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Sauterelle

L’hébreu n’a pas moins de neuf mots pour désigner les diverses espèces ou les divers états de la sauterelle. Nos versions traduisent ces termes de différentes manières (sauterelle, larve, nymphe, criquet, etc.). Elles se bornent parfois, surtout les versions anciennes (Ostervald, Martin), à reproduire les mots originaux : hagab, hargol, solham, etc.

1.

arbèh, d’une racine qui signifie multiplier, se trouve plus de vingt fois dans l’Ancien Testament (Exode 10.4 ; Exode 10.12 et suivant, Lévitique 11.22 ; Deutéronome 28.38 ; Juges 6.5 ; Juges 7.12 ; 1 Rois 8.37 ; 2 Chroniques 6.28; Joël 2.25, etc.). Dans Nahum 3.15 sont évidemment désignées les espèces qui, encore aujourd’hui, dévastent parfois l’Orient.

2.

khâgâb (Lévitique 11.22 ; Nombres 13.33 ; 2 Chroniques 7.13 ; Ecclésiaste 12.7 ; Ésaïe 40.22), peut-être une petite sauterelle, spécialement avant que l’insecte soit pourvu d’ailes.

3.

gébim (pluriel de géb) ou gôbaï (Ésaïe 33.4 ; Amos 7.1, Nahum 3.17), d’une racine signifiant groupement, essaim.

4.

gâzâm (Joël 1.4 ; Joël 2.25 ; Amos 4.9), d’une racine signifiant trancher.

5.

yèlèq (Psaumes 105.34 ; Jérémie 51.14-27; Joël 1.4 ; Joël 2.25, Nahum 3.15 et suivant) ; Ostervald et Martin traduisaient ce mot par : hurbec ou hurebec (ancien nom vulgaire, souvent écrit : urbec, de larves de coléoptères nuisibles à la vigne), une fois par : grillon ; Segond précise une fois : sauterelle hérissée ; V sud et Bible du Centenaire : criquet.

6.

khâsil (Psaumes 78.46, cf. 1 Rois 8.37 ; Ésaïe 33.1; Joël 1.4 ; Joël 2.25), d’une racine signifiant consumer.

7.

khargôl (Lévitique 11.22), mot analogue à une racine arabe signifiant : course rapide.

8.

solâm (Lévitique 11.22). Ces divers termes, d’interprétation très douteuse, pouvaient servir à distinguer les divers degrés de développement de la sauterelle, ou plus probablement des variétés différentes de cet insecte.

9.

tselâtsal (Deutéronome 28.42), d’une racine signifiant bourdonner, pourrait désigner la cigale, dont le crissement anime les journées chaudes de l’été ; la Version Synodale traduit : hanneton.

10.

Dans le grec du Nouveau Testament, akris (d’où : acridiens).

Les sauterelles ou locustes, insectes de l’ordre des orthoptères, famille des locustiens, tribu des sauteurs (grâce à la conformation de leurs cuisses inférieures, ou pattes saltatoires : cf. Lévitique 11.21) sont extrêmement nombreuses en Palestine. Elles ne se nourrissent que de végétaux. Lorsqu’elles apparaissent en essaims, elles sont un véritable fléau pour les cultures. Les espèces les plus nuisibles sont l’acridium peregrinus et l’oedipoda migratoria. Les sauterelles passent par trois états : des oœufs déposés dans le sol naissent les larves, qui avancent en rangs serrés en quête de nourriture ; celles-ci se transforment en insectes d’abord sans ailes, puis ailés lorsqu’ils ont atteint leur plein développement : c’est alors qu’ils sont le plus nuisibles. Les sauterelles arrivent par milliers ; leur vol forme des nuages épais qui voilent le soleil (Exode 10.15). Elles s’abattent et dévorent tout ; ces quantités de mâchoires déchiquetant les végétaux font un bruit ! caractéristique (Ésaïe 33.4). Toute la végétation une fois consommée, elles reprennent leur vol, laissant derrière leur passage une complète dévastation ; et elles disparaissent très rapidement (Nahum 3.17). Il arrive que le vent les jette à la mer, où elles sont englouties (Exode 10.19), puis qu’elles soient déposées sur la côte en amas pestilentiels. Leur invasion est un des plus terribles malheurs : ce fut la 8e plaie d’Égypte (voir article ; Exode 10.1 ; Exode 10.20, cf. Sagesse 16.9).

Le prophète Joël (Joël 2.1 ; Joël 2.11) en donne une description très exacte quoique poétique, et dont les termes sont choisis pour s’appliquer en même temps aux dévastations d’une armée. Cette comparaison d’une invasion ennemie avec une invasion de sauterelles se retrouve plusieurs fois (Juges 6.5 ; Juges 7.12 ; Jérémie 46.23). Elle est passée dans le tableau apocalyptique fort élaboré de Apocalypse 9.3 ; Apocalypse 9.11 ; l’idée de ce fléau, inspirée par le souvenir de la plaie d’Égypte et de la prophétie de Joël, s’y combine avec des conceptions astrologiques : les sauterelles destructrices pendant cinq mois (verset 5,10), durée moyenne de la vie de ces insectes, ne dévastent pas en dévorant — il leur est interdit de toucher aux plantes (verset 4) — mais en piquant les hommes avec un aiguillon de scorpion (voir ce mot) ; on entrevoit ici des signes du zodiaque : le Scorpion et le Sagittaire, celui-ci un centaure, auquel fait penser la description des sauterelles à corps de cheval et à visage d’homme (verset 7).

Par contre, plusieurs passages font allusion à la petitesse relative des sauterelles (Nombres 13.33 ; Ésaïe 40.22), à leur fragilité dans le vent (Psaumes 109.23). L’image de Ecclésiaste 12.7, dans le tableau des infirmités de la vieillesse, ne paraît pas très claire, et des interprétations fort diverses en ont été proposées ; elle signifie probablement que le moindre poids est un fardeau pour le vieillard. Les Apocryphes voient aussi dans les sauterelles un symbole d’armées innombrables (Juges 2.20), de vie passagère (Pseudo-Esdras 4.24), et les comparent aux flocons de neige (Siracide 43.17).

Aux temps bibliques on mangeait des sauterelles (Marc 1.6 ; Matthieu 3.4), comme encore aujourd’hui dans certaines régions d’Orient ou d’Afrique ; la loi mosaïque n’en interdisait pas l’usage (Lévitique 11.22) ; on les mangeait rôties, bouillies, salées, ou réduites en farine dont on faisait des gâteaux. Il n’y a donc rien d’invraisemblable à ce que Jean-Baptiste se soit nourri de sauterelles dans le désert, et il est inutile d’inventer une traduction inexacte du latin locusta (gousse, au lieu de sauterelle) à l’appui de la légende ancienne qui appelle les caroubes « pain de saint Jean » (voir Caroube).

E.D. et Jean Laroche

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