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Manassé
Dictionnaire Biblique Bost Westphal Calmet

1°. Fils aîné de Joseph et d’Asnath, fut dépouillé de son droit d’aînesse par son aïeul Jacob, qui lui annonça une moins grande prospérité et une postérité moins nombreuse qu’à son frère cadet, Éphraïm (Genèse 41.54 ; 46.20 ; 48.1 ; 1 Chroniques 7.14). Les deux frères sont réunis, sous le nom de Joseph, dans les dernières bénédictions du vieillard (Genèse 49.22), ainsi que dans celles de Moïse, qui leur promet à chacun « ce qu’il y a de plus précieux sur la terre » ; mais à Manassé des milliers de descendants, et à Éphraïm des dix milliers (Deutéronome 33.13-17). Manassé apparaît comme chef de tribu (Nombres 1.10 ; 2.20 ; 7.54), et le nombre de ses hommes d’armes, au moment de la sortie d’Égypte, est de 32000 (1.35). Les deux tribus sont presque toujours nommées ensemble (Nombres 26.28 ; Josué 14.4 ; etc.). Lors de l’entrée en Canaan, Manassé se divisa en deux demi-tribus ; Makir, parce qu’il fut homme de guerre, reçut en partage Galaad et Basan ; il devait servir de boulevard à Israël contre les peuples inquiets et brigands de la Trachonite, contre les Syriens de Damas, et contre les Gessuriens de l’Anti-Liban. « Les maîtres de l’arc ont irrité Manassé, ont lancé contre lui des flèches, l’ont attaqué ; mais son arc a conservé sa force, et ses bras leur vigueur, et il a, de sa corne, heurté les peuples jusqu’aux extrémités du pays ». Il habita des contrées bénies par l’Éternel, les riches plaines de l’Hauran, les belles montagnes de Galaad, et, dans ses vastes limites, il s’est étendu « comme un rameau fertile près d’une source » (Nombres 32.39 ; cf. 34.14 ; Josué 12.6 ; 13.7). Cette demi-tribu était séparée de Gad par le Jabbok, et comprenait, dans son territoire, Hastaroth et Edréhi ; elle s’étendait ainsi assez loin vers l’est (Deutéronome 3.13 ; Josué 13.29), et, comme son éloignement du sanctuaire, qui était a Silo, pouvait avoir, par la suite, des conséquences fâcheuses pour ses descendants, qui pourraient oublier leur culte, ou voir leurs droits méconnus, les tribus transjourdaines élevèrent, sur les bords du Jourdain, un autel destiné à témoigner en leur faveur, ou même, au besoin, contre elles, et à les relier ainsi aux neuf autres tribus (Josué 22.10ss). La seconde demi-tribu, dont le territoire fut placé à côté de celui d’Éphraïm, était comprise entre le ruisseau de Cana, la Méditerranée, la chaîne du Carmel, et à l’est les montagnes d’Éphraïm (Josué 16.9 ; 17.1). Elle avait aussi pour voisins Aser et Issacar, sur le territoire desquels elle paraît même avoir eu quelques parcelles enclavée, (17.11), qu’elle ne put, sous les juges, défendre entièrement contre les Cananéen (Josué 17.12 ; Juges 1.27). Après la mort de Salomon, les deux demi-tribus, sous la puissante main d’Éphraïm, passèrent au royaume des Dix tribus, dont elles suivirent les destinées. Le nom de Manassé se trouve (Apocalypse 7.6-8) avec celui de la tribu de Joseph, qui, dans ce cas, désigne Éphraïm.

2°. Manassé, père de Guershom, et grand-père de Jonathan (Juges 18.30). Peut-être faut-il lire Moïse (voir Guershom) ; peut-être aussi les noms de Moïse et de Guershom se trouvaient-ils parmi les Lévites. Dans tous les cas, il ne faut pas confondre ce nom avec celui du fils de Joseph ; car Jonathan descendait de Lévi (17.7-12) ; il était Lévite, et non Manassite.

3°. Manassé, quatorzième roi de Juda, fils indigne et successeur d’Ézéchias, régna cinquante-cinq ans (698-643, 2 Chroniques 33 ; 2 Rois 21). À douze ans il perdit son père et monta sur le trône ; mais le parti anti-théocratique s’empara de son esprit, l’entoura et régna par lui ; ce fut le triomphe de l’impiété et de l’idolâtrie ; le jeune roi suivit fidèlement les principes de ses conseillers ; il rétablit les hauts lieux que son père avait détruits, adora les idoles païennes, dressa des autels à Baal et à tous les astres jusque dans les parvis du temple de l’Éternel, consulta les devins, et opposa des imposteurs aux prophètes que Dieu lui envoyait et dont il fit verser à Jérusalem le sang innocent. Ésaïe, selon la tradition juive, mourut victime de ses fureurs, et c’est peut-être à cette mort que l’apôtre fait allusion (Hb. 11.37 : ils ont été sciés) ; enfin, pour n’oublier aucune abomination, il brûla ses propres enfants devant les faux dieux ! Les menaces divines étaient méprisées, elles s’accomplirent, et l’Éternel prononça cette terrible sentence : « J’étendrai sur Jérusalem le cordeau de Samarie et le niveau de la maison d’Achab ; je torcherai Jérusalem comme une écuelle qu’on essuie et qu’on renverse sur son fond ». Manassé tomba entre les mains des Assyriens, peut-être lorsque Ezar-Haddon transportait ses colons dans le royaume d’Éphraïm (Esdras 4.2) ; il fut, malgré l’appui de l’Égypte qu’il avait recherché, saisi dans les halliers, chargé de chaînes, et conduit à Babylone la vingt-deuxième année de son règne ; ce fut la fin de la première partie de sa vie, de son idolâtrie et de ses malheurs. Dans la détresse et dans l’angoisse, il s’humilia, se repentit de ses crimes, et supplia l’Éternel avec larmes ; il obtint son pardon, et fut bientôt rétabli sur son trône, peut-être à la condition de rester vassal assyrien ; c’est ce que rendent probable les événements qui eurent lieu dans les derniers jours de Josias son petit-fils. Sa conversion était sincère ; il le prouva en faisant son possible pour remédier aux maux dont il était lui-même l’auteur : il rétablit le culte du vrai Dieu, purifia le temple, renversa les bocages et détruisit les autels. La fin de son long règne fut consacrée à en faire oublier le commencement, et il vit prospérer son activité et son administration intérieure ; il releva les murailles de Jérusalem à l’occident de Guihon, ceignit Hophel d’ouvrages élevés, rétablit l’ordre dans l’armée, et lui donna une discipline et des chefs. Il mourut à l’âge de soixante-sept ans, et fut enseveli dans un sépulcre qu’il s’était préparé au milieu de ses jardins.

On croit que Joël prophétisa sous son règne ; c’est à la même époque aussi que quelques auteurs (Bossuet, Cahnet, Bonnechose) placent l’histoire de Judith et d’Holopherne. La tradition a conservé, sous le nom de prière de Manassé dans l’angoisse, un chapitre qui a été ajouté dans quelques exemplaires grecs et latins à la fin du second livre des Chroniques ; cette prière est belle, mais sa forme liturgique suffirait pour la faire reconnaître comme apocryphe.

Le second livre des Rois ne parle que des crimes et des malheurs de Manassé ; il ne dit mot de sa repentance, mais indique en passant qu’à sa mort il n’était plus prisonnier ; ce dernier détail montre qu’il n’y a pas contradiction entre le récit des Rois et celui des Chroniques, mais l’omission d’une partie aussi importante de la vie de Manassé ne s’explique pas ; on pourrait croire que l’auteur des Chroniques, qui a puisé à plus de sources, a trouvé aussi plus de détails ; mais la conversion de Manassé n’est pas un détail dans sa vie, et caractérise son histoire tout entière ; tout Israélite, historien ou non, devait connaître un événement de cette importance.