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Tyr
Dictionnaire Biblique Bost Westphal Calmet

La plus méridionale, la plus grande, la plus puissante des villes phéniciennes, déjà nommée (Josué 19.29 ; cf. 2 Samuel 24.7 ; 1 Rois 9.12 ; Ésaïe 23.1 ; Osée 9.13). Les déclarations de l’Écriture à son égard sont remarquables ; quelques-unes de ses prophéties sont obscures, et le rôle de cette célèbre cité a été assez important pour que Hengstenberg ait consacré à son histoire un ouvrage spécial.

Il y avait, à proprement parler, deux villes de ce nom : Tyr ou Turza, l’uros, en hébreu Tsor (rocher). L’ancienne Tyr, ou Palaeo-Tyrus, était à une lieue environ de la nouvelle. Elle fut bâtie par les Sidoniens, ce que rappelle Ésaïe 23.12, en l’appelant fille de Sidon ; mais elle devait éclipser sa mère. Construite sur le continent, au sommet d’un rocher de 16 m de hauteur et dans une position très forte, elle était la première ville de commerce et la plus grande ville maritime de l’ancien monde. Elle s’enrichissait par le négoce et par ses fabriques, dont les principales étaient celles de verre, de fin lin et d’étoffes teintes en pourpre ; elle était puissante par ses nombreuses colonies ; elle était le marché des productions d’Israël.

Ses ouvriers étaient habiles dans l’art de tailler les pierres, de travailler le bois, et de mettre en œuvre les métaux. David et Salomon eurent des rapports d’amitié avec Hiram, roi de Tyr, qui contribua directement à la construction du palais royal et du temple de Jérusalem, ainsi qu’à l’extension de la marine juive (2 Samuel 5.11 ; 1 Rois 9.11-27 ; 10.22 ; 2 Chroniques 2.3-11). Cinquante ans plus tard, Achab, roi d’Israël, épousa une princesse tyrienne, Jézabel, qui est sidonienne (1 Rois 16.31), parce que Ethbahal, son père, régnait à la fois sur Tyr et sur Sidon (Ménandre). Après plusieurs siècles de prospérité, la cupidité tyrienne, ne connaissant plus de bornes, s’imposa d’une manière intolérable aux Israélites eux-mêmes ; Tyr se mit à acheter et à revendre des prisonniers Israélites faits par d’autres peuples, et s’attira par là la colère du Dieu d’Abraham, qui lui fit adresser de sévères avertissements (Amos 1.9 ; Joël 3.4-8), et finit par la frapper ; Nebucadnetsar marcha contre elle et l’assiégea ; le siège dura treize ans, et l’ancienne Tyr fut détruite. Mais ses habitants, avant d’être réduits à la dernière extrémité, s’étaient retirés dans une île voisine de la côte : le manque d’espace les obligea de donner aux habitations une hauteur considérable ; ce fut Tyr la nouvelle ; l’ancienne, rasée jusqu’aux fondements, ne présenta plus qu’un village. La jeune ville qui s’élevait du milieu des flots, raide et fière, riche et populeuse, avait atteint au même degré de puissance et de gloire que la première ville, quand Alexandre le Grand vint, à son tour, en faire le siège. Désespérant de l’atteindre par mer, il résolut de la réunir à la terre, et se servit des matériaux de l’ancienne Tyr pour construire un môle ou une chaussée, qui donnât passage à ses troupes. Au bout de sept mois la ville fut prise. Cependant elle redevint encore florissante, et fut pendant longtemps une ville chrétienne. Mais les oracles de Dieu sont accomplis ; la domination destructive des Turcs a exécuté les jugements annoncés par les prophètes (Ésaïe 23 ; Jérémie 25 et 27 ; Ézéchiel 26-28).

On a suivi dans ce qui précède l’opinion la plus répandue et la plus généralement reçue ; mais il y a des contradicteurs importants sur presque tous les points de cette grande existence si mystérieusement détruite. Sans les discuter, nous indiquerons, en terminant, les opinions divergentes. Hengstenberg, Hœvernick, et d’autres, soutiennent que l’ancienne Tyr fut bâtie dans l’île ; son nom, quelques détails, l’antiquité du temple d’Hercule qui s’y trouvait, une correspondance de Hiram et de Salomon, quelques passages de Josèphe, de Ménandre et de Bius, sont les autorités dont ils s’appuient ; l’ancienne Tyr, ou Paléo-tyr, le Tsor de Josué 19.29, qui marque la frontière septentrionale d’Israël, remonterait également à des temps fort recules, soit comme ville indépendante, soit comme annexe ou banlieue de la ville insulaire ; leurs destinées auraient été différentes ; l’île aurait été vainement assiégée pendant cinq ans par Shalmanéser, qui, en définitive, aurait été obligé de se contenter de Paléotyr. Les difficultés de cette opinion ont amené Hitzig, et presque Hœvernick, à reconnaître que Paléotyr est plus ancienne, mais qu’une ville ayant ensuite été bâtie sur l’île, et ayant reçu de cette île le nom de Tsor, rocher, Paléotyr aurait pris le même nom ; d’où il résulterait que Paléotyr serait la vieille ville, mais que la ville insulaire aurait eu la première et le plus anciennement le nom de Tyr.

Une seconde divergence porte sur la formation de la digue ; les uns pensant, comme Hengstenberg, que ce sont les Tyriens eux-mêmes qui l’ont formée pour se mettre en rapport direct avec la terre ferme, les autres estimant avec les plus anciennes données historiques que cette digue fut une œuvre ennemie ; d’autres enfin pensant : – ou que l’œuvre ennemie d’Alexandre étant pour les Tyriens un précédent indestructible, ils n’avaient qu’à en tirer le meilleur parti possible, soit pour leurs relations avec le continent, soit au point de vue militaire, – ou qu’une digue naturelle ayant été formée avec le temps par les flots de la mer, Alexandre n’eut qu’à profiter de cette facilité inattendue pour achever un travail si bien commencé.

Une troisième divergence se rapporte à l’accomplissement des prophéties. Nous avons vu l’ancienne Tyr frappée par Nebucadnetsar à la suite des oracles de Joël et d’Amos, et la nouvelle par Alexandre et par les siècles à la suite des prophéties d’Ésaïe, de Jérémie et d’Ézéchiel. D’autres pensent que Shalmanéser accomplit les premières prophéties (Grotius et Gesenius), et Nebucadnetsar les secondes. Ces deux opinions sont également erronées ; les oracles sont accomplis aujourd’hui, mais ils ne le furent à aucune de ces deux ou trois époques. Le siège de Shalmanéser, qui dura cinq ans, ne fut pas couronné de succès ; ce fut un blocus qui n’eut d’autre résultat que d’entraver quelque temps le commerce tyrien, comme le blocus général de Napoléon gêna le commerce de l’Angleterre. Le siège de Nebucadnetsar dura treize ans, mais le résultat ne paraît pas en avoir été fort satisfaisant (Ézéchiel 29.18). Tyr ne fut pas détruite ; car après la mort du roi Ithabal, qui mourut la dernière année du siège, l’histoire énumère encore des rois et des juges de Tyr. Sans doute Nebucadnetsar n’était pas homme à se retirer après des efforts de treize années, n’emportant que la honte de son expédition ; sans doute il obtint quelque satisfaction ; sans doute il avait gravement compromis la prospérité tyrienne : mais enfin Tyr était encore là, debout, et elle sut si bien reconquérir tout ce qu’elle avait perdu, qu’à l’approche d’Alexandre le Grand elle osa résister seule au conquérant de l’Asie, et ne fut prise qu’après un siège de sept mois, en 332. Alors encore elle ne fut pas détruite ; elle ne perdit son importance commerciale que peu à peu, surtout par suite de la concurrence d’Alexandrie en Égypte ; elle n’entassa plus de trésors, elle ne fonda plus de colonies ; elle déclina lentement, pour mourir de vieillesse.

On voit par Actes 21.3, qu’il s’y forma de bonne heure une Église chrétienne. Guillaume, archevêque de Tyr vers 1180, auteur d’un ouvrage historique sur les Croisades, dépeint Tyr comme une ville encore riche et florissante. Ce ne fut qu’après la défaite des chrétiens dans l’Orient qu’elle tomba entre les mains des mahométans et qu’elle fut définitivement détruite. Cette histoire peut se lire presque entière, verset par verset (Ésaïe 23). Ce n’est plus aujourd’hui, sous le nom de Sour, qu’un misérable village de 1500 habitants, vivant de la pêche et du cabotage ; et encore à peine est-on sûr qu’il soit bien situé sur l’emplacement de l’ancienne reine des mers.