Le prophète Ésaïe (son nom signifie : « L’Éternel est salut ») était, selon le premier verset du chapitre 1, le fils d’Amots. D’après une ancienne tradition judaïque, ce dernier aurait été un frère du roi Amatsia. Quoi qu’il en soit, Ésaïe avait ses entrées à la cour royale de Jérusalem (Ésaïe 7.3 ; 38.1 ; 39.3). Marié, il était père de deux fils, qui répondaient aux noms de Shear-Jashub (en hébreu, « un résidu reviendra », Es. 7.3) et Maher-Shalal-Hash-Baz (en hébreu, « Qu’on se dépêche de butiner, on hâte le pillage », Ésaïe 8.3).
Le service prophétique d’Ésaïe s’exerça sous les règnes des rois Ozias, Jotham, Achaz et Ézéchias. Ozias commença de régner seul vers 767 avant J.C. et Ézéchias mourut aux alentours de 697 avant J.C. Le ministère du prophète Ésaïe se situe donc pendant cette période. Selon la tradition judaïque, Ésaïe aurait été persécuté par le fils impie d’Ézéchias, le roi Manassé, et scié dans un tronc d’arbre creux (comp. Hébreux 11.37).
Au Moyen Age, pour la première fois, des commentateurs émirent la supposition que les soixante-six chapitres du livre ne seraient pas tous dus à Ésaïe. Vers la fin du 18e siècle, le siècle des lumières, des sceptiques et des théologiens redoublèrent leurs efforts pour démontrer qu’Ésaïe ne pouvait avoir écrit tout le livre. D’aucuns commencèrent par attribuer les chapitres 40 à 46 à un auteur du 6e siècle avant J.C. (deutéro-Ésaïe). Au 19e et au 20e siècle, le démantèlement du livre se poursuivit ; les trente-neuf premiers chapitres furent à leur tour imputés à différents écrivains, et on mit même les chapitres 55 à 66 au compte d’un « trito-Ésaïe » qui aurait vécu au tournant du 6e et du 5e siècle avant J.C. Les critiques avancées portent sur la variété des thèmes abordés et le style soi-disant inégal à l’intérieur des différentes sections, mais surtout sur la mention du nom du roi Cyrus quelque deux cents ans déjà avant son temps (Ésaïe 44.28 ; 45.1).
L’examen détaillé des attaques portées par les critiques bibliques nous éloignerait du sujet fixé ici. Toutefois, remarquons que, dans ce monde, les différences de thèmes et de styles sont également le propre des œuvres de presque tous les auteurs, sans pour autant que la paternité de ces écrits puisse être mise en doute. On ne peut donc évoquer la trop grande disparité de style entre les différentes parties du livre d’Ésaïe. Un tel argument n’est pas crédible. Les ressemblances occupent une place pour le moins aussi importante; citons, par exemple, la fréquence de la mention de Dieu comme le « Saint d’Israël » (voir sous : 3. Ses particularités).
Par ses prophètes, Dieu déclare dès le commencement ce qui sera à la fin (Es. 46.10). La mention du nom de Cyrus longtemps avant son époque en donne une preuve parmi les centaines consignées dans la parole de Dieu. Ce qui caractérise entre autres le prophète, c’est précisément que l’Esprit de Dieu lui communique aussi des choses concernant l’avenir. L’homme de Dieu de Juda évoqua devant le roi Jéroboam le nom du roi Josias quelque trois cents ans avant la naissance de ce dernier (1 Rois 13.2). Ésaïe a prononcé de nombreuses prophéties non seulement sur Cyrus, mais aussi au sujet du Messie: certaines sont déjà réalisées, tandis que d’autres attendent encore leur accomplissement. L’écrivain juif Flavius Josèphe écrit (« Antiquités juives » XI 1.1, 2) que le roi Cyrus de Perse lut avec étonnement les prédictions d’Ésaïe à son égard, et que, peu après, il donna aux Juifs la permission de retourner à Jérusalem (comp. Esdras 1.1-4).
Dans le Nouveau Testament, le livre d’Ésaïe est cité environ soixante-dix fois, davantage que tous les autres écrits des prophètes pris ensemble. Vingt-huit citations viennent à elles seules des chapitres 40 à 66, et onze fois le nom d’Ésaïe se trouve mentionné expressément (Matt. 3.3 ; 8. 17 ; 12. 17 ; Luc 3.4 ; 4.17 ; Jean 1.23 ; 12. 38 ; Actes 8.28-33 ; Rom. 10.16, 20, 21). Le passage le plus remarquable à cet égard se trouve en Jean 12.38-41. Dans ces versets, où l’on trouve des citations d’Ésaïe 53 et 6, le nom du prophète est mentionné trois fois ! La parole de Dieu confirme ainsi elle-même l’unité de ce livre.
La découverte des manuscrits de la mer Morte constitue un autre témoignage clair en faveur de l’unité du livre d’Ésaïe. A Qumran, en 1947, on trouva notamment un rouleau de cuir du 2e siècle avant J.C. d’environ sept mètres de longueur, avec le texte entier du livre d’Ésaïe. Ce manuscrit est la plus ancienne copie complète d’un livre de l’Ancien Testament. Luc (chap. 4, v. 17-20) mentionne un rouleau de ce genre (comparez Actes 8.28-35).
Ésaïe vécut et exerça son ministère durant une période difficile. Le roi Ozias (Azaria) de Juda connut certes un bon commencement, mais plus tard, son cœur s’éleva contre l’Éternel. Son fils Jotham fut, dans une certaine mesure, un roi pieux, tandis que le fils de ce dernier, Achaz, était un idolâtre. Toutefois, Ézéchias suscita un grand réveil du peuple.
À cette époque, le royaume de Juda subissait l’oppression d’ennemis extérieurs : Édom, la Syrie, Israël et les Philistins. Les rois impies du royaume d’Israël, au nord, s’étaient alliés à la Syrie et attaquaient sans cesse Juda (2 Rois 15.37 ; 16.5, 6 ; 2 Chroniques 28.5, 6). Au lieu de s’attendre à l’Éternel, cherchant du secours auprès des Assyriens (2 Rois 16.7 ; 2 Chron. 28.16), les rois de Juda n’obtinrent pas d’aide véritable (2 Chron. 28.20 ; 32.1). Ésaïe fut témoin de l’alliance conclue par le royaume du nord avec l’Égypte contre l’Assyrie, et aussi finalement de la défaite du peuple et de sa transportation en Assyrie, en 722/721 avant J.C. (2 Rois 17). Lorsque, sous Ézéchias, Juda voulut s’affranchir de la domination assyrienne, l’Éternel lui vint en aide (2 Rois 18.7 ; 2 Chron. 32). Mais peu après, Ésaïe dut condamner l’alliance amicale avec Babylone, l’autre grande puissance, et annoncer la captivité babylonienne du royaume de Juda, qui allait survenir une centaine d’années plus tard (2 Rois 18.7 ; 20.12-19).
Ésaïe occupe la première place des livres prophétiques, aussi bien dans les éditions actuelles que dans la bible hébraïque, où il vient en tête des « derniers prophètes ». Ésaïe n’était certes pas le premier prophète, mais son livre constitue l’écrit prophétique le plus long et le plus complet des Saintes Ecritures. Ésaïe est celui qui donne le plus de détails sur le Messie promis (seuls les Psaumes ont un caractère encore davantage messianique) ; cela explique qu’il soit nommé l’« évangéliste parmi les prophètes ». Sa première place parmi ceux qu’on appelle les quatre grands prophètes est par conséquent tout à fait justifiée.
Le livre d’Ésaïe est formé de deux parties principales (Es. 1 à 35 et 40 à 66), séparées l’une de l’autre par une section historique (Es. 36 à 39). La première division contient l’histoire extérieure du peuple de Dieu, la seconde, l’histoire intérieure.
Le première partie (Es. 1 à 35) présente, dans les grandes lignes, des prophéties sur les derniers temps et les voies de Dieu envers Juda, Israël (Es. 1 à 12), et les nations avec lesquelles les Juifs se trouvent en contact (Ésaïe 13 à 27). La description de l’état dans le Millénium fait suite aux six « malheur » (Es. 28 à 35).
Entre la première et la seconde grande division s’intercale une section historique sur la vie du roi Ézéchias (Es. 36 à 39). Elle parle de l’attaque des Assyriens contre Juda et de leur défaite, ainsi que de la guérison d’Ézéchias après une maladie. Par leur place, ces chapitres, en eux-mêmes historiques, appuient les prophéties concernant les ennemis d’Israël et la délivrance du résidu.
La seconde grande division (Ésaïe 40-66) traite de la relation du peuple de Dieu avec le Messie (Christ), et se termine aussi par une description de la domination de Christ dans le Millénium. Les chapitres 40 à 48 présentent la délivrance hors de Babylone et la condamnation des idoles, et les chapitres 49 à 57 montrent les souffrances et la gloire du serviteur de l’Éternel. Les chapitres 58 à 66 contiennent un résumé des pensées et des voies de Dieu envers son peuple terrestre Israël.
Dans tout le livre, le style et le langage d’Ésaïe sont très expressifs. À part quelques rares passages (principalement les Ésaïe 36-39), le texte est rédigé dans la forme versifiée de la poésie hébraïque (voir La poésie hébraïque).
Parmi les différents noms donnés à Dieu dans le livre d’Ésaïe, celui de « Saint d’Israël » occupe une place particulière. Il revient vingt-six fois : Ésaïe 1.4 ; 5.19, 24 ; 10.20 ; 12.6 ; 17.7 ; 29.19, 23 (« Saint de Jacob ») ; 30.11, 12, 15 ; 31.1 ; 37.23 ; 41.14, 16, 20 ; 43.3, 14 ; 45.11 ; 47.4 ; 48.17 ; 49.7 ; 54.5 ; 55.5 ; 60.9, 14. Dans l’Ancien Testament, à part ces versets, ce titre ne se trouve en revanche qu’en 2 Rois 19.22, dans les Psaumes 71.22 ; 78.41 ; 89.18, en Jérémie 50.29 ; 51.5 et en Ézéchiel 39.7 (« Saint en Israël »).
On peut remarquer que l’unité du livre d’Ésaïe est confirmée par ce nom de Dieu : il est cité treize fois dans chacune des deux grandes parties, chapitres 1 à 39 et 40 à 66. Le témoignage se trouve encore particulièrement renforcé par le fait qu’Ésaïe lui-même se sert de ce nom dans les paroles qu’il adresse à Ézéchias en 2 Rois 19.22 !
Le titre « Saint d’Israël » implique que le Dieu d’Israël est absolument séparé de tout mal, car il a les yeux trop purs pour voir le mal. C’est ce qu’expriment aussi, en Ésaïe 6.3, les séraphins qui disent devant le trône : « Saint, saint, saint, est l’Éternel des armées » (comparez Apoc. 4.8).
Un autre terme clé du livre d’Ésaïe est le mot « salut » ou « délivrance » (en hébreu, jeschu’a, respectivement jescha ou teschu’a, d’où est dérivé le nom Je(ho)schua, Josua, qui équivaut en grec à Jésus). Ce mot apparaît dans les passages suivants : Ésaïe 12.2, 3 (fontaines du salut); 17.10 (Dieu du salut); 25.9 (joie du salut) ; 26.1 (murailles du salut), 18 ; 33.2, 6 ; 45.8, 17 (salut éternel); 46.13 ; 49.6, 8 (jour du salut) ; 51.5, 6, 8 ; 52.7 (prédicateur du salut), 10 ; 56.1 ; 59.11, 17 (casque du salut) ; 60.18 ; 61.10 (vêtements du salut) ; 62.1, 11.
Quand bien même le prophète voyait le plus souvent dans ce salut les bénédictions du royaume millénaire, plusieurs des expressions utilisées sont appliquées, dans le Nouveau Testament, au salut éternel durant l’économie de la grâce (comp. Actes 13.47 ; Rom. 10.15 ; 2 Cor. 6.2 ; Eph. 6.17). Ces nombreuses mentions du salut permettent de comprendre l’attribution, à Ésaïe, du nom d’« évangéliste parmi les prophètes ».
À part les Psaumes, aucun autre livre de l’Ancien Testament ne renferme autant de prophéties concernant le Seigneur Jésus que celui d’Ésaïe. Il semble que le prophète avait toujours Christ devant les yeux (comparez Es. 6 et Jean 12.38-41). Les passages les plus importants sont :
En outre, ce livre contient de nombreux autres passages qui parlent du Messie, du rédempteur Jésus Christ.
I. Ésaïe 1 à 35, première grande division : L’histoire extérieure d’Israël | ||
1. Chapitres 1 à 12 | Juda et Jérusalem | |
Chap. 1 | Le triste état de Juda et de Jérusalem | |
Chap. 2 | Restauration de Juda et de Jérusalem | |
Chap. 3 et 4 | Jugement et gloire de Sion | |
Chap. 5 | Israël, la vigne stérile de l’Éternel | |
Chap. 6 | La mission d’Ésaïe | |
Chap. 7 | Le Messie et l’Assyrien | |
Chap. 8 | L’attaque de l’Assyrien | |
Chap. 9 | Espérance et avertissement pour Israël | |
Chap. 10 | L’Assyrie, verge de Dieu | |
Chap. 11 et 12 | Le règne de paix | |
2. Chapitres 13 à 27 | Dix oracles touchant les nations | |
Chap. 13 et 14 | Oracles touchant Babylone et la Philistie | |
Chap. 15 et 16 | Oracle touchant Moab | |
Chap. 17 | Oracle touchant Damas | |
Chap. 18 | Retour d’Israël | |
Chap. 19 | Oracle touchant l’Égypte | |
Chap. 20 | Appendice historique | |
Chap. 21 | Oracles touchant Babylone, Duma et l’Arabie | |
Chap. 22 | Oracle touchant la vallée de vision (Jérusalem) | |
Chap. 23 | Oracle sur Tyr | |
Chap. 24 | Jugement sur toute la création | |
Chap. 25 | Les bénédictions du règne de paix | |
Chap. 26 | Le cantique de la délivrance de Juda | |
Chap. 27 | Châtiment et délivrance | |
3. Chapitres 28 à 35: | Six fois « malheur » | |
Chap. 28 | Malheur sur Éphraïm | |
Chap. 29 | Malheur sur Jérusalem; malheur sur ceux qui méprisent Dieu | |
Chap. 30 | Malheur sur l’alliance avec l’Égypte | |
Chap. 31 | Malheur sur la confiance placée dans les hommes | |
Chap. 32 | Vue sur le règne de paix | |
Chap. 33 | Malheur sur l’Assyrie | |
Chap. 34 | Jugement sur Édom et ses alliés | |
Chap. 35 | La bénédiction du règne de paix | |
II. Ésaïe 36 à 39, section historique : Ézéchias et Ésaïe | ||
Chapitres 36 et 37 | Attaque et défaite de l’Assyrie | |
Chapitre 38 | Maladie et guérison d’Ézéchias | |
Chapitre 39 | Le manquement d’Ézéchias et l’annonce du jugement | |
III. Ésaïe 40 à 66, seconde grande division : L’histoire intérieure d’Israël | ||
1. Chapitres 40 à 48 | L’Éternel exauce son peuple | |
Chap. 40 | Consolation pour Israël | |
Chap. 41 | Israël, le serviteur de l’Éternel | |
Chap. 42 | Le vrai serviteur de l’Éternel | |
Chap. 43 | Pardon de Dieu | |
Chap. 44 | L’Éternel encourage son peuple | |
Chap. 45 | L’Éternel annonce la délivrance | |
Chap. 46 et 47 | La chute de Babylone | |
Chap. 48 | L’amour de Dieu envers un peuple apostat | |
2. Chapitres 49 à 57 | Rejet et souffrances du serviteur de l’Éternel | |
Chap. 49 et 50 | Le vrai serviteur de l’Éternel | |
Chap. 51 | Encouragement du résidu fidèle | |
Chap. 52 | Réveil de Sion et la venue du serviteur de l’Éternel | |
Chap. 53 | « Il a porté le péché de plusieurs » | |
Chap. 54 | Chant de triomphe de Jérusalem | |
Chap. 55 | Grâce pour les nations aussi | |
Chap. 56 | Les rejetés sont reçus | |
Chap. 57 | Le triste état d’Israël | |
3. Chapitres 58 à 66 | Restauration et gloire d’Israël | |
Chap. 58 | Accusation contre Israël | |
Chap. 59 | Chute et confession | |
Chap. 60 | La gloire du royaume de paix | |
Chap. 61 | Le Messie et son peuple | |
Chap. 62 | Gloire de Sion | |
Chap. 63 | Le grand vengeur | |
Chap. 64 | Prière | |
Chap. 65 et 66 | Réponse de Dieu. |
Tiré de « Vue d’ensemble de l’Ancien Testament »,
Arend Remmers, EBLC Chailly-Montreux Suisse.
Cette Bible est dans le domaine public.