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Introduction à l’Évangile selon Marc
Bible Annotée

I

Qui était ce Marc, désigné comme auteur de notre second Évangile ? On est généralement d’accord pour l’identifier avec le personnage de ce nom mentionné dans les épîtres aux Colossiens et à Philémon, et qui apparaît dans le récit des Actes. Juif de naissance (Colossiens 4.10-11), il s’appelait Jean (Jochanan, l’Éternel fait grâce) et avait ajouté à ce nom hébreu le nom romain de Marc. Il était de Jérusalem, où sa mère recevait dans sa maison les assemblées de l’Église. C’est là que l’apôtre Pierre se rendit après avoir été délivré de la prison (Actes 12.12). Pierre appelle Marc son fils (1 Pierre 5.13) ; on en a conclu avec vraisemblance que ce jeune homme avait été amené par l’apôtre à la foi chrétienne. Marc était cousin de Barnabas, le compagnon d’œuvre de Paul (Colossiens 4.10). Ces deux derniers, se trouvant à Jérusalem dans le temps même de la délivrance de Pierre, prirent Marc avec eux pour l’associer à leur œuvre (Actes 12.25). Il les accompagna d’abord à Antioche, puis dans leur premier voyage de mission en Asie Mineure, jusqu’à Perge en Pamphylie, où il se sépara d’eux pour retourner à Jérusalem (Actes 13.5,13). Désapprouvant les motifs, à nous inconnus, de cette conduite, Paul ne voulut pas le reprendre avec lui dans un second voyage ; il eut à ce sujet une vive discussion avec Barnabas et se sépara même de lui pour accomplir avec Silas le voyage qui devait le conduire en Grèce (Actes 15.36-39). Barnabas, mû par son affection pour Marc, son parent, s’embarqua avec lui pour l’île de Chypre, sa patrie (Actes 4.36). Marc s’attacha ensuite à Pierre, son père en la foi. Il se trouvait auprès de lui à Babylone, au moment où l’apôtre écrivit de cette ville sa première lettre (1 Pierre 5.13). Les relations de Marc avec Paul se renouèrent plus tard. Paul lui rendit toute sa confiance et son affection. Dans les lettres qu’il écrivit durant sa première et sa seconde captivité, il parle de lui comme d’un aide très utile dans son ministère et fidèle à partager ses souffrances (Colossiens 4.10 ; Philémon 1.23 ; 2 Timothée 4.11). Il semble cependant, d’après les témoignages unanimes des plus anciens Pères de l’Église, que Marc fut surtout en rapports suivis et intimes avec Pierre, dont il était le collaborateur et l’interprète dans ses voyages missionnaires.

II

1.

Cette collaboration de Marc avec l’apôtre Pierre est confirmée par le contenu de notre second Évangile et jette une vive lumière sur son origine. Nous avons déjà cité les paroles de Papias, rapportées par Eusèbe (Histoire Ecclésiastique, III, 39). Il résulte de ce témoignage que Marc écrivit les choses dites ou faites par le Christ d’après les récits de l’apôtre Pierre dans ses prédications et qu’il rédigea son ouvrage, non suivant l’ordre chronologique ou l’ordre des matières, mais en rangeant les faits selon que sa mémoire les lui rappelait. Ce témoignage de Papias qui présente les prédications de Pierre comme la source de notre Évangile, est répété d’une voix unanime par Irénée (Eusèbe, V, 8), par Origène (Eusèbe, VI, 25), par Eusèbe (III, 24), par Tertullien (Contre Marcion, IV, 25), par Jérôme (Catalogue des hommes illustres, 8). Nous avons de plus un rapport indépendant de ceux que nous venons de citer et qui y ajoute quelques circonstances importantes : Voici, dit Clément d’Alexandrie, quelle fut l’origine de l’Évangile de Marc. Comme Pierre annonçait l’Évangile à Rome par la puissance de l’Esprit, ses nombreux auditeurs prièrent Marc, qui l’accompagnait depuis longtemps et qui se souvenait de ses discours, d’écrire les choses racontées par lui. Marc composa donc son Évangile et le communiqua à ceux qui le lui avaient demandé ; ce que Pierre ayant appris, il ne voulut ni s’opposer à cette demande, ni l’encourager. Eusèbe, qui nous a conservé ce récit dans son Histoire Ecclésiastique (VI, 4), le confirme lui-même avec tous ces détails dans un autre endroit de son livre (II, 15). Il n’y a, dans ce rapport, qu’un point obscur et qui pourrait susciter quelque doute. C’est la présence de Pierre à Rome, qui est affirmée par les Pères des premiers siècles, tandis qu’elle paraît contraire au témoignage du Nouveau Testament (Comparez l’Introduction à l’épître aux Romains, 3). Même si l’on se refusait à l’admettre, il n’y aurait pas de raison pour rejeter la tradition concernant l’origine de l’Évangile de Marc. Mais nous pensons que Pierre vint à Rome vers l’an 64. Notre Évangile aura été écrit par Marc, à Rome, cette année-là ou les années suivantes.

2.

Si maintenant nous ouvrons le livre même, y retrouvons-nous des indices qui confirment ces données historiques ? Cela ne paraîtra douteux à aucun lecteur attentif. Et d’abord, que Marc, Juif d’origine, ait écrit pour des hommes étrangers à sa nation, c’est ce qui est évident au premier coup d’œil. Tandis que Matthieu, qui s’adresse à son peuple, lui montre, à chaque fait de la vie du Sauveur, l’accomplissement des prophéties, Marc ne cite qu’une seule fois l’Ancien Testament (1.2, 3). En revanche, il explique partout les usages israélites, ainsi que les mots hébreux qu’il lui arrive d’employer (5.41 ; 7.34 ; 14.36). L’évangéliste a donc en vue des lecteurs étrangers. À quelle nation appartenaient-ils ?

Nous venons de voir que les Pères assignent à notre Évangile Rome comme lieu d’origine. On l’aurait deviné, même sans ce témoignage, en voyant tous les mots latins que l’auteur emploie. Il appelle speculator un soldat de la garde d’Hérode (6.27) ; centurion, un capitaine (15.39,44,45) ; xestès, un vase de six mesures (7.4). Il traduit en latin un mot grec (15.16) ; il indique même en monnaie romaine la valeur d’une pièce d’argent en usage chez les Juifs (12.42).

Nous avons vu encore que les écrivains ecclésiastiques les plus anciens considèrent les récits évangéliques de la prédication de Pierre comme la source de notre Évangile, qui en serait le résumé. Cette opinion explique une foule de traits de détail qui ne peuvent procéder que d’un témoin oculaire. Marc, plus que les autres Évangiles peint les situations, rapporte les scènes d’une manière dramatique et note les attitudes et les gestes des personnages, de Jésus en particulier. Le lépreux guéri se met à divulguer partout ce miracle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans la ville (1.45) Au moment de guérir l’homme à la main sèche, Jésus promène sur ses adversaires ses regards avec colère et avec tristesse (3.5). Deux fois nous lisons que la foule qui se pressait autour de Jésus et de ses disciples était si nombreuse qu’il n’avait pas même le temps de manger (3.20 et 6.31). Pendant la tempête, Jésus était à la poupe dormant sur un oreiller (4.38). L’auteur sait le nombre de ces pourceaux qui périrent dans la mer : Il y en avait environ deux mille (5.13). Nous apprenons que les disciples, dans leur première mission, oignaient d’huile certains malades qu’ils guérissaient (6.13). Jésus, au moment de guérir un sourd-muet, soupira et dit en hébreu Ephphata ! c’est-à-dire, ouvre-toi ! (7.34) Jésus accueille avec amour les petits enfants qui lui sont présentés, en les entourant de ses bras (10.16). Quand le jeune homme riche vient à lui, sincère dans son illusion d’avoir gardé toute la loi, Jésus, l’ayant regardé, l’aima (10.21). Jésus monte pour la dernière fois à Jérusalem, marchant devant ses disciples effrayés, qui le suivent, saisis de crainte (10.32). L’aveugle de Jéricho, que Jésus appelle pour le guérir, jette son manteau et s’élance vers lui (10.50). C’est par Marc seul encore que nous connaissons le trait de ce jeune homme qui suivait Jésus en Gethsémané au moment où les disciples s’enfuirent (14.51, 52), et que nous savons que ce Simon de Cyrène, qui eut le privilège de porter la croix du Sauveur, était le père de deux hommes connus dans l’Église primitive, Alexandre et Rufus (15.21). Nous pourrions citer encore divers autres traits, particuliers à notre Évangile, mais ceux que nous avons indiqués suffisent pour nous convaincre que l’auteur est en effet l’interprète d’un témoin oculaire.

Or, que ce témoin oculaire soit l’apôtre Pierre, c’est ce dont notre Évangile renferme encore quelques indices significatifs. Pierre y tient une place notable et maint récit porte la trace de ses souvenirs personnels ; mais d’autre part cet Évangile passe sous silence tout ce qui était à la louange de l’apôtre et met au grand jour ce qui pouvait l’humilier. Dans la scène de Césarée de Philippe, Marc n’oublie ni la faute de Pierre, ni la terrible parole du Seigneur : Va, arrière de moi, Satan ! car tu ne comprends pas les choses qui sont de Dieu, mais celles qui sont des hommes ! Mais il omet ces belles paroles d’approbation prononcées quelques instants auparavant : Tu es heureux, Simon, Fils de Jona… Je te dis aussi que tu es Pierre et que sur cette pierre j’édifierai mon Église (Marc 8.32-33 ; comparez Matthieu 16.17 et suivants). Dans le récit de la tempête, il n’est pas dit que Pierre eut assez de foi pour s’élancer au-devant de son Maître en marchant sur les eaux (Marc 6.47 et suivants ; comparez etthieu 14.28 et suivants). Le reniement de Pierre est aggravé par la mention du double chant du coq (Marc 14.30, 72). Des traits pareils ne sauraient procéder de l’évangéliste, mais bien de l’apôtre dont il recueillait les récits.

III

Tout en puisant ses matériaux dans ses souvenirs de la prédication de Pierre et en reproduisant avec fidélité les récits de l’apôtre, l’auteur du second Évangile a cependant un but bien marqué, et il suit pour l’atteindre un plan qui lui appartient en propre. Dès la première ligne, il donne à son écrit ce titre remarquable : Commencement de la bonne nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Son but est donc tout différent de celui de Matthieu, qui écrit en tête de son ouvrage : Livre de la naissance de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. Marc n’a pas l’intention de montrer dans la vie de Jésus l’accomplissement des révélations précédentes de Dieu à son peuple. Il veut plutôt mettre immédiatement en relief la gloire et la grandeur divines de la personne de Jésus-Christ, se manifestant dans ses actions, plus encore que dans ses discours. Sans omettre les enseignements du Sauveur, il les place dans des entretiens qui sont toujours dans un rapport direct avec ses œuvres. Aussi l’impression produite par ces œuvres sur la foule est-elle habituellement celle de l’étonnement et de l’admiration. Ce sentiment déborde à chaque trait du récit. L’auteur en est tout pénétré lui-même : Et tous étaient stupéfaits (1.27) ; et la ville entière était rassemblée à la porte (1.33) ; tellement qu’il ne pouvait plus entrer publiquement dans la ville (1.45) ; de sorte qu’ils étaient tous hors d’eux, comme en extase (5.42), etc (Voir Frédéric Godet, Études bibliques, 2e série, page 35).

En faisant passer sous ses yeux une suite de tableaux pleins de fraîcheur et de vie, Marc éveille dans l’âme du lecteur des sentiments analogues à ceux qu’il se plaît à noter dans la foule spectatrice des actes du Christ. La divine figure du Sauveur des hommes domine la narration et apparaît dans toute sa grandeur.

La marche que suit notre évangéliste est de la plus grande simplicité. Il ne groupe pas ses matériaux, comme Matthieu, suivant l’ordre pragmatique. Il n’a pas, comme Luc, des préoccupations d’historien exact et précis. Il nous dépeint le premier essor de l’activité du Christ à Capernaüm et sur les bords du lac de Génézareth ; il nous montre l’enthousiasme qu’elle excite, mais aussi l’opposition qu’elle rencontre bientôt. Cette opposition va grandissant ; elle opère une division dans la foule et groupe autour de Jésus un petit nombre d’adhérents fidèles ; elle contraint enfin Jésus à se retirer à l’écart ; dans ces retraites successives Jésus se consacre à l’éducation des disciples qui l’ont suivi. Après nous avoir tracé ce tableau du ministère de Jésus en Galilée, l’évangéliste nous le fait voir s’acheminant vers Jérusalem, où il entre en triomphateur, lutte dans le temple, est condamné et crucifié, ressuscite le troisième jour. Quoique ce plan général ne présente pas dans le détail des articulations bien marquées, on peut cependant indiquer les divisions suivantes :

Introduction

Jean-Baptiste, baptême et tentation de Jésus (1.1-13).

Le ministère de Jésus en Galilée

  1. Tableau de l’activité du Christ. La prédication du royaume ; vocation de quatre disciples. Jésus à Capernaüm : enseignement dans la synagogue. Guérisons d’un démoniaque, de la belle-mère de Pierre, de nombreux malades. Jésus en prière. Il parcourt la Galilée ; il guérit un lépreux ; sa renommée se répand (1.14-15).
  2. Opposition croissante des pharisiens. Au retour de Jésus à Capernaüm, elle se manifeste à l’occasion de la guérison d’un paralytique, de la vocation de Lévi et de deux violations du repos sabbatique (2.1 à 3.6).
  3. Première retraite de Jésus. Toujours suivi de la multitude, il se retire au bord du lac, où il opère des guérisons ; sur la montagne, où il choisit les douze ; dans la maison, où il repousse les calomnies de ses adversaires et les efforts des siens pour le retenir. Il enseigne en paraboles. Il apaise la tempête. Il guérit un démoniaque chez les Gadaréniens. De retour à Capernaüm, il guérit une femme et ressuscite la fille de Jaïrus. À Nazareth, il rencontre de l’incrédulité (3.7 à 6.6).
  4. Mission des douze et retraite de l’autre côté du lac. Jésus adresse un appel au peuple en envoyant les douze. Hérode fait mettre à mort Jean-Baptiste. Quand les douze sont de retour, Jésus les conduit à l’écart sur l’autre rive. Les foules le rejoignent ; il multiplie les pains. Il marche sur la mer. Il opère des guérisons dans le pays de Génézareth (6.7-56).
  5. Attaque des pharisiens et des scribes de Jérusalem. Retraite à Tyr et à Sidon. Jésus questionné sur la tradition, censure les pratiques des pharisiens. Il se rend dans le territoire de Tyr : la femme cananéenne. Il revient vers la Galilée par la Décapole : guérison d’un sourd-muet ; seconde multiplication des pains (7.1 à 8.10).
  6. Nouvelle attaque des pharisiens. Jésus à Césarée de Philippe. La transfiguration. Les pharisiens demandent un signe du ciel. Le levain des pharisiens. Jésus, après avoir guéri un aveugle à Bethsaïda, se retire à Césarée de Philippe. Pierre le reconnaît comme Messie. Jésus est transfiguré. Il guérit un démoniaque. Il revient en Galilée, annonçant à ses disciples ses souffrances et sa mort, et leur donnant des instructions sur la vraie grandeur et sur les scandales (8.11 à 9.50).

La Passion de Jésus à Jérusalem

  1. En route pour Jérusalem. En Pérée, Jésus répond à une question des pharisiens sur le divorce, bénit les petits enfants, s’entretient avec le jeune homme riche et parle à ses disciples de l’héritage de la vie éternelle. Il annonce sa mort et sa résurrection. Demande des fils de Zébédée. L’aveugle Bartimée guéri à la sortie de Jéricho (10.1-52).
  2. L’entrée royale. Entrée à Jérusalem. Retour à Béthanie. Le figuier maudit. Les vendeurs chassés du temple. Les principaux délibèrent. Entretien sur la puissance de la foi (11.1-26).
  3. La lutte dans le temple. Attaque officielle du sanhédrin : l’autorité de Jésus ; parabole des vignerons ; la pierre de l’angle. Questions sur le tribut à César, la résurrection, le plus grand commandement. Jésus demande : De qui le Christ est-il fils ? Il censure les scribes et admire une pauvre veuve (11.27 à 12.44).
  4. Le discours sur les derniers temps. Les disciples font admirer à Jésus les édifices du temple. Il annonce leur ruine, puis, assis sur le mont des Oliviers, il prédit les événements qui précéderont la fin, la destruction de Jérusalem et l’avènement du fils de l’homme. Il exhorte à la vigilance (13.1-37).
  5. Les adieux de Jésus aux siens. Le repas de Béthanie. La trahison de Judas. Le repas de la Pâque et l’institution de la cène (14.1-26).
  6. Gethsémané. Agonie de Jésus. Son arrestation (14.27-52).
  7. Le procès. Jésus devant les autorités juives ; reniement de Pierre. Jésus devant Pilate (14.53 à 15.20).
  8. La mort de Jésus. Son crucifiement. Sa sépulture (15.21-47).
  9. La résurrection et l’ascension de Jésus (Chapitre 16).