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Joël (livre de)

Le second livre des douze « petits prophètes » est très court : 73 versets divisés en 3 chapitres (en 4 dans le texte hébreu). Le livre de Joël fait entendre un double appel à la repentance (Joël 1.1-20 et Joël 2.1 ; Joël 2.17), à cause de l’approche du Jour de l’Éternel qui sera le signal de bénédictions matérielles et spirituelles pour le peuple de Dieu et d’extermination pour les peuples païens (Joël 2.18 à Joël 3.21).

Chapitre Ier.

Le prophète appelle les habitants du pays (Juda) pour écouter le récit d’un désastre inouï : quatre espèces de sauterelles ont ravagé la campagne (Joël 1.2 ; Joël 1.4). Le peuple doit faire entendre ses lamentations, car les sauterelles n’ont épargné aucun produit de la terre, et le sacrifice quotidien de vin, huile et farine (cf. Exode 29.40) ne peut plus être offert (Joël 1.5-12). Les lamentations rituelles doivent être poussées par les prêtres, porte-parole de la détresse du peuple, des animaux et du pays (Joël 1.13-20).

Chapitre II

En termes destinés à semer l’épouvante dans les cœurs, le prophète décrit l’invasion du pays par les sauterelles (Joël 2.1-9). C’est le Jour de l’Éternel, dont la venue est un trouble cosmique (Joël 2.10). Le thème central du livre est fourni par la parole d’effroi de l’homme en face du jugement de Dieu : qui pourra soutenir le Jour de l’Éternel (Joël 2.11) ? Le prophète fait entendre de la part de l’Éternel un appel à la repentance, car l’Éternel est clément et miséricordieux (Joël 2.12-14). Il faut convoquer une assemblée, il faut que les prêtres exposent la plainte du peuple (Joël 2.15-17). Dieu exauce le peuple, et lui accorde avec la fertilité de la terre la délivrance de l’oppression étrangère (Joël 2.18-20). Toute la nature, terre, animaux, humains, participe à la bénédiction divine (Joël 2.21-26). C’est la preuve que Dieu est au milieu de son peuple (Joël 2.27). L’Éternel accordera aussi une bénédiction moins matérielle : le don de son Esprit sur toute chair, et cette effusion sera accompagnée de prodiges célestes et terrestres ; dans ce cataclysme, sera sauvé celui qui invoquera l’Éternel (Joël 2.28-32).

Chapitre III

L’Éternel ramènera les captifs de Juda et de Jérusalem, et prononcera le jugement des nations dans la vallée de Josaphat (Joël 3.13). Tyr, Sidon et les Philistins seront punis pour les violences commises sur le pays, le Temple et le peuple (Joël 3.4 ; Joël 3.8). L’alarme est sonnée pour assembler les nations dans la vallée de Josaphat (Joël 3.9 ; Joël 3.13). Le Jour de l’Éternel approche, apportant la terreur aux nations (Joël 3.14 ; Joël 3.16), et le salut à Juda (Joël 3.17), avec des bénédictions matérielles (Joël 3.18). L’Égypte et l’Idumée seront punies (Joël 3.19). La Judée sera vengée et bénie (Joël 3.20 et suivant)

Les critiques sont a peu près unanimes a reconnaître que le livre de Joël est l’œuvre d’un seul auteur ; on ne peut y trouver qu’une ou deux gloses sans importance.

La suscription porte simplement : « La parole de l’Éternel qui fut adressée à Joël fils de Péthuel ». Nous ne pouvons y joindre aucune indication historique tirée du livre qui nous permette d’en fixer exactement la date. Joël fut longtemps considéré comme un des plus anciens prophètes. Des critiques lui ont assigné l’époque de Roboam (les faits visés dans Joël 3.19 seraient racontés 1 Rois 14.26 et suivants). D’autres critiques, à la suite de Credner (1831), ont pensé à la minorité du roi Joas, fils d’Achazia, de Jérusalem. Mais il semble bien que la situation politique et l’état de la religion décrits par Joël n’ont pas pu se produire à Jérusalem ayant le retour de la captivité de Babylone.

L’argument de la place du livre de Joël dans le Canon n’est pas décisif pour faire de Joël un des plus anciens prophètes. Les LXX lui ont donné la quatrième place dans les douze. La tradition historique n’était donc pas absolument affirmée. D’ailleurs, il semble que c’est un contact littéraire qui a décidé de l’ordre Joël-Amos : la même phrase se lit Joël 3.16 et Amos 1.2 ; Joël finit en annonçant le jugement des nations, Amos commence par décrire en détail les crimes et le jugement des peuples voisins d’Israël.

Joël parle de Juda et de Jérusalem. On ne voit pas dans son horizon le royaume de Samarie. C’est un indice que nous ne pouvons pas placer Joël avant 722. Il est difficile de voir à quel conflit raconté dans l’Ancien Testament pourraient se rapporter les reproches très vagues adressés aux nations dans Joël 3.4-6 ; Joël 3.19. L’Assyrie, la Babylonie et la Syrie ne sont pas mentionnées ; il faut en conclure que nous ne sommes plus dans la situation politique d’Amos, d’Osée, de Jérémie. Les ennemis de Juda sont désignés par leur nom : Tyr, Sidon, Philistie, Égypte, Idumée ; cependant une mention revient souvent, celle de « toutes les nations » (Joël 3.2 ; Joël 3.9 ; Joël 3.11 ; Joël 3.18 ; Joël 3.14).

Juda n’a plus d’existence politique. Joël ne parle pas du roi, mais des prêtres et des anciens (Joël 1.13 ; Joël 2.16 et suivant). Juda n’est plus qu’une communauté religieuse, pour laquelle le culte a une importance majeure (Joël 1.9 ; Joël 2.14). Il y a dans les bénédictions promises à Juda une notable omission des données de la prophétie classique : Joël ne parle pas de la maison de David.

Au point de vue religieux, Joël n’a pas la précision d’Amos, d’Osée, d’Ésaïe, de Jérémie, quant aux reproches adressés au peuple de l’Éternel. On ne voit pas de quoi Juda doit se repentir. Il n’y a pas de polémique contre l’idolâtrie ou le culte des hauts-lieux. Il n’est question que du culte dans le Temple de Jérusalem. Cette situation est celle de la restauration après la captivité de Babylone lorsque Juda est une communauté religieuse consacrée à Dieu.

En raison des nombreux contacts littéraires entre Joël et plusieurs livres de l’Ancien Testament, on est placé devant cette alternative : ou bien Joël a été utilisé par Amos, Osée, Ézéchiel, etc., ou bien c’est lui qui a reproduit les expressions des prophètes antérieurs. Joël 3.16 = Amos 1.2 ; tandis que chez Amos il y a développement logique, chez Joël l’Éternel est dans la vallée de Josaphat (Joël 3.12), puis à Jérusalem : (Joël 3.16) Joël a emprunté à Amos une image poétique. Joël 3.18 présente un curieux mélange de Amos 9.13 et de Ézéchiel 47 ; Zacharie 14.8 ; on a de la peine à comprendre que deux auteurs aient emprunté un fragment de ce verset de Joël, surtout lorsque la brève mention du fleuve qui sort du Temple ne devient intelligible que si Joël suppose son lecteur connaissant la description d’Ézéchiel. En poursuivant cette étude des passages parallèles, on ne peut pas échapper à la conclusion que Joël s’est nourri de ses prédécesseurs. La lecture de Joël dans le texte hébreu fait nettement penser à l’art de ces poètes, bien connus chez les Arabes, qui développent un thème en s’inspirant, d’une manière plus ou moins étroite, des formules classiques, en enfilant des clichés poétiques. On entend dans Joël l’écho de plusieurs livres de l’Ancien Testament : Joël 2.17 parallèle Psaumes 79.10 ; Joël 2.23 parallèle Psaumes 126.2 Joël 2.6 parallèle Nahum 2.11 — Joël 2.14 parallèle Jonas 3.9 Joël 2.11 ; Joël 2.31 parallèle Malachie 4.1. Les souvenirs littéraires, dont nous pourrions allonger la liste, expliquent ce qu’il y a de bref dans les formules de Joël : ses lecteurs doivent reconnaître au passage les allusions à des textes connus. Joël est un poète qui se meut sur le plan de l’apocalyptique : il annonce la manifestation prochaine du Jour de l’Éternel. De l’ensemble de ces constatations, nous devons conclure que Joël a écrit après le retour de l’exil, après la restauration du Temple de Jérusalem, au Ve ou au IVe siècle avant Jésus-Christ

Comment doit-on interpréter le livre de Joël ? Comment doit-on concevoir le lien entre les deux parties du livre ? Il n’y a pas d’hésitation sur le sens et la portée de la seconde partie : c’est de l’eschatologie. Mais les critiques ont proposé plusieurs explications de la première partie.

Les uns pensent que les sauterelles de Joël 1.4 et Joël 2.2 ; Joël 2.9 représentent allégoriquement les armées ennemies envahissant le pays de Juda. Cette explication, généralement donnée par les anciens commentateurs, ne paraît pas résister à l’examen. Lorsque Joël associe la sécheresse aux sauterelles, il pense bien à des insectes. Le prophète compare les sauterelles à des soldats (Joël 2.2-11) ; cela ne peut pas se comprendre si la fiction des sauterelles doit éveiller l’idée de l’armée ennemie. Il faut d’ailleurs se garder de croire à une exagération poétique des ravages dus aux sauterelles : toutes les observations recueillies montrent quel fléau est pour les peuples d’Asie et d’Afrique une invasion de sauterelles, contre lesquelles la défense est très difficile.

D’autres critiques soutiennent qu’il s’agit d’un fléau actuel provoquant la réflexion du prophète et l’appel à la repentance à cause de la proximité du Jour de l’Éternel. Cette explication réaliste a la faveur des exégètes modernes. Mais ici deux questions se posent : Les sauterelles des chapitres 1 et 2 sont-elles identiques ou distinctes ? L’assemblée du peuple pénitent a-t-elle eu lieu entre Joël 2.17 et Joël 2.18 ? Les réponses de l’explication réaliste nécessitent tant de subtilités et d’hypothèses qu’on se demande si ces complications n’en font pas ressortir l’improbabilité. Comment expliquer en particulier que Joël sépare les deux appels à la repentance par une nouvelle description de l’invasion des sauterelles ? Il paraît plus facile d’expliquer le livre entier de Joël, dont l’unité ne peut pas être mise en doute, par l’unité de conception. Si la seconde partie est nettement apocalyptique, la première partie doit aussi être apocalyptique. Joël est conforme au genre littéraire de l’apocalypse, dans lequel il ne faut pas chercher un enchaînement chronologique de faits prédits : c’est une succession de tableaux destinés à faire entendre l’appel à se préparer pour le Jour de l’Éternel. L’accent réaliste de Joël vient de ce qu’il se place au moment même où s’engage le drame final dans lequel Juda trouve le salut, et les nations la condamnation. Les difficultés d’interprétation de chaque détail sont celles que l’on rencontre dans toutes les apocalypses dès qu’on perd de vue que le message essentiel de l’auteur est celui-ci : le Jour de l’Éternel est proche !

Le terme « celui du Nord » (Joël 2.20) est difficile à expliquer quand on pense à des sauterelles, qui ont l’habitude de venir en Palestine par le sud et le sud-est ; mais ce terme peut très bien s’être vidé de son sens géographique, et être utilisé dans une apocalypse pour personnifier l’ennemi, par développement des idées de Jérémie et Ézéchiel. Dans ce texte, Joël fait intervenir la notion de l’orgueil chez l’ennemi, ce qui ne peut être admis que pour des hommes.

Joël est le seul auteur de la Bible à parler de la vallée de Josaphat (voir article) comme lieu de rendez-vous pour le jugement des nations (Joël 3.2-12). Il est difficile d’identifier cette vallée. Ce peut être le rappel poétique de la délivrance racontée 2 Chroniques 20 ; nous retrouvons dans ce récit plusieurs éléments mis en œuvre par Joël : danger pour le peuple, pénitence, délivrance, défaite des ennemis. Il faut aussi penser au rapprochement verbal, si fréquent en hébreu, que l’on peut trouver dans Joël 3.2 ; Joël 3.12 entre le nom de Josaphat, signifiant : l’Éternel juge, et les expressions « j’entrerai en jugement », « j’y serai assis pour juger ».

Joël est un témoin de l’ardente piété juive post-exilique, soupirant après la délivrance, et qui a chanté sa foi et son espérance en Dieu dans les Apocalypses annonçant le triomphe de Dieu. Nous sommes avec Joël sur le terrain du particularisme juif. Le prophète met au nombre des bénédictions divines accordées à Juda l’effusion de l’Esprit de l’Éternel, répandu jusque sur les esclaves. Cela n’empêche pas Joël de vouer ensuite les nations à l’extermination. Les chrétiens qui ont salué dans la Pentecôte la réalisation de la prophétie de Joël (Actes 2.17), ont reconnu avec saint Paul qu’il n’y avait plus « ni Grec, ni Juif ». J. R.

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