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Hénothéisme
Dictionnaire Biblique Westphal

(quelques fois kathênothéisme)

Terme d’école, désignant une forme de religion dans laquelle l’adorateur, sans nier l’existence d’autres dieux, ne reconnaît et ne sert qu’un seul dieu, auquel il suppose d’ailleurs tous les attributs de la divinité. Cette expression du sentiment religieux a été appelée, par certains, monolâtrie. On peut la caractériser aussi, et plus exactement, par le mot ilohisme, qui désigne le culte du dieu patron, de l’Élohim (voir Dieu, les noms de), obscurément entrevu ou expressément invoqué comme le chef céleste ou le père et le protecteur de la race.

Au temps des patriarches hébreux et bien plus tard encore, le culte tribal ou national (au sens étroit) n’était autre que l’élohisme. Nous rencontrons aussi ce dieu comme patron de la cité dans l’ancienne Égypte, aussi bien que dans la Caldée primitive ; peut-être est-il aussi à l’origine de la théologie védique. Quand Dieu appela Abraham, il ne se révéla point à lui comme le Dieu unique, mais comme un dieu puissant (El-Chaddaï) qui se propose à lui comme son patron, son Élohim, et lui promet de le bénir s’il est intègre (Genèse 17.1 ; Genèse 17.8).

La révélation biblique plonge donc ses racines dans l’hénothéisme. L’expression : « Tu n’auras pas d’autre Élohim devant ma face » (Exode 20.3) montre que la manifestation du Dieu unique (le Dieu qui est, qui existe, Jéhovah : cf. Deutéronome 6.4) s’est produite dans des temps et dans des milieux hénothéistes. L’argumentation de Jephté disant à son ennemi : « Ce que ton Élohim Kamos te donne, ne le posséderais-tu pas ? Ainsi ce que notre Élohim Jéhovah met devant nous, n’est-ce pas pour que ce soit à nous ? » manifeste que, longtemps après Moïse, la doctrine du Sinaï était encore lettre morte, même pour les dirigeants d’Israël (Juges 11.24). La religion de Jephté ne diffère pas de l’élohisme que le roi Mésa inscrit sur sa stèle du temps d’Omri, lorsqu’il attribue les défaites de son peuple à l’irritation de son Élohim Kamos et sa délivrance à la faveur de ce même Élohim, qui trouve son plaisir à voir ses adorateurs traîner devant sa face les ustensiles du culte de l’Élohim vaincu : Jéhovah.

Tandis que chez les autres peuples ce dieu de l’hénothéisme, anthropomorphique et antidémoniaque — car il était né avant tout du besoin qu’avaient les hommes d’être protégés contre les esprits — a subi le sort de sa tribu et s’est noyé dans le polythéisme organisé par les empires qui ne supprimaient pas les dieux étrangers mais les subordonnaient à l’Élohim du vainqueur, le dieu de l’hénothéisme hébreu, l’Élohim puissant d’Abraham, l’Élohim seul vivant et agissant de Moïse, est devenu par les prophètes d’Israël le dieu du monothéisme : Dieu. On peut suivre cette lutte héroïque en particulier dans les pages des deux Ésaïe et dans le Deutéronome (voir ce mot). À partir du VIIIe siècle, alors que les autres nations « marchent chacune au nom de son Élohim » (Michée 4.6), Israël, dans ses éléments fidèles, marche au nom de l’Éternel, le Dieu du monothéisme, qui dit à son peuple par la bouche du deuxième Ésaïe : « Je suis Dieu, il n’y en a point d’autre, moi, le premier et le dernier, je ne donnerai pas ma gloire à un autre » (Ésaïe 46.9 ; Ésaïe 48.11 et suivant, cf. Deutéronome 6.4).

Voir Hartmann et Max Müller, qui ont les premiers mis en lumière la doctrine de l’hénothéisme, ont donc eu raison de considérer celui-ci non comme un phénomène occasionnel, mais comme le point de départ de toute l’évolution religieuse de l’humanité. Schelling, avant eux, avait déjà fort bien vu que ce stade peut conduire au polythéisme aussi bien qu’au monothéisme. Mais l’expérience humaine et le combat des hommes de Dieu raconté par la Bible nous apprend qu’une initiative divine était nécessaire pour que l’hénothéisme devînt le monothéisme. Le Dieu unique n’est connu et compris que parce qu’il s’est révélé.

Alexandre Westphal


Numérisation : Yves Petrakian