De même que dans chaque maison c’était le chef de la famille qui exerçait l’autorité suprême à tous égards, et particulièrement pour les différends qui pouvaient s’élever entre les membres de la famille, de même dans les tribus, les villes et les bourgades, ce droit appartenait, en matière de jugements civils et criminels ordinaires, à des juges laïques, les mêmes qui sont nommés anciens (Deutéronome 21.2-4, 6 ; 16.18 ; Exode 18.13-26). Les sacrificateurs formaient une instance supérieure, sans cependant qu’on puisse les comparer à une cour d’appel, puisque c’était aux juges et non point aux parties de décider si l’affaire serait portée plus loin (Deutéronome 17.8 ; 19.17). C’était aux portes de la ville que les juges tenaient leurs audiences, et comme les Israélites étaient tous laboureurs, sortant le matin pour se rendre aux champs et revenant le soir, le lieu choisi pour rendre la justice était ainsi le plus public qu’il put y avoir, et les passants pouvaient s’arrêter, écouter ou déposer (Deutéronome 21.19 ; 22.15 ; 25.7 ; Ruth 4.1 ; Proverbes 22.22 ; Amos 5.15 ; Zacharie 8.16). Le plaignant et l’accusé comparaissaient en personne ; ce dernier était en habit de deuil et se tenait à la gauche (Zacharie 3.1-3). Les débats étaient simples et oraux, les jugements sommaires ; l’accusé était de fait presque toujours jugé par ses pairs, propriétaires et laboureurs comme lui, et le tribunal était un jury sans doute peu versé dans la loi, mais bien instruit des faits. La justice paraît avoir été entièrement gratuite. La preuve légale résultait du témoignage, mais il fallait au moins deux témoins ; cet ordre est trois fois répété dans le Pentateuque (Nombres 35.30 ; Deutéronome 17.6 ; 19.15) ; à défaut de témoins suffisants, le serment était déféré au prévenu (Exode 22.11 ; cf. Hébreux 6.16). Le sort paraît avoir été introduit plus tard pour la décision de questions trop difficiles à trancher (Proverbes 16.33 ; 18.18), mais la torture, cette invention du paganisme inconnue aux Hébreux, ne pénétra dans leur vie publique que sous les Hérodes. Dans les cas où la loi ne parlait pas assez clairement, on consultait l’Éternel (Lévitique 24.12 ; Nombres 15.34-35). On voit par ces détails que les formes étaient toutes en faveur de l’accusé.
À l’époque des juges, ce furent ces hauts magistrats qui décidèrent des questions difficiles (Juges 4.5). Samuel paraît avoir établi une espèce de jurisprudence plus régulière, faisant lui-même, et plus tard faisant faire par ses fils le tour du pays pour l’administration de la justice (1 Samuel 7.16 ; 8.1). Après lui, les rois furent juges, et non seulement en dernière instance, mais encore juges ordinaires, et abordables à tous ceux de leurs sujets qui venaient pour demander justice ; on peut en voir des exemples (2 Samuel 15.2-6 ; cf. 2 Chroniques 19.4-5 ; 1 Rois 3.16 ; 2 Samuel 14.4 ; 2 Rois 15.5). Cependant on trouve sous David et sous Salomon le rétablissement de tribunaux spéciaux pour les différentes localités (cf. 1 Chroniques 23.4 ; 26.29). Lors de la réorganisation judiciaire qui fut faite par Josaphat, ces tribunaux eurent à régler tout ensemble les cas de conscience et les procès civils ou criminels ; ils se composaient des sacrificateurs, ou d’un seul, réunis au juge du lieu ou bien au chef du pays ; dans ce dernier cas c’était la cour suprême (2 Chroniques 19.8-11).
Les prophètes et le livre des Proverbes montrent que de nombreuses plaintes s’élevaient sur la partialité des juges, et l’on peut se convaincre que, malgré les sévères défenses de la loi à cet égard (Deutéronome 1.17), la vénalité des juges était presque générale, comme aussi les faux témoins étaient à l’ordre du jour (Ésaïe 1.23 ; 5.23 ; 10.1 ; .Jérémie 22.3 ; Amos 4.1 ; 5.12 ; 6.12 ; Michée 3.11 ; 7.3 ; Zacharie 7.9 ; Proverbes 18.10 ; 24.23 ; 6.19 ; 12.17 ; 19.5 ; 21.28 ; cf. 1 Samuel 8.3).
Les rois avaient le droit, principalement en matières criminelles, de prononcer des sentences de leur chef ; c’était une justice de cabinet, comme on la rencontre encore de nos jours en Orient (1 Samuel 22.16 ; 2 Samuel 4.9 ; 1 Rois 22.26 ; 2 Samuel 12.5 ; 2 Rois 21.16 ; Jérémie 36.26).
Selon l’usage oriental l’exécution suivait de près la sentence ; lorsque la peine de mort avait été prononcée et qu’il n’y avait pas un vengeur du sang, c’étaient d’ordinaire les spectateurs qui remplissaient cet office en lapidant la victime. Les témoins, plus solennellement responsables, devaient jeter la première pierre (Deutéronome 17.5-7 ; 25.2 ; Jérémie 37.15).
Des contrats de vente se faisaient aussi assez souvent en public (Jérémie 32.10-44), devant les juges ou simplement devant des témoins (Jérémie 32.25 ; Ruth 4.9), et ce genre de notoriété pouvait remplacer pour eux les preuves écrites.
Pendant l’exil et après le retour, un ordre semblable de judicature continua de subsister, et Esdras institua des juges de chaque ville pour la nouvelle colonie (Esdras 7.25 ; 10.14).