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Sanctification
Dictionnaire Biblique Westphal

1.

Ce terme désigne la réalisation progressive d’une vie de sainteté, dont le secret réside dans la communion avec le Christ vivant, et dans l’abandon à l’action du Saint-Esprit. Comme le croyant ne peut s’offrir à ces influences divines sanctifiantes que par un effort renouvelé de fidélité morale, de vigilance et de prière, la sanctification lui apparaîtra facilement comme le but proposé à sa volonté régénérée, le terme vers lequel il doit marcher. Et dès qu’il saisit ce terme, sous le mode absolu justifié par l’appel de Dieu : « Soyez saints, car je suis saint ! » et par l’enseignement de Jésus : « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ! » il voit s’effacer la distinction entre la sanctification (le chemin) et la sainteté (le but). Sa vocation est une vocation à la sainteté

De nombreux passages apostoliques parlent d’un effort de sanctification, qui implique la volonté de se garder du mal et de se purifier. Ainsi saint Paul : « Ce que Dieu veut, c’est votre sanctification ; abstenez-vous de l’impureté… Dieu ne nous a pas appelés à l’impureté, mais à la sanctification » (1 Thessaloniciens 4.3 ; 1 Thessaloniciens 4.7). « En possession de ces promesses, mes bien-aimés, purifiez-vous de toute souillure du corps et de l’âme, achevant votre sanctification dans la crainte de Dieu » (2 Corinthiens 7.1). Le même rapport entre la sanctification et la purification est exprimé dans les épîtres pastorales : « Quiconque se purifiera de ses souillures, sera un vase d’honneur, sanctifié, utile à son maître, prêt à toute Å“uvre bonne » (2 Timothée 2.21, cf. Tite 2.14 ; 1 Pierre 1.22).

Le motif de la sanctification est défini avec précision dans 1 Pierre 1.15 : « Comme celui qui vous appelle est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite », et dans l’épître aux Hébreux : « Recherchez la sanctification, sans laquelle nul ne verra le Seigneur » (Hébreux 12.14, cf. 1 Thessaloniciens 3.13).

Le but de Dieu, révélé par l’œuvre définitive du Christ Sauveur, est non seulement d’ouvrir à l’âme individuelle la possibilité d’être transformée à l’image du Christ (2 Corinthiens 3.18), mais bien aussi de se constituer un peuple saint : « Christ s’est livré pour l’Église, afin de la sanctifier » (Éphésiens 5.26).

Cette sanctification, aussi bien personnelle que collective, des disciples, objet de la prière du Christ (dans Jean 17), repose tout entière sur la perfection de l’œuvre du Sauveur et sur l’union de l’âme du croyant avec le Christ. Saint Paul dit : « Jésus a été fait pour nous : sagesse, justice, sanctification et rédemption » (1 Corinthiens 1.30) ; et l’explication paulinienne de la sanctification est présentée en un langage mystique et sublime dans les affirmations de l’épître aux Romains : (Romains 6) « Le vieil homme pécheur a été crucifié avec Christ… Regardez-vous comme morts au péché et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »

Cette notion biblique de la sanctification fait surgir certains problèmes. Le plus central nous est présenté déjà par les textes du Nouveau Testament qui soulignent tour à tour le caractère décisif et complet de la sanctification : les chrétiens sont « les saints », et son caractère incomplet et progressif : les croyants ont à poursuivre la lutte contre le péché et à « se sanctifier » de plus en plus.

Cette opposition apparaît, par exemple, dans l’épître aux Colossiens : « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu… Faites donc mourir les membres de l’homme terrestre : la débauche, l’impureté, etc. » (Colossiens 3.2-5), et dans la 1ère épître de Jean : « Celui qui est né de Dieu ne commet pas de péché, car il porte en lui le germe de Dieu.

Il ne peut pécher, étant né de Dieu… Si nous disons : Nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, la vérité n’est pas en nous » (1 Jean 3.9 ; 1 Jean 1.8). Il faut bien admettre que les auteurs apostoliques ont distingué, consciemment ou inconsciemment, entre la situation idéale : « Celui qui est en Christ en a fini avec le péché », et la situation réelle : le chrétien n’est pas encore un parfait (cf. Philippiens 3.12 et suivant). Cette constatation, imposée par l’expérience et par le sens de la vérité, ne doit pas nous pousser à la solution de la médiocrité spirituelle, qui prend aisément son parti des imperfections persistantes de la nature humaine. La Révélation éclaire le problème de ses lumières propres.

Pour la Bible (voir Saint), la personne sanctifiée est tout d’abord celle qui est en relation avec Dieu, qui lui appartient, qui lui est consacrée. Dans le Nouveau Testament, la consécration au Dieu de Jésus-Christ implique de la part du croyant l’effort moral de l’obéissance et de la vigilance, l’acceptation de l’exigence divine de la perfection (Matthieu 5.48), mais aussi, de la part de Dieu, l’assistance du Saint-Esprit. Le chrétien est élevé dans la sphère de l’Esprit, il est un spirituel (1 Corinthiens 2.15 ; 1 Corinthiens 3.2), et par là même conquiert la liberté intérieure à l’égard du monde, de ses passions tyranniques, de sa crainte de la mort. Il y a une transformation réelle, totale dans son principe.

Mais la perfection du Christ est d’une nature si intérieure, si pure et si riche, que l’âme du croyant ne s’en approchera jamais sans prendre à nouveau conscience de la distance qui la sépare du but absolu. La sanctification ne s’épanouit donc qu’en une sainteté relative. Et c’est ce contraste même entre l’absoluité du but et la relativité de nos résultats qui nourrit l’attente de l’accomplissement futur, dans les conditions supérieures de la spiritualité triomphante, ou du ciel (1 Jean 3.3).

En résumé, la sanctification réelle réside dans la formation d’une personnalité spirituelle de plus en plus conforme au Christ. Il s’agit donc bien d’un effort dans une fidélité à Jésus qui doit être poursuivie jusqu’à la ressemblance, et dont l’aboutissement serait indiqué par l’expérience sublime de Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi » (Galates 2.20).

Le christianisme reconnaît dans le triomphe de la volonté du Bien la manifestation de la grâce de Dieu, l’opération de son Esprit et de son Christ.

Le chrétien ne peut se sanctifier qu’en s’affranchissant du monde, non pas par des règles ascétiques, mais bien par une conduite sainte, dominée par l’obéissance à Dieu, et par laquelle il s’efforce d’offrir à Dieu son être tout entier : corps, esprit et âme.

Les doctrines « perfectionnistes » ont pu, en prêchant la possibilité de la sainteté parfaite dès ici-bas, marquer une réaction nécessaire contre le manque d’ambition spirituelle de certaines églises. Mais elles présentent le danger d’un retour à des conceptions négatives de la perfection. L’abstention du péché extérieur n’est pas à elle seule une démonstration de la sainteté chrétienne ; le devoir, devoir de l’ascension intérieure et devoir social d’amour, garde à nos yeux quelque chose d’illimité. Le chrétien, comme l’a dit Luther, est en perpétuel devenir, alors même qu’il est entré dans le peuple des sanctifiés de l’Esprit et que sa volonté a reçu par là, et la fixité d’une direction déterminée : vouloir ce que Dieu veut, et la capacité de vouloir le Bien résolument et d’un cœur joyeux, et la certitude de la victoire finale qui le soutient dans ses combats (Romains 6).

Quant au mobile de la sanctification, la pensée évangélique le trouve davantage dans la reconnaissance envers Dieu, conséquence logique du pardon reçu et de la justification gratuite, que dans l’espoir d’un salut encore incertain. C’est en ce sens que les Confessions de foi de la Réforme ont attaché la certitude du salut à la justification par la foi seule. Mais nous affirmons le lien organique et nécessaire entre les deux termes : justifié et sanctifié, termes à la fois distincts et inséparables.

Nous ne pouvons posséder Christ que nous ne soyons participants de sa sanctification. Vu qu’il ne se peut deschirer par pièces
— Calvin

La foi qui sauve est la foi qui est active dans la charité (Galates 5.6) ; elle est donc principe de sanctification en même temps que de justification gratuite.

Le secret de la sanctification est donc dans la foi qui saisit la valeur parfaite de l’œuvre de Jésus et la réalité objective de la force divine accessible à sa prière (l’Esprit saint) ; il est aussi dans la communion intime et permanente avec le Christ, communion qui peut nous assurer, jour après jour, ces victoires précises et successives sur le péché, dont l’enchaînement doit constituer l’histoire normale du chrétien, s’avançant de progrès en progrès, « fortifié à tous égards par sa puissance glorieuse » (Colossiens 1.11, cf. Philippiens 1.10 ; Éphésiens 3.16).

Notre confiance dans l’accomplissement final de la sanctification commencée ne se fonde pas simplement sur le désir naturel de voir l’accomplissement de ce qui s’édifie, mais bien sur le caractère supra-naturel et divin de l’œuvre commencée dans nos âmes. C’est en ce sens que saint Paul peut écrire aux Philippiens : (Philippiens 1.6) « J’ai la pleine conviction que Celui qui a commencé en vous cette Å“uvre excellente l’achèvera d’ici au jour de Jésus-Christ. »

2. La sanctification du Christ

Le Christ johannique se désigne comme Celui que le Père a sanctifié et qu’il a envoyé dans le monde (Jean 10.36). Il y a là une définition de la vocation du Christ qui peut être rapprochée de Jérémie 1.5, qui montre le prophète consacré dès avant sa naissance. Mais le Christ est aussi celui qui « se sanctifie pour les siens », au moment où il se prépare au suprême sacrifice (Jean 17.19). Ces passages johanniques nous rappellent que la sanctification est une notion religieuse, avant d’être une notion morale. La consécration à Dieu, complète et sans réserve, voilà ce qui sanctifie le Christ ; et cette sanctification parfaite d’un Sauveur parfait sera au bénéfice des pécheurs et ouvrira les voies à leur propre sanctification. Comme le dira l’épître aux Hébreux : « Nous avons été sanctifiés une fois pour toutes par l’offrande du corps de Jésus-Christ » (Hébreux 10.10). Il y a une unité de Celui qui sanctifie — le Christ — et de ceux qui sont sanctifiés, tous issus du même Père (Hébreux 2.11).

Dans la prière sacerdotale (voir article), le Christ demande à Dieu de sanctifier ses disciples « par sa Parole, qui est la vérité » (Jean 17.17). La vraie connaissance de Dieu et du Christ, voilà le secret de la vie éternelle, voilà la puissance qui du sein du monde détachera la communauté des consacrés. De même que Jésus a été sanctifié et envoyé, de même il faut que ceux qu’il envoie dans le monde soient sanctifiés. Et pour que ce but soit atteint, il faut que le Christ se sacrifie. Il va être sanctifié non seulement comme le prêtre qui va officier, mais comme la victime immolée. C’est en conduisant son amour jusqu’à la consommation du sacrifice que le Christ réalise sa mission et qu’il devient « notre sanctification ». Le : « je me sanctifie moi-même pour eux » ouvre une porte sur le mystère de l’âme du Sauveur, qui saisit la nécessité spirituelle de sa mort. Quel que soit le caractère unique de la mission de Jésus, sa déclaration en cette heure est aussi une indication sur la portée solidariste de tout acte de consécration chrétienne. La valeur d’un tel acte a un retentissement dans la vie du prochain comme dans la vie du consacré. Telle est la loi du Royaume de Dieu, dont l’expression suprême a été la croix du parfait sanctifié : Jésus-Christ.

3. « Que ton nom soit sanctifié ! »

On peut rapprocher de cette première demande de l’Oraison dominicale (voir article) l’expression de Ésa 29.23 : « Ils sanctifieront mon nom ! » (cf. Ézéchiel 36.23) et certaines prières judaïques comme la prière Kaddisch : « Que soit glorifié et sanctifié ton grand nom, au sein du monde qu’il a créé selon sa volonté ! » On a parfois considéré que la première demande de l’Oraison dominicale est moins une requête qu’une invocation continuée. Il faut plutôt la mettre en rapport avec les demandes suivantes qui concernent la venue du Règne de Dieu. Le « Nom » est pour la mentalité antique une notion très voisine de celle de la « Personne ». Il est caractéristique de trouver dans la prière de Jésus, après la proclamation de l’amour paternel de Dieu, la préoccupation de voir reconnue sa « Sainteté ». Aux trois premières demandes de l’Oraison dominicale, Marcion (qui se réfère au texte de Luc) substitue cette seule prière : « Que ton Esprit saint vienne sur nous et nous purifie…  » Sous cette forme comme sous la forme du texte canonique, la demande est dominée par la perspective d’une communauté nouvelle, au sein de laquelle les droits du Dieu saint seront pleinement reconnus et sa volonté obéie sans réserve. Voir Justification, Foi, Rédemption.

A. L.


Numérisation : Yves Petrakian