie, à la géométrie, à l’arithmétique et aux autres enseignements élémentaires ; puis il les conduisait plus avant dans les doctrines des sectes qui existent chez, les philosophes, expliquant, commentant et examinant avec attention leurs écrits un à un. Aussi bien cet homme était proclamé grand philosophe par les Grecs eux-mêmes.

Ceux qui étaient moins bien doués, et ils étaient nombreux, il les dirigeait vers le cycle habituel des études, et disait que celles-ci ne devaient pas être pour eux d’une médiocre utilité et préparation en vue de l’étude approfondie des Saintes Écritures. Voilà pourquoi il estimait tout à fait nécessaire, môme pour lui, de s’exercer aux éludes profanes et philosophiques.

Chapitre XIX

Ce qu’on raconte d’Origène

Les témoins du succès d’Origène en ceci sont les philosophes grecs eux-mêmes qui florissaient à son époque ; dans leurs écrits nous trouvons souvent la mention de cet homme : tantôt ils lui dédient leurs ouvrages ; tantôt ils soumettent à son jugement, comme à celui d’un maître, leurs propres travaux. Mais pourquoi parler de cela ? quand, même à notre époque, en Sicile, Porphyre qui a composé des écrits contre nous, qui a essayé d’y calomnier les Saintes Écritures et qui mentionne ceux qui les ont commentées, ne pouvant invoquer le moindre sujet de blâme contre les doctrines, à défaut de raisons, en vient aux injures et décrie les exégètes eux-mêmes. Parmi eux, c’est surtout à Origène qu’il en a : il raconte l’avoir connu dans son jeune âge et il essaye de le dénigrer ; mais à son insu il recommande son homme, soit lorsqu’il dit la vérité, quand il lui est impossible de faire autrement, soit lorsqu’il ment, quand il pense qu’on ne le verra pas ; tantôt il accuse Origène parce qu’il est chrétien, tantôt il décrit ses progrès dans les sciences philosophiques. Du reste écoutez ce qu’il dit textuellement : « Certaines gens, remplis du désir de trouver le moyen non pas de rompre tout à fait avec la pauvreté des écritures judaïques mais de s’en affranchir, recourent à des commentaires qui sont incohérents et sans rapport avec les textes et qui apportent non pas une explication satisfaisante pour les étrangers mais de l’admiration et de la louange pour les gens de la maison. Ils prônent en effet comme des énigmes les choses qui, chez Moïse, sont dites clairement, et ils les proclament pompeusement des oracles pleins de mystères cachés ; ils fascinent par la fumée de l’orgueil le sens critique de l’âme, puis ils font des commentaires ».

Ensuite il dit après autre chose : « Cette sorte d’absurdité vient d’un homme que j’ai, moi aussi, rencontré dans ma première jeunesse, qui est tout à fait on renom et célèbre encore par les écrits qu’il a laissés, d’Origène, dont la gloire se répand grandement parmi les disciples de ces doctrines. Il a été en effet un auditeur d’Ammonius qui a eu à notre époque un très grand succès en philosophie ; il a tiré du maître un grand secours pour devenir habile dans les discours, mais pour la saine direction de la vie il a pris la roule opposée à la sienne. [ | Car Ammonius était chrétien, élevé par ses parents au milieu de chrétiens ; mais quand il eut goûté de la raison et de la philosophie, aussitôt il passa au genre de vie conforme aux lois. Origène, au contraire, Grec élevé dans les études grecques, est allé échouer dans cette entreprise barbare : en s’y adonnant, il s’y est altéré lui-même et a gâté son habileté dans les discours. Dans sa conduite il a vécu en chrétien et à l’encontre des lois ; mais dans les croyances concernant les choses et la divinité, il était Grec et il transportait l’art des Grecs aux fables étrangères. Il fréquentait en effet sans cesse Platon ; les œuvres de Numénius, de Kronius,  d’Apollophane, de Longin, de Modératus, de Nicomaque et des hommes instruits dans les doctrines pythagoriciennes étaient son entretien et il se servait aussi des livres de Chérémon le Stoïque, et de Cornutus. Ce fut auprès d’eux qu’il connut la méthode allégorique des mystères des Grecs ; il l’adapta ensuite aux Écritures des Juifs ».

Voilà ce qui est affirmé par Porphyre au troisième des livres qu’il écrivit contre les chrétiens ; il dit vrai en ce qui concerne la formation et la grande science d’Origène, mais il ment d’une façon évidente (que ne devait pas en effet tenter cet adversaire des chrétiens ?) quand il raconte que celui-ci s’est converti du paganisme grec et qu’Ammonius a laissé la vie chrétienne pour tomber dans la manière de vivre païenne. Origène en effet a gardé l’enseignement chrétien qu’il tenait de ses ancêtres, ainsi qu’il a été montré plus haut dans ce récit. Quant à Ammonius, il est demeuré dans la divine philosophie intégralement et indéfectiblement et jusqu’au terme extrême de sa vie. C’est du moins ce que témoignent encore maintenant les labeurs de cet homme, grâce auxquels il a laissé des écrits qui lui valent l’estime générale : tel en effet l’ouvrage intitulé De l’accord entre Moïse et Jésus, et tant d’autres qui se trouvent chez ceux qui ont le goût des belles choses. Ceci soit dit comme une preuve de la calomnie de ce diseur de mensonges et aussi de la grande habileté d’Origène, même dans les sciences des Grecs. À ce sujet, certains lui ont reproché le zèle  qu’il a mis à ces sortes d’études, il s’en justifie dans une lettre où il écrit ceci : « Lorsque je me consacrai à la parole, la renommée de notre valeur se répandant, il venait à moi tantôt des hérétiques, tantôt des gens formés aux études grecques et surtout des philosophes ; il me parut bon d’examiner à fond les doctrines des hérétiques et ce que les philosophes faisaient profession de dire sur la vérité. J’ai fait cela à l’imitation de Pantène, qui avant nous a été utile à beaucoup et qui a puisé chez les Grecs une préparation profonde, puis d’Héraclas qui est maintenant assis parmi les prêtres d’Alexandrie ; j’ai trouvé celui-ci chez le maître des sciences philosophiques, s’y fortifiant depuis déjà cinq années, avant que j’eusse commencé moi-même à entendre ces enseignements. Pendant ce temps après avoir quitté l’habit commun, dont il se servait auparavant, il prit le manteau des philosophes et il le garde jusqu’à présent, ne cessant de s’occuper des livres des Grecs autant qu’il peut ». Voilà encore ce que dit Origène pour se disculper de s’être exercé à la culture hellénique.

À cette époque, tandis qu’il donnait ses leçons à Alexandrie, un soldat vient tout à coup remettre une lettre à Démétrius, évêque de cette ville, et au préfet d’Égypte d’alors, au nom du gouverneur de l’Arabie, pour qu’ils lui envoyassent, en toute hâte Origène afin de lui donner connaissance des doctrines. Celui-ci arrive en effet en Arabie et ayant rapidement mené à bonne fin l’objet de sa mission, il revient à Alexandrie. Pendant le temps qui s’était écoulé depuis son départ, une guerre assez vive avait éclaté dans la ville ; il la quitte, va en Palestine et donne ses leçons à Césarée. Là les évêques du pays lui demandèrent de faire des conférences et d’expliquer les Saintes Écritures dans l’assemblée de l’église, quoiqu’il n’eût pas encore reçu l’imposition des mains de la prêtrise. Cela même serait évident d’après ce qu’écrivent concernant Démétrius, Alexandre, évêque de Jérusalem, et Théoctiste, évêque de Césarée ; ils se justifient ainsi : « Il a ajouté dans sa lettre, que jamais on n’a entendu dire et que maintenant jamais il ne se fait qu’en présence d’évêques, des laïques donnent l’homélie ; je ne sais comment il dit une chose manifestement inexacte. Car, où des hommes se trouvent capables d’être utiles aux frères, ils sont invités à adresser la parole au peuple parles saints évêques ; c’est ainsi qu’à Laranda, Evelpe y fut convié par Néon, à Iconium, Paulin par Celse, et à Synnade, Théodore par Atticus, nos frères bienheureux. Il est vraisemblable, que ce fait se passe aussi en d’autres endroits, quoique nous l’ignorions ».

C’est de celle manière qu’Origène, bien qu’encore jeune, était honoré non seulement par ceux qui le fréquentaient d’ordinaire, mais encore par les évêques de pays étrangers. Toutefois de nouveau Démétrius le rappela par lettres et le lit presser par des diacres de l’église de revenir à Alexandrie. De retour, il s’acquitta de ses travaux accoutumés.

Chapitre XX

Quels écrits des hommes de ce temps nous avons

À celle époque florissaient un grand nombre d’hommes savants dans l’Église et nous avons la bonne fortune de trouver, conservées encore maintenant, des lettres qu’ils s’écrivaient les uns aux autres. Elles ont été gardées jusqu’à nous dans la bibliothèque d’Aelia [Jérusalem], formée par Alexandre, qui gouvernait alors l’église de ce pays. C’est d’elle que nous avons pu tirer et réunir la matière du sujet que nous traitons.

Parmi ces hommes se trouvaient Béryllus, qui nous a laissé, avec des lettres, divers extraits d’ouvrages et qui était évêque des Arabes de Bosra ; de même encore Hippolyte, lui aussi chef d’une autre église. Un Dialogue de Caius est aussi venu jusqu’à nous ; l’auteur était un homme très disert, il vivait à Rome sous Zéphyrin et avait dirigé son ouvrage contre Proclus qui défendait l’hérésie des Cataphrygiens. Dans cette œuvre, il ferme la bouche aux adversaires, confond leur témérité et leur audace à fabriquer de nouvelles écritures et il mentionne les treize épîtres qui seules sont du saint apôtre ; il ne joint pas aux autres l’épître aux Hébreux, parce que même à cette époque, auprès de certains Romains, on ne pensait pas qu’elle fût de l’apôtre.

Chapitre XXI

Quels évêques étaient célèbres à cette époque

Mais Antonin ayant régné sept ans et six mois, Macrin lui succède ; il meurt après un an, et un autre Antonin à son tour obtient le pouvoir suprême des Romains. La première année de son règne, l’évêque des Romains Zophyrin quitte la vie, ayant possédé le pontificat dix-huit ans complets. Après lui, Calliste reçoit l’épiscopat, il survit cinq ans et laisse le pontifical à Urbain. Alors l’empereur Alexandre hérite de l’empire romain ; Antonin avait régné quatre ans seulement. À cette époque aussi, Philétos succède à Asclépiade dans l’église d’Antioche.

La mère de l’empereur, appelée Maméa, était une femme très religieuse s’il en fut ; comme la renommée d’Origène retentissait partout et qu’elle l’avait entendue arriver jusqu’à ses gens, elle tint beaucoup à voir cet homme et à faire l’expérience de son intelligence des choses divines admirée de tous, Pendant un séjour qu’elle fit à Antioche, elle lui envoya des gardes du corps pour l’inviter. Il demeura auprès d’elle un certain temps et lui exposa un grand nombre de questions concernant la gloire du Seigneur et la vertu de l’enseignement divin, puis il se hâta de revenir à ses occupations accoutumées.

Chapitre XXII

Ce qui est venu jusqu’à nous des œuvres d’Hyppolyte

Alors Hippolyte travaillant avec beaucoup d’autres commentaires compose lui aussi, l’écrit Sur la Pâque où il établit un comput et publie un canon de la Pâque pour seize ans : il embrasse les temps jusqu’ a la première année de l’empereur Alexandre. De ses autres écrits, voici ceux qui sont venus jusqu’à nous : Sur l’Hexamêron, Sur ce qui suivit l’Hexamêron, Contre Marcion, Sur le Cantique, Sur des parties d’Ézéchiel, Sur la Pâque, Contre toutes les hérésies, et nombre d’autres qu’on peut trouver conservés chez beaucoup.

Chapitre XXIII

Zèle d’origène et comment il fut jugé digne du sacerdoce de l’Église

À partir de ce temps, Origène, lui aussi, commençait les Commentaires sur les Saintes Écritures ; Ambroise l’y excitait non pas seulement par mille exhortations verbales et encouragements, mais aussi en lui procurant absolument, sans compter, ce qui lui était utile. Plus de sept tachygraphes, en effet, écrivaient sous sa dictée et se relayaient les uns les autres à heures fixes ; il n’y avait pas moins de copistes, ainsi que des jeunes filles exercées à la calligraphie. Ambroise pourvoyait amplement à ce qui était utile à la subsistance de tous. Rien plus, il apportait encore une ardeur indicible à étudier et à travailler avec lui ce qui concernait les saintes lettres, et c’était aussi par là surtout qu’il provoquait Origène à la composition des Commentaires.

Les choses étaient ainsi, et Urbain ayant gouverné l’église des Romains pendant huit années, a pour successeur Pontianus. Zébennus préside à l’église d’Antioche après Philétos.

En ces temps, Origène, à cause d’un besoin pressant concernant certaines affaires ecclésiastiques, va en Grèce par la route de Palestine et il reçoit l’ordination du sacerdoce à Césarée, des évêques de ce pays. Le trouble qui fut alors soulevé à son sujet, ce qui a été décidé par les chefs des églises concernant ceux qui faisaient de l’agitation, puis quels autres succès, dons l’épanouissement de son talent, Origène remporta dans la prédication divine, tout cela demanderait un ouvrage à part ; nous l’avons écrit en partie au second livre de l’Apologie que nous avons faite à son sujet.

Chapitre XXIV

Quels commentaires il fit à Alexandrie

À ces choses il faudrait ajouter ceci : que dans le sixième livre de ses Commentaires exégétiques sur l’Évangile selon Jean, il indique que les cinq premiers ont été composés pendant qu’il était encore à Alexandrie. De ce travail sur cet Évangile entier, seuls vingt-deux livres nous sont parvenus. Au neuvième livre de ses Commentaires sur la Genèse (il y en a douze en tout), non seulement il montre qu’il a traité ceux qui précèdent le neuvième à Alexandrie, ainsi que les livres Sur les vingt-cinq premiers psaumes et ceux Sur les Lamentations dont cinq livres sont venus jusqu’à nous, dans lesquels il fait mention de ceux Sur la Résurrection ; il y en a deux ; mais surtout qu’il a écrit encore le Périarchôn avant son départ d’Alexandrie et son ouvrage intitulé Stromates [Tapisseries], en dix livres ; il l’a composé dans la même ville, sous le règne d’Alexandre, ainsi que le montrent des indications écrites de sa main en tête des volumes.

Chapitre XXV

Comment il cite les Écritures Testamentaires

Du reste, en commentant le premier psaume, il établit le catalogue des Saintes Écritures de l’Ancien Testament et il écrit ces paroles : « On ne doit pas ignorer que les livres testamentaires sont au nombre de vingt-deux ainsi que les Juifs nous l’ont transmis ; ce nombre est chez eux celui des lettres.» Ensuite il ajoute : « Les vingt-deux livres des Hébreux sont ceux-ci : Celui qui est intitulé chez nous Genèse, et chez eux Bresith, à cause du début du livre, qui est : « Au commencement ». — Exode, Ouellesmoth, c’est-à-dire « Voici les noms ». — Lévitique, Ouicra : « Et il a appelé ». — Nombres, Ammesphecodéim. – Deutèronome, Elleaddebarèim : « Voici les paroles ». – Jésus fils de Navé, Josuébennoun. - Juges, Ruth, chez eux en un seul, Sophtéim. — Le premier et second des Rois, chez eux un seul, Samuel, « élu de Dieu ». — Le troisième et quatrième des Rois, en un, Onammelch David, ce qui signifie « Règne de David ». – Le premier et second des Paralipomènes, en un, Dabreïaméin, ce qui signifie : « Paroles des jours ». – Le premier et second d’Esdras, en un, Ezra, c’est-à-dire « Auxiliaire ». — Livre des Psaumes, Spharthelléim. ~ Proverbes de Salomon, Meloth ~ Ecclésiaste, Koelth. – Cantique des cantiques (et non pas, comme certains pensent, Cantiques des cantiques), Sirassiréim. - Isaïe, Iessia. — Jérémie avec Lamentations, et l’Épître en un, lêrèmia. — Daniel, Daniel. — Ézéchiel, Ièzêchiel. – Job, Job. — Esther, Esther. En outre de ceux-ci, il v encore les Machabées, qui sont intitulés Sarbethsabanaiel.

Voilà ce qu’établit Origène dans l’ouvrage désigné plus haut. D’autre part, dans le premier livre des Commentaires sur l’Évangile de Matthieu, conservant le canon ecclésiastique, il atteste qu’il ne connaît que quatre Évangiles, et écrit ce qui suit : « J’ai appris comme étant de la tradition, en ce qui concerne les quatre Évangiles qui sont les seuls incontestés dans l’Église de Dieu qui est sous le ciel, que le premier écrit est celui selon Matthieu, publicain d’abord, puis apôtre de Jésus-Christ ; il fut destiné à ceux qui avaient passé du Judaïsme à la foi, et fut composé en langue hébraïque. Le second est celui selon Marc, qui l’a fait selon les indications de Pierre ; celui-ci du reste atteste dans l’épître catholique, qu’il est son fils et il parle en ces termes : « l’Église élue qui est à Babylone et Marc « mon fils vous salue ». Le troisième est celui selon Luc, l’Évangile loué par Paul et composé pour les gentils. Après tous vient celui selon Jean ».

Dans le septième livre de ses Commentaires exégétiques sur évangile de Jean, le même écrivain dit encore ceci des épîtres des apôtres : « Devenu digne d’être le ministre du Nouveau Testament non pas selon la lettre, mais selon l’esprit, Paul, après avoir pleinement prêché l’Évangile, depuis Jérusalem jusqu’à l’Illyricum, n’a pas écrit à toutes les églises qu’il a enseignées ; mais à celles auxquelles il s’est adressé, il n’a envoyé que peu de lignes. Pierre, sur qui est bâtie l’Église du Christ, contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront pas, a laissé une épître incontestée, et peut-être une seconde, car cela est mis en doute. Que faut-il dire de celui qui a reposé sur la poitrine de Jésus, de Jean qui a laissé un Évangile ? Il confesse pouvoir faire plus de livres que le monde ne serait capable d’en contenir ; il a encore écrit l’Apocalypse, puis il a reçu l’ordre de se taire et de ne pas écrire les voix des sept tonnerres. Il a laissé aussi une épître de fort peu de lignes, peut-être une seconde et une troisième ; tous en effet ne disent pas que celles-ci soient authentiques ; seulement l’une et l’autre n’ont pas cent lignes.

En outre, au sujet de l’Épître aux Hébreux, dans les Homélies écrites sur elle, Origène explique encore ceci : « Le caractère du style de l’Épître intitulée Aux Hébreux n’a pas la manière simple du langage de l’apôtre qui avoue qu’il est grossier dans son parler, c’est-à-dire dans sa phrase, mais l’épître est très grecque par le travail du style. Quiconque sait apprécier les différences des expressions pourra l’attester. D’ailleurs, que les pensées de l’épître sont admirables et pas inférieures aux écrits apostoliques incontestés, quiconque s’occupe de la lecture des textes apostoliques, pourra convenir que cela est la vérité ». Plus loin, il ajoute les paroles suivantes : « Pour moi, si je donnais mon avis, je dirais que les pensées sont de l’apôtre, mais la phrase et la composition sont de quelqu’un qui rapporte les enseignements de l’apôtre et pour ainsi dire d’un écolier qui écrit les choses dites par le maître. Si donc quelque église regarde cette épître comme de Paul, qu’elle soit félicitée même pour cela ; car ce n’est pas au hasard que les anciens l’ont transmise comme étant de Paul. Mais qui a rédigé la lettre ? Dieu sait la vérité; un récit est venu jusqu’à nous de certaines gens qui disent que Clément, qui fut évêque de Rome, la écrite, et d’autres qui désignent Luc, celui qui a composé l’Évangile et les Actes ». Mais en voilà assez, ainsi.

Chapitre XXVI

Heraclias reçoit le siège d’Alexandrie

C’était la dixième année du règne susdit [d’Alexandre], Origène s’éloigne d’Alexandrie pour aller à Césarée et laisse à Héraclas l’école de la catéchèse de cette ville. Pou après, Démétrius, l’évêque de l’église d’Alexandrie, meurt ayant porté sa charge épiscopale quarante-trois ans entiers ; Héraclas lui succède.

ChapitreE XXVII

Comment les évêques considéraient Origène

À cette époque, Firmilien, évêque de Césarée en Cappadoce, était fort remarqué; il avait un tel attachement pour Origène, qu’il l’appela d’abord dans son pays pour le bien des églises ; puis ensuite il alla auprès de lui en Judée et passa avec lui un certain temps pour se perfectionner dans les choses divines. D’autre part encore, le chef de l’église de Jérusalem, Alexandre, et Théoctistos, évêque de Césarée, s’attachaient constamment à lui comme au maître unique, et l’autorisaient à faire ce qui regardait l’explication des saintes Écritures ainsi que le reste de l’enseignement de l’Église.

Chapitre XXVIII

La persécution de Maximin

L’empereur des Romains Alexandre achève son règne au bout de treize ans ; Maximin César lui succède. Celui-ci par rancune contre la maison d’Alexandre qui était constituée en majorité par des fidèles, suscite une persécution : il ordonne de mettre à mort seulement les chefs des églises comme responsables de l’enseignement de l’évangile. Alors Origène compose encore son livre Sur le martyre et le dédie à Ambroise et à Protoctètos prêtre de l’église de Césarée. parce que des difficultés peu ordinaires leur étaient survenues à tous deux dans la persécution. On raconte qu’alors, ces hommes se distinguèrent dans leur confession pendant le règne de Maximin qui ne dura pas plus de trois ans. Origène assigne cette époque-là à la persécution dans le vingt-deuxième livre de ses Commentaires exégétiques sur évangile de Jean et dans diverses lettres.

Chapitre XXIX

Fabien est miraculeusement désigné par Dieu comme évêque des romains

Gordien, après Maximin, succède à l’empire des Romains. Pontien ayant occupé la charge épiscopale dans l’église de Rome pendant six ans ; Antéros lui succède et, après avoir exerce un mois le pontifical, il le laisse à Fabien.

On dit que Fabien, après la mort d’Antéros, vint de la campagne avec d’autres et s’établit à Rome ; là, ce fut d’une manière 1res miraculeuse et par l’intervention de la grâce divine et céleste qu’il arriva à être choisi. Tous les frères étaient assemblés pour l’élection de celui qui devait recevoir la succession de l’épiscopal ;des hommes nombreux et distingués étaient dans la pensée de beaucoup, mais le nom de Fabien qui était là ne venait à l’esprit de personne ; cependant on rapporte que tout à coup une colombe descendit du ciel et se reposa sur sa tête, faisant voir la reproduction de la descente du Saint-Esprit sur le Sauveur sous la forme d’une colombe, Sur ce, tout le peuple, comme excité par un esprit divin, plein d’enthousiasme et d’une seule âme, s’écria qu’il était digne, puis, sans tarder, on le saisit et on le fit asseoir sur le trône épiscopal.

Alors aussi l’évêque d’Antioche Zébennus meurt et Babylas lui succède dans son autorité. À Alexandrie, après Démétrius, Héraclas ayant recueilli la charge pontificale et Denys occupe sa place dans l’école de la catéchèse de ce pays ; celui-ci était encore un des élèves d’Origène.

Chapitre XXX

Combien nombreux devinrent les disciples d’Origène

Tandis qu’Origène s’acquittait à Césarée de ses occupations habituelles, beaucoup de disciples venaient à lui non pas seulement de la contrée, mais de tout pays ; ils quittaient leur patrie par milliers. Nous en connaissons les plus illustres : Théodore, qui était ce Grégoire célèbre de notre temps parmi les évêques, et son frère Athénodore ; ils étaient extraordinairement passionnés pour les connaissances des Grecs et des Romains. Origène leur inspira l’amour de la philosophie et les exhorta à tourner leur ardeur première vers l’ascèse divine. Pendant cinq années entières ils furent avec lui et ils firent un tel progrès dans les choses de Dieu que, jeunes encore, ils furent tous deux jugés dignes d’être évêques des églises du Pont.

Chapitre XXXI

Africain

En ce temps aussi se distinguait Africain, l’auteur de l’ouvrage intitulé Cestes. On montre de lui une lettre à Origène : il ne savait pas si l’histoire de Suzanne dans le livre de Daniel n’était pas apocryphe et inventée ; Origène y répondit très longuement.

D’autres ouvrages du môme Africain, les cinq livres des Chronographies, composés avec un grand soin, sont encore venus jusqu’à nous. Dans ceux-ci, il dit qu’il a entrepris lui-même le voyage d’Alexandrie à cause de la grande renommée d’Héraclas ; nous avons montré qu’il s’était signalé dans les études philosophiques et les autres sciences des Grecs, et qu’il avait reçu l’épiscopat de l’église de ce pays.

On possède encore du même Africain une autre lettre à Aristide sur la divergence imaginée entre les généalogies du Christ dans Matthieu et dans Luc. Il y établit très clairement l’accord des évangélistes d’après un récit venu jusqu’à lui ; nous avons pris les devants et inséré en son temps celle explication dans le premier livre de l’ouvrage que nous écrivons.

Chapitre XXXII

Quels commentaires fit Origène à Césarée de Palestine

En ces temps, Origène composait encore, les Commentaires sur Isaïe et, à la même époque aussi, ceux Sur Ézéchiel. De ceux-ci, sont venus jusqu’il nous trente livres sur le tiers d’Isaïe jusqu’à la vision des bêtes à quatre pieds dans le désert ; Sur Ézéchiel, vingt-cinq livres, les seuls qu’il ait faits sur le prophète entier. Étant alors à Athènes, il achève ses Commentaires sur Ézéchiel, il commence ceux Sur le Cantique des Cantiques et les conduit jusqu’au cinquième livre ; revenu à Césarée, il les mène jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’au, dixième livre.

Mais à quoi bon faire présentement le catalogue exact des écrits de cet homme ? il y faudrait un ouvrage spécial. Nous en avons du reste dressé la liste dans la relation de la vie de Pamphile, le saint martyr de notre temps ; nous y avons exposé quel était le zèle de Pamphile pour les choses divines, et nous y avons inséré les catalogues de la bibliothèque qu’il avait rassemblée des œuvres d’Origène et des autres écrivains ecclésiastiques. Il sera loisible à qui en aura le désir, de connaître complètement ceux des travaux d’Origène qui sont venus jusqu’à nous. Maintenant il faut aller à la continuation de notre récit.

Chapitre XXXIII

L’erreur de Beryllus

Béryllus, dont il a été parlé un peu plus haut, évêque de Bostra en Arabie, s’écartait de la règle ecclésiastique et tentait d’introduire des doctrines étrangères à la foi ; il osait dire que Notre Sauveur et Seigneur n’avait pas préexisté dans une forme d’être distincte avant sa  venue parmi les hommes, et qu’il ne possédait pas une divinité qui lui fût propre, mais seulement celle du Père qui résidait en lui.

Alors beaucoup d’évêques eurent avec cet homme des discussions et des entretiens ; ainsi que d’autres. Origène y fut appelé. Il vint d’abord conférer avec lui pour déterminer quelle était sa pensée, et lorsqu’il eût connu ce qu’il affirmait, il redressa ce qui n’était pas orthodoxe, puis il le persuada par son argumentation, l’établit dans la vérité de la doctrine et le remit dans la saine croyance d’auparavant. On a encore aujourd’hui des relations écrites concernant Béryllus et rassemblée réunie à son sujet ; elles contiennent ensemble les questions que lui fit Origène et les controverses tenues dans son diocèse, comme aussi chacune des choses qui se firent alors.

Mille autres traits d’Origène nous ont encore été signalés de mémoire par les vieillards les plus âgés de notre époque ; je crois bon de les omettre comme ne tenant pas au sujet présent. Autant qu’il en sera besoin, on pourra lire et connaître ce qui concerne cet homme dans l’Apologie que Pamphile, le saint martyr de notre temps, ainsi que moi avons faite de lui. À cause des gens malveillants nous l’avons composée ensemble avec soin.

Chapitre XXXIV

Ce qui arriva sous Philippe

Après avoir achevé six années de règne, l’empereur Gordien était mort. Philippe lui succède avec son fils Philippe. On raconte que celui-ci était chrétien et qu’ au jour de la dernière vigile pascale il voulut prendre part avec la foule aux prières dites à l’église ; mais le président du lieu ne lui permit pas d’entrer avant de s’être confessé et s’être inscrit parmi ceux qui étaient classés dans le rang des pécheurs et occupaient la place réservée à la pénitence ; autrement en effet, si le prince n’avait pas fait cela, il ne l’eût jamais reçu, à cause des plaintes nombreuses de ceux qui étaient contre lui. On dit que celui-ci se soumit généreusement, montrant par des actes la sincérité et la piété de ses dispositions en ce qui regarde la crainte de Dieu.

Chapitre XXXV

Denys succéda à Héraclas dans l’épiscopat

On était a la troisième année de cet empereur quand Héraclas mourut après seize années de présidence des églises d’Alexandrie ; Denys reçoit la charge épiscopale.

Chapitre XXXVI

Combien d’autres écrits composa Origène

Alors, comme du reste il était naturel, la foi se répandait et notre doctrine était enseignée avec une absolue liberté auprès de tous ; on dit qu’Origène avait dépassées soixante ans, et comme il avait acquis par une longue préparation, une très grande facilité, il permit à des tachygraphes de prendre les entretiens faits par lui à l’église ; jamais auparavant il ne l’avait autorisé.

À cette époque, il compose encore les huit livres au sujet de l’ouvrage écrit contre nous sous le titre de Discours véritable de Celse l’épicurien ; les vingt-cinq livres Sur l’Évangile de Matthieu et les livres Sur les douze prophètes, dont nous n’avons trouvé en tout que vingt-cinq.

Il y a encore de lui une lettre à l’empereur Philippe, une autre à sa femme Sévère, et d’autres à divers. Elles étaient çà et là conservées chez plusieurs ; nous les avons réunies aussi nombreuses que nous avons pu, et nous les avons classées en des volumes spéciaux, afin qu’elles ne fussent plus éparpillées ; elles dépassent le chiffre de cent. Il a encore écrit à Fabien , l’évêque de Rome, et à de nombreux autres chefs d’églises, concernant son orthodoxie ; on a aussi le texte de ces lettres dans le sixième livre de l’Apologie que nous avons écrite à son sujet.

Chapitre XXXVII

La dissension des Arabes

D’autres gens encore, en Arabie, surviennent à celle époque et introduisent une doctrine étrangère à la vérité : ils disaient que l’âme humaine, pendant ce temps où nous sommes, meurt avec les corps à l’heure du trépas et qu’elle est détruite ; mais qu’un jour, au moment de la résurrection. elle revivra de nouveau avec eux. Alors précisément un concile important fut convoqué et de nouveau on y appela Origène ; il se mit à faire des discours à l’assemblée sur le sujet en question, et fut tellement énergique qu’il fit changer les pensées de ceux qui étaient auparavant tombés.

Chapitre XXXVIII

L’hérésie des Helcésaïtes

Alors aussi une autre contrefaçon commença à paraître, l’hérésie dite des Helcésaïtes, qui s’éteignit en même temps qu’elle naquit. Origène en fait mention dans une homélie aux fidèles sur le psaume quatre-vingt-deuxième ; voici ce qu’il dit : « Il est venu au temps présent quelqu’un qui était fier de pouvoir prêcher une doctrine athée et très impie dite des Helcésaïtes, récemment parue dans les églises. Ce que cette secte dit de mal, je vous l’exposerai, afin que vous ne soyez pas entraînés. Elle rejette certaines parties de l’Écriture, puis de nouveau se sert de textes puisés dans tout l’Ancien Testament et l’Évangile ; elle rejette entièrement l’Apôtre ; elle dit qu’il est indifférent d’abjurer, et que celui qui est prudent, dans la nécessité, reniera de bouche mais non de cœur. Ils montrent aussi un livre qu’ils disent être tombé du ciel ; celui qui le suit et y croit recevra de ses péchés un autre pardon, en outre de celui qu’a donné Jésus-Christ.

Chapitre XXXIX

Ce qui arriva sous Dèce

Mais Philippe ayant régné sept années a pour successeur Dèce. Celui-ci, par haine pour Philippe, suscite une persécution dans laquelle Fabien meurt martyr à Rome, et Corneille lui succède dans sa charge.

En Palestine, Alexandre, évêque de l’église de Jérusalem, a derechef à paraître, pour le Christ, devant les tribunaux du gouverneur à Césarée, et il se distingue dans une seconde confession ; il fait l’épreuve de la prison, couronné des cheveux blancs d’une longue et vénérable vieillesse. Après le témoignage brillant et glorieux qu’il rendit dans les prétoires, il meurt dans les chaînes, et Mazabane est proclamé son successeur au siège de Jérusalem, Ainsi qu’Alexandre, Babylas succombe en prison à Antioche après sa confession, et Fabien est mis à la tête de cette église.

Quelles et combien grandes furent pendant la persécution les épreuves qui survinrent à Origène ; quelle en fut la fin ; comment le démon méchant, avec toute son armée, l’attaqua à l’envi, lutta contre lui avec toute sa ruse et sa puissance, et, de préférence à tous ceux qu’il combattait alors, en fit d’une manière spéciale le but de ses efforts ; quelles et combien grandes furent les souffrances que supporta cet homme pour la parole du Christ : chaînes et tortures, supplices endurés sur le corps, supplices infligés par le fer, supplices des cachots au fond de la prison ; comment, pendant nombre de jours, il fut mis les pieds dans les ceps au quatrième trou et menacé du feu ; combien d’autres douleurs lui furent intimées par les ennemis et supportées par lui avec courage ; quelle fut pour lui l’issue de tout cela, car le juge s’efforçait avec soin, autant qu’il pouvait, de ne pas le mettre à mort ; combien ensuite il laissa de paroles pleines d’utilité pour ceux qui avaient besoin d’être aidés ; tout cela est contenu d’une façon véritable et exacte dans les lettres si nombreuses de cet homme.

Chapitre XL

Ce qui advint à Denys

Ce qui concerne Denys, je le rapporterai d’après sa lettre à Germain, où parlant de lui-même il fait ce récit : « Moi aussi je parle en présence de Dieu et il sait si je mens. Ce n’est pas du tout d’après mon propre jugement ni sans l’assistance de Dieu que j’ai pris la fuite. Au reste, dans une occasion précédente, quand sévissait la persécution de Dèce, Sabinus, à ce moment, a envoyé un frumentaire à ma recherche, et moi je suis resté quatre jours à la maison à attendre son arrivée ; mais lui, il parcourait tous les lieux d’alentour, explorant les routes, les fleuves et les champs où il soupçonnait que je me cachais et que j’allais ; il était frappé d’aveuglement et ne trouvait pas ma demeure ; il ne croyait pas, en effet, qu’étant poursuivi, je restais chez, moi. Ce ne fut pas sans peine que, le quatrième jour, Dieu m’ordonnant de partir et m’ouvrant le chemin d’une façon miraculeuse, nous nous en allâmes ensemble, moi, les serviteurs et beaucoup de frères. Que cela fût l’œuvre de la providence de Dieu, les événements qui suivirent l’ont montré ; dans ceux-ci nous avons peut-être été utiles à certains ».

Puis, ayant parlé de diverses choses, il montre plus loin ce qui lui est arrivé après la fuite et il ajoute ceci : « Vers l’heure du coucher du soleil, j’étais en effet pris par les soldats ainsi que ceux qui étaient avec moi et conduit à Taposiris ; mais Timothée, par un dessein de Dieu, se trouvait à ne pas être là et il ne fut pas arrêté ; il vint plus tard et vit la maison vide et gardée par des gens de service, mais nous, nous étions emmenés captifs.»

Un peu plus loin il dit : « Quelle fut la conduite de l’admirable providence de Dieu ? La vérité le dira. Un paysan rencontra Timothée qui fuyait et était bouleversé; il lui demanda la cause de son empressement. Celui-ci raconta ce qui était la vérité, et son interlocuteur l’ayant entendu — il allait dîner à la noce et c’était pour eux une coutume de passer toute la nuit dans de pareilles réunions – il l’annonça, en arrivant, aux convives. Ceux-ci d’un seul bond se levèrent tous comme à un signal convenu et, prenant leur course, ils arrivèrent très vite et tombèrent sur nous en poussant des cris ; les soldats qui nous gardaient détalèrent prestement elles assaillants vinrent à nous qui étions étendus sur des lits sans couvertures. Je crus moi aussi tout d’abord, Dieu le sait, que c’étaient des brigands qui étaient venus pour le vol et le pillage ; je restai sur ma couche, j’étais couvert seulement d’un habit de lin, et je leur offris le reste de mes vêtements qui étaient près de moi ; mais eux m’ordonnaient de me lever et de décamper au plus vite. Alors, sachant pourquoi ils étaient là, je les suppliais à grands cris et leur demandais de s’en aller, de nous laisser et, s’ils voulaient faire quelque chose de mieux, j’estimais que c’était de prévenir ceux qui m’emmenaient et de me couper la tête. Tandis que je leur criais cela, comme le savent mes compagnons qui ont eu leur part dans toutes ces choses, ils me firent lever de force. Et moi je me jetai à terre à la renverse, mais eux me prirent par les mains, me tirèrent par les pieds et me traînèrent dehors. Les témoins de tout ceci, Caius, Faustus, Pierre, Paul, me suivirent ; ils me portèrent même à bras et me firent sortir de la petite ville, puis, me faisant monter à poil sur un âne, ils m’emmenèrent ».

Voilà ce que dit Denys de lui-même.

Chapitre XLl

Ceux qui furent martyrisés à Alexandrie même

Le même, dans sa lettre à Fabien, évêque d’Antioche, raconte de cette manière les combats des martyrs d’Alexandrie sous Dèce : « Ce ne fut pas à partir de l’édit impérial que la persécution commença chez nous, mais elle le précéda d’une année entière. Il le devança, le prophète et l’artisan des maux de cette ville qu’il était, il souleva et excita contre nous la foule des païens en l’enflammant pour son culte des superstitions locales. Animés par lui et ayant reçu toute latitude pour l’œuvre impie, ils considéraient que la religion, le culte des démons consistait seulement à nous mettre à mort. Ils se saisirent donc d’abord d’un vieillard nommé Métra et lui ordonnèrent de dire des paroles athées : il refusa ; alors ils le frappèrent à coups de bâton, et avec des roseaux pointus ils lui percèrent le visage ainsi que les yeux, puis ils l’emmenèrent dans le faubourg et le lapidèrent. Ensuite ils conduisirent une femme chrétienne, du nom de Quinta, vers le temple des idoles et la contraignirent d’adorer ; elle se détourna et manifesta son dégoût ; ils la lièrent alors par les pieds et la traînèrent par toute la ville sur le rude pavé et la meurtrirent sur les pierres meulières, tout en l’accablant de coups de fouet, puis ils la conduisirent au même endroit que Métra et la lapidèrent.

« Ensuite tous d’un commun accord ils s’élancent vers les maisons des chrétiens : chacun fait irruption chez, les voisins qu’il connaît et les emmène, puis les vole et les pille. Les objets les plus précieux sont réservés ; ceux qui le sont moins, comme ceux en bois, sont jetés et brûlés dans les rues et donnent l’aspect d’une ville prise par des ennemis. Les frères se dérobaient et s’enfuyaient ; ils supportaient avec joie qu’on leur ravît leurs biens, comme ceux auxquels Paul a rendu témoignage. Et je ne sais pas, sauf un peut-être qui par hasard est tombé, s’il en est jusqu’à présent qui aient renié le Seigneur.

« Mais ils se saisirent aussi d’Apollonie, vierge très digne d’admiration et d’un grand âge ; ils lui firent tomber toutes les dents en lui frappant les mâchoires, puis ils construisirent un bûcher devant la ville et la menacèrent de l’y jeter vivante si elle ne prononçait avec eux les formules de l’impiété. Elle s’en excusa brièvement puis offrant son sacrifice elle s’élança vivement dans le feu et y fut consumée. On arrêta encore Sérapion chez lui et on lui infligea de cruelles tortures ; on lui brisa toutes les jointures des membres et on le précipita de la chambre haute la tête en avant.

« Il n’y avait ni route, ni rue, ni sentier qui nous fut accessible, de jour comme de nuit ; sans cesse et partout tous criaient : « Si quelqu’un ne chante pas les paroles d’insulte, il faut qu’il soit aussitôt emmené et bridé ». Et ces maux gardèrent longtemps cette sorte d’acuité ; puis la révolution vint ensuite pour ces hommes méchants et une guerre civile fut cause qu’ils tournèrent contre eux-mêmes la cruauté dont nous étions l’objet. Nous respirâmes un peu ; ils ne prenaient plus le loisir de s’irriter contre nous ; mais bientôt le changement de ce règne [de Philippe] qui nous avait été plus favorable fut annoncé, et la crainte intense de ce qui nous menaçait planait sur nous.

« Et, en effet, l’édit existait bien et il ressemblait presque à ce qui a été prédit par Notre Seigneur, comme devant être rapide et très terrible, si bien que, s’il eût été possible, les élus eux-mêmes eussent été scandalisés. D’ailleurs tous furent frappés d’épouvante ; beaucoup et des plus considérables se présentèrent aussitôt ; ceux-ci cédaient à la crainte, ceux-là étaient fonctionnaires et étaient amenés par leurs fonctions, les autres étaient entraînés par leur entourage ; appelés par leur nom, ils allaient aux sacrifices impurs et impies. Les uns étaient pâles et tremblants, non pas comme des gens qui devaient sacrifier, mais comme s’ils devaient eux-mêmes être sacrifiés et immolés aux idoles : aussi étaient-ils assaillis parle rire moqueur du peuple nombreux qui les entourait, et il était évident qu’ils étaient lâches pour tout, aussi bien pour mourir que pour sacrifier. Certains autres, cependant, accouraient aux autels d’une façon plus résolue et affirmaient avec audace qu’ils n’avaient jamais été chrétiens ; à leur sujet la prophétie du Sauveur est très vraie : ils seront difficilement sauvés. Le reste, ou bien suivait le mauvais exemple des uns et des autres, ou bien fuyait. Certains étaient arrêtés, et de ceux-ci les uns, après avoir été jusqu’aux fers et à la prison, quelques-uns même après y avoir demeuré plusieurs jours, abjuraient ensuite avant d’aller au tribunal ; les autres, après avoir enduré un certain temps les tortures, refusaient d’aller plus loin.

« Mais les robustes et saintes colonnes du Seigneur, fortifiées par lui et puisant dans la foi solide qu’elles avaient en elles, une dignité, une force et une puissance proportionnée, furent d’admirables témoins de son royaume. Le premier de ceux-ci fut Julien ; il était goutteux, et ne pouvait ni se tenir debout ni marcher ; il fut amené avec deux hommes qui le portaient ; l’un de ceux-ci renia sur-le-champ ; mais l’autre qui s’appelait Chronion et avait le surnom d’Eunous confessa le Seigneur ainsi que le vieillard Julien. On les mit sur des chameaux et on les promena en les fouettant par toute la ville qui, vous le savez, est très grande ; enfin ils furent brûlés avec de la chaux vive que tout le peuple répandait sur eux. Un soldat les escortait tandis qu’on les emmenait  et il s’opposait à ceux qui les insultaient ; ceux-ci se mirent à pousser des cris et le très courageux guerrier de Dieu, Bésas, fut conduit au tribunal ; après s’être distingué dans le grand combat de la religion, il eut la tête tranchée. Un autre, de race libyenne, Makar [Bienheureux], dont le nom et la bénédiction étaient également vrais, après avoir subi de la part du juge une exhortation prolongée à renier sa foi, n’ayant pas été amené à céder, fut brûlé vivant. Après ceux-ci, Épimaque et Alexandre qui étaient demeurés longtemps enchaînés, qui avaient souffert mille douleurs, les peignes de fer et les fouets, furent eux aussi arrosés de chaux vive. Avec eux, il y eut encore quatre femmes ainsi qu’Ammonarion, vierge sainte, à qui le juge fit très opiniâtrement subir des tortures très prolongées parce qu’elle avait déclaré à l’avance qu’elle ne dirait rien de ce qu’il lui ordonnerait ; elle réalisa ce qu’elle avait promis et elle fut emmenée à la mort. Restaient Mercuria, d’une très vénérable vieillesse, et Denise, mère de beaucoup d’enfants, mais qui ne les avait pas aimés plus que le Seigneur ; le juge eut honte de les tourmenter inutilement encore et d’être vaincu par des femmes ; elles moururent par le fer et n’eurent plus à subir l’épreuve des tortures parce qu’Ammonarion, qui avait combattu la première, les avait endurées pour toutes.

« Héron, Ater et Isidore, égyptiens, et avec eux un jeune enfant d’environ quinze ans, Dioscore, furent livrés. Le juge s’en prit d’abord à l’adolescent, comme à quelqu’un facile à tromper par des paroles, et aisé à contraindre par des tortures, mais Dioscore ni n’obéit ni ne céda. Le magistrat fit déchirer les autres d’une façon très sauvage et, comme ils résistaient, il les livra eux aussi au feu. Quand Dioscore, qui avait brillé en public, et qui avait répondu très sagement aux questions faites en particulier, le juge étonné le laissa aller, disant qu’il lui accordait un délai pour se repentir à cause de son Age. Maintenant encore cet enfant très digne de Dieu, Dioscore, est avec nous ; il attend une lutte plus prolongée et un combat plus complet.

« Un certain Némésion, lui aussi égyptien, fut dénoncé comme habitant avec des brigands ; s’étant justifié de cette calomnie, très étrange devant le centurion, il fut accusé comme chrétien et vint enchaîné devant le gouverneur ; le juge très injuste lui fit infliger en tortures et en flagellations le double de celles administrées aux voleurs, puis il ordonna de le brûler au milieu d’eux, honorant ce bienheureux de cette ressemblance avec le Christ.

« Mais toute une escouade de soldats : Ammon, Zénon, Ptolémée et Ingénès, et avec eux le vieillard Théophile, se tenaient debout devant le tribunal. On jugeait comme chrétien quelqu’un qui inclinait déjà au reniement : ceux-là, qui étaient auprès de lui, grinçaient les dénis, faisaient des signes avec la tête, tendaient les mains, gesticulaient par tout leur corps. Tout le monde se tourne de leur côté, mais avant qu’on eût saisi aucun d’eux ils prennent les devants, courent et montent sur le tribunal en disant, qu’ils sont Chrétiens ; le gouverneur et ses assesseurs sont saisis de crainte ; ceux qui étaient jugés paraissaient tout à fait remplis de courage et décidés aux supplices qu’ils devaient endurer, tandis que ceux qui jugeaient avaient peur. Ceux-là sortirent solennellement des tribunaux et ils exultaient de leur témoignage ; Dieu les faisait glorieusement triompher.

Chapitre XLII

Des autres dont Denys fait mention

« Beaucoup d’autres, dans les villes et les bourgs, furent déchires par les païens : j’en citerai un pour exemple. Ischyrion administrait le bien d’un des magistrats moyennant salaire : le patron lui ordonne de sacrifier, celui-ci refuse ; on l’insulte, il persévère ; on l’outrage et, comme il résistait, on prend un grand bâton, on le lui enfonce dans le ventre et les entrailles et on le tue.

« Que dire de la multitude de ceux qui erraient dans les déserts elles montagnes, périssant de faim, de soif, de froid, de maladie, par les brigands et les bêtes féroces ? Ceux qui ont survécu sont les témoins de leur élection et de leur victoire ; je citerai un fait pour montrer ce que j’avance. Chérémon était très vieux et évêque de la ville appelée Nil ; il s’est enfui vers la montagne d’Arabie avec la compagne de sa vie ; il n’est pas revenu et jamais les frères, quoiqu’ils aient beaucoup cherché, n’ont pu voir ni eux, ni leurs cadavres. Beaucoup, dans cette même montagne d’Arabie, ont été réduits en esclavage par des barbares Sarrasins ; on a délivré les uns à grand-peine, avec beaucoup d’argent, et les autres, pas encore jusqu’à maintenant. Et ceci, je ne te le raconte pas sans raison, ô frère, mais afin que tu voies quels malheurs nous sont arrivés et combien ils furent grands. Ceux qui en ont fait l’épreuve en savent bien d’autres ».

Puis à cela, il ajoute pou après ces paroles : « Ainsi donc ces divins martyrs qui étaient parmi nous, qui sont maintenant les assesseurs du Christ, partagent sa royauté, jugent avec lui et prononcent avec lui la sentence ; ils ont pris sous leur protection quelques-uns de nos frères tombés qui étaient responsables du grief d’avoir sacrifié. Ils ont vu leur retour et leur pénitence et ils ont estimé qu’elle pouvait être agréée par celui qui no veut pas d’une façon absolue la mort du pécheur mais son repentir ; ils les ont reçus, les ont assemblés, les ont réunis et ont partagé avec eux leurs prières et leurs repas. Que nous conseillez-vous, frères, à leur sujet ? Que devons-nous faire ? Serons-nous d’accord avec eux et de même avis, et respecterons-nous leur jugement et la grâce qu’ils ont faite ; à l’égard de ceux qui ont obtenu d’eux miséricorde, nous conduirons-nous en honnêtes gens ou bien tiendrons-nous la décision prise par les martyrs comme injuste et nous présenterons-nous comme les censeurs de leur jugement ? Regretterons-nous leur bonté d’âme et bouleverserons-nous l’ordre qu’ils ont établi?»

Chapitre XLIII

Novat, son genre de vie et son hérésie

Voilà ce qu’établit à bon droit Denys, dans le discours qu’il fit concernant ceux qui ont faibli lors de la persécution. Alors Novat, prêtre de l’église de Rome, était, en ce qui les regardait, ancré dans l’orgueil et il enseignait qu’il n’était plus pour eux d’espoir de salut, pas même s’ils faisaient tout pour un retour sincère et une confession pure. Il s’établit chef de son hérésie dont les partisans s’appellent dans l’orgueil de leur raison Cathares [les purs].

À son sujet, un très grand concile fut convoqué à Rome ; il se composait de six cents évêques et d’un bien plus grand nombre de prêtres et de diacres ; dans le reste des provinces, les pasteurs de chaque contrée examinèrent en particulier ce qu’il y avait a faire, puis un décret fut établi par tous. Novat, ainsi que tous ceux qui s’étaient levés avec lui et ceux qui décidaient de donner leur assentiment à la doctrine antifraternelle et inhumaine de cet homme, étaient réputés parmi les gens étrangers à l’Église ; quant à ceux des frères qui étaient tombés dans le malheur, il y avait à les soigner et à les guérir par les remèdes de la pénitence.

Il est venu jusqu’à nous des lettres de Corneille, évêque des Romains, à Fabius, évêque de l’église d’Antioche ; elles racontent ce qui concerne le concile de Rome et ce qui a été décidé par les évêques d’Italie, d’Afrique et des pays qui s’y trouvent. Il y a encore, écrites en langue latine, d’autres lettres de Cyprien et de ceux qui se trouvaient auprès de lui en Afrique : il y est déclaré qu’eux aussi sont de l’avis qu’il faut que ceux que ont été éprouvés, trouvent des secours et qu’on doit à juste titre bannir de l’église catholique le chef de l’hérésie et pareillement tous ceux qui ont été entraînés par lui. À ces lettres, est jointe une autre de Corneille sur ce qu’il a plu au concile de décider, et une encore, concernant ce qui avait été l’ait contre Novat ; rien n’empêche d’en citer aussi une partie afin que ceux qui la liront ici sachent ce qui le concerne.

Corneille renseigne donc Fabius sur ce qu’est la conduite de Novat ; il lui écrit ceci : « Afin que tu saches que depuis très longtemps cet étrange personnage désirait l’épiscopal, qu’il cachait en lui l’ardente ambition de l’obtenir sans qu’on s’en aperçût, et que pour voiler sa démence, dès le début, il avait autour de lui des confesseurs, je veux parler. Maxime, prêtre de notre église, et Urbain, qui ont moissonné deux fois la noble gloire de la confession, ainsi que Sidoine et Célérinus, qui a surmonté toutes les tortures grâce à la très puissante miséricorde de Dieu, qui a par l’énergie de sa foi fortifié la faiblesse de la chair et vaincu l’adversaire par la force, ces hommes donc ont observé Novat, ils ont pris sur le fait la méchanceté qui était en lui, ainsi que sa duplicité, ses parjures, ses mensonges, son tempérament insociable, son amitié de loup ; ils sont revenus dans la Sainte Église et ils ont dévoilé toutes ses machinations et ses méfaits qui existaient depuis longtemps et qu’il cachait en lui-même ; ils ont fait cette déclaration en présence d’un assez grand nombre ou d’évêques ou de prêtres et d’une foule de laïcs ; ils gémissaient et regrettaient d’avoir suivi ce monstre astucieux et mauvais, et de s’être séparés un instant de l’Église ».

Et peu après il dit : « En peu de temps, cher frère, quelle inconcevable transformation et quel changement ’nous avons vu se faire en lui. Car cet homme très distingue avait persuadé par des serments terribles, qu’il ne désirait absolument pas l’épiscopal ; or tout d’un coup, il paraît évêque comme s’il eût été lancé au milieu de nous par un mangoneau. Car ce dogmatiseur, ce protecteur de la science ecclésiastique, lorsqu’il entreprit d’arracher et d’extorquer l’épiscopal qui ne lui était pas donné d’en haut, choisit deux de ses associés qui avaient renoncé à leur salut et les envoya dans une petite localité insignifiante de l’Italie et là il trompa trois évêques, hommes rustiques et très simples, par une argumentation préparée ; il fit affirmer, en insistant avec force, qu’il fallait qu’ils vinssent promptement à Rome, afin que toute cette dissension qui existait, fût terminée avec les autres évêques et par leur arbitrage. Ils arrivèrent, ces hommes, ainsi que nous venons de le dire, trop simples pour les artifices et les ruses de ces méchants ; ils furent enfermés par certaines gens semblables à lui qu’il avait incités à cela et à la dixième heure, alors qu’ils étaient enivrés et alourdis par la boisson, il les contraignit de force à lui donner l’épiscopal, par un vain simulacre d’imposition des mains ; cet épiscopat il le revendique par ruse et par fourberie, il ne lui appartient pas. Peu après, l’un des évêques est revenu à l’Église, se lamentant et confessant sa faute ; nous l’avons même reçu à la communion des laïcs : tout le peuple présent intercédait pour lui ; aux autres évêques nous leur avons ordonné des successeurs et nous les avons envoyés aux lieux où ils étaient.

« Ce vengeur de l’Évangile ne sait-il donc pas qu’il faut qu’il n’y ait qu’un seul évêque dans une église catholique ? Or il n’ignore pas que dans celle-ci – comment l’ignorerait-il ? – il y a quarante-six prêtres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, cinquante-deux exorcistes, lecteurs et portiers, plus de quinze cents veuves et indigents, et la grâce et la charité du Maître les nourrit tous. Ni cette multitude si grande et si nécessaire dans l’Église, ni le nombre de ceux qui, grâce à la providence de Dieu, sont riches et pourvus de biens, non plus aussi qu’un peuple très grand et innombrable, rien ne l’a détourné d’une semblable désespérance et défaillance, ni ne l’a rappelé dans l’Église ».

Et de nouveau, un peu plus loin il ajoute ceci : « Maintenant disons par quelles œuvres et quel genre de vie il a eu la hardiesse de prétendre à l’épiscopal. Est-ce pour avoir depuis le commencement vécu dans l’Église et avoir soutenu pour celle-ci des luttes nombreuses et avoir été en de nombreux et grands dangers à cause delà religion ? Mais cela n’est pas. Le principe de sa croyance est Satan qui est venu en lui et y a habité un temps assez long ; il a été secouru par les exorcistes, il est tombé dans une dure maladie et pensant presque mourir, sur le lit même où il gisait, il a reçu le baptême par allusion, si du moins il faut dire qu’un tel homme l’a reçu. Il n’a pas obtenu, après en avoir réchappé, le reste qu’il faut recevoir ensuite selon la règle de l’Église et il n’a pas été scellé par l’évêque : n’ayant pas reçu cela, comment a-t-il reçu le Saint-Esprit?»

Peu après il dit encore : « Par lâcheté et amour de la vie, au temps de la persécution, il a nié qu’il était prêtre. Invité en effet et exhorté par les diacres à sortir du réduit où il s’était emprisonné et à secourir les frères ainsi que le doit, ainsi que le peut un prêtre, lorsque des frères sont dans le danger et demandent le secours d’un réconfort, il a été si loin de céder aux diacres qui le pressaient qu’il est sorti furieux et s’en est allé : il ne voulait en effet plus, disait-il, être prêtre, parce qu’il était épris d’une autre philosophie ».

Passant un peu plus loin, il ajoute encore à cela ces paroles : « Cet homme illustre, qui a abandonné l’Église de Dieu dans laquelle il avait cru, où il avait été jugé digne du sacerdoce parla grâce de l’évêque qui lui imposa la main pour lui donner rang dans le sacerdoce, malgré l’opposition de tout le clergé et même de beaucoup de laïcs ; il n’était en effet pas permis après avoir été baptisé dans un lit pendant une maladie, comme lui, de devenir quelqu’un dans le clergé ; mais l’évêque demanda qu’on le laissât ordonner celui-ci seulement ».

. Ensuite il ajoute à cela quelque chose qui est pire que les actions déplacées faites par cet homme ; il parle ainsi : « En effet, lorsqu’il a fait les offrandes eucharistiques et qu’il en distribue la part à chacun et qu’il la lui remet, il oblige les malheureux à jurer au lieu de rendre grâces ; il prend dans ses deux mains celles de celui qui reçoit l’eucharistie, et il ne les lâche pas avant qu’ils n’aient prêté serment en ces termes — je me sers de ses paroles - : « Jure-moi, sur le « sang et le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de ne m’abandonner jamais et de ne pas aller à Corneille ». Et le malheureux ne communie pas s’il ne s’est auparavant maudit lui-même, et au lieu de dire amen, en recevant ce pain, il dit : « Je ne retournerai pas à Corneille ».

Après autre chose, il dit encore ceci : « Sache que maintenant il est abandonné et isolé ; les frères le laissent chaque jour et reviennent à l’Église. Moïse, lui aussi, le bienheureux martyr qui tout récemment parmi nous a souffert un beau et admirable martyre, alors qu’il était encore en ce monde, voyant son audace et sa démence, l’excommunia avec les cinq prêtres qui se sont séparés de l’église ainsi que lui ».

Et, vers la fin de sa lettre, il fait la liste des évêques qui furent à Rome et ont condamné la sottise de Novat ; avec leurs noms, il mentionne celui de l’église que chacun d’eux gouvernait. Il cite aussi les noms de ceux qui ne vinrent pas à Rome mais qui donnèrent par lettres leur assentiment au vote des précédents ; il indique également les villes d’où chacun écrivait. Voilà ce qu’exposait Corneille dans sa lettre à Fabius, evêque d’Antioche.

Chapitre XLIV

Ce que Denys raconte de Sérapion

À ce même Fabius, qui inclinait un peu vers le schisme, Denys d’Alexandrie écrivit lui aussi : il traite dans les lettres qu’il lui adresse, beaucoup d’autres questions concernant la pénitence, il raconte les combats tout récents des martyrs à Alexandrie, et dans un autre récit il rapporte un fait plein de merveilleux qu’il est utile de citer dans cet ouvrage ; il consiste en ceci : « Je t’exposerai cet exemple qui est arrivé parmi nous : il y avait chez nous un certain Sérapion, fidèle vieillard qui avait vécu longtemps sans reproche et avait succombé dans l’épreuve. Il demandait souvent [qu’on le réconciliât] et personne ne l’exauçait ; il avait en effet sacrifié. Il devint malade et fut trois jours de suite sans parole et sans connaissance. Allant un peu mieux le quatrième jour, il appela son petit-fils et lui dit : « Jusques à quand, ô enfant, me laisserez-vous à l’écart ? « je le demande, exauce/.-moi et vite absolvez-moi, « appelle-moi un des prêtres », et après ces paroles il fut de nouveau sans voix. L’enfant courut chez le prêtre, mais il était nuit et celui-ci était malade ; il ne pouvait pas sortir. D’autre part, j’avais donné l’ordre que les moribonds, s’ils le réclamaient et surtout s’ils l’avaient demandé auparavant, fussent absous, afin qu’ils mourussent dans l’espérance. Le prêtre donna un peu de l’eucharistie à l’enfant, lui recommandant de la mouiller et de la glisser dans la bouche du vieillard. L’enfant rentrait portant [ce qu’il avait reçu du prêtre]; il était proche de la maison, et, avant qu’il fût entré, Sérapion revint à lui de nouveau : « Viens-tu, dit-il, mon enfant ? le prêtre n’a pu venir, mais toi, fais vite ce qui t’a été ordonné et délivre-moi ». L’enfant mouilla l’eucharistie et la fit aussitôt couler dans la bouche du vieillard ; celui-ci l’avala un peu et subitement rendit l’âme, N’était-il pas manifestement gardé en vie, n’était-il pas resté jusqu’à ce qu’il fût absous, que sa faute fût remise, à cause des nombreuses bonnes actions qu’il avait faites, et qu’il pût être reconnu [comme chrétien]?» Voilà ce que rapporte Denys.

Chapitre XLV

Lettre de Denys à Novat

Voyons ce que le même écrivit encore à Novat qui troublait alors la fraternité des Romains ; celui-ci prenait en effet pour prétexte de son apostasie et de son schisme certains des frères qui l’auraient contraint d’en venir là ; voyons de quelle manière Denys lui écrit : « Denys au frère Novatien, salut. Si c’est malgré toi, comme lu le dis, que tu as été entraîné, tu le montreras en revenant spontanément. Il fallait en effet tout supporter plutôt que de déchirer l’Église de Dieu, et il n’est pas plus glorieux de rendre témoignage pour ne pas adorer les idoles, que pour ne pas faire de schisme ; ceci est, selon moi, plus grand encore ; car dans ce premier cas on est martyr pour son âme seule, et dans l’autre on l’est pour toute l’Église. Et maintenant situes convaincu, eh bien ! efforce-toi d’amener tes frères à l’union : cet acte de vertu sera pour toi plus grand que ton péché; l’un ne te sera plus imputé et l’autre sera loué. Si tues impuissant auprès de ceux qui ne se laissent pas persuader, sauve avant tout ton âme. Je prie pour que tu ailles bien, et que lu t’attaches à la paix dans le Seigneur ».

Chapitre XLVI

Autres lettres de Denys

Voilà ce que Denys écrivit encore à Novat ; il lit aussi une lettre à ceux d’Égypte Sur la pénitence  dans laquelle il établit ce qu’il avait décidé au sujet des tombés, après avoir décrit les degrés de culpabilité. On a aussi de lui un écrit spécial Sur la pénitence adressé à Colon (celui-ci était evêque des Hermopolitains), puis un autre qui est une exhortation à son troupeau d’Alexandrie. Parmi ces épîtres, il y a encore la lettre écrite à Origène Sur le martyre ; il en adressa encore une aux frères de Laodicée, que présidait l’évêque Thélymidre, et à ceux d’Arménie, également Sur la pénitence ; Mérusane était leur évêque. En outre de toutes celles-là, il écrivit aussi à Corneille de Rome, après avoir reçu do lui la lettre contre Novat ; il lui mande qu’il a été convoqué par Hélénus, evêque de Tarse en Cilicie, et les autres qui sont avec lui, Firmilien, evêque de Cappadoce, Théoctiste, de Palestine, afin de se rencontrer avec eux au concile d’Antioche, où certains tentaient d’affermir le schisme de Novat. En outre de ceci, il écrivit qu’il lui avait été annoncé que Fabius était mort et que Démétrianus avait été établi son successeur au siège épiscopal d’Autiché. Il écrit encore au sujet de l’evêque de Jérusalem ces paroles : « Quant à Alexandre, cet homme admirable qui était en prison, il y est mort saintement ».

Après celle-ci, une autre lettre diaconale de Denys est portée à ceux de Rome par Hippolyte. Il en rédige une autre pour les mêmes Sur la paix, puis également une Sur la pénitence ; une autre encore aux confesseurs de ce pays qui favorisaient encore le sentiment de Novat, puis deux autres aux mêmes après leur conversion à l’Église. Il entretint pareillement un commerce épistolaire avec beaucoup d’autres, et il laissa a ceux qui aiment ses ouvrages, l’occasion d’un multiple profit.

Notes

. ἀθλητῶν BDMT lat. (« cum Seuerus quoque porsecutione agitaret ecclesias »), arm. ; ἀθλητῶν ἐν ἁπάσαις ταῖς ἐκκλησίαις AER (interpolation caractéristique de cette famille ; cf. κατὰ πάντα τόπον. – Θηβαίδος; mss., lat., Ἀσίας arm. – Après avoir laissé plusieurs années les chrétiens paisibles, Sévère publia vers 200 un édit interdisant les conversions au christianisme et au judaïsme (Hist. Aug. Spartien, Sev., 16). Nous sommes renseignés sur cette persécution par Eusèbe et Tertullien (surtout De corona, Ad Scapulam, De fuga). Voy. DUSHESNE, Hist. anc. de l’Église, t. I, p. 361.

ii, 1. ὁ λεγόμενος Ὠριγένους πατήρ : tour singulier, dû peut-être à ce que Léonidès tire sa principale illustration de son fils, à peu près comme nous disons : « le mari de Mme de Staël ». – τοῦ ἀνδρός, Origène « le héros », expression de panégyriste ; cf. GREG. DE NAZIANZE, Eloge de Basile, ii, 6; xiv, 3; xvi, 6; li, 1 (après ὁ γεννάδας, xlviii, 2 et 3) BOULENGER – Sur Origène, voy. Duchesne, Hist., t. I, p. 340 suiv.; Harnack, Die Chronologie, t. II, p. 26; BARDENHEWER, Gesch. der Altkirchlichen Ltleratur, t. II, p. 08. -2. Ὠριγένους: sur les méprises des mss., voy. Schwartz, p. LXXVI. – δέκατον : 201-202. La date de la préfecture de Laetus en Égypte résulte de ce passage. Ce personnage n’est ni Q. Aemilius Laetus, préfet du prétoire sous Commode et mis à mort par Didius Julianus en 193, ni Julius Laetus, ministre de Sévère et mis à mort en 199. — 7. τῇ τῶν ἐγκυκλίων παιδείᾳ : les arts libéraux, principalement la grammaire et la rhétorique, qui étaient la base de l’enseignement. Diogène Laërce, VI, 104, appelle ἐγκύκλια μαθήματα les arts libéraux et les connaissances humaines que rejettent les cyniques (voyez WACHSMUT. Corpusculum poësis epicae graecae ludibundae, II, p. 66 et la n.). Cf. plus loin, xviii, 4. Ce cycle est appelé au § suivant, et § 15, τὰ Ἑλληνικὰ μαθήματα de même, xix, 11. – 11. εὐτεκνίας : cf. GREC, DE NAZIANZE, Eloge de Basile, ix, 2 BOULENGER et la n. et ib., p. xvi. — . ἑπτακαιδέκατον : celle indication fixe la date de naissance d’Origène à 185-186. – , Paul d’Antioche n’est pas autrement connu. . τοῖς Ἑλλήνων μαθήμασιν: cf. § 7; ici paraphrasé ensuite par τὰ γραμματικά. – μετρίαν BDMT lat., arm., οὐ μετρίαν ABR; voy. Schwartz, p. lxxiii-lxxiv.

iii. 1. ἀπεληλαμένων. Cet euphémisme désigne la fuite dans la persécution. Sur les idées des Pères relatives à cette tactique, voy. E. JOLLYON, La fuite de la persécution pendant les trois premiers siècles du christianisme (64-323), Lyon et Paris,1905. – . ἀξιοῦται: il fut d’abord chef de l’école quand Origène partit d’Alexandrie en 231, et presque aussitôt, en 231 ou 232, devint évêque. . ὀκτωκαιδέκατον : en 202-203. — Les termes dont se sert Eusèbe ne permettent pas de dire si Aquila était préfet d’Égypte ou simple gouverneur de la ville. — 4. τὴν ἐπὶ θανάτῳ : expression qui se retrouve iv, 1 (avec θάνατον); v, 3; VII, xv, 5, etc. – κατέλευσεν. (« etiam impetus in eum gentilium fieret »), κατέλυσεν BM, « er war nahe daran durch sie zu sterben » arm. Cf. Schwartz, p. xc. — . Proverbe : οἷος ὁ λόγος τοῖος ὁ βίος. Cf. SENKQUE, Epist., cx.v, 1 : « Apud Graecos in prouerbium cessit : Talis hominibus fuit oratio qualis uita ». — . ἐναντίαν doit être interprété d’après le contexte : c’est l’aflluence des disciples à l’école catéchétique qui rend les deux enseignements incompatibles. Cf. xviii, 2. . λόγων ἀρχχαίων : les auteurs classiques. Ce passage est intéressant pour l’histoire du livre dans l’antiquité. Voy. en général, BIRT, Das antike Buchwesen, Berlin, 1882. -  ἀναπ<ιμπ>πλῶν SCUWARTZ : ἀνατλῶν ABDEMR, ἀναντλῶν  T1 — Toute celte description est rattachée à l’exemple des philosophes, τοῦτον φιλοσοφῶν τὸν τρόπον : ces mots ne peuvent être ici que pris au sens propre et ordinaire. Ce sont surtout les cynico-stoïciens qui donnaient cet exemple. Ce passage nous montre comment le mot. φιλοσοφία (ici, § 6, γνησιωτάτης φιλοσοφίας , et § 13, encore avec une allusion au sens ordinaire) a pris facilement chez les écrivains chrétiens le sens de « vie ascétique ». Voy. BOULENGER sur GREGOIRE DE NAZIANZE, Eloge de Césaire, I 5 (p. LVI). — . ἀνατροπῆς καὶ διαφθορᾶς τοῦ θώρακος: le sens précis de ces mots nous échappe ; par une traduction littérale, nous avons voulu attirer l’attention sur la difficulté.

iv, 3. Ἥρων mss., arm. : Héros lat. – Ces martyrs ne sont connus que par Eusèbe.

v. Sur Potamiène, voy. PALLADIUS. Hist. lausiaque, iii (édition Lucot dans la collection Hemmer-Lejay). – 1. ἐραστάς AEMRT arm. ἀρετάς BD, πρὸς ἀρετάς om. lal. – καὶ... –   γὰρ.. ἐπήνθει. AEMRT arm., om. BD lat. – Les altérations de BD et de Rufin sont l’œuvre de la pruderie (Schwartz, p. xciv). – 2. μονομάχοις mss., προνοβοσκοῖς arm., « uel crudolissimis gladiatoribus uel impudicissimis lenonibus » Rufin. Ce dernier connaît un texte qui a mélangé les deux leçons. On peut se demander si le même mobile n’a pas produit ici le même résultat qu’au § précédent. Ici, l’altération serait ancienne, puisque le syriaque, connu par l’arménien, nous aurait seul gardé la vraie leçon. Mais au § 1, elle remonte déjà au ive siècle ; et il y a des cas, quoique rares, où les versions seules ont gardé la vraie leçon (voyez Schwartz, p. lxxxv suiv.). Cependant, il est de tradition de mettre une vierge en présence du leno dans les récits de martyre : πορνοβοσκοῖς peut être un embellissement de ce genre dans l’original grec du syriaque. – πρὸς ἑαυτήν BDM, εἰς ἑI. AERT : un des passages qui prouvent l’intervention d’un recenseur dans AEBT} pour Schwartz, p. LXX. -. τὴν ἐπὶ θανάτῳ : voy. iii, 4. Basilide était sans doute un speculalor. Les speculatores étaient des soldats attachés à la personne de l’empereur ou des généraux ; voy. CAGHAT dans DAREMBERG et SAGLIO, IV, 2, 1422. Au § 1, il est donné comme disciple d’Origène. Il avait probablement entendu la prédication du catéchiste, mais ne s’était pas converti. – 4. La description du supplice, très précise dans ce passage, exclut la cuve dans laquelle le moyen-âge place les martyrs. . προσκεκλημένης mss. : ἐπὶ τὸν θεῖον λόγον πρ., A, arm. Cf. Schwartz, p. CXXIII.

vi. Ce chapitre et le suivant paraissent interrompre l’histoire d’Origène. En réalité, le ch. v. se rapporte à iii, 3, et le ch. vii à  ii, 2 (dixième année de Sévère, date du livre de Jude). Les anciens ne connaissaient pas notre système de notes et d’appendices et se trouvaient forcés d’insérer dans le contexte les hors-d’œuvre inévitables. Eusèbe dit ici pour la première fois que Clément a été à la tête de l’école catéchétique d’Alexandrie. Il l’a quittée sans doute à cause de la persécution de Sévère. Sur Pantène, voy. V, x. -  τῶν φοινητῶν γένέσθαι: AERT ajoutent (ἔτι) παῖδα ὄντα, de même l’arménien. Cette addition précise le point d’attache de ce chapitre dans le récit qui précède. Elle pourrait être authentique. Cependant voy. Schwartz, p. lxxv, mais aussi MC GIFFERT, p. 253, n. 3 du ch.

vii. Sur ce Jude, nous savons seulement ce que dit Eusèbe et que copie JEROME, De uiris, lii.

viii, 2. Voy. H. LECLERCQ, Castration, dans le Dictionnaire de liturgie et d’archéologie chrétienne, II, col. 2369. – . Voy. plus loin, xxiii,4. – . Sévère mourut le 4 février 211. Ses deux fils, M. Aurelius Severus Antoninus Bassianus et L. Septimius Geta lui succédèrent. Eusèbe ne mentionne que le premier qu’il appelle Antonin ; c’est celui que nous connaissons par le sobriquet de Caracalla, sobriquet étranger aux documents officiels. — ἐδηλώσαμεν: erreur ; le dernier évêque de Jérusalem nommé précédemment par Eusèbe est Narcisse (V, xii, 2 ; cf. VI, x). Eusèbe a dans l’esprit la mention générale, faite au § 4, des évêques de Césarée et de Jérusalem. Sur Alexandre, voy. plus loin, ch. XI.

ix,3. Voy. PULLER, The anoiting of the sick (Londres, 1904) , p. 149 suiv. ; BOUDINHON, Revue catholique des Églises, t. II (1905), p. 404; PARGOIRE, l’Église byzantine , Paris, 1905) , p. 96 et 337. – . σκαιᾷ νόσῳ, : regio morbo, Rufin ; la lèpre. . τὸν φιλόσοφον βίονv : voy. plus haut, iii, 9, note.

x. Dîos, Germanion et Gordios ne sont connus que par ce qui en est dit ici. Syncelle nomme Dîos, Germanion et Sardianus (au lieu de Gordios). Syncelle et Epiphane donnent à ces évêques des dates, sans qu’on puisse savoir sur quoi repose leur chronologie.

xi, 1. Sur la translation des évêques, voy. THOMASSΙN, Ancienne et nouvelle discipline de l’Église, IIe partie, liv. II, ch. LX suiv. ; BINGHAM, Antiqu., VI, iv, 6 ; sur la coexistence de deux évêques dans une cité, BINGHAM, II, XIII, 2-4. – . ἐκ τῆς Καππαδοκῶν γῆς : la cité n’est pas connue ; Valois et Tillemont (Mém. hist. eccl., t. III, p. 415) désignent Flaviopolis, d’après les Basiliques (Jur. Graeco-rom., t. I, p. 295, éd. J. LEUNCLAVIUS et FREHER) ; mais cette ville était en Cilicie. . Ἀντινοίτας : habitants d’Antinoé en Égypte, la ville fondée par Hadrien en l’honneur de son favori. — La Chronique d’Eusèbe fixe la translation d’Alexandre à la seconde année de Caracalla (212-213). – . L’élection d’Asclépiade au siège d’Antioche est placée par la Chronique à la première année de Caracalla (211-212). . κατὰ τὸν καιρὸν τῆς εἱρκτῆς : le temps de l’emprisonnement d’Alexandre est fixé par la Chronique à 203. Cette date est fausse, ou il faut admettre qu’Alexandre a été emprisonné de nouveau à la fin du règne de Sévère, de manière à se trouver encore enfermé lors de l’élection d’Asclépiade. Une troisième hypothèse pourrait être proposée, un emprisonnement de huit ans ; mais cette longue durée est en désaccord avec ce que nous savons des persécutions sous Sévère. La fin des persécutions paraît avoir été seulement amenée par l’amnistie rendue en 212 par Caracalla, après le meurtre de Géta, (Dion Cassius, LXXVII, 3). . Clément d’Alexandrie, qui a dédié son Canon ecclésiastique a l’évêque Alexandre ; voy. XIII, 3.

xii, 1. Sur Sérapion, voy. V, xix. – Δόμνον BDEMR lat. Jérôme, De uiris, XLI ; Δομνῖνον AT1 arm. — ἐθελοθρῃσκείαν a un sens assez général pour désigner une secte judaïsante, une forme de gnosticisme ou de cabbale. -  . Un fragment considérable de l’évangile de Pierre a été découvert en Égypte et publié en 1892. Voy. Revue des études grecques, 1893, 59 et 267. Une édition de ce texte paraîtra dans le recueil des évangiles apocryphes. -  Ῥωσσόν : en Syrie, sur le golfe d’Issus, un peu au nord-ouest d’Antioche. – ἀφ’ οὗ marge de l’édition de Genève de 1612, ἀφ’ ἧς mss. . Marcianus paraît être un hérétique inconnu et non pas Marcion. – <ὃς> καὶ ὅς om. mss., qui eliam Rufin, « welcher »> arm.

xιιι. Sur Clément d’Alexandrie, voy. les histoires littéraires. — . βαρβάρων : les Juifs et les chrétiens. -  . ἀντιλεγομένων voy. III, xxv, 5. – 7. Sur Cassien {Julius Cassianus), voy. BARDENHEWER, Geschichte der altkirchlichen Literatur, 1.1, p. 346 et 388. C’était un encratite (vers 170). Dans les Exegetica, il établissait que Moïse était antérieur aux philosophes grecs. Sur les auteurs juifs cités ici, SHIUEHER, Geschichte der jüd.Volks im Zeitalter Jesu, t. Il et III. – L’argument favori de l’apologétique juive, repris surtout chez les chrétiens par Tatien, est développé aussi par Clément.

xiv, 7. Cf. II, xv. . προτρεπτικῶς mss., om. Rufin ; cf. arm. : « ermahnte » ; πνευματικῶς, Schwartz (d’après II, xv, 2: ἀποκαλύψαντος αὐτῷ τοῦ πνεύματος ; προφανῶς, VALOIS. — Un autre motif pour la composition du quatrième évangile est exposé III, xxiv, 7-13. . Alexandre, mentionné aux chapitres viii et xi, est désigné ici comme un élève de Clément d’Alexandrie et un condisciple d’Origène. — . Ἀδαμάντιος;: deuxième nom ou surnom d’Origène. On peut se demander si ce sobriquet ne doit pas rentrer déjà dans la catégorie de ceux qu’a étudiés M. E. DIEHL, Rheinisches Museum, t. LXII (1907), p. 421 (résumé Rev. des revues dans la Revue de philologie, t. XXXII, p. 114,45). Il aurait, dès lors, une certaine portée pour l’histoire intérieure des chrétiens d’Égypte. – τῆς Ῥωμαίων ἐκκλησίας : Ῥωμαίων ABDM lat. arm., Ῥώμην ou  Ῥώμης ERT. — Le pontificat de Zéphyrin va de 198 (199) à 217. Mais en 216, Origène se fixe en Palestine. – . Cf. plus haut, viii, 3-5.

xv. Cf. plus haut, iii, 2.

xv«  Sur les travaux de critique biblique entrepris par Origène, voy. outre les introductions bibliques, SWETE, Introduction τt the old Testament in Greek (Cambridge, 1900), p, 59. Origène croyait, avec d’autres chrétiens (JUSTIN, Dιal., lxxi, 2 ARCHAMRAULT, et la n.), que les Juifs avaient altéré les Ecritures et qu’il fallait chercher le texte authentique dans la version inspirée des Septante. – Pour ce chapitre et le suivant, nous avons un extrait de la version syriaque, indépendamment de l’arménien. – 2. εὕροι ἐν BDT syr. arm. lat., εὕροιεν E, εὕροιεν ἐν AMR. – πρὸς Ἀκτίοις AT1 lat., πρὸς ἀρκτίοις M, προσαρκτίοις,, E, πρὸς ἄρκτους B, om. syr. arm. Cf. Ps.-Théodoret sur Aristée, p. 151, 13 WENDLAND. — Voy. Schwartz, dans les Nachrichten de la société de Gœttingue, 1903, p. 693 suiv. . ἀλλὰ καὶ ἔκτην : lapsus d’Eusèbe, qui a déjà nommé celte sixième version. – Antonin est le nom officiel de Caracalla (210-217); voy. plus haut, viii, 4. . Les côla sont des incises, équivalant à peu près à la ligne ou stique comme étendue, mais déli¬mitées par le sens. Voy. SWETE, Introd. to the old Testament in Greek, p. 345 suiv.

xvii. πρόσθεν : III, XXVII. – Ἰουλιανῆς : voy. PALLADIUS, Hist.lausiaque, CXLVII LUCOT.

xviii, 2. Cf. plus haut, iii, 8. Il faut croire qu’Origène, étant déchargé des commençants (xv), a pu revenir aux études profanes. – . φιλόσοφα AERT lat., φιλόλογα RDM arm. Eusèbe désigne deux cycles d’enseignement élémentaire, les mathématiques, géométrie et arithmétique, qui, suivant l’ancienne prescription de Platon, sont l’introduction à la philosophie ; puis, « les autres enseignements élémentaires », c’est-à-dire la grammaire et la rhétorique, ce qui a suggéré l’interprétation τὰ φιλόλογα substituée ensuite par erreur à τὰ φιλόσοφα. Il faut préciser la traduction en conséquence. Voy. Schwartz, p. LXXXIX. Tout ce passage est intéressant pour l’histoire des études dans l’antiquité. Cf. n, 7. — 4. θεωρίαν τε mss., θεωρίαν SCUWARTZ; voy. ID. p. CXLV.

xix, 1. Porphyre, célèbre philosophe néoplatonicien, disciple, biographe et commentateur de Plotin (232 ou 233-304 env.). — . διαγράφων AMT1 arm., θαυμάζων διαγράφων; ΕR, θαυμάζων καὶ διαγράφων BΔ, miratur lat. Cf. Schwartz, p.cxxvi. — . αἰνίγματα. Notre traduction est littérale. Mais la suite, § 8, montre qu’il s’agit de la méthode allégorique. Déjà on voit Aristote se servir du mot pour caractériser la comédie moyenne qui attaque les vices sous des formes générales et sous des perf nnages imaginés, par opposition à la comédie ancienne qui nommait les individus. — . Ammonius Saccas, le maître de Plotin et le fondateur du néo-platonisme, mort en 243. Né de parents chrétiens, il passa au paganisme selon Porphyre, resta chrétien selon Eusèbe, plus bas § 10, et selon saint Jérôme qui suit Eusèbe. Comme beaucoup de fondateurs de sectes dans l’antiquité, il n’avait rien écrit. . D’après Porphyre, Origène aurait été d’abord païen. L’erreur est certaine. Mais Origène a pu produire dans les écoles l’impression d’un païen philosophe. . Numénius, philosophe syrien de la seconde moitié du iie siècle,quicombinaitavcclessystèmesgrecslescroyances orientales ; Cronius, pythagoricien du môme temps » mais peu connu (cf. PORPHVRH, Vie de Plotlin, xx) ; Apollophane, stoïcien d’Antioche, disciple d’Ariston de Chio, au iiie siècle de l’ère chrétienne ; Longin, le rhéteur et philosophe d’Athènes auquel on a longtemps attribué le traité Du Sublime (213-273); Moderatus, pythagoricien du ier siècle ; Nicomaque, pythagoricien du ier ou du iie siècle, surtout connu pour ses travaux mathématiques ; Chérémon, stoïcien, bibliothécaire et historien d’Alexandrie, maître de Néron ; Cornutus, le stoïcien maître du poète Perse. Dans cette énuraération des sources de l’érudition profane d’Origène, le nom de Longin est de trop ; car Origène a pu tout au plus lire dans sa vieillesse les premiers écrits de ce rhéteur. . ψευσάμένῳ. Il est difficile qu’Ammonius soit resté chrétien en professant les doctrines néo-platoniciennes. Eusèbe a pu confondre avec un homonyme. . Cf. plus haut, ii, 7. — . ἐπεγγελλόμενα : ἐπαγγελλομέν<ων εἰρημέν>α Schwartz. .  σχήμα cf. lo traité de Tertullien, De Pallio, ot BOISSIER, La fin du paganisme, t.1, Paris, 1891, p. 259. Ces mots suffiraient à prouver que les clercs et les évêques n’avaient pas de costume particulier. . Passage intéressant pour l’histoire de la mission chrétienne et des relations de l’Église avec l’Etat romain. Il s’agit ici de la province romaine d’Arabie, organisée par Trajan au commencement du iie siècle. — ἀφικνεῖται BDM, προπεμφιείς ἀφικνεῖται T1, προπεμφθεὶς ὑπ’ αὐτῶν ἀφικνεῖται AER, « sie schikten ihn und gingen » arm., « a quibus exoratus abiit » lat. : interpolation très ancienne ; voy. Schwartz, p. LXXII. . οὐ σμικροῦ... πολέμου : probablement les massacres d’Alexandrie ordonnés par Caracalla en 215; voy. Tillemont, Hist. des empereurs, t. III, p. 115; DURUY, Hist des Romains, t. VI, p. 255. – ὑπεξελθὼν τῆς Ἀλεξανδείας καὶ μηδὲ τὰς κατ’ Αἴγυπτον διατρίβας ἀσφαλεῖς ἑαυτῷ ἡγούμενος ἐλθὼν ἐπι Π. AERT, « und wollte überhaupt nicht gehen in irgendwelche Theile Aegyptens und kam » arm., « alius alio, ipse ad Palestinae partes secessit ». lat. : AERT et le syr. présentent un remaniement tendant à incriminer Origène pour s’être soustrait à la juridiction de l’évêque d’Alexandrie. Eusèbe n’a pu écrire cela. Par contre, Rufin répond au reproche dont AERT se sont faits les échos, et peut avoir pris « alius alio, ipse » dans la défense d’Origène par Pamphile et Eusèbe (Schwartz, p. LXVI). . περὶ τοῦ Δημητρίου BDMT1, περὶ τούτου Δημητρίῳ AERT2, « an Demetrios » arm., « in epistula Alcxandri rescribentis Demetrio post multum tempus haec ipsa culpanti  » lat. Une faute des mss. a provoqué des perturbations étudiées par Schwartz, p. LXVII. Il suffit de noter que Rufin en a tiré le meilleur parti possible et a éclairé le texte d’Εusèbe en empruntant probablement à l’apologie d’Origène post multum tempus haec ipsa culpanti. Voy. xxiii, 4. . Théoctiste était déjà évêque de Césarée en 216, date de ces événements, et mourut entre 255 et 258 ; car il était évêque sous Etienne de Rome (254-257), et son successeur, Domnus, paraît sous le pontificat de saint Xyste (257-258); voy. VII, v, i et xiv (MCGIFFERT). La lettre des évêques doit être des environs de 231 (cf. xxiii, i).

xx, 2. Sur Gaïus, voy. II, xxv, 6, et Duchesne. Hist. anc, t. I, p. 304. – κατὰ Ζεφυρῖνον : 199-217. – Sur l’épître aux Hébreux, voy. plus haut, III, iii. – Eusèbe a dû la connaissance des écrits de Béryllus, Gaïus et Hippolyte à la bibliothèque d’Aelia ; on peut le croire d’après le contexte. Voy. Schwartz, Uebersichten, p. 34.

xxi, i. Antonin, c’est-à-dire Caracalla, fut tué le 8 avril 217. Macrin meurt en juin 218; « l’autre Antonin », Elagabal, le 12 mars 222. Sévère Alexandre lui succède et règne jusqu’au 18 mars 235. Mamée est la nièce de Julia Domna, épouse de Septime Sévère, la tante d’Elagabal et la mère de Sévère Alexandre. Sur la situation des chrétiens durant cette période, voy. Duchesne, Hist. anc., t. I, p. 362 suiv. L’entrevue avec Origène eut lieu probablement en 218, après la victoire d’Elagabal sur Macrin ; voy. MCGIFFERT, p. 209, n. 8. – Papes : Zéphyrin, 198-217 ; Calliste, 218-222; Urbain, 223-230.

xxii, Sur Hippolyte, voy. Duchesne, t. I, p. 296. Eusèbe ne sait pas où il était évêque, xx, 2.

xxiii, 2. Intéressant pour l’histoire du livre. . Pontinnus, pape, 230-235. À partir de ce pape, la liste épiscopale de Rome dans Eusèbe a besoin d’être corrigée. Voy. HARINACK, Chronologie, t. I, p. 127, et les premiers chapitres de cet ouvrage pour l’ensemble de la question ; l’introduction de l’édition du Liber pontificalis par L. Duchesne. – 4. A cette époque se firent entendre probablement les protestations de Démétrius et la justification des évêques de Palestine (xix, 17). L’ordination d’Origène se place en 231. L’Apologie d’Origène, commencée par Pamphile et terminée par Eusèbe, est perdue, sauf le premier livre qu’a traduit Rufin. Voy. xix, 16 et 17, notes, et xxxii, 4.

xxiv, 1. Le commentaire sur saint Jean n’était pas achevé, comme le laisse supposer Eusèbe. Sainl Jérôme dit qu’il n’y avait que trente-deux livres et quelques notes (catalogue des œuvres d’Origène dans la lettre xxxiii, publié complètement par Ritschl, Redepenning, Pitra, et dans la nouvelle édition des lettres de saint Jérôme par M. Is. HILBERG, dans le Corpus de Vienne, t. LIV, p. 235, 10 suiv. ; voy. aussi PREUSCHEN, dans HAUNACK, Die Ueberlieferung, p. 331, et HAUNACK, Die Chronologie, t. II, p. 37). Rufin, Apol., II, xxii, parle de trente-deux livres. Or nous possédons le XXXIIe livre, qui commente le chapitre xiii de l’évangile. L’étendue de cet ouvrage a causé la perte d’une partie de ces livres. Déjà Eusèbe n’en a que vingt-deux. Aujourd’hui, nous en avons huit complets et des fragments plus ou moins étendus de trois autres. - 3. ἀπισημειώσεις : inscriptions donnant le titre, le nom de l’auteur, le numéro du livre et d’autres détails, rédigées sur des étiquettes que l’on plaçait sur la tranche des rouleaux. Dans les boîtes et les bibliothèques, les rouleaux présentaient leur tranche à l’extérieur, et par suite cette étiquette.

xxv, 2. Dans ce catalogue sont omis les douze petits prophètes, par un lapsus d’Eusèbe ou de son secrétaire chargé de dresser la liste (SCHWAHTZ, P. CXLV). -  Ῥούθ’ παρ’ αὐτοῖς ἐν ἕνι : les variantes des mss. montrent que εν n’a été écrit qu’une fois dans l’archétype. Voy. Schwartz, p. CXLV. . Cet extrait est tout ce qui reste de ce premier livre. . Même observation pour ce livre V sur saint Jean. — 11 et 13. Ces deux extraits sont tout ce que nous avons de ces homélies, avec quatre fragments latins de commentaires dans le premier livre de l’Apologie par Pamphile. — . τῇ ἀναγνώσει τῇ ἀποστολικῇ : le terme est à rapprocher de l’expression liturgique postérieure.

xxvi. La dixième année est 230-231. Le ms. À porte δωδέγατον; le texte arménien de la Chronique place cet événement dans la treizième année de Sévère Alexandre, saint Jérôme dans la dixième. Voy. Tillemont, Mém., t. III, p. 705 suiv.

xxvi. Voy. la n. sur xxiii, 4, et xix, 17-18.

xxviii. Sévère Alexandre meurt le 18 mars 235, Maximin en mai 238. PALLADIUS, Hist. laus., CXLVII, nous apprend qu’Origène trouva un refuge pendant la persécution à Césarée de Cappadoce grâce à Juliana.

xxix. 1. Chronologie : Gordien, 238-244 (avant le 23 juillet); Pontien, 231-28 sept. 235; Antéros, 21 nov. 235-3 janv. 230 ; Fabien, 236-20 janv. 250. De ces dates, fournies pour les papes par le chronographe de 354, il résulte qu’Eusèbe se trompe ici en faisant coïncider le court pontificat d’Antéros avec la première année de Gordien ; il se place au début du règne de Maximin. Voy. Duchesne, Liber pont., t. I, p. 5 et CCXLVIII. . ὥσπερ AERT lat., om. BDM arm.: l’omission est une correction de tendance dogmatique ; ὥσπερ a été supprimé comme impliquant un doute sur la divinité du Saint-Esprit (SCHWAHTZ, p. LXXXIX). – Un récit semblable concerne Zéphyrin dans Rufin, VI, xxi. – La suite des évêques d’Alexandrie est : Démétrius (189-231), Héraclas (231-247), Denys (247-204). Voy. Harnack, Chronologie, t. 1, p. 205. D’après ce passage, il semble que Héraclas garda pendant un certain temps après son élévation à l’épiscopat la dlrection de l’école catéchétique.

xxx. Théodore ou Grégoire est le célèbre évêque de Néo-césarée dans le Pont, Grégoire le Thaumaturge, auteur du Panégyrique d’Origène. Voy. DUSCHESNE, t. I, p. 439 suiv. -  Ῥωμαίων μαθήματα. D’ordinaire, Eusèbe ne parle que des connaissances des Grecs, qui sont la littérature, les sciences et la philosophie (voyez l’index, au mot Grecs). La science propre aux Romains est le droit, que Grégoire avait étudié à Béryte (lettre d’Origène à Grégoire dans Philocalia, XIII,  l ;p. 64, 17 ROBINSON)

xxxi. La mention des Cestes, ouvrage profane (voyez CHRIST, Gesch. der griechischen Literatur, Munich, 1903, 4e éd., p. 909), « qui peut difficilement être prise pour un compliment » (Schwartz, Uebersichten, p. 36), est supprimée par le traducteur syriaque (dans l’arménien, et Rufin, omise par saint JEROME, De uiris, lxiii. L’esprit de cette suppression est indiqué par la paraphrase de Rufin : « Africanus, uir inter scriptores ecclesiasticos nobilis ». Voy. la n. de Heinichen. Les Cestes formaient un recueil de mélanges, de science purement séculière, dont il ne nous est parvenu que des fragments étendus. Julius (nom conservé par saint Jérôme Africanus était beaucoup plus vieux qu’Origène. Eusèbe a tort de placer sous le règne de Gordien son ἀκμήî, bien qu’il ait pu vivre jusque-là. Julius Africanus vient ici a cause de sa lettre à Origène sur le livre de Daniel.

xxxii, 1. κατὰ τοῦτον τὸν χρόνον désigne le règne de Gordien (238-244). – Le commentaire sur Ezéchiel comprenait vingt-neuf livres d’après le catalogue de saint Jérôme ; mais ce chiffre est probablement une erreur. La phrase d’Eusèbe est équivoque, mais ce commentaire allait bien jusqu’à la fin du texte. . Ce séjour d’Origène à Athènes doit être distingué du voyage dont il est question, xxiii, 4. . Voy. xxiii, 4.

xxxiii. Sur Béryllus, voy. Duchesne, t. 1, p. 463; HEFELE, Hist.des conciles, nouv. tr. fr., t.1, p. 163.

xxxiv. Les deux Philippce, 244-249. Sur la pénitence de Philippe et le christianisme des empereurs arabes, voy. Duchesne, t. i, p. 464 et 367 ; Tillemont, Hist. des empereurs, I. III, p. 494; DURUY, Hist. des Rom., t. VI, p. 343. — τοῦ τηνικᾶδε προεστῶτος : saint Babylas, d’après saint Jean Cbrysostonie et Léonce d’Antioche.

xxxv. La troisième année des Philippes est en réalité 246-247. Voy. plus haut, sur xxix, 4.

xxxvi, 1. τὰ ἑξήκοντα. Origène étant né en 185 ou 186, cette indication nous reporte à 245 environ. Sur l’usage des tachygraphes, pour prendre un texte à la dictée, voy. xxiii,2 .

xxxvii .Voy. DUSCHESNE t. I, p. 463-464.

xxxviii. Voy. ib.,  p. 129. – ὁ μὲν νοήσας; mss., Syncelle, p. 632, 18 ; « der welcher vveiss », arm. ; « is qui flxus est in corde suo », lat. ; ὁ ἐννοήσας WENDLAND, ὁ ὁμολογήσας Schwartz, p. cxii.

xxxix. Philippe esl battu et tué le 17 juin 249 par les légions de Pannonie, qui ont proclamé Dèce. Sur les motifs de la persécution et la persécution elle-même, voy. BIHLMEYER, dans Theolog. Quartalschrift, t. xcii (1910), p. 10 (qui donne la bibliographie),et Duchesne, Hist., t. I, p.367. – Le pape Fabien succombe le 20 janvier 250. . Sur Babylas, voy. Tillemont, Mém. hist. eccl., t. III, p. 400. Son martyre est fixé au 24 janvier et eut lieu en 251. – Φάβιος mss. arm., Fabianus Rufin, Φλαβιανός; ZONARAS; c’est par erreur que dans celte traduction, on a adopté la forme « Fabien ». Dates : 250-252/253. . τἀνδρός : voy. n, 1.

xl. Ici commencent les extraits que fait Eusèbe des lettres de Denys d’Alexandrie. Je renvoie pour tout le détail de ces textes a l’édition et au commentaire de Ch. L. Feltoe, The Letters and other remains of Dionysius of Alexandria, Cambridge, 1004 [Cambridge Patristic Texts, ed. by A. J. MASON). Pour ce chapitre, voy. p. 23, 1-27, 15.-2. Sabinus, probablement le préfet d’Égypte ; cf. VII, x., 18. – Le frumentaire est un soldat de police au service de l’empereur ou des gouverneurs de province. – . οἱ παῖδες : Feltoe, après beaucoup d’autres, croit que Denys était marié et qu’il s’agit de ses enfants. Un d’eux était Timothée. . ὡς ληστὰς εἶναι : un pendant de cette curieuse scène esl, en effet, une histoire de brigands, dans Apulée, Métam., III, xxvii. --  γυμνὸς ἐν τῷ λινῷ ἐσθήματι : les anciens couchaient tantôt nus dans le lit, tantôt avec.la tunique intérieure qui correspond a notre chemise.

xli-xlii, ~ Feltoe, p. 5, 1-19, 4.

xli, 1. Le décret de Dèce est de l’automne 249. Mais auparavant, Alexandrie eut une persécution locale suivie d’une sédition et de troubles semblables à ceux qui éclataient souvent dans cette ville. —  ποιητής : on a pris ce mot au sens de « poète ». Mais il a un sens général dans Denys (VII, xxv, 2; Praep. evang., VII, xx et xxi). – δεισιδαιμονίαν : mot propre pour les superstitions particulières, locales ou individuelles, qui ne relèvent pas des cultes officiels et que nous rangeons le plus souvent dans le folklore ; cf. THEOPHRASTE, Carct., xv,, et le commentaire de l’édition de Leipzig ; TAC, Hist., I, lxi,. . μυλιαίοις : le pavé des rues était formé de pierres dures, silex. — 5. κατακάοντες BD, κατακαίοντες AB Syncelle, « verbrannten sie » arm., « igni cremarent » lat., καταλῶντες EMR, om. T1 ; voy. SCHAWARTZ, p. cxxx,. . τὰ τῆς ἀσεβίας κηρύγματα : cf. 5, ἄθεα ῥήματα  et IV, xv, 18 et 20 (t. I, p. 425); PLINE, Epist.,X, xcvii : Christo maledicere. – . διήγγελται : il fallait un certain temps pour que les nouvelles de Rome parvinssent à Alexandrle.– περικεχυμένου  BDM πυρὶ κεχυμένου ERT arm. Syncelle, πυρὶ περκεχυμένου, « iubentur... populo spectante laniari » lat. Plus loin, § 13, πυρὶ ἀσβέστῳ est donné par toutes les sources du texte. Sur ces passages, voy. Schwartz, p. LXXIX-LXXX, qui pense que  πυρὶ  était déjà interpolé dans le texte que lisait Eusèbe au § 13. Ἡ ἄσωεστος est le nom de la chaux vive. Un souvenir de MAT., iii,12, a fait introduire πυρί qui a entraîné dans la plupart des mss. le changement de κατετάκησαν en κατεκάησαν. — . Ἀμμωνάριόν τε mss. arm. Syncelle, in quibus lat (Ἀμμωναρία M SYNC. arm.lat.) : on attend quelque chose d’analogue à ce que Rufin donne, sans doute par conjecture. Eusèbe ne nomme que trois femmes. M. Schwartz suppose que le quatrième nom était déjà tombé dans le texte qu’il lisait. Rufin conjecture : « et alla Ammonaria >>, après Dionysia, sur une fausse interprétation de ἡ πρόμαχος . Ἀτήρ mss. arm., Ἀστήρ Syncelle, Arsinus lat.

xlii. 3. Νείλου : Nilopolis à l’ouest du Nil. La montagne d’Arabie sont les collines de l’est (HERODOTE, II, viii), appelées par d’autres auteurs Τρωικόν. – τῇ συμβίῳ ἑαυτοῦ : sa femme ; sur le mariage dans le clergé, voy. BINGHAM, Antiq., livre IV, ch. v, § 5; HEFELE, nouv. tr. fr., t. I, p. 620. . Σαρακηνῶν : probablemenl la plus ancienne mention du nom des Sarrasins.

xliii. Le Novat d’Eusèbe esl, en réalité, Novatien. Les deux personnages sont souvent confondus par les écrivains grecs. Voy. JEROME, De uiris, LXX. Sur Novatien, cf. Duchesne, t. I, p. 324 et 407 suiv. ; spécialement sur la lettre de Cornélius, p. 409, n. Eusèbe parle ici de Novatien à cause de la polémique de Denys. . ἑξήκοντα : renseignement précieux sur l’extension du christianisme. Voy. plus loin, § 11. – τῶν κατὰ χώραν ποιμένων AERT arm. om. BDM lat. : omission due à une fausse interprétation, qui a fait croire qu’il était question des chorévôques (Schwartz, p. lxxxix). – Sur le concile de Rome, voy. HEFELE, Hist. des conciles, nouv. tr. fr. t. I;, p. 169. – 3  : ἐπιστολαί JEROME De uiris, LXV,, emploie le singulier : epistulam ad Fabium. Valois suit saint Jérôme et compte ici trois lettres : 1° sur le concile romain et l’accord des évêques d’Italie et d’Afrique ; 2° sur les décrets du concile ; 3° sur les méfaits de Novatien. La première et la troisième, écrites en grec, sont adressées à l’évêque d’Antioche. McGiffert croit que saint Jérôme et Rufin ne connaissaient plus ce dossier que par Eusèbe. Le pluriel d’Eusèbe peut être un pluriel général. Il pourrait aussi avoir été suggéré par la pensée du mot latin litterae. Les lettres de saint Cyprien, mentionnées ici, sont également perdues. . ὁ δογματιστής, κ. τ. λ. : allusion au De Trinitate de Novatien. — . ὥρᾳ δεκάτη, c.-à-d. après souper, l’heure habituelle du repas du soir étant la neuvième heure, a une heure symposiaque. . ἕνα ἐίσκοπον : ce principe a été surtout affirmé dans cette circonstance, par saint Cyprien et par le pape. Voy. BINGHAM, Antiq., l. I, ch. x... (éd. lat. de 1751, t. I, p. 180). – Sur cette statistique de l’église romaine, voy., HAHNACK, Die Mission und Ausbreitung, 2e éd., t. II, p. 211; Duchesne, Hist. anc de l’Égl., t. I, p. 528 ; le même, éd. du Liber Pontificalïs, t. I, p. 148. Sur les ordres ecclésiastiques, voy. Duchesne, Origines du culte chrétien, 2e éd., p. 331. — . ὁ σατανᾶς : voy. Duchesne, Hist., t. I, p. 409, n. – σφραγισθῆναι désigne spécialement la consignation ou confirmation ; voy. Duchesne, Orig. du culte, 2e éd., p. 302. . ὅσα θέμις.. ἀδελφοῖς καί, om. BD : bourdon ; voy. SCHARTZ, p.xcvii. — . Il résulte de là que la difficulté opposée à l’ordination de Novatien n’est pas le défaut de confirmation, mais le baptême donné au lit de malade. . οὐκ ἐπανήξω arm., οὐκ ἔτι ἄνήξω mss. : faute due à l’écriture onciale, confusion de Π et de TΙ. C’est un cas où les versions seules ont gardé la vraie leçon (SCHARTZ, p. LXXXV.). . LIPSIUS, Chronologie der röm. Bischöfe, p. 202, note, a soutenu que ce paragraphe ne s’applique pas à Novatien, mais au prêtre de Carthage, Novat. Voy. la discussion de MCGIFFERT, p. 289, n. 29.

xliv = Feltoe, p. 19, 7-21, 11. – 4. – « Hic Dionysii Alexandrini locus inprimis notandus est, quippe ex quo convincitur eucharistiam olim datanr fuisse paenitentibus sine reconciliatoria manus impositione, ubi in periculum mortis incidissent ». VALOIS. — τῷ παιδαρίῳ. Cf. l’histoire de saint Tarcisius, DAMASE, Carm., xiv, p. 21 IHM.

xlv = Feltoe, 38-39, 4. Eusèbe, ayant rencontré dans la correspondance de Denys cette lettre à Novat, a été amené à raconter le schisme du prêtre romain. Il revient à Denys par l’extrait du chapitre précédent et par celui-ci qui ont trait à Novatien. – Dans l’en-tête, les mss. sont divisés sur la forme du nom, Novatianus BD, Novatus AERMT arm. lat. Cf. SCHWARTZ, p. LXXVIII, qui suppose qu’ici et VII, viii, Eusèbe a simplement fait copier le texte de Denys, qui portait Novatianus. -  πείσαις ἥ  lat. « überredest und » arm., πείσαις εἰ ERT1, πείσαιο εἰ .A, πείσας, M. Voy. la note de Feltoe qui adopte πείσαιο ἣ. combinaison peu heureuse des leçons de À et de BD.

xlvi, 1. Voy. Feltoe, p. xxxi. . Κόλωνα BDM arm. Κόλλωνα SVNCELLE, Κόνωνα AERT1 JEROME, De uiris, LXIX. Colon, peut-être forme abrégée de Colluthus, est confirmé par les mss. des canons (SCHWARTZ, p. LXIX). Sur cet écrit, vov. Feltoe, p. 59. — 3. Lettre à Corneille, Feltoe, p. 39. , Cette lettre diaconale et le rôle d’Hippolyle ont donné lieu à beaucoup de discussions. Les solutions sont incertaines. Voy. MCGIFFERT, p. 291, n. 14; Feltoe, p. xxx. – Lettre aux confesseurs, Feltoe, p. 62.