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Eusèbe – Histoire ecclésiastique – Livre I

Chapitre I

Sujet de l’ouvrage projeté

Les successions des saints apôtres et les temps écoulés depuis notre Sauveur jusqu’à nous, toutes les grandes choses que l’on raconte avoir été accomplies, dans l’histoire ecclésiastique ; les personnages de cette histoire qui ont présidé avec éclat au gouvernement des plus illustres sièges, ceux qui dans chaque génération ont été par leur parole ou dans leurs ouvrages les ambassadeurs de la parole divine ; les noms, la qualité et l’époque de ceux qui, emportés au loin par le charme et la nouveauté de l’erreur, se sont présentée comme les introducteurs d’une science mensongère et, ainsi que des loups cruels, ont ravagé sans pitié le troupeau du Christ ; ensuite, les malheurs qui ont accablé toute la nation des juifs aussitôt après l’attentat contre notre Sauveur ; puis la nature, la variété et les temps des nombreux combats que la doctrine divine a soutenus contre les païens ; ceux qui, suivant les temps, ont pour elle engagé la lutte au prix de leur sang et de leurs supplices ; comme aussi les martyres qui ont eu lieu de nos jours, et enfin la délivrance qui nous est venue de la miséricordieuse bonté de notre Sauveur : voilà ce que j’ai entrepris de transmettre par écrit. Le point de départ de mon travail ne sera autre que le commencement de l’économie (voyez l’Appendice) de notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu.

Mais mon sujet réclame pour moi l’indulgence des gens bienveillants ; car je fais l’aveu qu’en une telle entreprise il est au-dessus de mes forces de remplir parfaitement et complètement l’attente du lecteur. Je suis en effet actuellement le premier qui tente une pareille œuvre, et le chemin par où je dois passer est désert et n’a été foulé par personne : que Dieu, je l’en prie, me conduise, et que la force du Seigneur soit mon secours. Il ne me sera pas possible de trouver les simples traces de ceux qui ont avant moi suivi la même voie ; je ne rencontrerai que de faibles indications d’écrivains qui nous ont laissé, chacun sur les temps qu’il a traversés, des récits partiels. Leurs paroles seront comme un fanal qu’on élève en avant ou comme la voix des veilleurs qui dans le lointain retentit du haut d’une tour ; ils m’indiqueront par où il faut penser et diriger la marche de mon récit sans erreur et sans danger. Je choisirai ce que je penserai convenir au but que je me propose, dans ce qu’ils rapportent çà et là, et je cueillerai chez ces écrivains antiques comme en des parterres d’éloquence les passages utiles et j’essaierai d’en faire un tout par mon récit. Heureux si je puis sauver de l’oubli les successions, sinon de tous les apôtres de notre Sauveur, du moins de ceux qui se sont le plus distingués dans les Églises demeurées illustres jusqu’à nous.

Je crois faire là un travail tout à fait nécessaire, car parmi les écrivains ecclésiastiques personne jusqu’ici à ma connaissance ne s’est soucié d’entreprendre une pareille œuvre. J’espère aussi qu’il paraîtra de quelque profit à ceux qui recherchent les enseignements de l’histoire. J’ai déjà du reste dans les colonnes de mes Chroniques, disposé un résumé des événements dont je me prépare aujourd’hui à faire un récit très complet.

Ainsi que je viens de le dire, je débuterai par un sujet qui dépasse en hauteur et en puissance la raison humaine : l’économie et la théologie du Christ (voyez l’Appendice). Quiconque veut écrire un exposé de l’histoire ecclésiastique, doit d’abord traiter des débuts de l’économie du Christ lui-même puisque nous avons l’honneur de tirer notre nom de lui, économie du reste plus divine qu’il ne semble à beaucoup.

Chapitre II

Résumé sommaire de la doctrine sur la prééxistence et la divinité de notre Sauveur et Seigneur le Christ de Dieu

Le Christ a deux sortes de nature ; on peut comparer l’une à la tête du corps, et par elle il est reconnu Dieu ; l’autre, aux pieds, et par elle il a revêtu notre humanité et est devenu capable de souffrir comme nous, pour notre salut. L’exposition de ce qui va suivre sera parfaite si nous prenons pour point de départ les sommets qui dominent toute l’histoire chrétienne : ainsi l’antiquité et la majesté du christianisme apparaîtra manifeste à ceux qui le regardent comme une secte récente et étrangère qu’hier encore on ne connaissait pas.

La génération, la dignité, la substance même et la nature du Christ dépassent tout ce que peut exprimer la parole : c’est pourquoi l’Esprit divin dit dans les prophéties : « Qui racontera sa génération ? » Car personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et personne ne connaît le Fils comme il convient hormis le Père qui l’a engendré. Cette lumière plus ancienne que le monde, cette sagesse intellectuelle et substantielle qui a précédé les siècles, ce Verbe-Dieu qui vit et existe au commencement dans le Père, qui le comprendrait purement sinon le Père ? Il est antérieure ment à toute création et à toute organisation d’êtres visibles et invisibles, le premier et l’unique rejeton de Dieu (voyez l’Appendice), le chef de l’armée céleste des esprits immortels, l’ange du grand conseil, le ministre de la pensée cachée du Père ; il est avec le Père l’ouvrier de l’univers, la seconde cause après le Père de tout ce qui existe, le Fils engendré et unique de Dieu, le maître et dieu et roi de toutes créatures. Il a reçu de son Père la domination, la force avec la divinité, la puissance et l’honneur ; car il est dit de lui selon la mystérieuse théologie des Écritures qui traite de lui : « Au commencement était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu ; tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait ».

Le grand Moïse, le plus ancien de tous les prophètes, décrivant sous l’action de l’Esprit divin la création et l’organisation du monde, enseigne que le créateur et ouvrier de l’univers n’a accordé qu’au Christ, et pas à d’autres, comme à son Verbe divin et premier né, la création des êtres inférieurs ; il le montre s’entretenant avec lui au sujet de la création de l’homme ; « Car Dieu dit, raconte Moïse, faisons l’homme à notre image et ressemblance, » Un autre prophète se porte garant de celte parole ; voici comme il parle de Dieu dans ses chants : « Il dit et les êtres existèrent, il ordonna et ils furent créés ». Il présente ainsi le Père et créateur commandant en souverain avec un geste royal, et, au second rang après lui, le Verbe divin, celui-là même qui nous a été prêché, exécutant les ordres paternels.

Tous ceux que depuis la création de l’homme l’on dit s’être distingués dans la justice et la vertu de religion, les disciples de Moïse le grand serviteur de Dieu, et le premier avant lui, Abraham, ainsi que ses enfants, et ceux qui furent après lui justes et prophètes, tous l’ont contemplé avec l’œil pur de leur intelligence ; ils l’ont reconnu et lui ont rendu l’honneur qui convient au Fils de Dieu. Lui-même, du reste, n’a jamais négligé le culte religieux de son Père et il a été pour tous le maître de la connaissance du Père. Dieu et Seigneur, il est dit s’être laissé voir sous les traits d’un simple mortel à Abraham assis près du chêne de Mambré (voyez l’Appendice) : le patriarche se prosterne aussitôt et quoique ses yeux ne lui laissent apercevoir qu’un homme, il l’adore comme un Dieu et le prie comme un Seigneur. Il prouve qu’il n’ignore pas qui il est, lorsqu’il lui dit en propres termes : » Seigneur, toi qui juges toute la terre, ne feras-tu pas justice ? «  La raison ne peut aucunement prouver que la nature non engendrée et immuable du Dieu tout-puissant se soit changée en une forme humaine ou qu’elle ait trompé les yeux par la vaine apparence d’une créature, ou que l’Écriture ait imaginé ce récit d’une façon mensongère. Ce Dieu et Seigneur qui juge toute la terre et qui rend la justice, qui a été vu sous les dehors d’un homme, quel autre nom lui donner s’il c’est pas permis de dire qu’il est la première cause de l’univers, sinon celui de son Verbe qui existait avant la création ? Il est dit de lui dans les Psaumes : « Il a envoyé son Verbe et il les a guéris et il les a délivrés de leur corruption ». Moïse le présente en termes très clairs comme le second maître après le Père lorsqu’il déclare que : « Le Seigneur fit pleuvoir sur Sodome et Gomorrhe le soufre et le feu de la part du Seigneur ». Lorsqu’il apparut de nouveau à Jacob sous la forme humaine, la divine Écriture l’appelle Dieu ; alors il dit au patriarche : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël, car tu as été fort avec Dieu ». Alors aussi Jacob nomma ce lieu : Vision de Dieu, « car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et mon âme a été sauvée ».

Qu’il s’agisse d’anges inférieurs à Dieu dont ils sont les serviteurs, dans les apparitions ainsi décrites, c’est ce qu’il n’est pas permis de penser ; car chaque fois que l’un d’eux s’est montré aux hommes, le texte sacré ne le cache pas et il n’attribue le fait ni à Dieu ni au Seigneur, mais il nomme formellement les anges : il est aisé de s’en convaincre dans un grand nombre de passages.

Le successeur de Moïse, Josué appelle ce personnage le prince des anges célestes, des archanges et des puissances qui sont au-dessus du monde, la puissance et la sagesse du Père (voyez l’Appendice), celui à qui a été confié la seconde place dans la royauté et le gouvernement de l’univers, le chef suprême des armées du Seigneur : en quelle circonstance ? après qu’il lui eût apparu derechef sous la forme et l’aspect d’un homme. Il est écrit en effet : « Voici ce qui arriva à Josué lorsqu’il était à Jéricho : il leva les yeux et, ayant regardé, il vit un homme qui se tenait en face de lui, une épée nue à la main, et Josuê s’avança en disant : « Es-tu des nôtres ou des ennemis? » Il lui répondit : « Je suis le chef suprême de « la puissance du Seigneur et maintenant je viens, u Et Josué tombant la face contre terre lui dit : « Maître « qu’ordonnes-tu à ton serviteur ? » Et le chef des armées du Seigneur dit à Josué : « Quitte tes sandales, car le lieu où tu te tiens est un lieu sacré ». Il ressort évidemment de ce langage, que celui qui parle en cet endroit est le même qui s’est nommé à Moïse, car l’Écriture se sert des mêmes termes pour celui-ci : « Comme le Seigneur le vit qui s’approchait pour contempler la vision, le Seigneur l’appela du buisson : « Moïse, Moïse I — Qu’y a-t-il, » demanda celui-ci. Et le Seigneur reprit : « N’approche pas ainsi, mais détache la sandale de tes pieds ; car le sol que lu foules est une terre sainte ». Et il ajouta : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob ».

Qu’il ait existé avant le monde une substance vivante et subsistante qui a aidé le Père et Dieu de l’univers dans la création de tous les êtres, qu’elle soit appelée Verbe de Dieu et Sagesse, en outre des preuves déjà apportées, on peut l’inférer de ce que cette Sagesse divine dit elle-même (voyez l’Appendice), lorsqu’elle déclare très nettement par la bouche de Salomon (vojr. l’Appendice) : « Je suis la Sagesse, j’habite dans le conseil, et je m’appelle science et intelligence. Par moi, les rois règnent et les puissants écrivent la justice. Par moi, les grands dominent et les tyrans commandent à la terre ». Et elle poursuit : « Le Seigneur m’a formée comme commencement de ses voies en vue de ses œuvres : il m’a établie avant le » siècles. Avant de créer la terre, avant de faire couler les sources des eaux, avant d’asseoir les montagnes sur leurs bases, avant toutes les collines, il m’a engendrée. Lorsqu’il préparait le ciel, j’étais avec lui ; lorsqu’il établissait les sources constantes sous les cieux, j’étais assise et j’agissais avec lui. J’étais assise là où il se réjouissait chaque jour, et j’exultais devant lui à toute occasion tandis qu’il s’applaudissait d’avoir créé la terre, »

Le Verbe divin existait donc avant l’univers et s’est manifesté à certains, sinon à tous, ainsi que je viens de l’exposer brièvement.

Pourquoi ne fut-il pas annoncé autrefois à tous les hommes et dans toutes les nations comme il l’est aujourd’hui ? En voici l’explication : le genre humain dans l’antiquité n’était pas capable d’atteindre la doctrine Christ, parfaite en sagesse et en vertu. Tout d’abord le premier homme vécut au sein du bonheur, mais il transgressa le précepte de Dieu et tomba dans l’existence corruptible et périssable qui est la nôtre. Il reçut en partage la terre maudite que nous habitons, à la place des délices divines d’autrefois. Ses descendants la peuplèrent dans son entier, mais tous, sauf un ou deux, se montrèrent beaucoup plus méchants que lui et s’abandonnèrent à une vie brutale et déréglée (voy, l’Appendice). Parmi eux, nul souci ni de villes, ni de constitutions politiques, ni d’arts, ni de sciences. Lois, droit, vertu, philosophie ne leur étaient pas connus, même de nom. Ils menaient une vie nomade dans les déserts, comme des êtres agrestes et féroces. La raison qu’ils avaient reçue de la nature et les germes de bon sens ou de civilisation qui se trouvent dans toute âme humaine, étaient détruits par l’excès d’une malice délibérée. Us se livraient tout entiers à toute œuvre scélérate ; ils se perdaient mutuellement, se tuaient, se dévoraient les uns les autres. Ils osèrent même lutter contre Dieu et les combats de géants sont connus de tous ; ils imaginèrent de fortifier la terre contre les entreprises du ciel ; enfin ils poussèrent leur folie insensée jusqu’à préparer la guerre contre le Dieu suprême. Mais sur les auteurs de pareils déportements (voyez l’Appendice) des déluges d’eau et de feu fondirent comme sur une forêt sauvage qui aurait envahi la terre entière, déchaînés par le Dieu qui veille sur toutes choses. Par des famines ininterrompues, par des pestes, par des guerres et les éclats de la foudre, il les extermina : comme s’il se fût agi de guérir un mal d’âme terrible et très pernicieux, il employait les châtiments les plus durs.

Alors que le vertige de la malice était intense et sévissait sur tous, ou peu s’en faut, alors que semblable à une affreuse ivresse il aveuglait et enténébrait les âmes de presque tous les hommes, la Sagesse, première tille et première œuvre de Dieu (voyez l’Appendice), le Verbe préexistant lui-même, dans un excès d’amour pour les hommes, se manifesta à ceux qui étaient au dessous de lui : tantôt il se servit d’apparitions angéliques ; tantôt, ainsi qu’il était loisible à la puissance d’un Dieu sauveur, il se montra lui-même dans ces temps anciens à un ou deux amis de Dieu : il prenait alors la forme humaine, car il ne pouvait en être pour eux autrement. Ceux-ci jetèrent les semences de la religion dans la multitude des hommes, et, sur la terre, la nation qui descend des anciens Hébreux : se rallia tout entière à ce culte divin. Dieu lui donna alors par le prophète Moïse, comme à une multitude encore imbue des anciennes mœurs, des figures et les symboles d’un sabbat mystérieux, les initiations de la circoncision et d’autres préceptes spirituels, mais non pas l’intelligence claire des secrets contenus dans tous ces mystères. Lorsque la législation des Juifs fut connue, elle se répandit dans le reste du monde comme une brise chargée de parfums : les Hébreux furent ainsi cause que la plupart des peuples s’efforcèrent par leurs législateursct leurs philosophes d’adoucir leurs mœurs et changèrent en douceur leur barbarie sauvage et brutale. Ce fut le règnede la paix profonde, de l’amitié et des bons rapports entre les hommes : alors tous les autres hommes et les nations de la terre ainsi préparés devinrent capables de recevoir la notion du Père. Alors de nouveau, le maître des vertus, le ministre du Père en tout bien, le Verbe divin et céleste de Dieu parut lui-même dans un corps humain qui ne différait en rien du nôtre, au commencement de l’Empire romain ; il réalisa et souffrit ce qu’avaient annoncé les prophètes. Ils avaient prédit qu’il viendrait au monde Dieu et homme pour faire des œuvres surprenantes et qu’il paraîtrait à tous les peuples comme le maître qui enseigne la religion du Père. Ils avaient annoncé le prodige de sa naissance, la nouveauté de sa doctrine, les merveilles de ses œuvres, puis le genre de mort qu’il devait subir, sa résurrection et enfin son divin retour dans les cieux.

Quant à son règne final, le prophète Daniel l’a connu par l’illumination de l’Esprit divin : il raconte ainsi sa vision, l’accommodant à la capacité de l’homme : « Je regardais, dit-il, jusqu’à ce que des trônes fussent placés et que l’Ancien des jours fût assis : Et son vêtement étincelait comme la neige, et les cheveux de sa tête ressemblait à une toison éclatante de blancheur : son trône était une flamme de feu et les roues étaient un feu brûlant : un fleuve de feu coulait devant lui : mille milliers le servaient et dix mille myriades se tenaient devant lui : il établit un jugement et des livres furent ouverts ». Un peu plus loin : « Je regardais, dit-il, et voici qu’avec les nuées du ciel vint comme un fils de l’homme et il alla jusqu’à l’Ancien des jours et il approcha en face de lui : et à lui fut donné le commandement, l’honneur, la royauté et tous les peuples, tribus et langues le servent : son pouvoir est un pouvoir éternel, qui ne passera pas, sa royauté ne sera pas détruite, » Il est clair que ceci ne s’applique à personne autre qu’à noire Sauveur ; il était auprès de Dieu au commencement comme Verbe-Dieu : plus tard, son incarnation fit de lui le fils de l’homme. J’ai du reste rassemblé dans des commentaires spéciaux un choix de prophéties qui concernent notre Sauveur Jésus-Christ et j’ai montré en d’autres écrits d’une façon plus étendue qu’elles s’appliquent à lui : je me contenterai donc à présent de ce qui vient d’être exposé.

Chapitre III

Le nom de Jésus et celui de Christ ont été autrefois connus et honorés par les divins prohètes

C’est maintenant le moment de montrer que le nom de Jésus et celui de Christ ont été honorés par les anciens prophètes chers à Dieu. Moïse le premier sut que le nom de Christ est entre tous auguste et glorieux. Il donna au peuple les vérités célestes sous le voile de figures, de symboles et d’images mystérieuses, obéissant à l’oracle qui lui avait dit : « Regarde et fais selon le type qui t’a été montré sur la montagne », et afin d’exalter le grand prêtre de Dieu autant qu’un homme peut l’être, il l’appela Christ : à la dignité du suprême sacerdoce qui, à son jugement, dépassait sur la terre toutes les autres, il ajouta comme un surcroît  d’honneur et de gloire le nom du Christ, tant il était convaincu que celui-ci était un être divin.

Il connut aussi par l’Esprit de Dieu le nom de Jésus et il pensa qu’il méritait encore un privilège de choix. Ce nom n’avait jamais été prononcé parmi les hommes avant d’être connu de Moïse ; celui-ci le donna premièrement et uniquement, comme appellation figurative et symbolique, à l’homme qu’il savait devoir à sa mort lui succéder dans le commandement suprême. Ce successeur de Moïse, qui reçut alors seulement (voyez l’Appendice) le nom de Jésus, en portait un autre, celui d’Ausé qu’il tenait de ses pères ; ce fut Moïse qui l’appela Jésus, lui conférant ainsi un honneur beaucoup plus grand que tout diadème royal : car Jésus fils de Navé était l’image de Jésus notre Sauveur. Après Moïse en effet, lorsque la religion symbolique établie par lui fut arrivée à son terme, celui-ci fut le seul qui reçut l’héritage du pouvoir dans la religion véritable et très pure. Ainsi, aux deux hommes qui remportaient alors à son avis sur lous les autres par la vertu et le renom, au grand prêtre et à celui qui devait être le chef du peuple après lui, Moïse donna comme le plus magnifique honneur dont il pût disposer, le nom de notre Sauveur Jésus-Christ.

Les prophètes qui suivirent ont parlé clairement du Christ, l’appelant d’avance par son nom : ils ont annoncé en même temps la machination que le peuple juif devait ourdir contre lui, et ils ont prédit qu’il serait l’auteur de la vocation des Gentils, C’est ainsi que parle Jérémie : « L’Esprit de notre face, le Seigneur Christ a été pris dans leurs corruptions ; nous avons dit de lui : « Nous vivrons sous son ombre dans les nations ». Alors David embarrassé se demande : « Pourquoi les nations ont-elles frémi ? pourquoi les peuples ont-ils médité des choses vaines ? Les rois de la terre se sont levés et les chefs se sont assemblés en une coalition contre le Seigneur et contre son Christ ». Un peu plus loin, parlant sous la personne même du Christ, il ajoute : « Le Seigneur m’a dit : « Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui ; demande-moi et je te donnerai les nations pour ton héritage et pour biens les extrémités de la terre ».

Les Hébreux n’honoraient pas seulement du nom de Christ les souverains pontifes sur qui, à cause du symbole, avait coulé l’huile consacrée, mais aussi les rois que les prophètes divinement inspirés avaient oints et présentés comme des figures du Christ ; ceux-ci portaient en effet en eux l’image du pouvoir royal et suprême du seul et vrai Christ, du Verbe divin qui règne sur tous les êtres. Nous avons appris encore que certains prophètes sont eux-mêmes devenus, par Ponction, des Christs figuratifs ; parce que tous ceux-ci avaient une ressemblance avec le véritable Christ, le Verbe divin et céleste, le seul souverain prêtre de l’univers, le seul roi de toute la création, le seul chef des prophètes de son Père.

Cela montre clairement que, de tous ceux qui ont autrefois reçu l’onction symbolique, pas un, prêtre, roi ou prophète n’a possédé la force de la verlu divine à un aussi haut degré que notre Sauveur et Seigneur Jésus, l’unique et vrai Christ, Aucun de ces hommes, si illustres dans leur patrie par leur dignité et l’honneur qu’ils tiraient de la longue suite de leurs ancêtres, n’a emprunté au nom figuré de Christ qu’il portait, le nom même de ses sujets ; aucun ne les a appelés chrétiens ; aucun n’a reçu d’eux un culte quelconque ; après la vie, aucun n’a excité un amour tel qu’on fût prêta mourir pour lui ; pour aucun d’eux il ne s’est produit un tel ébranlement de toutes les nations de la terre : la force du symbole qu’ils portaient était impuissante à enfanter des prodiges comme la présence de la vérité qui parut dans notre Sauveur, Lui, il n’a reçu de personne les symboles et les insignes du souverain sacerdoce ; il n’était pas de race sacerdotale, il n’a pas été élevé sur un trône par la main des soldats, il n’a pas été prophète à la façon de ceux d’autrefois et il n’a dû aux Juifs absolument aucune charge, ni aucune dignité ; cependant son Père les lui a toutes données, non en symboles, mais d’une façon tout à fait véritable. (Quoiqu’il n’ait aucun des titres que nous venons de citer, il est pourtant appelé Christ a meilleur titre que tous les autres, et parce qu’il est le seul et vrai Christ de Dieu, il a rempli le monde entier du nom vraiment vénérable et sacré que tirent de lui les Chrétiens. Il n’a pas transmis à ses disciples des allégories, ni des figures, mais la réalité des vertus et une vie céleste par la doctrine même de la vérité. L’onction qu’il a reçue n’a rien d’une préparation matérielle (voyez l’Appendice) ; c’est l’onction divine par l’Esprit de Dieu, par la participation de la divinité non engendrée et paternelle. Isaïe nous l’enseigne encore lorsqu’il s’écrie par la bouche du Christ : « L’Esprit du Seigneur est sur moi ; c’est pourquoi il m’a oint, il m’a envoyé évangéliser les pauvres et annoncer aux prisonniers la liberté, aux aveugles le retour à la lumière ».

Et non seulement Isaïe, mais David dit à son tour, s’adressant au Christ : « Ton trône, ô Dieu, est pour les siècles des siècles et c’est un sceptre de droiture que le sceptre de ta royauté. Tu as aimé la justice et haï l’iniquité : voilà pourquoi Dieu qui est ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse de préférence à tes compagnons ». Ainsi le texte l’appelle Dieu dans le premier verset ; au second, il l’honore du sceptre royal, et, dans un troisième, après lui avoir attribué la puissance divine et royale, allant plus loin, il le montre devenu Christ, consacré par une onction non point matérielle, mais par l’onction divine de l’allégresse : l’Écriture indique sa grandeur et son excellence et le place bien au-dessus de tous ceux qui jadis ont reçu l’onction corporelle et symbolique. Dans un autre passage, le même dit encore du Christ : « Le Seigneur dit à mon Seigneur : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de les pieds » et : « Je l’ai engendré avant l’aurore ; le Seigneur a juré et il ne se repentira pas de son serment : tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Melchisédech ». Ce Melchisédech est présenté par les saintes Écritures comme un prêtre du Dieu très haut, qui n’a pas été sacré par l’onction des hommes et n’a pas obtenu le sacerdoce des Hébreux par droit de succession. C’est selon l’ordre de ce patriarche, et non selon celui des autres prêtres qui n’ont reçu que des symboles et des figures, que notre Sauveur est proclamé avec l’assurance d’un serment, Christ et prêtre (voyez l’Appendice). , Voilà pourquoi il n’a pas reçu l’onction corporelle des Juifs, selon le témoignage de l’histoire ; il n’est pas issu d’une tribu sacerdotale ; mais avant l’aurore, c’est-à-dire avant la constitution du monde, il reçoit son être (voyez l’Appendice) de Dieu même et possède un sacerdoce éternellement impérissable et indéfectible.

Une preuve forte et manifeste qu’il porte en lui cette onction incorporelle et divine, est que, seul entre tous les autres qui ont été jamais jusqu’ici, il est appelé Christ par tous les hommes dans tout l’univers ; tous le reconnaissent pour tel et tous, grecs et barbares, s’accordent pour lui rendre témoignage par ce nom. Aujourd’hui même, par ses disciples répandus dans la terre entière, il est révéré comme un roi, admiré plus qu’un prophète, glorifié comme le vrai et unique souverain prêtre de Dieu, et par-dessus tout cela, parce qu’il est le Verbe divin préexistant, subsistant avant les siècles, parce qu’il a reçu (voy, l’Appendice) du Père l’honneur le plus auguste, il est adoré comme Dieu. Mais ce qui est plus merveilleux encore, c’est que nous-mêmes qui lui sommes dévoués, nous ne le célébrons pas seulement des lèvres et par de vaines paroles, mais nous lui sommes attachés par toute l’affection de l’âme, prête à donner notre vie elle-même pour confesser son nom.

Chapitre IV

La religion annoncée par Lui à toutes les nations n’est ni nouvelle ni étrangère

Avant d’entrer dans mon récit, je dois faire une observation indispensable, pour que personne ne pense que Jésus-Christ notre Sauveur et Seigneur n’est que d’hier, à cause du temps où il a paru dans sa chair.

Afin qu’on ne soupçonne point sa doctrine d’être récente et étrangère, œuvre d’un homme nouveau et en tout semblable aux autres, il faut nous expliquer brièvement sur cela. Sans doute il n’est pas contestable que notre Sauveur Jésus ait récemment manifesté sa présence à tous les hommes ; il est très sûr 45 également qu’il a surgi un peuple qu’on n’avait jamais vu, non pas petit et faible, ni resserré dans quelque coin de la terre, mais le plus nombreux, et aussi le plus religieux de tous, indestructible et invincible parte qu’il reçoit sans cesse le secours de Dieu : il a fait son apparition en niasse, à l’heure mystérieuse des volontés divines : c’est le peuple que tous honorent du nom du Christ. Un prophète fut frappé d’étonnement, en le voyant d’avance dans l’avenir par l’illumination de l’Esprit divin, et il s’écria : « Qui a jamais entendu ou raconté rien de semblable ? Voici que la terre a enfanté en un seul jour et qu’un peuple est né d’un seul coup ». Il insinue même en quelque sorte le nom futur de ce peuple : « Mes serviteurs seront appelés d’un nom nouveau qui sera béni sur la terre ».

Mais si, à n’en pas douter, nous sommes d’hier, si le nom récent de Chrétien n’est connu que depuis peu parmi toutes les nations, notre genre de vie, nos mœurs inspirés par les principes de la religion, n’ont rien de récent et n’ont pas été inventées par nous : dès les premiers temps de l’humanité, pour ainsi dire, elles furent adoptées d’instinct par les hommes pieux d’autrefois. Nous allons le montrer.

Le peuple juif n’est certes pas un peuple nouveau, tous lui accordent l’honneur de l’antiquité : ses livres et ses écrits nous apprennent que dès les âges anciens quelques hommes, clairsemés et peu nombreux, il est nui, ne laissaient pas d’être éminents en piété, en justice et dans toutes les autres vertus. Plusieurs d’entre eux ont vécu avant le déluge ; d’autres ont existé plus tard, tels les fils et les descendants de Noé, tel Abraham que les fils des Hébreux se glorifient d’avoir pour chef et pour premier père. Tous ceux dont la justice est ainsi attestée, depuis Abraham en remontant jusqu’au premier homme, on peut sans sortir de la vérité les appeler des chrétiens ; ils l’ont été en fait, sans en porter le nom. Ce nom signifie en effet que le chrétien, grâce à la connaissance et à la doctrine du Christ, se distingue par la modestie, l’équité, la force du caractère, la virilité de sa conduite, la confession et le culte d’un seul et unique Dieu souverain : or aucun de ceux dont nous parlons n’a rien à nous envier en tous ces points. Ils n’ont pas plus que nous pratiqué la circoncision, ni pas plus que nous l’observance du sabbat ; ils ne furent pas astreints aux défenses relatives aux aliments, ni aux autres prescriptions que Moïse, le premier de tous, commença à introduire dans un but symbolique, pour ceux qui devaient suivre, et dont aujourd’hui les chrétiens ne se soucient guère. Cependant ils ont fort bien connu le Christ de Dieu : Abraham l’a vu, Isaac a reçu ses oracles, il a parlé à Israël, et il s’est entretenu avec Moïse elles prophètes qui vinrent plus tard ainsi que nous l’avons montré. C’est pourquoi dans l’Écriture on trouve que ces amis de Dieu sont honorés du nom de Christ selon la parole : « Ne touchez pas à mes Christs et ne faites pas de mal à mes prophètes ». Il faut clairement conclure de ceci que lie forme de religion la plus antique et la plus primitive de toutes,, trouvée par ces hommes pieux, contemporains d’Abraham, est celle même qui est annoncée depuis peu à toutes les nations par la doctrine du Christ.

Si l’on prétend qu’Abraham reçut beaucoup plus tard le précepte de la circoncision, on peut répondre que bien auparavant il avait été déclaré juste à cause de sa foi : la divine parole dit en effet : « Abraham crut à Dieu et cela lui fut imputé à justice » Le patriarche était donc juste avant la circoncision, au jour où Dieu, c’est-à-dire le Christ, Verbe de Dieu, lui apparut et lui fît cette prédiction concernant ceux qui dans la suite des âges devaient être justifiés de la même manière que lui, disant en propres termes : « Et en toi seront bénies toutes les nations de la terre » ; et encore : « Il sera chef d’une nation grande et nombreuse, et en lui seront bénis tous les peuples de la terre ». Il est facile de voir que ces promesses se sont réalisées en nous, car Abraham a été justifié par la foi au Christ, au Verbe de Dieu, qu’il avait vu lui-même. Il s’est éloigné de l’idolâtrie de ses pères et des erreurs premières de sa vie ; il a reconnu le Dieu unique et souverain, et il l’a honoré par des œuvres de vertu, non point par l’observance de la loi mosaïque qui est postérieure. C’est à un tel homme qu’il a été dit que toutes les tribus de la terre et toutes les nations seront bénies en lui. Aujourd’hui, c’est dans les œuvres des seuls chrétiens répandus dans l’univers entier, qu’on trouve, plus clairement reproduite que dans tout discours, la forme de la religion d’Abraham,

Quel motif a-t-on, par suite, de nier que nous, postérieurs au Christ, nous n’ayons un seul et même genre de vie, une même religion que ces antiques amis de Dieu ? Non, elle n’est ni nouvelle ni étrangère, et à dire vrai, elle nous apparaît la plus ancienne et la seule véritable forme normale du culte divin, cette religion que nous puisons dans la doctrine du Christ. Mais cela suffit.

Chapitre V

Du temps ou le Christe a apparu parmi les Hommes

Après celte introduction nécessaire de l’histoire ecclésiastique que nous nous proposons d’entreprendre, il nous reste à commencer noire voyage : notre point de départ sera l’apparition de notre Sauveur dans sa chair. Que Dieu le Père du Verbe, que Jésus-Christ lui-même, dont nous parlons (voyez l’Appendice), notre Sauveur et Seigneur, le Verbe céleste de Dieu (voyezl’Appendice), soient noire aide et notre secours dans l’exposition de la vérité, nous les en prions.

La quarante-deuxième année du règne d’Auguste, la vingt-huitième depuis la soumission de l’Égypte et la mort d’Antoine et de Cléopâtre qui marqua la fin de la domination des Ptolémées (32 av. J.-C), notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ naquit, au temps du premier dénombrement ordonné par Quirinius, gouverneur de Syrie, à Bethléem de Judée ainsi que les prophéties l’avaient annoncé. Le plus célèbre historien juif, Flavius Josèphe, fait mention de ce recensement lorsqu’il raconte l’insurrection des Galiléens qui eut lieu à cette même époque et dont Luc, un des nôtres, rappelle le souvenir en ces termes dans les Actes : « Après lui, Judas le Galiléen se leva aux jours du dénombrement ; il attira à sa suite beaucoup de partisans, mais il périt et ceux qui avaient cru en lui furent dispersés ».

D’accord avec ces indications (voyez l’Appendice), Josèphe au dix-huitième livre de l’Antiquité expose en outre ce qui suit en propres termes : « Quirinius, membre du Sénat, avait rempli les autres charges et passé par toutes, de manière à devenir consul ; c’était du reste un homme de grande réputation. Il vint en Syrie avec peu de monde, envoyé par César comme juge de la nation et censeur des biens ».

Peu après, il ajoute : « Judas Gaulanite, d’une ville appelée Gamala, s’adjoignit le pharisien Sadoc, et tous deux poussèrent à la révolte : ils disaient que le recensement n’avait « l’autre but que d’apporter directement la servitude et ils animaient la nation à la défense de la liberté ».

Au second livre des Histoires de la guerre juive όν,τιΐ encore ceci sur le même sujet : « Alors un Galiléen du nom de Judas excitait ses compatriotes à se soulèvent leur reprochant d’accepter payer l’impôt aux Romains et de tolérer des maîtres mortels autres que Dieu ».

Voilà ce que dit Josèphe.

Chapitre VI

Comment en son temps, selon les prophèties, les chefs de nation juive, pris jusque là dans la succession de leur race, cessèrent de commander, et comment Hérode fut le premier qui régna sur eux

Alors, pour la première fois, la famille étrangère d’Hérode reçut la royauté du peuple juif, et la prophétie rapportée par Moïse eut son accomplissement : « Il ne manquera point de prince ni de chef du sang de Juda. dit-elle, jusqu’à ce que vienne celui à qui il est réservé, » celui qu’il déclare devoir être l’attente des nations.

Cette prédiction resta stérile, tant qu’il fut permis aux juifs de vivre sous des chefs de leur race, descendant depuis Moïse lui-même et en allant jusqu’au règne d’Auguste. À celle époque seulement pour la première fois, Hérode, un étranger, obtint des Romains le pouvoir sur les Juifs. Josèphe, du reste, nous apprend qu’il était Iduméen par son père et arabe par sa mère. D’après Africain, qui fut lui aussi un écrivain et non le premier venu, ceux qui oui raconté sa vie avec exactitude disent (voyez l’Appendice) qu’il était fils d’Antipater et que celui-ci était né lui-même d’un Hérode d’Ascalon, hiêrodule du temple d’Apollon. Cet Antipater, fait prisonnier tout enfant par des brigands Iduméens, demeura avec eux, parce que son père, un mendiant (voyez l’Appendice), ne pouvait payer sa rançon ; il fut élevé dans leur genre de vie. Plus tard, il obtint l’amitié du grand prêtre des Juifs, Hyrcan. De lui naquit Hérode, le contemporain de notre Sauveur. Lorsque le sceptre des Juifs vint un ses mains, celui que la prophétie appelle J’attente des nations était aux portes ; car à compter de celte heure, les chefs et les princes qui depuis Moïse s’étaient succédé au gouvernement d’Israël firent défaut.

Avant la captivité et l’exil à Babylone, les Juifs avaient vécu sous le pouvoir des rois, à commencer par Saül, qui fut le premier, et par David. Antérieurement, ils avaient obéi à des gouverneurs appelés Juges, après Moïse et son successeur Josué. Après le retour de Babylone, ils ne cessèrent d’avoir un régime aristocratique et oligarchique : les prêtres (voyez l’Appendice) présidaient aux affaires. Cet état de choses dura jusqu’à ce que Pompée, général des Romains, vint assiéger et prendre lient : il souilla les choses saintes après avoir pénétré jusque dans les lieux interdits du temple, Aristobule, qui avait été jusqu’à ce jour grand prêtre et roi par succession de ses ancêtres, fut envoyé par lui à Rome comme captif avec ses enfants. Pompée donna le pontificat suprême à Hyrcan son frère, et depuis ce moment toute la nation juive fut tributaire des Romains. Hyrcan, le dernier successeur des souverains pontifes, fut fait prisonnier par les Parthes. Alors pour la première fois, ainsi que je l’ai dit, ce fut un étranger, Hérode, qui prit en mains le gouvernement du peuple juif de par le sénat de Rome et l’empereur Auguste. Ce fut en ce temps que parut manifestement le Christ et on vit dès lors se réaliser sans retard le salut attendu des Gentils, et leur vocation prédite par la prophétie. À partir de ce moment, il n’y eut plus de princes ni de chefs de Juda, je veux dire d’origine juive, et comme de juste la succession normale du souverain pontificat, qui échéait par descendance aux plus proches héritiers, fut aussitôt troublée.

De tout cela nous avons, comme garant digne de créance, l’historien Josèphe. Il nous raconte qu’Hérode, après avoir reçu le trône des Romains, n’établit plus de pontifes de l’ancienne race ; il départit cet honneur à des gens obscurs. Son fds Archélaüs en usa pareillement dans la désignation des prêtres (voyez l’Appendice), et, après ni, les Romains, lorsqu’ils recueillirent la domination  de la Judée. Le même auteur raconte que, le premier, Hérode garda, placée sous clef et sous son propre sceau, la robe sacrée du pontife, et ne permit plus qu’elle fût à la disposition des grands prêtres. Après lui, Archélaüs et ensuite les Romains firent de même. Je rapporte ces détails pour mettre en lumière une autre prophétie qui s’est réalisée lors de l’apparition de notre Sauveur Jésus-Christ. Au livre de Daniel, après avoir très clairement fixé le nombre exact des semaines qui devaient s’écouler jusqu’au Christ roi et dont j’ai parlé ailleurs, l’Écriture annonce qu’après leur accomplissement, l’onction disparaîtra de chez les Juifs. Cela s’est manifestement réalisé lors de la naissance de notre Sauveur Jésus-Christ. Voilà ce qu’il était nécessaire de dire pour établir la vérité en ce qui concerne l’époque de sa venue.

Chapitre VII

De la divergence que l’on croit trouver dans les Évangiles en ce qui concerne la généalogie du Christ

Les évangélistes Matthieu et Luc donnent différemment la généalogie du Christ. C’est pourquoi beaucoup ont pense qu’ils se contredisaient, et, parmi les fidèles, il est arrivé que dans l’ignorance du vrai, chacun s’est efforcé d’imaginer des raisons pour expliquer ces passages. Nous allons reproduire ici l’explication qui est venue jusqu’à nous ; nous la trouvons dans une lettre écrite à Aristide, sur l’accord de la généalogie dans les évangiles, par Africain, l’auteur dont nous avons parlé un peu plus haut. Il réfute d’abord les explications différentes de la sienne, comme forcées ou erronées, et il rapporte en ces termes l’information qu’il a recueillie sur ce sujet (voyez l’Appendice) : «  Les noms des générations chez les Israélites étaient comptés selon l’ordre de la nature ou l’ordre de la loi. Le premier suppose la filiation paternelle ; dans le second, un frère engendrait des enfants sous le nom de son frère mort sans en avoir. L’espérance de la résurrection n’était en effet pas clairement donnée aux Juifs, la promesse n’en devant arriver que plus tard ; ils la figuraient par une sorte de résurrection mortelle où le nom du trépassé demeurait en se perpétuant. Parmi ceux dont il est question dans cette généalogie, les uns succèdent par naissance à leur père ; les autres, au contraire, sont des enfants qui ont été engendrés pour d’autres et qui portent le nom d’autrui. Ces deux catégories de fils, par naissance paternelle ou par attribution, ont été mentionnées. Ainsi ni l’un ni l’autre des évangiles ne dit rien de contraire à la vérité ; c’est tantôt l’ordre de la nature et tantôt celui de la loi qui est suivi. Les générations sorties de Salomon et les générations sorties de Nathan sont embrouillés les unes dans les autres : des substitutions au bénéfice de ceux qui étaient sans enfants, des secondes noces, des attributions de descendants sont les causes pour lesquelles les mêmes fils sont imputés justement soit aux pères putatifs, soit aux pères réels. De la sorte, les deux récits se trouvent entièrement vrais, et l’on arrive à Joseph d’une façon très compliquée, mais pourtant exacte.

«  Afin d’expliquer clairement ce que j’avance, j’exposerai l’interversion (voyez l’Appendice) des descendances. À compter les générations a partir de David par Salomon, on trouve que le troisième avant la fin est Mathan qui a engendré Jacob, père de Joseph ; selon Luc, depuis Nathan, fils de David, celui qui est semblablement le troisième avant la fin est Melchi : car Joseph est le fils d’Héli, fils de Melchi. Eh bien, notre terme étant Joseph, il faut montrer comment tous les deux sont présentés comme son père, et Jacob, de la descendance de Salomon, et Héli, de celle de Nathan ; tout d’abord comment Jacob et Héli étaient frères ; auparavant comment leurs pères, Mathan et Melchi, quoique n’étant pus de même race, sont déclarés grands-pères de Joseph.

«  D’abord, Mathan et Melchi épousèrent successivement la même femmeet eurent des enfants ; qui étaient frères utérins. La loi ne défendait pas à une femme sans mari, soit qu’elle fût répudiée, soit que le mari fût mort, de se remarier. De cette femme dont on a conservé le nom, Estha, Mathan de la descendance de Salomon, eut d’abord un fils, Jacob, puis il mourut ; Melchi de la descendance de Nathan, épouse sa veuve. Il était de la même tribu, mais non de la même famille, comme je l’ai dit plus haut, et il eut d’elle Héli comme fils. Ainsi donc Jacob et Héli, qui appartenaient à deux descendances différentes, étaient frères de mère. Hêli mourut sans fils : alors, Jacob, son frère, épousa sa femme et troisièmement (voyez l’Appendice) eut d’elle Joseph, qui est son fils selon la nature (ainsi que le porte le texte où il est écrit : « Jacob a engendré Joseph »). Mais selon la loi, il était le fils d’Héli ; car c’est à Héli que Jacob, en sa qualité de frère, avait suscité un descendant, Voilà comment la généalogie, quant à lui, ne peut pas être considérée comme inexacte. Matthieu l’évangélise l’expose ainsi : « Jacob, dit-il. engendra Joseph ». Luc reprend à son tour : « lequel était fils, selon l’attribution (car il ajoute cette remarque), de Joseph, fils d’Héli, fils de Melchi ». Il n’est pas possible d’exprimer plus clairement la descendance légale. Luc s’abstient complètement, jusqu’à la fin, du mot : « engendra », dans le dénombrement de tant de générations, et il conduit son énumération jusqu’à « Adam qui fut de Dieu ».

«  Ceci n’est pas une affirmation dénuée de preuve et faite à la légère. Les parents du Sauveur, selon la chair, dans le désir de vanter leur origine ou simplement de nous l’apprendre, en tout cas conformément à la vérité, ont aussi ajouté ceci (voyez l’Appendice) . Des brigands Iduméens vinrent à Ascalon, ville de Palestine : d’un petit temple d’Apollon qui était bâti les remparts, ils enlevèrent, avec le reste de leur butin un enfant appelé Antipater, fils d’Hérode, un Hiérodule, et ils l’emmenèrent comme leur prisonnier. Le prêtre ne put payer la rançon de son fils et celui-ci fut élevé selon les coutumes des Iduméens. Plus tard il fui aime d’Hyrcan, grand prêtre de Judée, qui renvoya comme ambassadeur auprès de Pompée. Il obtint pour son maître le royaume des Juifs, dont son frère Aristobule avait usurpé une partie, tandis que lui-même, parvenu au comble de la fortune, était nommé épimélète (voyez l’Appendice) de Palestine. Le grand bonheur d’Antipater lui valut des envieux ; il fut tué par trahison. Son fils Hérode lui succéda, et, plus tard, Antoine et Auguste, par un décret du sénat, l’appelèrent au trône des Juifs. Il eut pour fils Hérode et les autres tétrarques. Ceci est en accord avec les histoires des Grecs.

«  On avait conservé jusqu’à cette époque, dans les archives, les généalogies des familles vraiment hébraïques et de celles qui tiraient leur origine de prosélytes comme Achior l’Ammanite et Ruth la Moabite, ainsi que les listes de ceux qui étaient sortis d’Égypte avec les Juifs et s’étaient mêlés à eux. Hérode n’avait aucun intérêt à ces traditions d’Israélites ; le souvenir de sa naissance obscure le choquait ; il fit donc brûler les registres de ces généalogies. Il lui semblait qu’il commencerait à paraître de race noble dès que nul ne pourrait plus alléguer les témoignages authentiques de sa propre descendance, qu’elle vint des patriarches ou des prosélytes ou des étrangers alliés aux Israélites et appelés géores (voyez l’Appendice).

«  Des gens avisés en petit nombre gardèrent dans leur mémoire les noms de leur propre généalogie ou en conservèrent des copies : ils étaient très fiers d’avoir sauvé le souvenir do leur noblesse. Parmi eux se trouvaient ceux dont j’ai parlé plus haut, qu’on nomme dominicaux à cause de leur parenté avec le Sauveur : partis des bourgs juifs de Nazareth et de  Cochaba, ils s’étaient dispersés dans le reste du pays et avaient recherché avec tout le soin dont ils étaient capables la suite de leur lignée dans le Livre des Jours.

«  En est-il ainsi ou autrement ? je ne crois pas u’il soit possible de trouver une explication plus claire et tout homme sensé est de cet avis. Qu’elle nous suffise donc, quoiqu’elle ne soit pas appuyée de preuves. Nous n’avons rien à dire de meilleur ni de plus vrai. Du reste, l’Évangile est entièrement dans la vérité ».

À la fin de la même lettre, Africain ajoute ceci : « Mathan descendant de Salomon, engendra Jacob ; Mathan mort, Melchi, de la race de Nathan, engendra de la même femme Héli : Héli et Jacob étaient donc frères utérins. Héli, mort sans enfant, Jacob lui suscita un descendant, il engendra Joseph qui était son fils selon la nature, et selon la loi était fils d’Héli. Voilà comment Joseph est le fils de tous deux ».

Telles sont les paroles d’Africain.

La généalogie de Joseph ainsi établie, Marie apparaît forcément avec lui, comme appartenant à la même tribu que lui. La loi de Moïse ne permettait pas à un Israélite de contracter mariage dans d’autres tribus que la sienne : on devait se marier dans son bourg et dans la tribu où l’on était né, de façon à ce que le patrimoine ne passât pas d’une tribu à une autre. Mais en voilà assez sur ce sujet.

Chapitre VIII

Attenta d’hérode contre le enfants et quelle fut la triste fin de sa vie

Le Christ était né selon les prophéties a Bethléem de .Judée au temps que nous avons dit. Hérode fut interrogé par les mages d’Orient ; ils lui demandèrent nu était le roi des Juifs qui venait de naître ; car ils avaient vu son étoile, ils avaient entrepris leur long voyage et ils avaient hâte d’adorer comme un dieu le nouveau né. Hérode ne fut pas médiocrement troublé de cette affaire ; dans sa pensée, elle mettait son trône en danger. Il s’informa donc auprès des docteurs de la loi où ils espéraient que le Christ devait naître. Quand il sut la prophétie de Michée annonçant que c’était à Bethléem, il ordonna par un édit de tuer les enfants à la mamelle dans cette ville et dans tout le pays limitrophe, depuis deux ans et au-dessous, à partir de l’époque exacte fixée par les mages. Il pensait que selon toute apparence Jésus partagerait à peu près sûrement le même sort que ses compagnons d’âge. Mais l’enfant prévint le coup et fut emporté en Égypte. Ses parents avaient été instruits de ce qui devait arriver par l’apparition d’un ange. Du reste le récit sacré do l’Évangile nous apprend cela.

À cette occasion, il est à propos de voir quel fut le châtiment de l’audacieuse cruauté d’Hérode contre le Christ et ceux de son âge. Aussitôt après, sans le moindre avertissement, la justice divine se mit à le poursuivre tandis qu’il était encore dans cette vie ; elle lui montra le prélude de ce qui lui était réservé au jour où il en sortirait. Au moment même où tout lui paraissait prospère dans ses états, son étoile pâlit et les crimes se succédèrent dans sa maison. Il assassina sa femme, ses enfants, tous ses plus proches parents et ses meilleurs amis. Il est impossible (voyez l’Appendice) de décrire ces horreurs, c’est un sujet qui ferait pâlir les tragédies ; Josèphe l’a du reste exposé tout au long dans ses Histoires. Immédiatement après le crime commis contre notre Sauveur elles autres enfants, un fouet manié par une main divine s’acharna sur le coupable et le poussa vers la mort. Il ne sera pas hors de propos d’entendre le narrateur des crimes d’Hérode nous raconter dans le dix-septième livre de l’Antiquité juive, la triste tin de sa vie. Voici ses paroles : « La maladie se fil sentir de jour en jour plus lourde Hérode. Dieu exerçait la vengeance des crimes qu’il avait commis. Un feu lent, en effet, qu’on percevait peu au toucher, exerçait affreusement son action à l’intérieur de son corps ; il avait une faim dévorante que rien ne pouvait apaiser ; ses intestins étaient remplis d’ulcères ; de violentes coliques lui faisaient endurer de terribles douleurs ; ses pieds étaient enflés et couverts d’une humeur luisante. Il avait les aînes dans le même état et les parties secrètes de son corps étaient en putréfaction et par suite remplies de vers. Il ne respirait qu’avec peine et en se dressant (voyez l’Appendice) ; il exhalait une odeur insupportable à cause de la pesanteur et de la fréquence de son souffle. Des convulsions agitaient tous ses membres (voyez l’Appendice) avec une violence intolérable. Les devins, et ceux qui mettent leur sagesse à prédire ces sortes de choses, affirmaient que Dieu se vengeait ainsi des nombreuses impiétés de ce roi ».

Voilà ce qu’écrit Josèphe dans l’écrit mentionné. Au second livre des Histoires (voyez l’Appendice), il apporte à peu près les mêmes choses en ces termes : « Ensuite le mal se répandit dans tout son corps et lui fit endurer mille souffrances : il avait une fièvre lente, une démangeaison insupportable sur toute la peau et es coliques continues. Ses pieds étaient gonflés comme ceux d’un hydropique, il avait le bas ventre enflé et les parties secrètes de son corps étaient en putréfaction et pleines de vers. De plus, sa respiration était celle des asthmatiques et fort pénible : tous ses membres en proie aux convulsions ; et de tels maux, au dire des devins, étaient un châtiment.

«  Luttant contre de telles souffrances, il s’attachait la vie, espérait une guérison, et cherchait des remèdes. Il franchit donc le Jourdain pour prendre les eaux de Callirrhoé : celles-ci coulent vers le lac Asphaltite et leur douceur les rend même potables. Là les méde-  cins pensèrent lui réchauffer tout le corps affaibli (voyez l’Appendice) en le plongeant dans une baignoire pleine d’huile chaude, mats ce traitement l’épuisa et ses yeux se retournèrent comme dans une syncope. Au cri que firent ses serviteurs, il se remit, renonçant du reste à guérir. Il ordonna de distribuer à chaque soldat cinquante drachmes et de grandes sommes aux chefs et aux amis. Il revint lui-même à Jéricho avec une humeur sombre et irritée ; puis, comme s’il eût voulu menacer la mort elle-même, il en vint à un piège (voyez l’Appendice) et à une action atroce. Il lit assembler les notables de chacun des bourgs de toute la Judée et les enferma dans l’hippodrome. Il appela alors sa soeur, Salomé, et Alexandre, son mari : « Je sais, dit-il, que les Juifs doivent fêter joyeusement ma mort ; mais je puis être pleuré par d’autres et avoir de brillantes funérailles si vous voulez exécuter mes ordres. Faites entourer par des soldats ces hommes que l’on garde, et après mon dernier soupir, mettez-les à mort aussitôt : ainsi la Judée entière et chaque famille me pleurera malgré elle ».

Josèphe ajoute un peu plus loin : « Il était de nouveau tourmenté par la faim et secoué par une toux convulsive. Sous l’impression (voyez l’Appendice) de la douleur, il résolut de prévenir le destin. Il prit une pomme et demanda un couteau, car il avait coutume de manger en coupant. Il regarda ensuite autour de lui afin d’être sûr que personne ne l’empêcherait, il leva la main pour se frapper ».

En outre, le même historien raconte qu’avant sa fin, il donna l’ordre de faire périr le troisième de ses fils ; il avait déjà tué les deux autres : enfin il termina subitement sa vie dans d’atroces souffrances. Telle fut la fin d’Hérode ; il subit le juste châtiment du meurtre des enfants de Bethléem qu’il avait entrepris pour faire périr notre Sauveur. Après cette mort, un ange fut envoyé en songe à Joseph qui se trouvait alors en Égypte ; il lui ordonna de ramener l’enfant et sa mère en Judée, lui montrant que ceux qui en voulaient la vie de l’enfant n’étaient plus. À cela l’évangélise ajoute : « Mais ayant appris qu’Archélaüs régnait à la place d’Hérode son père, il craignit de s’y rendre et averti par un songe, il partit pour le pays de Galilée ».

Chapitre IX

Les temps de Pilate

L’historien mentionné plus haut noue apprend aussi, en accord avec l’Évangile, l’avènement d’Archélaüs au pouvoir après Hérode. Il explique comment le testament de son père et le consentement de César Auguste lui donnèrent le trône des Juifs, et comment lors de sa chute du trône, arrivée dix ans plus tard, ses frères, Philippe et Hérode le jeune, ainsi que Lysanias obtinrent chacun leur tétrarchie.

Le même Josèphe nous montre encore au dix-huitième livre de ses Antiquités que la douzième année du règne de Tibère, le successeur au pouvoir suprême d’Auguste qui avait régné cinquante-sept ans, le gouvernement de la Judée fut confié à Ponce-Pilate, qui y demeura dix ans entiers, presque jusqu’à la mort du prince. Ainsi donc apparaît évidente la fausseté des Mémoires de notre Seigneur publiés tout récemment (voyez l’Appendice). Le temps indiqué dans l’en-tête est d’abord une preuve du mensonge de leur fiction. Ils disent que ce fut sous le quatrième consulat de Tibère, c’est-à-dire la septième année de son règne (21 ap. J.-C.), qu’eurent lieu les crimes des Juifs concernant la passion du Sauveur. Or, il est démontré qu’à cette époque Pilate ne gouvernait pas encore la Judée, s’il faut en croire le témoignage de Josèphe. Celui-ci déclare clairement, dans le livre cité plus haut, que ce lui la douzième année du règne de Tibère que Pilate fut établi, par ce prince, procurateur de Judée.

Chapitre X

Grands-Prêtres juifs sous lesquels le Christ prêcha sa doctrine

Alors, c’est-à-dire selon l’évangéliste, pendant la quinzième année du règne de Tibère César, et la quatrième du gouvernement de Ponce-Pilate, tandis que les tétrarques Hérode, Lysanias et Philippe gouvernaient le reste de la Judée, notre Sauveur et Seigneur Jésus, le Christ de Dieu, commençant environ sa trentième année, vint recevoir le baptême de Jean et débuta alors dans la prédication de l’Évangile.

La divine Écriture nous dit que tout le temps de son enseignement s’écoula sous les pontifes Anne et Caïphe. montrant que la durée entière de sa prédication lient dans les limites formées par les années de leur charge. Il commença donc sous le pontificat d’Anne et alla jusqu’au temps de celui de Caïphe, ce qui ne fournit pat tout à fait une durée de quatre ans (voyez l’Appendice) Dès cette époque, eu effet. les usages sacrés institués par la loi avaient déjà été abolis ; ce qui concernait le service de Dieu n’était plus une charge à vie et ne s’obtenait plus par droit de succession. Les gouverneurs romains donnaient tantôt à l’un, tantôt à l’autre, le souverain pontificat ; mais personne ne le garda plus dune année. Josèphe nous cite une succession de quatre grands prêtres d’Anne à Caïphe, et il nous dit ceci dans le même livre des Antiquités : « Valérius Gratus déposa Anne du sacerdoce et proclama grand prêtre Ismaël, fils de Phabis : peu après il le changea et nomma à sa place Eléazar, fils d’Anne le grand prêtre. Une année s’écoula : il le déposa à son tour et il donna le suprême sacerdoce à Simon, fils de Kamith ; celui-ci ne conserva pas sa charge plus d’un an, et Joseph, dit aussi Caïphe, fut son successeur ».

La durée entière de la prédication de notre Sauveur n’apparaît donc pas de quatre années complètes. Quatre grands prêtres occupèrent en quatre ans le pontificat annuel, d’Anne à la promotion de Caïphe. L’Évangile nous dit que Caïphe était justement en charge l’année où eurent lieu les événements de la passion du Sauveur : la concordance de l’évangile et de cette observation elle-même détermine le temps pendant lequel a enseigné le Christ. Peu après le début de sa prédication, notre Sauveur et Seigneur appela à lui les douze, et seuls entre le reste de ses disciples, il les honora du nom spécial d’apôtres. Il désigna encore soixante-dix autres hommes qu’il envoya deux a deux devant lui dans tous les lieux et dans toutes les villes où il devait aller lui-même.

Chapitre XI

Témoignages concernant Jean-Baptiste et le Christ

Le livre divin des Évangiles raconte que peu après, Jean-Baptiste fut décapité par Hérode le jeune. Josèphe le rapporte aussi lorsque, mentionnant le nom d’Hérodiade, il nous dit qu’Hérode l’épousa quoiqu’elle fût la femme de son frère ; que ce roi avait dans ce but, répudié son épouse légitime, fille d’Arétas, roi de la Pétrée et séparé Hérodiade de son époux encore vivant ; qu’à cause d’elle, il fit mettre à mort Jean-Baptiste et déclara la guerre à Arétas dont il avait outragé la fille ; que dans cette guerre en une bataille, il perdit toute son armée, désastre qui fut le châtiment de sa cruauté envers Jean. Le même Josèphe atteste que Jean-Baptiste était un homme remarquablement juste et son témoignage s’accorde avec ce qui est écrit de lui au livre des Évangiles. Il raconte qu’Hérode perdit son trône, par la faute de cette même Hérodiade avec laquelle il fut relégué en exil et condamné à habiter à Vienne, ville de la Gaule (voyez l’Appendice). Tout cela est exposé au dix-huitième livre des Antiquités où l’auteur écrit ceci de Jean en propres termes : « À plusieurs Juifs, il a paru que la perte de l’armée d’Hérode était due à Dieu, qui vengeait très justement la mort de Jean appelé le baptiste. Car Hérode le fit mourir, lui, cet homme excellent qui exhortait les Juifs à s’exercer à la vertu, à pratiquer la justice les uns à l’égard des autres, et la piété envers Dieu, et à venir au baptême. L’immersion lui paraissait ainsi une chose bonne, sinon pour y chercher la délivrance de certaines fautes, du moins pour la purification du corps, l’âme étant auparavant débarrassée de ses souillures par la justice. Tout le peuple (voyez l’Appendice) s’attroupait autour de lui, et ils étaient suspendus à ses lèvres. Hérode craignit qu’il n’usât de son ascendant sur les hommes pour les portera quelque révolution ; car ils lui paraissaient disposés à tout faire sur son conseil. Aussi jugea-t-il bien préférable, avant que rien ne fût tenté pur lui, de prendre les devants et de faire périr le baptiste, plutôt que d’avoir à se repentir, si un changement se produisait, d’être tombé dans l’embarras. C’est sur ce soupçon que Jean fut envoyé comme prisonnier à Machéronte, château fort mentionné plus haut, où il fut mis à mort ».

Voilà ce que Josèphe raconte de Jean-Baptiste. Dans le cours du même ouvrage il parle ainsi de noire Sauveur (voyez l’Appendice) : « À la même époque fut Jésus, homme sage, s’il faut toutefois l’appeler un homme. Il était en effet l’auteur d’œuvres merveilleuses et le maître d’hommes qui recevaient avec joie la vérité : un grand nombre de Juifs et d’Hellènes le suivaient. C’était le Christ. Les principaux de notre nation le dénoncèrent et il fut condamné au supplice de la croix par Pilate. Ceux qui l’avaient aimé lui demeurèrent fidèles et ils leur apparut le troisième jour de nouveau vivant. Les prophètes divins avaient du reste prédit, ce prodige et beaucoup d’autres merveilles qui le concernaient. La race des chrétiens qui lui doit son nom, existe encore aujourd’hui, »

Quand un écrivain parmi les Juifs eux-mêmes transmet dès ce temps-là dans l’un de ses écrits de pareilles choses concernant Jean-Baptiste et notre Sauveur, quelle chance reste-t-il aux faussaires qui ont fabriqué les Mémoires qui les concernent, d’échapper au reproche d’impudence ? Mais il suffit

Chapitre XII

Les disciples de notre Sauveur

Tout le monde connaît parfaitement les noms des apôtres du Sauveur d’après l’Évangile. Quant à la liste des soixante-dix disciples, elle n’existe nulle part. On dit pourtant que Barnabé était l’un d’eux ; car les Actes des Apôtres le mentionnent plusieurs fois, de même que Paul écrivant aux Galates. On prétend que Sosthène, qui écrivit avec Paul aux Corinthiens, en était aussi ; Clément, dans la cinquième de ses Hypotyposes, l’affirme, et il déclare que Céphas, dont Paul dit : « Quand Céphas vint à Antioche, je lui résistai en face », est un des soixante-dix disciples, homonyme de l’apôtre Pierre. Il raconte encore que Mathias qui fut élu par les Apôtres à la place de Judas, et celui qui, dans cette élection, fut honoré d’un pareil suffrage, avaient été tous deux jugés dignes de la vocation des soixante-dix. Thaddée est aussi présenté comme l’un d’eux ; à son sujet je vais incessamment rapporter un récit venu jusqu’à nous.

Du reste, si l’on réfléchit, on trouvera qu’il y eut plus de soixante-dix disciples du Sauveur. Paul en apporte un témoignage quand il dit qu’après sa résurrection d’entre les morts, le Sauveur a été vu d’abord par Céphas, puis par les douze, et en une seule fois par cinq cents frères, dont plusieurs sont morts, affirme-t-il, mais dont le plus grand nombre demeure encore en ce monde à l’époque même où il écrit. Il poursuit en disant que le Sauveur apparut à Jacques, l’un de ceux qu’on appelait les frères du Sauveur. Puis, comme en dehors de ceux-ci beaucoup étaient apôtres à l’imitation des douze, tel que Paul lui-même, il ajoute ces paroles : « Il fut ensuite vu de tous les apôtres ». Mais en voilà assez sur ce sujet.

Chapitre XIII

Ce que l’on raconte du roi d’Édesse

Quant à l’histoire de Thaddée, voici en quoi elle consiste. Quand la divinité de notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ, grâce à sa puissance et à ses miracles, fut proclamée à tous les hommes, ils vinrent à lui en foule de partout, même des pays les plus éloignés de Judée amenés par l’espoir de guérir de leurs infirmités et de toutes leurs souffrances. Ainsi le roi Abgar, qui gouvernait avec la plus grande distinction les peuples d’au delà de l’Euphrate, était consumé par un mal terrible et incurable au moins selon les moyens humains. Dès qu’il connut la célébrité du nom de Jésus et son pouvoir attesté d’une voix unanime par tous ceux qui en avaient été les témoins, il devint son suppliant et lui  fit porter une lettre dans l’espoir d’obtenir la délivrance de son mal. Le Sauveur ne se rendit pas alors à son appel ; cependant il daigna lui écrire une lettre autographe, lui promettant qu’il lui enverrait un de ses disciples pour lui apporter la guérison et le salut, à lui, ainsi qu’à tous ses sujets. Cette promesse ne fut pas longtemps à se réaliser pour Abgar. Après la résurrection de Jésus d’entre les morts et son ascension au ciel, l’apôtre Thomas, un des douze, mû par une inspiration toute divine, dirigea vers Édesse Thaddée, qui était du nombre des soixante-dix disciples, pour y être le héraut et l’évangéliste de la doctrine du Christ : ce fut par lui, que toutes les promesses de notre Sauveur, reçurent leur accomplissement. On a de ces faits la preuve écrite, elle a été gardée dans les archives d’Édesse, alors ville royale. Les documents publics de ce pays qui renferment les choses anciennes et ce qui s’est passé sous Abgar, nous ont conservé depuis ce roi jusqu’à aujourd’hui ces événements : mais rien ne vaut comme de voir ces lettres elles-mêmes tirées des archives et traduites littéralement du syriaque en ces termes (voyez l’Appendice) :

Copie de la lettre écrite par le souverain Abgar et envoyée à Jésus à Jérusalem par le coureur Ananias

« Abgar, fils d’Oukamas, souverain, à Jésus, Sauveur bienfaisant, qui a apparu au pays de Jérusalem, salut.

« J’ai entendu parler de toi et de tes guérisons, et j’ai appris que tu les opères sans remèdes ni herbages. Car on raconte que tu fais voir les aveugles et marcher s boiteux, que tu purifies les lépreux, que tu chasses es esprits impurs et les démons, que tu délivres ceux qui sont tourmentés par de longues maladies, que tu ressuscites les morts. Après avoir entendu tout cela de toi, je suis convaincu que de deux choses l’une : ou bien tu es Dieu et, descendu du ciel, tu fais ces merveilles ; ou bien tu es le Fils de Dieu, accomplissant ces choses. Voilà donc pourquoi je t’écris aujourd’hui pour te prier de te donner la peine de venir chez moi et de me guérir du mal que j’ai. On m’a dit d’ailleurs que Juifs murmurent contre toi et qu’ils veulent te faire du mal : ma ville est toute petite, mais fort belle ; le nous suffira à tous les deux ».

[Telle est la supplique rédigée par Abgar, alors éclairé par un faible rayon de la clarté divine. Il mérita ainsi de recevoir de Jésus une réponse qui lui fut adressée par le même coureur. Elle est courte, mais d’un grand poids : en voici le texte (voyez l’Appendice)].

Réponse de Jésus envoyée au souverain Abgar par le coureur Ananias

«  Tu es bienheureux, puisque tu as cru en moi sans m’avoir vu. Il est en effet écrit de moi que ceux qui m’ont vu ne croiront pas en moi, afin que ceux qui ne m’ont pas vu, croient et vivent (voyez l’Appendice). Quant à ce que tu me demandes, d’aller chez toi : il me faut accomplir ici tout l’objet de ma mission et remonter ensuite vers celui qui m’a envoyé. Quand j’y serai, tu recevras de moi un de mes disciples qui te guérira de ton mal et te donnera la vie, à toi et à tous ceux qui sont avec toi ».

À la suite de ces lettres est encore joint le récit suivant écrit en langue syriaque.

« Après l’ascension de Jésus, Judas, qu’on appelle aussi Thomas, députa au roi l’apôtre Thaddée (voyez l’Appendice), un des soixante-dix. Celui-ci partit et à son arrivée s’arrêta chez Tobie, fils de Tobie. Le bruit de sa présence se répandit et l’on fit savoir à Abgar : « Un apôtre de Jésus est venu ici selon qu’il te l’a écrit ». Thaddée cependant s’était mis avec l’aide de la vertu divine à guérir toutes espèces de maladies et de langueurs, si bien que tous en étaient dans l’admiration. Lorsque le roi apprit les œuvres magnifiques et étonnantes qu’il opérait et les guérisons qu’il faisait, il comprit qu’il était bien celui dont Jésus avait parlé dans sa lettre : « Après mon ascension, je t’enverrai un de mes disciples qui te guérira de ton mal. Il appela donc Tobie chez qui l’apôtre demeurait : « J’ai appris, lui dit-il, qu’un homme puissant est venu habiter dans ta maison : amène-le-moi ». Tobie retourna auprès de Thaddée et lui dit : « Le souverain Abgar m’a appelé et m’a dit de te conduire chez lui afin que lu le guérisses ». — « J’irai, repartit Thaddée, puisque je suis envoyé avec « puissance pour lui ».

«  Le lendemain, de grand matin, accompagné de Tobie, il se rendit auprès d’Abgar. Lorsqu’il entra, les principaux du royaume étaient debout autour du monarque : tout à coup, le roi aperçut à son arrivée un grand signe sur le visage de l’apôtre Thaddée, et à cette vue, il se prosterna devant lui. Tous les assistants restaient stupéfaits ; car ils n’avaient rien remarqué et la vision paraissait seulement pour Abgar. Celui-ci demanda à Thaddée : « Es-tu en vérité le disciple de Jésus, le fils de Dieu qui m’a dit : « Je t’enverrai un de mes disciples qui te donnera la guérison et la vie ? » Thaddée lui répondit : « Tu as cru fermement à celui qui m’envoie, c’est pour cela que je suis député vers toi. Aussi, si tu crois en lui, selon que tu croiras, les désirs de ton cœur seront accomplis ». Abgar reprit : « J’ai tellement cru en lui que j’aurais voulu prendre une armée et détruire les Juifs qui l’ont mis en croix, si je n’en avais été empêché par l’empire romain ». Thaddée répondit : « Notre Maître a accompli la volonté de son Père, puis il est retourné à lui ». « J’ai, moi aussi, cru en lui et en son » Père, ». dit Abgar. Thaddée dit : « Voilà pourquoi j’étends la main sur toi en son nom ». Et aussitôt qu’il l’eut fait, le roi fut sur-le-champ délivré de son mal et ses souffrances disparurent. Il fut étonné ; ce qu’il avait entendu raconter de Jésus, il le voyait en fait dans sou disciple Thaddée : celui-ci lui avait rendu la santé sans remèdes, ni herbages. Il ne fut d’ailleurs pas seul à jouir de ce bienfait. Abdos, fils d’Abdos, avait la goutte : il vint lui aussi se jeter aux pieds de Thaddée, obtint ses prières et l’imposition de ses mains, et fut délivré. Thaddée guérit encore beaucoup de leurs concitoyens, accomplit de grands miracles et prêcha la parole de Dieu.

Après cela, Abgar dit : « Toi, Thaddée, tu opères ces prodiges par la force divine et nous l’admirons ; mais je t’en conjure, apprends-nous comment Jésus est venu sur la terre, quelle était sa puissance et par quel pouvoir il a fait ce que j’ai entendu raconter ». Et Thaddée dit (voyez l’Appendice, : Maintenant je garderai le silence ; mais puisque j’ai été envoyé pour annoncer la parole, assemble demain tous tes concitoyens et je la leur prêcherai ; je sèmerai eu eux la parole de vie, je leur dirai comment s’est produite la venue de Jésus, quelle fut sa mission et pourquoi il fut envoyé par le Père : je raconterai sa puissance et ses œuvres, les mystères qu’il a enseignés dans le monde et j’indiquerai par quel pouvoir il a accompli cela ; je montrerai la nouveauté de sa prédication, son humilité et sa modestie ; j’exposerai comment il s’est abaissé et a déposé et rapetissé sa divinité et a été mis en croix, comment il est descendu aux enfers, après en avoir brisé la barrière qui ne s’était ouverte de l’éternité ; comment il a ressuscité les morts ; comment enfin, il est descendu seul et remonté à son Père suivi d’un cortège nombreux ». Abgar ordonna d’assembler de grand matin les habitants de sa ville pour entendre la prédication de Thaddée. Il lui fit ensuite offrir des pièces et des lingots d’or : l’homme de Dieu les refusa : « Si nous laissons nos biens, dit-il, comment pourrions-nous accepter celui des autres ». Ceci se passait en l’an trois cent quarante (28-29 ap. J.-C.) ».

Voilà ce que je n’ai pas cru inutile et hors de propos de citer ici textuellement, traduit du syriaque.

Appendice

Les manuscrits dont s’est servi M. Schwartz sont les suivants : ~ À Paris, Bibliothèque nationale, grec 1430; xe siècle (Mazarinaeus de Valois) ;

Β Paris, Bibliothèque nationale, grec 1431 ; XIe-XIIe siècle ;

D Paris, Bibliothèque nationale, grec 1433; XIe-XIIe siècle ;

Ε Florence, Laurentienne LXX, 20; XIe s. ;

M Venise, Marcienne 338; Xe s.;

R Moscou, Bibliothèque du Saint-Synode 50 ; XIe-XIIe s. ;

Τ Florence, Laurentienne LXX, 7 ; Xe siècle.

On dispose en outre de la traduction latine de Rufin, éditée par M. Mommsen en regard du texte d’Eusèbe dans la collection de Berlin ; et d’une traduction syriaque, au moins pour ces livres, traduite en allemand par M. E. Nestle, Die Kirchengeschichte des Eusebius, aus dem Syrischen übersetz. (Leipzig, 1901). La traduction syriaque a été traduite en arménien : cette dernière n’entre pas en ligne de compte pour les premiers livres.

M. Schwartz n’a pas indiqué encore les principes qu’il a suivis dans l’établissement du texte. Contrairement a ses devanciers, il paraît en général préférer BDM à À T.

Sur les éditions d’Eusèbe antérieures à celle de M. Schwartz et sur les mss. qui ont servi à les établir, on peut consulter un excellent article de M. A. C. Headlam, dans The Journal of theological studies, t. IV (1902-1903\ p. 93-102.

La traduction latine est très libre, mais d’une liberté inégale ; tantôt Rufin suit le grec mot pour mol, tantôt il le résume ou l’abrège arbitrairement ; parfois, il le refond. La traduction syriaque cet au contraire assez serrée. Elle a, de plus, l’avantage de nous faire remonter à une date voisine de celle d’Eusèbe. Tandis que le plus ancien ms, grec n’est pas antérieur au xe siècle, la version syriaque nous a été conservée dans un ms. daté de 462 et dans un autre du vie siècle. Il n’est pas impossible qu’elle n’ait été rédigée au temps d’Eusèbe. peut-être même sous ses yeux et sous sa direction,

Dans les brèves indications qui suivent, nous supposons que le lecteur recourra à l’apparat critique publié par M.Schwartz, quand il voudra faire autre chose que consulter l’Histoire ecclésiastique. Nous supposons aussi que tout lecteur d’Eusèbe a sous la main les ouvrages généraux indispensables, Tillemont, les histoires littéraires de MM. Bardenhewer, les éditions récentes. des Pères apostoliques (nous citons la deuxième édition maior de M. F. X,Funk, 1901), une histoire ecclésiastique pourvue d’une bibliographie tenue à jour.

LIVRE I

I, 2 : οἰκονομίας;. Ce terme désigne la partie humaine et l’activité extérieure du Christ. Le début de l’économie, ἡ πρώτη οἴκονομία ,est la descente du Christ sur terre, l’incarnation ; de même § 8 Cf. ἡ κατ’ ἀνθρύπους οἰκονομία, Vie de Const. I, xxxii, 2 ; ἡ σωτήριας οἴκονομία, ib. IV, xxix, 3. Le mot désigne à l’origine la mission du Christ ; il est pris dans ce sens par IGNACE, Eph., xviii,,2: Ὁ Χριστὸς ἐκυφορήθη ὑπὸ Μαρίας κατ’ οἰκονομίαν θεοῦ ; c’est ainsi que le même auteur l’entend, dans un sens profane, de la fonction de celui que le père de famille délègue pour l’administration des affaires : Ὃν πέμπει ὁ οἰκοδεσπότης εἰς ἰδίαν οἰκονομίαν. Le sens spécial et théologique apparaît clairement dans JUSTIN, Dial., ciii (P. G., t. VI, col. 717 A). IRÉNÉE, Hérésies, 1, x, 1 (P. G., t. VII, col. 549 A) appelle οἰκονομίας les actes successifs par lesquels le Christ a sauvé les hommes, depuis son premier avènement jusqu’au second, τὴν ἐκ τῶν οὐρανῶν ἐν τῇ δόξη τοῦ Πατρὸς παρουσίαν αὐτοῦ. Le mot devient un terme technique et est employé par Clément d’Alexandrie, Origène, Epiphane, Cyrille d’Alexandrie, etc. Voy. la note de Valois. Il passe dans les autres langues : en syriaque (CHABOT, Synodicon orientale, p. 301 ; synode d’Acace en 486) ; en latin, où il est traduit par dispensatio (saint JERÔME, Epist., XCVIII, 6; P. L., t. XXII, col. 797 ; AUGUSTIN, In lohan., XXXVI, 2; Serm. CCXXXVII, ι, 1; CCLXIV, 6; P. L., t. XXXV, col. 1663; t. XXX VIII, col.1122i et 1217) par administratio (AUG., De fide et symb., 18; P.L., t. XL, col. 191 : Administralionem suscepti hominis). — Un sens plus général du mot est « providence », ci-dessous, II, i, 13.

I, 7 : οἰκονομίας τε καὶ θεολογίας. La « théologie » du Christ se rapporte à l’élément divin comme l’économie à l’élément humain. Ainsi GREGOIRE DE NAXIANZE, Disc. XXXVIII, 8; P. G., t. XXXVI, col. 320 Β : Ταῦτα μοι περὶ Θεοῦ πεφιλοσοφήσθω τανῦν· οὐδὲ γὰρ ὑπὲρ ταῦτα καιρός, ὅτι μὴ θεολογία τὸ προκείμενον ἡμῖν, ἀλλ’ οἰκονομία : « Voila pour le moment assez de raisonnements sur Dieu ; car ce sujet n’est pas de saison, puisque nous avons à nous occuper non de « théologie », mais d’économie ». SEVERIANUS DE GABALA (fin du ive s.), De Sigillis, 5 et 6 (P. G., t. LXIII, col. 539-541), établit une distinction entre les trois premiers évangélistes elle quatrième ; les synoptiques, s’adressent à toutes les nattons, ont pris pour point de départ l’ « économie » ; saint Jean, voulant approfondir la « théologie » tire son début de la divinité du Christ. Voy. plus bas, II, .3, αἱ περὶ αὐτοῦ (Χριστοῦ) μυστικαῖ τῶν γραφῶν θεολιγίαι (A propos du début du quatrième évangile) .

II, 3 : τὸ πρῶτον καὶ μονὸν τοῦ θεοῦ γέννημα .Α. πρῶτον καὶ om. BEMRT et syr. —- ὑπουργόν. TM. μηνυντή H (cor. réc. dé E), ἐκφάνοντα cor. de A, τελεωτήν cor. de B, efficaciam lat, : la première main de ABE devait avoir ὑπουργόν mais τελειωτήν peut être une ancienne variante que paraît suppléer la trad. syr. « der ausfuhrende » dans Nestle). Tout ce passage, où se révèle le subordinatianisme d Eusèbe. a exercé le zèle des correcteurs orthodoxes. Un correcteur de Ε efface les mots τὸν δεύτερον... αἴτιον τὸ κῦρος... ὑποδεδεγμένον, plus bas, § 5, τὸν μὲν... ὑπουργνοῦντα, Le correcteur de À change μετὰ τὸν πατέρα en ἅμα τῷ πατρί, παῖδα γνήσιον καὶ en λόγον ἐνυπόστατον καὶ μόνον, etc. Les mots δεύτερον μετὰ τὸν πατέρα ne sont traduits ni en syriaque ni en latin. Pour tous ces détails, voir l’apparat de Schwartz. — 7 suiv. Même attribution des théophanies de l’Ancien Testament à la personne du Fils dans JUSTIN. Apol., 1, LXII-LXIV, p. 131-137 trad. PAUTIGNY, avec référence également ci-dessous, § 13) à la scène du buisson ardent. Voy, aussi le Dial., lvi. cxxvi-cxxvii. Ce système d’interprétation, admis par Tertullien, Novatien, Hilaire de Poitiers, fut abandonné par la suite. Il procédait d’une théologie subordinatienne : le Père était d’une perfection trop inaccessible pour descendre sur la terre et se manifester ; le Fils, dieu, mais plus proche de l’homme, peut entrer en contact avec le fini. — 11 : ὡς ἂν εἰ τοῦ πατρὸς ὑπάρχοντα δύναμιν καὶ σοφίαν .A, ZONARAS XIII, 4 p.9 C; ὡς ἄν εἴκονα τοῦ πατρὸς ὑπάρχοντα ET, ὡς ἂν εἰ τοῦ πατρὸς ὑπάρχοντα B. — 14 : ἐξ ἰδίου προσώπου : une formule de ce genre indique ici la voie par laquelle se manifeste un être surnaturel. Dé même, ἐξ αὐτοῦ τοῦ Χριστοῦ 13. III, xxxνιιι, 1,en parlant de la lettre de Clément de Rome : ἤν ἐκ προσώπου τῆς Ῥωμαίων ἐκκλησίας τῇ Κορινθίων διετυπώσατο αὐτοῦ πρόσωπον ; cf. de même, IV, xν, 2. Cf. ci-dessous, 14 : Εἰς τὸ αὐτοῦ πρόσωπον. Dans JUSTIN, la formule est ἀπὸ προσώπου : Aροl. I, xxxνι, 2 ; xxxνιι, 1 ; xxxviii, I ; etc. — 14-15. Sur l’histoire de ce texte, allégué déjà par JUSTIN, Dial., LXI et CXXXIX, voy. Turmel, Hist. de la théologie positive depuis l’origine jusqu’au concile de Trente (Paris, 1904), p. 27 suiv. — 18. Ce tableau du monde après la chute est inspiré par le tableau des origines, tel que les philosophes le traçaient, plutôt que par la tradition théologique. Certains traits font aussi partie de toute peinture d’êtres étrangers à la civilisation, depuis qu’Homère a décrit les Cyclopes, Odyssée, IX, 105 suiv. Sur la doctrine du péché originel pendant les quatre premiers siècles, voy. Turmel dans la Revue d’hist. et de litter. religieuses, t. V ; (1900), p. 503 suiv. — 20 : ἑαυτοῖς ΒΕMRT, ἑαυτούς À syr. — <εἰσ>ἀγούσι Schwartz, ἄγουσι mss., syr. — 21 : πρωτόκτιστος AET, προαώνιος R, πρωτότοκος ΒM, om. syr. Voy. les observations ci-dessus sur II, 3, et la polémique sur le mot ἔκεισε des Proverbes, Turmel, Hist. de la théol. positive, l c, p. 32.

III, 4 : Oὐ πρότερον γοῦν est une reprise de οὔποτε γοῦν πρότερον de la phrase précédente ; mais la suite reçoit une autre construction et Eusèbe passe de l’idée de la nouveauté à celle de la dignité que présente le nom de Jésus. — 13 : τὸ διὰ σωμάτων σκευαττόν AB, humanis opibus lat.,τὸ δι’ ἀκροάτων ΕΜΒΤ syr. — 17 : ἱερεύς ΒM syr. lat., ἀρχιιερεύς AΕΒΤ. — 18 : οὐσιωμένον ABEMT1, γεγεννημένον ER2 syr. — 19 : ὑπειληφύτα ABRT1, ἀπηληφότα ET2, εἰληφότα M, « qui a... par nature syr. » —

ν, 1 : τὸν δηλούαενον. Cette expression est ordinaire dans Eusèbe pour renvoyer à ce qui a été dit : « ledit Jésus-Christ ». Elle a donc un sens très effacé. Cf. § 4, ὁ δεδηλωμένος, « l’auteur déjà nommé » ; viii, 1, τοὺς δεδηλωμένους χρόνους, « l’époque indiquée »; viii, 8 : ἐν τῇ δηλωθείσῃ γραφῇ. l’écrit sus-mentionné; III, xxxvi, 10 : ἀπὸ τῆς δηλωθείσης πόλεως ; xxxιx, 7 : ὁ δηλούμενος Πάπιας; etc. — λόγον mss., λόγον σὺν τῷ ἀγίῳ καὶ προσκυνητῷ πνεύματι Μ : Eusèbe ne parle pas du Saint-Esprit ; on a voulu combler cette lacune. — 4 : συνᾴδων : mais Josèpbe, ib., 26, place le recensement de Quirinius dans la 37e année après la bataille d’Actium (7 ap. J.-C). Sur ce recensement, voy. E. SCHUBRER, Geschichtedes jüdischen Volkes in Zeitalter Jesu Christi, 3e éd., t. I, p. 508 suiv.; sur la chronologie de Jésus, ib., p. 443.

vi, 2 : φασίν BDMR lat., Ecl. ; ὡς φασίν AET syr. — οἱ τὰ mss., lat., syr., οἵ τε Β. Le texte cité plus loin, vii, 11, indique la vraie leçon. — 3 : πτωχόν mss., πένητα A. — Sur l’origine des Hérodes, voy. la note sur vii, 11. — 6 : ἱερεῖς BDET, Ecl. ; ἀρχιερεῖς AMR syr., lat., mss. de Josèphe. — 8 : τε καί mss., lat. ; τέλος ἐλάμβανεν καὶ ἡ τῶν ἔθνών Α ; syr., « Und die Erwartung der Erlösung und die Berufung der Heiden wurde vollendet wie gesagt ist in der Weissagung ».

— 9 : ἱερέων mss., lat. Josèphe ; ἀρχιερέων À syr., Ed., Dem. vii, 2-15 a été reproduit dans les Quaestiones ad Stephanum, d’Eusèbe, publiées par MAI, Noua patrum bibliotheca (Rome, 1847), t. IV, p. 231 suiv. ; 2-10, dans une homélie sur la Nativité, attribuée à des auteurs divers, MIGNE, P. G., t. XCVII, col. 850. — 5 : ἐναλλαγήν (« échange ») DEMT, ἐπαλλαγήν (« entrecroisement ») AR, « la différence » syr., ἀκολουθίαν D lat. — 9 : τρίτον mss., τρίτου Schwartz : « troisièmement, lui troisième ». C’est en effet la troisième génération discutée ; la première est représentée par Mathan et Melchi, la deuxième, par Jacob et Héli. Cf. § 5 : τρίτος ἀπὸ τέλους. — 11. Cette histoire des origines de la famille des Hérodes est la version admise par les écrivains chrétiens et adoptée par quelques historiens modernes (STARK, Gaza, p. 535 ; GELZER, Iulius Africanus, t. I, p. 260 suiv.). En général, on préfère le récit de JOSÈPHE, Ant., XIV, 10. Le grand-père d’Hérode le Grand, qui fut le père du favori d’Hyrcan, s’appelait d’ailleurs Antipatros, comme son fils. Voy. Shuerer, Geschichte des jüd. Volkes, 3e éd., t. I, p. 292, n. 3. — 12 : ἐπιαιλητὴς τῆς Παλαιατίνης : épimélète, ὁ τῶν Ἰουδαίων ou τῆς Ἰουδαίας ἐπιμελητές, JOSÈPHE, Ant.9 XIV, 127, 139. On ne sait au juste en quoi consistaient ces fonctions. En tout cas, il commandait les troupes. Ce titre ne doit pas avoir une valeur bien différente de celui d’ἐπίτροπος, qui lui fut conféré par César (ib. 143). C’est une sorte de chef civil, à côté du grand prêtre Hyrcan. Shuerer, l. c, t. I, p. 343, n. 14, l’assimile à un procurateur. — 13 : ἢ προτηλύτους, τοὺς ἐπιμίκτους, interpolations antérieures à Eusèbe, d’après Schwartz. — 14 : ἡμερῶν : après ce mot, il y a une lacune ; à ἐκ τῆς Βίβλου devait correspondre un second membre, indiquant un autre moyen de suppléer les généalogies détruites. Rufin : partira memoriter, partim ex dierum libris. Mais partim memoriter est une conjecture de Rufin. La lacune existait déjà dans le texte que lisait Eusèbe. — Sur les parents du Christ et les premiers établissements des judéo-chrétiens, voy. Ad. Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums Leipzig, 1902;, p. 414 suiv., et R. KNOPF, Das nachapostolische Zeitalter Tubingue, 1905), p. 11 suiv.

viii, 4 : οὐδὲ οἷον τε D2 syr., VALOIS ; οὐδὲν ο τε mss. : οὔδὲν ο. τε signifie : « Rien n’empêche de », sens qui ne convient pas ici. — 6 : τοῦ δέξασθαι inss., τοῦ ὀδάξασθαι NABER — 7 : ἔντασις ABERT, ἔνστασις D1M syr. ; spiritus quoque incredibilis inflatio et tentigo obscaena satis et execranda : Rufin, qui n’a pas compris ὀρθια ; cf. 9, ὀρθόπνοια. — μέρος; BD syr. lat.; μέλος; AEMHT Josèphe ; cf. 9, πάντων τῶν μελῶν. — 9 : ἐν τῇ δευτέρα : suppose une autre division de Josèphe que celle de nos mss. — 11 : χαλαοθέν mss. d’Eusèbe et de Josèphe : χαλασθείς est la leçon authentique de Josèphe, d’après M. Schwarti. — ἐκλυθείς, δ’ εμ//άτην ἑκλυθείς Τ, τεθνεώς AEH, JOSÈPHE; om. syr. lat. — πληγήν BDEMRT (littéralement : les esclaves ayant fait du bruit, à ce coup) . κραυγήν .1, φωνήν .Jos., « im Sehmerz (hielt er aus) » syr., planctibus Iat. — L’état de tout ce passage me paraît assez douteux, du moins dans Eusèbe. Rufin : Cumque depositus fuisset in huiuscemodi fomento, ita résolutus est omnibus membris ut etiam oculi ipsi e suis sedibus solverentur. Reportatur in Hiericho, et famulorum planctibus admonitus, ubi salutem desperare coepit, militilius, etc. — 12 : ἐπιβουλήν mss., syr., mss. de Jos. ; ἐπιβολήν .1 « entreprise », leçon adoptée, après Hudson, par Niese et Schwarz comme le texte véritable de Josèphe. Serait-ce donc une conjecture heureuse dans À ? — 14 : ἤσθεις BD, αἰσθηθείς Τ, « als er litt in seinen Schmerzen » syr., ἦ δὲ αἴσθησις; ER. ἡττηθείς AM; les mss. de Josèphe se partagent entre ἡσσηθείς et ἦ δὲ αἴσθησις; Rufin : Cum ex dolorum violentia iam vitae ecitum adesse sensisset, malo accepto, etc. J’ai peine à croire que le texte lu par Eusèbe ait porté ἤσθεις ;. Noter les excellentes leçons de À dans ces citations . ἐντασις, μέλος, τεθνεώς, κραύγήν, ἐπιβολήν, ἡττηθείςir.Dira-t-on qu’il a été corrigé d’après les mss. de Josèphe ? Mais il a deux leçons qui leur sont inconnues, ἐπιβολήν, excellente, et κραυγήν au moins discutable, et sur les autres, il s’accorde avec quelques mss. d’Eusèbe, qui ne sont jamais les mêmes, comme s’il représentait purement un courant plus ou moins troublé dans les autres mss.

ix, 1. Les indications d’Eusèbe sont inexactes. Après la mort d’Hérode (4 av. J,-C.), Archélaüs, désigné par lui, reçut d’Auguste, avec le titre d’ethnarque, la Judée, la Samarie et l’Idumée. Ses deux frères furent nommes tétrarques et reçurent, Antipas, la Galilée et la Pérée ; Philippe, la Batanée, la Trachonitide et le Hauran. Philippe mourut en 34 et son domaine fut annexé à la province de Syrie. Hérode Antipas, le persécuteur de saint Jean-Baptiste, fut dépouillé de sa tétrarchie par Caligula, à l’instigation d’Agrippa, en 39; dès 37, Agrippa en avait été investi. Archélaüs fut, à la suite d’une plainte des Juifs, exilé par Auguste à Vienne, en 6. Son domaine devint une annexe de la province de Syrie, avec un gouverneur de rang équestre, qui dut porter d’abord le titre de préfet, mais reçut bientôt celui de procurateur. Quant à Lysanias, il est mentionné comme tétrarque d’Abilène et sa tétrarchie est annexée au domaine d’Agrippa I en 37, avec celle de Philippe. Ce Lysanias doit être distingué d’un autre, qui avait le royaume d’Iturée, au temps d’Antoine et de Cléopâtre. Il n’a probablement rien de commun avec lui, pas plus qu’avec les Hérodiens. Voy. SCHUEURER, t. I, p. 717 suiv. — 3. Ces Mémoires sont ce qu’on appelle les Actes de Pilate, apocryphe formant la première partie du recueil connu sous le nom d’Évangile de Nicodème. Ils portaient en tête une date servant d’intitulé ; c’est ce qu’Eusèbe appelle τταρασημείωσις.

x, 2 : ἀρξαμένου μὲν « οὖν » : οὖν ad. Schwartz, — τῆς ἀρχῆς paraît designer le pontificat de Caïphe plutôt que le commencement de ses fonctions. — Les indications de ce chapitre sont confuses et il n’est pas sûr qu’Eusèbe se soit retrouvé lui-même dans les données incertaines des documents. Voici, au surplus, la succession des grands-prêtres pour cette période : Choisi par Quirinius : Ananos ou Hannas, fils de Sethi, 6-15 ap. J.-C.

Choisis par Valerius Gratus (15-26) : Ismaël, fils de Phiabi, 15-16 environ.

Éléasar, fils d’Ananos, 16-17 environ.

Simon, fils de Kamithos, 17-18 environ.

Joseph, surnommé Caïphe, 18-36 environ.

Choisis par Vitellius (35-39) : Jonathas, fils d’Ananos, (36-37).

Théophile, fils d’Ananos, 37 suiv.

(Shuerer, Gesch. des jüd. Volkes, t. II, p. 217-218).

Toute la chronologie d’Eusèbe repose donc ici sur l’idée fausse que la fonction était devenue annuelle.

XI, 3 : Βίενναν τῆς Γαλλίας : erreur d’Eusèbe : Λούγουνον πόλιν τῆς Γαλλίας, JOB., Ant., XVIII, 252; mais ID., Bel., 183 : εἰς Ἱσπανίαν, 184 : ἐν Ἱαπανίᾳ. Pour accorder les deux passages de Josèphe, on a supposé qu’il était question de Lugdunum Conuenarum (Saint-Bertrand de Comminges). au nord des Pyrénées. Voy. Shuerer, l. c, I, p. 448 et n. 45 et 46. — 6 : τῶν ἄλλων mss. d’Eusèbe et de Josèphe, syr. ; perplurima mullitudo, lat. ; Γαλιλαίων, conjecture de Schwart pour Josèphe. — ἤρθηααν BER, syr., Jos. ; ἤσθησαν, À Τ, ἠρέσθησαν DM. — 7 suiv. Sur ce passage discuté de Josèphe, voy. Shuerer, l. c, t. I, p. 544 suiv.

XII, 6 : sur cette correspondance, voy. A. STUELCKEM, dans E. HENNECKE, Handbuch zu den neuiestamentlicken Apokryphen (Tubingue, 1904), p. 153 suiv. — 9. Le texte mis entre crochets est conservé par BDER, omis par AΜΤ syr. lat. Celte opposition peut servir à prouver que l’archétype de BDER était interpolé. — 10 : Γέγραπται γάρ, etc. La parole citée ici ne se trouve textuellement dans aucun Écriture ; mais cf. Is., vi, 9 suiv., ΜAΤΤH., XIII, 14 suiv,; JEAN, XII, 39 suiv,; Actes, xxviii, 25 et suiv.; et voy. RESCH, Agrapha (Leipzig, 1889), p. 462 (Apokryphon 103), et ROPBS, Die Sprüche Jesu, p. 112, n° 11

XIII, 11 : Θαδδαῖον. Le vrai nom est Addaï, l’apôtre d’Édesse, personnage historique qui a vécu au ιιe siècle. La légende a été inventée pour donner à l’église d’Édesse une origine apostolique ; voy. J. TIXERONT, Les origines d l’Église d’Édesse et la légende d’Abgar (Paris, 1888). On ne fit d’Addaï qu’un disciple. Mais les Grecs, en déguisant le nom syrien sous le nom de Thaddée, plus connu, ont donné l’occasion d’identifier Addaï avec un apôtre. La confusion est déjà faite dans Origène. Voy. R. A. LIPSIUS, Die apokryphen Apostelgeschichten u. Apostellegenden, t. I (Brunswick, 1883}, p. 20 suiv. — 13 : δυνάμει : maxime propter ipsum lat. ; il faut plutôt entendre comme nous avons traduit, sauf à supposer la chute de ἐν. — 20. Tout ce discours offre des redites et, surtout à la fin, des variantes considérables ; par ex. : ἀνηήγειρεν M syr., mortuos suscitare lat., ἀνήγαγεν T; passage remanié dans BDER : ἀνέστη καὶ συνήγειρε νεκροὺς τοὺς ἀπ’ ἀιώνων κεκοιμημένους, — καὶ κατέβη... ὄχλου mss., syr., lat. ; καταβὰς γὰρ μόνος συνήγειρεν πόλλους, εἴυ’ οὕτως ἀνέβη Α. — À la fin, additions diverses dans BDER. — 22. La date est donnée d’après l’ère des Séleucides, dont le point de départ est la bataille de Gaza (312 av. J.-C), ou plutôt la mort d’Alexandre IV fils d’Alexandre le Grand (311 av. J.-C.). Cette ère s’appelle aussi ère des Grecs ou ère d’Alexandre.