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Ville
Dictionnaire Biblique Westphal

Le très grand nombre de « villes » mentionnées dans l’Ancien Testament prouve la portée toute relative de ce terme, qui très souvent ne représente que de petits villages, bourgs et bourgades. Israël fut un peuple agricole, et ses agglomérations d’habitants en conservent le caractère. Seuls le commerce, l’industrie, la politique peuvent créer une cité au sens moderne ; tous ces éléments étaient des plus réduits chez les pasteurs-agriculteurs. Leurs « villes » se sont groupées contre le danger ; sans cet élément, les fermes se seraient sans doute dispersées comme dans nos campagnes de Normandie ou des Vosges lorraines. Mais la sécurité contre les pillards exigeait que la population s’enfermât à l’abri d’un même mur protecteur, souvent bâti sur une hauteur propice à la défense (comparez les vieux villages du Midi construits à l’époque des invasions maures). Les villes dont l’importance s’affirmait devenaient chacune un centre administratif de leur région, et les villages qui en dépendaient étaient appelés en hébreu leurs « filles », ce que nos versions traduisent par « villes de leur ressort » (Nombres 21.25 ; Nombres 21.32 ; Nombres 32.42 ; Josué 15.45 ; Josué 15.47 ; Juges 1.27 etc.) ; inversement, telle grande ville peut être appelée une « mère en Israël » ; voir (2 Samuel 20.19) Banlieue, Village.

1. Murailles

Les murs des villes sont continus, élevés, aussi résistants que possible (Deutéronome 1.28). Mais leur valeur défensive exige un site favorable, éperon rocheux (l’antique Jérusalem), éminence isolée (Méguiddo, Guézer, etc.), par la nécessité qui régit plus tard les châteaux forts du Moyen âge. Les villes importantes possèdent même une citadelle, réduit où toute la population alertée ira chercher son ultime refuge (Juges 9.51 ; 2 Samuel 5.7). Le genre de bâtisse varie beaucoup : il y a les murs de pierres sèches, ceux de pierres mélangées à la terre, ceux de briques (Lakis par exemple). Certains murs, comme à Guézer ou Jérico, ont jusqu’à 5 m d’épaisseur. Des maisons privées donnaient parfois directement sur les murs de la ville (Josué 2.15 ; Actes 9.25). Pour les tours (Psaumes 48.13), voir ce mot ; pour les sacrifices humains liés à la construction des murs (1 Rois 16.34), voir Fondation.

La valeur des murailles dépendait de leur solidité et de la vigilance de leurs gardes. Les savantes machines de guerre étaient redoutables : voir, sur le siège et la prise d’une ville, Ézéchiel 26.7 ; Ézéchiel 26.13, où les terrasses (Ézéchiel 26.8) sont les épaulements élevés devant les murs pour en atteindre la crête, et le bouclier est un grand écran derrière lequel s’abritaient les constructeurs de ce remblai ; les coups de pioche (Ézéchiel 26.9) sont sans doute les coups de bélier (voir Fortifications). Il est parlé de gardes aux murailles dans le beau Psaumes 127.1 et ailleurs (voir Sentinelle).

2. Porte

C’est le point vital et sensible de la cité. On la ferme au coucher du soleil, de crainte des surprises, pour ne la rouvrir qu’à l’aurore (Josué 2.5). Une garde spéciale est parfois logée dans des tours de flanquement (2 Chroniques 26.9). Les portes étaient vulnérables à l’attaque du bélier et même du feu (Néhémie 1.3) ; elles étaient munies de plaques de métal et de verrous de fer (Psaumes 107.16 ; Ésaïe 45.2).

Même en dehors de toute menace, la porte restait le centre de la vie sociale de la ville. C’était le seul endroit où il y eût quelque place pour un rassemblement, les très étroites ruelles étant tout juste accessibles aux piétons et aux bêtes de somme. La grande place, du type de l’« agora » grec (voir Agora) et du « forum » romain, n’est pas asiatique, et Jérusalem elle-même n’en avait pas, en dehors de la terrasse sacrée du Temple. Aussi l’espace devant la porte est-il le lieu des rendez-vous, des rencontres, des attentes oisives, des nouvelles et des commérages (Genèse 23.10 ; Néhémie 8.1 etc.) ; c’est l’emplacement officiel des simples tribunaux locaux ; voir (Deutéronome 21.19 ; Deutéronome 25.7 ; Jérémie 38.7 etc.) Justice rendue. Devant les portes, aboutissement des grandes routes, s’arrêtaient les caravanes, les étrangers (Genèse 19.1). Souvent se trouvait à leurs abords une source, une fontaine, indispensable à la vie domestique (Genèse 24.11). Mésa, roi de Moab, dans sa fameuse stèle, insiste sur l’importance de l’eau dans une ville, et exige une citerne dans chaque maison.

3. Intérieur

L’intérieur de la ville était un méandre de ruelles étroites, bordées de murs sans fenêtres, les ouvertures des maisons (voir ce mot) donnant sur leurs cours. La superficie était fort réduite ; les fouilles ont montré que Lakis occupait moins de six hectares, Méguiddo et Ophel étaient encore plus resserrés. Chaque soir les cultivateurs fatigués se retiraient à l’abri de leurs murs avec leurs familles, y compris les esclaves, « l’étranger qui est dans tes portes » (voir Étranger, paragraphe 3). Certaines rues jouent un assez grand rôle dans la vie sociale que dépeint la Bible (Proverbes 1.20 ; Proverbes 7.8 ; Ecclésiaste 12.7 ; Ésaïe 42.2 ; Matthieu 6.2; Luc 13.26 ; Luc 14.21 etc.) ; ce sont celles des grandes villes et de Jérusalem (2 Samuel 1.20 ; 1 Rois 20.34 ; Jérémie 5.1 ; Jérémie 11.13 ; Jérémie 37.21 ; Lamentations 2.19 ; Ésaïe 51.23 ; Zacharie 8.5 ; Actes 5.15 etc.). La rue Droite, à Damas, mentionnée à propos de la conversion de Saul (Actes 9.11), porte encore aujourd’hui ce nom (en arabe derb el-Moustakîm), sans doute par allusion au texte des Actes, et aussi à cause de sa disposition toujours rectiligne et de son exacte orientation de l’ouest à l’Est, s’étendant sur près de 2 km au milieu de la grande cité commerçante ; c’est un tronçon de la route séculaire des caravanes sur laquelle elle s’ouvre par la porte d’Orient (bâb ech-Cherki). On a retrouvé des vestiges des colonnes qui l’ornaient dans l’antiquité ; mais depuis les aménagements du gouverneur Midhat-Pacha (Mort en 1882), elle consiste surtout en un chemin couvert et carrossable bordé de magasins : le Long-Bazar (soûk et-Taouîlé) ; de tels quartiers de marchands étaient précisément promis à Damas dans 1 Rois 20.34.

4. Sanctuaire

Chaque ville antique avait le sien, un « haut-lieu » (voir ce mot), en général sur une colline ou une éminence (Juges 2.5 ; Juges 6.24 ; Juges 18.31 ; Juges 20.18 etc.). Plus tard, la centralisation du culte israélite au Temple de Jérusalem les fera condamner ; voir (2 Rois 17.9) Sanctuaire.

5. Autorités

Primitivement, la ville pouvait dépendre d’une seule famille (Ophra : Juges 6.24), puis elle fut gouvernée par des anciens (Deutéronome 19.12 ; Juges 8.14 etc.), sans doute plus tard présidés ou supplantés par un officier royal, lorsque la royauté devint assez forte ; voir (Deutéronome 16.18) Gouvernement.

6. Commerce

Les artisans, groupés souvent par quartiers de corporations, exerçaient leur profession de père en fils. Le Nouveau Testament fait allusion au marché (Matthieu 11.16; Luc 11.43), aux places du marché (Matthieu 20.3; Luc 7.32), où l’on s’assemble pour affaires ou pour délassement. Voir Arts et métiers, Commerce.

7. Influence

La plupart des prophètes de l’Ancien Testament eurent à dénoncer l’influence néfaste des grandes villes envahies par le luxe, le plaisir et les exploitations de la civilisation de leur temps. Les Récabites (voir ce mot) avaient conservé par principe les mœurs nomades (voir ce mot), habitant sous des tentes et non dans des villes. Devant les infidélités et la déchéance de la « ville du grand Roi » (Psaumes 48.3 ; Matthieu 5.35), « ville de Dieu » (Psaumes 87.3), « ville de JHVH » (Psaumes 48.9), « ville sainte » (Matthieu 4.5 ; Matthieu 27.53), mais injuste, sanguinaire (Ézéchiel 9.9 ; Ézéchiel 24.6 etc.), châtiée effroyablement par les dévastations guerrières (Jérémie 19.12 ; 2 Rois 25 etc.), plus tard redevenue la ville rebelle, sur laquelle Jésus pleura (Luc 19.41), — les hommes de Dieu rêvèrent souvent d’une ville renouvelée, sanctifiée par l’Éternel (Ésaïe 1.26 ; Jérémie 30.18 ; Jérémie 31.38 ; Ézéchiel 48.35 ; Ésaïe 62.12 ; Zacharie 8.3) ; ce sont ces espérances que reprend le prophète chrétien de l’Apocalypse, dans ses visions (Apocalypse 21 et Apocalypse 22) d’une « Ville sainte », enfin purifiée de toutes ses souillures orientales, humaines, transformée par les inconcevables richesses et illuminée par l’ineffable présence du Dieu de Jésus-Christ (voir Prophète, Israël, etc.). Voir aussi Jérusalem (murs et portes), Cité, Refuge (villes de).


Numérisation : Yves Petrakian