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Introduction aux Chroniques
Bible Annotée

I. Nom, plan et but

Les deux livres des Chroniques n’en formaient primitivement qu’un seul. La division en deux livres a été introduite par les traducteurs grecs ; elle a passé de là dans la Vulgate, puis dans les traductions modernes et dans les éditions imprimées du texte hébreu de l’Ancien Testament.

Le nom hébreu est : Dibré haïamim (Affaires des jours), assez bien rendu par le mot de chroniques, proposé déjà par Jérôme. Seulement par chroniques ou annales nous devons entendre, dans ce cas particulier, non pas une histoire composée au fur et à mesure des événements, mais un écrit rédigé plus tard, sur la foi de documents antérieurs. Sans doute le terme hébreu avait primitivement le sens de notre mot « chronique ». Mais il a pris avec le temps le sens plus général d’ « histoire,«  qui est ici le seul admissible, car, d’un bout à l’autre du livre, on reconnaît la même langue et la même pensée inspiratrice. La traduction grecque des Septante donne aux Chroniques le nom de Paraleipomena, qui signifie :  »Choses laissées, choses omises ». Ce nom vient sans doute du fait que le livre des Chroniques contient bien des renseignements qui ne se trouvent pas dans les livres historiques parallèles de l’Ancien Testament et l’on a supposé qu’il avait été écrit pour servir de supplément à ces derniers. Cette supposition n’est du reste pas juste, et le nom hébreu est préférable au nom grec.

Le livre des Chroniques embrasse une très longue période, qui va de la création du monde à l’édit de Cyrus en 536 avant J-C ; mais, en fait, il ne raconte avec quelque détail que l’histoire de David, celle de Salomon, puis celle des rois de Juda, du schisme à l’exil, et encore ici trouve-t-on bien des omissions.

L’ouvrage se divise en quatre parties :

  1. 1 Chroniques 1.1 à 9.34 : série de généalogies, commençant avec Adam et allant jusqu’à l’exil et même jusqu’après l’exil. Ces généalogies sont destinées à donner un rapide aperçu de l’histoire primitive du monde, puis un exposé de l’état des différentes tribus dans la période anté-exilique. Les deux tribus qui occupent la plus grande place sont celle de Juda, la tribu royale, et celle de Lévi, la tribu sacerdotale. Celle de Zabulon est complètement omise ; celle de Dan semble l’être également. Comparez cependant 7.12. Les chapitres 8 et 9 doivent être distingués des précédents : ils se rapportent vraisemblablement à la période qui suivit immédiatement l’exil.
  2. 1 Chroniques 9.35 à 29.30 : histoire de David. L’auteur l’introduit par le récit de la mort de Saül, qu’il fait précéder d’une généalogie de ce roi déjà donnée 8.25 et suivants. Puis il passe directement à l’onction de David comme roi sur les douze tribus, omettant ainsi toute la première partie de sa vie (1 Samuel chapitres 16 à 30 ; 2 Samuel chapitres 1 à 4). Il omet également plus tard l’histoire de Bathséba, celle d’Absalom et la révolte de Séba (2 Samuel chapitres 11 à 20), enfin les derniers jours de David (1 Rois chapitres 1 et 2). En revanche, il donne, de plus que les livres de Samuel, outre de nombreux détails sur le transport de l’arche à Jérusalem, toute une partie relative à l’organisation du culte et aux immenses préparatifs de David pour la construction du temple.
  3. 2 Chroniques chapitres 1 à 9 : histoire de Salomon. Ici les Chroniques différent peu du livre des Rois. Les additions ne sont pas considérables et les omissions portent seulement sur la construction du palais royal et l’idolâtrie de Salomon.
  4. 2 Chroniques chapitres 10 à 26 : histoire des rois de Juda. L’auteur commence par raconter le schisme d’Israël sous Roboam ; puis il laisse complètement de côté le royaume du Nord et ne le mentionne plus que pour autant qu’il a été en relation avec celui de Juda. Même dans le royaume de Juda, tout ne l’intéresse pas également. Il relève avec soin les événements qui ont été une récompense ou un châtiment pour l’observation ou la non-observation de la loi, mais il s’arrête tout particulièrement sur ce qui a rapport au culte. Le livre se termine brusquement par la mention de l’édit de Cyrus, qui n’est rapporté qu’en partie ; la dernière phrase est inachevée.

De tout ce que nous venons de dire et plus encore d’une étude détaillée du livre, il résulte que, dans le cadre d’une histoire complète du peuple de Dieu, l’auteur des Chroniques a voulu raconter ce qui concernait l’organisation et les destinées du culte lévitique tel qu’il existait de son temps, pour autant que ces renseignements ne se trouvaient pas dans le Pentateuque. Le livre des Chroniques est, à ce point de vue, la continuation du Code sacerdotal. De là les renseignements relatifs à la division des prêtres en vingt-quatre classes, l’attention toute particulière donnée à l’organisation des lévites, chantres et portiers, le soin avec lequel plusieurs grandes fêtes sont, racontées, la grande place que prend la construction du temple avec les préparatifs y relatifs. Mais à côté de ce but que nous pouvons appeler historique, l’auteur poursuit un but parénétique. Il aime à mettre les événements en rapport étroit avec la conduite bonne ou mauvaise des différents souverains ; de là ces nombreux discours prophétiques qu’il joint à sa narration et les jugements qu’il porte lui-même sur tel ou tel roi. Le point de vue auquel il se place dans ses jugements est en rapport avec l’importance qu’il attache au culte. La loi qu’il veut voir observée est celle qui a pour objet principal le service de l’Éternel dans le sanctuaire de Jérusalem avec le personnel légitime et selon les rites consacrés.

II. Sources

Pour les neuf premiers chapitres l’auteur a eu à sa disposition tout d’abord les livres antérieurs de l’Ancien Testament, spécialement le Pentateuque et Josué. Mais comme il donne plusieurs généalogies et notices qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament, il a dû puiser à d’autres sources encore, aujourd’hui perdues. À plusieurs reprises l’auteur mentionne les registres généalogiques dans lesquels étaient inscrits les noms des membres de chaque tribu. Malheureusement il ne donne la date exacte de la rédaction de ces notices que pour Gad (5.17 : au temps de Jotham de Juda et de Jéroboam d’Israël), pour Issacar (7.2 : au temps de David), et pour les habitants de Jérusalem indiqués chapitre 9.

Dans la suite du livre il mentionne plusieurs recensements au temps de David (23.3 et 27 ; 25.31 ; 27.24). Comparez en outre Néhémie 12.23 ; 7.5. Il résulte de Esdras 2.62 et de Néhémie 7.64 qu’on attachait après l’exil une grande valeur aux anciens registres généalogiques. Mais il est peu probable que l’auteur des Chroniques ait eu directement entre les mains les registres eux-mêmes. Il en a trouvé sans doute, consignés ici et là, des extraits qu’il a réunis dans son livre.

Pour les trois dernières parties de son ouvrage, l’auteur mentionne les sources suivantes :

1°) Une grande source historique qu’il appelle de différents noms :

  • Livre des rois de Juda et d’Israël : 2 Chroniques 16.11 ; 25.26 ; 28.26
  • Livre des rois d’Israël et de Juda : 2 Chroniques 27.7 ; 35.27 ; 36.8
  • Chroniques des rois d’Israël : 2 Chroniques 33.18
  • Livre des rois d’Israël : 2 Chroniques 20.34.

Tous ces noms désignent évidemment le même livre, racontant l’histoire des deux royaumes. C’était un seul livre, puisqu’il porte le titre de livre des rois d’Israël à l’occasion de deux rois de Juda, dont l’un, Manassé (33.18), est postérieur à la chute du royaume du Nord.

2°) Un livre historique, peut-être identique avec le précédent, cité une fois et appelé midrasch, commentaire du livre des rois (2 Chroniques 24.27).

3°) Une série de sources prophétiques, appelées visions ou paroles de tel ou tel prophète :

  1. Paroles de Samuel, de Nathan et de Gad, utilisées pour le règne de David : 1 Chroniques 29.29
  2. Paroles (le Nathan, prophétie d’Ahija et vision de Jeddo, utilisées pour Salomon : 2 Chroniques 9.29
  3. Paroles de Sémaïa et d’Iddo, pour Roboam : 2 Chroniques 12.15
  4. Midrasch du prophète Iddo, pour Abijam : 2 Chroniques 13.22
  5. Paroles de Jéhu, fils de Hanani, insérées dans le livre des rois d’Israël, pour Josaphat : 2 Chroniques 20.34
  6. La vision d’Ésaïe, le prophète, insérée dans le livre des rois de Juda et d’Israël, pour Ézéchias : 2 Chroniques 32.32
  7. Les paroles de Hozaï, pour Manassé : 2 Chroniques 33.19.

Faut-il ajouter à cette liste une histoire d’Ozias écrite par Ésaïe (2 Chroniques 26.22) ? Nous ne le pensons pas, car la manière en laquelle l’auteur s’exprime semble indiquer que ce passage est un renseignement qu’il doit à l’une de ses sources, plutôt qu’une formule de renvoi à un livre connu de son temps.

Nous laissons de côté la question de savoir si ces sources étaient distinctes à l’heure où l’auteur les a utilisées, ou bien si elles étaient déjà partie intégrante de l’ouvrage principal qu’il cite habituellement ; on admet généralement aujourd’hui que tous ces écrits prophétiques n’étaient pas des écrits indépendants, et qu’ils étaient déjà incorporés an grand ouvrage mentionné plus haut sous 1°). Mais une question plus importante est celle du rapport des Chroniques avec nos livres de Samuel et des Rois. Notre auteur les a évidemment connus, car il vivait longtemps après leur publication ; il y a entre eux et son livre trop de points de contact, une ressemblance trop grande dans nombre de récits (par exemple : histoire de Salomon), pour qu’il ne les ait pas mis à profit ou du moins n’ait pas employé les mêmes sources. Mais de là à admettre que les Chroniques n’ont puisé que dans les livres de Samuel ou des Rois, il y a loin. Les Chroniques renferment des renseignements que ces livres-là ne possèdent pas. De plus, Samuel et les Rois ont des sources distinctes pour les rois de Juda et d’Israël, tandis que, comme nous l’avons dit, les Chroniques ne citent pour les uns et les autres qu’une seule source.

III. Rapport des Chroniques avec les livres d’Esdras et Néhémie

Ces trois livres ont bien des traits communs : style, conception historique, objets principaux de la narration ; même intérêt pour les registres généalogiques, pour les grandes fêtes, pour les institutions lévitiques, pour l’organisation des prêtres et des lévites, avec le retour des mêmes expressions ; la lignée des souverains sacrificateurs, dans Néhémie chapitre 12, est poursuivie à peu près jusqu’à la même époque que celle des descendants de David 1 Chroniques chapitre 3 ; les chantres et les portiers occupent partout une grande place, etc. Ces considérations, ainsi que le fait qu’anciennement, chez les Juifs, Esdras et Néhémie ne formaient qu’un seul ouvrage, et la manière si brusque en laquelle se terminent les Chroniques, ont engagé parfois à admettre que primitivement ces trois ouvrages n’en formaient qu’un seul. Mais il est peu probable qu’on eût transposé les principales parties dont il se composait, de manière à placer les Chroniques après Esdras et Néhémie ; puis il ne faut pas oublier que les Septante ont déjà trouvé les Chroniques séparées des deux autres livres.

IV. Temps de la composition. Auteur

La fin du livre ne permet pas d’admettre qu’il ait été composé avant le retour de l’exil, pas plus que le rapport étroit avec les deux livres d’Esdras et de Néhémie ne permet de le placer avant l’époque où vivaient ces deux hommes. Il faut même descendre beaucoup plus bas. En effet il est question dans 1 Chroniques 29.7, au temps de David, de dariques, monnaie perse. Un tel anachronisme n’est possible que longtemps après l’établissement de la souveraineté des rois perses sur la Palestine, car il fallait que cette monnaie fût devenue monnaie courante pour pouvoir être transportée ainsi dans la période anté-exilique. Dans le premier siècle de la domination persane cet anachronisme serait difficilement explicable. En outre, la lignée des descendants de Zorobabel est poussée au moins jusqu’à la sixième génération après ce prince (l Chroniques 3.19-24). Si l’on compte trente ans par génération, cela fait une période de 180 ans, qui nous conduit au moins jusqu’en 350 avant J-C. Si l’auteur d’Esdras et de Néhémie est le même que celui des Chroniques, on arrive au même résultat par la série des souverains sacrificateurs, qui y est poursuivie jusqu’à Jaddua, contemporain, d’après Josèphe, de l’invasion macédonienne. Voir Néhémie 12.10-11.

Il n’y a pas dans les Chroniques d’autres indices permettant de fixer le temps où elles furent composées. Quant à l’auteur, nous ne le connaissons pas. Il résulte de ce qui précède qu’il ne peut être Esdras, ainsi que le supposent les rabbins. Il était probablement lévite ou sacrificateur ; peut-être même pourrait-on supposer qu’il était chantre ou portier, attendu qu’il montre pour les employés subalternes un intérêt aussi grand, si ce n’est plus grand, que pour les lévites et les sacrificateurs.