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Deutéro-Canoniques
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Dénomination par laquelle on désigne certains livres de la Bible, pour les distinguer de ceux qu’on appelle proto-canoniques. Les Juifs, pour l’Ancien Testament, et les protestants pour les deux Testaments, n’admettent comme inspirés que ceux auxquels nous donnons le nom de proto-canoniques. Les deutéro-canoniques de l’Ancien Testament sont ceux que la synagogue n’admit pas dans le canon, et que l’Église catholique y ajouta. Il y en a sept, ce sont : Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, y compris la lettre de Jérémie, qui forme le chapitre 6,le premier et le second livre des Machabées ; puis quelques fragments, savoir, 1° dans le livre de Daniel, chapitre 3 depuis le verset 24 jusqu’au 90, y compris ; et les chapitres 13 et 14 tout entiers ; et 2° dans le livre d’Esther, les sept derniers chapitres, depuis le dixième, verset 4; jusqu’au seizième, verset 24.

Les deutéro-canoniques du Nouveau Testament sont ceux qui, après avoir d’abord passé pour douteux, ont été ensuite reconnus par l’Église comme inspirés. Ce sont, dans l’Évangile selon saint Marc, dernier chapitre, depuis le verset 9 jusqu’à la fin ; dans celui selon saint Luc, chapitre 22 versets 43 et 44, dans celui selon saint Jean, le chapitre 8, depuis le verset 2 jusqu’au 23 ; l’Épître de saint Paul aux Hébreux ; celle de saint Jacques, la seconde de saint Pierre ; la deuxième et la troisième de saint Jean ; celle de saint Jude, et l’Apocalypse de saint Jean.

Les protestants, avons-nous dit, rejettent les deutéro-canoniques ; il faut distinguer : Luther et Calvin n’admettent aucun de ceux de l’Ancien Testament ; quant à ceux du Nouveau, Luther les a presque tous rejetés, et Calvin presque tous admis. Le canon de chacun de ces prétendus réformateurs a subi le sort de leurs sociétés ; comme du luthéranisme et du calvinisme il est sorti des sociétés dissidentes, plusieurs de ces sociétés se sont fait chacune un canon particulier, admettant ou rejetant, comme leurs mères, ce qui leur convenait ou ne leur convenait pas. Mais aux protestants de toutes les sectes on peut proposer à méditer quelques lignes d’un des leurs, qui a acquis une grande célébrité. Je veux parler de Grotius, et voici ce qu’il dit dans son Traité de la vérité de la religion chrétienne, livre 3 chapitre 1.

« Il est vrai que nous recevons aujourd’hui pour canoniques quelques parties des divines Écritures, qui semblent n’avoir pas eu dès le commencement une telle autorité, comme l’Épître de S. Jacques, celle de S. Jude, les deux de saint Jean, l’Apocalypse et l’Épître aux Hébreux ; mais dès lors même plusieurs églises les avaient pour authentiques, et nous voyons que quelques-uns des plus anciens Pères les ont citées comme ayant une autorité divine. Ceux qui ne se sont pas servis de leurs témoignages, ou ignoraient que ces livres existassent, ou croyaient avoir des raisons pour douter de leur canonicité : ces nuages se sont dissipés peu à peu : la vérité s’est éclaircie, et tout le monde chrétien n’a plus aujourd’hui qu’un même sentiment sur ce point. Je ne vois pas en effet ce qui aurait pu porter à supposer ces écrits, puisqu’ils ne tiennent que le même langage, et qu’ils n’enseignent que les mêmes vérités qui rendent les autres si respectables.

On ne sait pas, dit-on, quel est l’auteur de l’Épître aux Hébreux ; on n’est pas certain que les deux lettres qui portent le nom de saint Jean, l’apôtre, soient de lui ; quelques-uns doutent aussi qu’il ait composé l’Apocalypse. Je le veux : est-ce une raison suffisante pour rejeter ces précieux monuments ? Ne doit-on pas faire plus d’attention à la qualité d’un écrivain qu’a son nom ? Combien d’histoires ne recevons-nous pas dont nous ignorons les auteurs ? Celui qui nous a laissé le récit des actions de César dans la guerre d’Alexandrie nous est inconnu, en estimons-nous moins ce qu’il nous apprend ? Quand un auteur était contemporain des faits qu’il rapporte ; quand il a vu une partie de ce qu’il écrit, quel qu’il soit, il mérite notre créance. Or telles sont les marques qui caractérisent particulièrement les auteurs de ces livres dont on cherche en vain à diminuer l’autorité. Ils ont vécu dans les premiers temps du Christianisme ; ils l’assurent eux-mêmes. Dieu les avait favorisés de grâces singulières ; ce sont encore eux qui nous l’apprennent. Que faut-il de plus pour mériter notre soumission ? Dire qu’ils ont pu se vanter d’être ornés des qualités qu’ils n’avaient pas, ou qu’ils ont pu mettre leurs noms à des écrits étrangers, eu vérité c’est avancer un sentiment bien absurde. Non, il n’est pas croyable que des hommes dont toutes les paroles respirent la bonne odeur de la piété et un amour sincère pour le vrai, aient voulu s’exposer à être accusés un jour de crime de faussaire et d’imposteur ; crime infamant, détesté par tous les gens de bien, et puni même de mort chez les Romains.

Grotius prouve ensuite que tous ces auteurs n’ont pu rien écrire que de vrai, et qu’on ne peut les accuser ni d’ignorance ni de mauvaise foi.