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Introduction à Abdias
Bible Annotée

Nous ne savons rien de la vie du prophète Abdias. Les livres des Rois et des Chroniques ne le mentionnent nulle part, et son propre livre ne contient sur lui aucun renseignement personnel. Tout au plus pouvons-nous supposer avec certitude qu’il était de la tribu de Juda ; car il est surtout préoccupé de la conduite des Édomites envers Jérusalem. La tradition fait de lui soit un prosélyte iduméen, soit le maître d’hôtel d’Achab (1 Rois 18.3), soit le troisième capitaine envoyé contre Élie (2 Rois 1.13) ; mais ce sont là de pures suppositions qui n’ont aucune valeur ou qui sont même manifestement fausses. On pourrait plutôt penser à l’identifier avec le personnage de ce nom qui fut envoyé avec plusieurs autres par Josaphat pour enseigner la loi aux villes de Juda (2 Chroniques 17.7). Seulement on s’attendrait à ce qu’il fût appelé dans les Chroniques Abdias le prophète.

La prophétie d’Abdias est dirigée contre les Édomites. Ceux-ci avaient profité de l’envahissement de Juda et de la prise de Jérusalem par des armées ennemies, pour se tourner contre le peuple de Dieu, aggraver ses malheurs et s’enrichir de ses dépouilles. Pour cette conduite, le prophète leur annonce qu’ils seront enveloppés dans le jugement général dont l’Éternel frappera tous les peuples païens, que Juda, rétabli dans ses possessions, sera l’instrument de leur châtiment, et que, tandis qu’ils périront comme nation, Juda deviendra le centre du règne de Dieu.

À quelle époque faut-il placer cette prophétie ? Les opinions les plus divergentes ont été émises sur ce point. On envisage souvent Abdias comme le contemporain de Jérémie, témoin, comme lui, de la destruction de Jérusalem par Nébucadnetsar. Quelques-uns le placent plus tard encore, sous la domination persane ou sous les successeurs d’Alexandre, d’autres, enfin, lui assignent la première ou l’une des premières places en date parmi les prophètes dont nous possédons les écrits. Il y a un écart de cinq siècles entre les deux opinions extrêmes.

En faveur de la première, on allègue que la ruine de Jérusalem, dont parle Abdias, est tout naturellement celle qui a précédé immédiatement la captivité de Babylone, puisque la conduite hostile des Édomites à cette époque est constatée par plusieurs autres passages (Lamentations 4.21-22 ; Ézéchiel 35 et Psaumes 137.7). Si les Chaldéens, auteurs de cette ruine, ne sont pas nommés, cela ne prouve rien, puisque, dans tous les cas, le vrai destructeur est passé sous silence, et que c’est presque uniquement à Édom, comme frère ennemi, qu’en veut le prophète. Mais les versets 10 à 14 n’impliquent point nécessairement l’entière destruction de Jérusalem ; les termes employés s’appliquent même plus naturellement à un désastre moins complet. Puis ces mêmes versets, ainsi que le verset 19, supposent que Juda est en possession de son territoire, puisqu’Abdias énumère les conquêtes à faire par chaque district du royaume, ce qui ne se comprendrait pas si le peuple était en captivité. De plus, les prisonniers dont le retour est prédit, verset 40, sont, non pas le peuple entier, mais une partie seulement de la nation (voir la note). Enfin, la raison la plus péremptoire est le rapport qui existe entre les versets 1 à 9 et Jérémie 49.7 et suivants. Si l’on compare ces deux passages, on est frappé de leur ressemblance : certains versets se retrouvent presque sans modifications chez l’un et chez l’autre prophète. Comparez Abdias 4 à 6 et 8 avec Jérémie 49.14,15,16,9,10 et 7. L’un des deux doit avoir cité ou imité l’autre. Or, il est très clair que la priorité ne peut appartenir qu’à Abdias. Jérémie a l’habitude constante de rattacher ses prophéties à celles de ses devanciers (comparez l’oracle contre Moab, chapitre 48, avec celui d’Ésaïe, chapitres 15 et 16 ou celui contre les Philistins, chapitre 47, avec celui d’Ésaïe, 14.28-32), tandis qu’il serait étrange qu’une prophétie aussi courte que celle d’Abdias ne fût pas originale. De plus, Abdias présente un texte suivi, très simple et très clair, passant logiquement d’une pensée à une autre ; la continuité des idées, au contraire, fait défaut dans le texte de Jérémie ; ce sont plutôt des phrases détachées qui ressemblent à des citations. Enfin, le style d’Abdias est beaucoup plus rude et a la couleur bien plus antique que celui de Jérémie, qui est plus travaillé. Or, ce dernier ayant certainement écrit avant la ruine de Jérusalem, la prophétie d’Abdias, qui a été reproduite par lui, ne peut être postérieure à cet événement. Cette relation entre les deux prophètes exclut à plus forte raison la seconde opinion, qui place Abdias au temps de la domination persane ou grecque. Pour échapper à cette raison, on a supposé l’existence d’une prophétie antique et anonyme qu’auraient employée les deux prophètes. Mais en faveur de cette conjecture, en soi fort improbable, on ne saurait alléguer aucune raison solide.

C’est à la troisième opinion que nous croyons ainsi devoir nous ranger. Ézéchiel (Ézéchiel 35.5) caractérise le sentiment des Édomites envers Israël comme celui d’une inimitié éternelle. Ce sentiment avait donc commencé à se manifester longtemps avant l’époque de la captivité, où vivait ce prophète. C’est ce qui ressort également des paroles des prophètes les plus anciens, Joël (Joël 3.19) et Amos (Amos 1.11-12). Abdias fait par conséquent allusion à une catastrophe antérieure à la destruction de Jérusalem par les Chaldéens et dans laquelle les Édomites avaient déjà joué un rôle perfide envers Israël. Nous connaissons trois prises de Jérusalem, antérieures aux deux qui ont précédé de près la captivité de Babylone : la plus ancienne sous Roboam, fils de Salomon, par Sisak, roi d’Égypte (1 Rois 14.25 ; 2 Chroniques 12.2ss) ; une seconde sous Joram, par les Philistins, et les Arabes (2 Chroniques 21.16ss) ; la plus récente sous Amatsia, par Joas, roi d’Israël (2 Rois 14.13ss ; 2 Chroniques 25.23ss). Il ne peut être question ici de la première, puisque les Édomites, soumis du temps de Salomon à Juda, ne commencèrent, à se révolter que beaucoup plus tard, sous Joram (2 Rois 8.20-22 ; 2 Chroniques 21.8-10). La troisième ne peut pas entrer non plus en ligne de compte, puisqu’elle fut consommée par un roi d’Israël, tandis que celle dont parle Abdias est attribuée par lui à des étrangers (verset 11).

Il ne reste donc que celle qui eut lieu sous Joram par des bandes de Philistins et d’Arabes, auxquelles se joignirent les Édomites devenus tout récemment indépendants.

Joram, fils de Josaphat, régna, selon la chronologie ordinaire, de 889 à 885 avant notre ère. L’invasion des Arabes et des Philistins coalisés eut lieu vers la fin de son règne. Ce ne fut pas une simple incursion de hordes pillardes, mais un terrible désastre dont le souvenir demeura profondément gravé chez le peuple de Juda. Une quinzaine d’années après cet événement, le prophète Joël, puis de nouveau, soixante-dix ans après celui-ci, Amos, rappellent en termes très clairs cette catastrophe (Joël 3.1-8 et 19 ; Amos 1.6-12). Tous deux mentionnent spécialement les Philistins et les Édomites ; tous deux font ressortir ce détail, que de nombreux habitants de Juda avaient été emmenés captifs et vendus à des peuples éloignés ; et avec cette circonstance coïncide d’une manière remarquable le fait, mentionné par les Chroniques (2 Chroniques 21.17), qu’une partie des membres de la famille royale subirent eux-mêmes ce sort ignominieux.

On comprend ainsi les nombreuses coïncidences de pensées et d’expressions qui existent entre Abdias et Joël.

Comparez :

  • Abdias Abdias 1.10 et Joël 3.19
  • Abdias Abdias 1.11 et Joël 3.2,3
  • Abdias début Abdias 1.15 et Joël 3.14 ; Joël 2.1 ; Joël 3.12
  • Abdias fin Abdias 1.15 et Joël 3.4-7
  • Abdias Abdias 1.17 et Joël 2.32 ; Joël 3.17

Il ne paraît pas douteux qu’encore ici la priorité n’appartienne à Abdias ; car Joël lui-même rappelle (Joël 2.32), par cette formule de citation expresse : « comme l’a dit l’Éternel », l’oracle antérieur d’Abdias (Abdias 1.17). Celui-ci a donc écrit entre la prise de Jérusalem, sous Joram (vers 885), et la composition de la prophétie de Joël (vers 870), c’est-à-dire quelques années seulement après l’événement à l’occasion duquel il a prononcé sa menace contre Édom. Pas plus que Joël, il ne fait ressortir les péchés du peuple de Juda ; il ne pense qu’au malheur de son peuple et à la noire lâcheté d’Édom. La position d’Abdias dans le recueil des petits prophètes, qui le lie étroitement à Joël et Amos, s’accorde parfaitement avec le résultat auquel nous sommes ainsi conduits.

Le discours prophétique d’Abdias a trois parties :

Dans la première, Abdias annonce à Édom une convocation des peuples par l’Éternel lui-même, qui amènera sa ruine (Abdias 1.1-9).

La seconde indique à ce peuple la cause du châtiment qui plane sur lui ; c’est sa conduite envers Juda, son frère malheureux, dont l’Éternel prendra la défense (Abdias 1.10-17).

Dans la troisième, Abdias décrit la victoire finale de Juda sur tous ses voisins, et particulièrement sur Édom, et l’établissement sur toute la terre du règne de l’Éternel dont, Juda sera le centre (Abdias 1.18-21).

Ce petit écrit mérite d’autant plus notre attention que, si l’exposé précèdent est conforme à la vérité, nous devons l’envisager comme le plus ancien de nos écrits prophétiques. Aussi retrouve-t-on fréquemment son empreinte chez les suivants.