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Peché

Pensée, parole, action, omission ou désirs contraires à la loi de Dieu.

Les Hébreux ont plusieurs termes pour exprimer le péché. Ils croient, par exemple, que chataat peccatum, signifie les péchés commis contre les préceptes affirmatifs ; et que aschamat delictum, marque les péchés commis contre les préceptes négatifs ; et que schegaga (Sept. Involuntarie) désigne le péché d’ignorance, d’oubli, d’omission, d’inadvertance.

Mais il certain que ces termes sont souvent mis l’un pour l’autre, et que rarement l’Écriture observe ces distinctions. Souvent on appelle ignorance ou folie de très-grands péchés ; et d’autres fois on donne le nom de péché à des fautes d’inadvertance. Souvent aussi on donne le nom de péché à la victime d’expiation (Lévitique 4.3-25,29 ; 5.6 ; 7.2 Psaumes 39.7 Romains 8.3), ou au sacrifice pour le péché. Par exemple, saint Paul (2 Corinthiens 5.21) dit que Dieu a voulu que Jésus-Christ, qui ne connaissait pas le péché, fût notre victime d’expiation.

Dieu n’a point fait le péché, ni la mort (Sagesse 1.13-14) ; mais le péché et la mort sont entrés dans le monde par la malice du démon (Sagesse 2.24). Adam par sa prévarication nous a tous rendus coupables aux yeux de Dieu (1 Corinthiens 15.20-21 Romains 5.12 ; 6.23) ; son péché nous â mérité la mort ; il est cause que nous naissons tous enfants d’iniquité (Psaumes 50.7 Romains 3.23), et portés au mal dès le sein de nos mères (Genèse 8.21). Jésus-Christ par sa mort nous a rendu la vie ; par son obéissance il nous a réconciliés à lieu son Père ; au lieu d’enfants de colère que nous étions, il nous a mérité la qualité d’enfants de Dieu. C’est par le baptéme que nous participons à ces prérogatives, et par la pénitence que nous les recouvrons, lorsque nous avons eu le malheur de les perdre.

Le Péché contre le Saint-Esprit est expliqué diversement par les Pères et par les interprètes. Saint Athanase, qui a écrit exprès sur cette matière, rapporte les sentiments d’Origène et de Théognoste, qui faisaient consister le péché contre le Saint-Esprit dans les crimes que l’on commet après le baptême. Mais saint Athanase remarque fort bien que les pharisiens, à qui Jésus-Christ reprochait ce crime, n’avaient point reçu le baptême, et par conséquent qu’ils n’avaient pu s’en rendre coupables. Pour lui, il croit qu’il consisté dans ce que les pharisiens attribuaient les œuvres de Jésus-Christ au démon, quoiqu’ils ne pussent raisonnablement douter qu’il n’agit par un bon esprit ; et en ce qu’ils niaient la divinité du Fils, qui leur était si clairement prouvée par ses œuvres. Saint Hilaire et Théophile d’Antioche suivent le sentiment de saint Athanase, et font consister comme lui, le péché contre le Saint-Esprit à nier la divinité du Fils, entendant sous le nom de Saint-Esprit la divinité.

Saint Augustin dit dans un endroit que le péché contre le Saint-Esprit consiste à attaquer la charité fraternelle par des motifs d’envie et de malice ; et dans ses Rétractations il ajoute que pour rendre ce crime vraiment irrémissible, il faut y persévérer jus-qu’a la fin. Il dit ailleurs qu’encore qu’il y ait plusieurs péchés qui attaquent le Saint-Esprit, il n’y en a aucun toutefois qui soit réellement irrémissible, si ce n’est l’impénitence finale, le désespoir, l’endurcissement d’un pécheur qui durant toute sa vie ne retourne point à Dieu. Saint Chrysostome, l’auteur de l’Ouvrage Imparfait sur saint Matthieu, saint Isidore de Péluse et plusieurs autres croient que le péché dont nous parlons consiste à attribuer au démon les œuvres miraculeuses de Jésus-Christ et que son irrémissibilité n’est point réelle et absolue, mais seulement respective, parce qu’il est très-difficile d’en obtenir le pardon.

Saint Ambroise n’est pas tout à fait constant dans ce qu’il dit du crime dont nous parlons ici. Dans un endroit il le fait consister à nier la divinité du Fils, ce qui est le sentiment d’Origène et de saint Hilaire. Dans le livre du Saint-Esprit il dit qu’il consiste à nier la divinité du Saint-Esprit, et à imputer ses œuvres au démon. Enfin dans le livre de la Pénitence il l’étend à l’hérésie et au schisme. L’auteur des Constitutions apostoliques, et Philastrius accusent aussi les hérétiques du crime contre le Saint-Esprit. Mais les pharisiens, à qui Jésus-Christ reproche ce crime, étaient-ils coupables d’hérésie ? Hermas dit que le péché contre le Saint-Esprit est le blasphème contre Dieu ; et l’auteur des Questions sur l’Ancien et sur le Nouveau Testament dit que c’est le renoncement à Dieu. Saint Pacien, évêque de Barcelone, dit que c’est attribuer au démon les œuvres du Saint-Esprit. Il croit que ce péché est moralement irrémissible. L’au teurdes Récognitions, attribuées à saint Clément, pape, croit que le péché contre le Saint-Esprit, le péché irrémissible, est celui du pécheur endurci et insolent. Grotius adopte ce sentiment, et il donne pour exemple de ce crime ceux de Coré, de Pharaon, de Simon le Magicien, d’Ananie et de Saphire.

Les commentateurs catholiques sont partagés en deux sentiments. Les uns, en suivant saint Augustin, mettent le péché contre le Saint-Esprit et son irrémissibilité dans l’impénitence finale ; les autres dans la malice affectée de ceux qui, résistant à révidence de la vérité, ne voulaient pas reconnaître les miracles de Jésus-Christ, et les attribuaient malicieusement, et contre leur propre conviction, au prince des ténèbres. C’est là certainement le crime des pharisiens à qui Jésus-Christ parlait ; et ceux-là se rendent coupables du même crime, qui résistent à la vérité connue, et qui imputent à vanité, à hypocrisie ou, ce qui est encore plus noir, à la magie et au démon, les bonnes actions qu’ils voient faire aux gens de bien. C’est le sentiment de saint Chrysostome et de saint Jérôme, et celui qui nous paraît le plus vraisemblable. On peut voir la dissertation que nous avons fait imprimer sur cette matière à la tête du commentaire sur saint Marc.

Péché originel. L’Église chrétienne et catholique croit que le péché d’Adam est passé dans toute sa postérité, qu’il l’a infectée et corrompue, que tous les hommes naissent enfants de colère (Éphésiens 2.3) ; que par la faute d’un seul le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort (Romains 5.12) ; et c’est là ce que nous appelons le péché originel, si bien marqué dans Job, qui dit (Job 14.4) : Qui peut rendre pur celui qui est conçu d’une matière souillée ? Et David (Psaumes 50.7) : J’ai été conçu dans l’iniquité, et ma mère m’a enfanté dans le péché.

Malgré la clarté de ces textes et de plusieurs autres de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’on pourrait citer, quelques savants doutent que les Hébreux anciens et nouveaux aient eu une idée distincte du péché originel et du remède que Dieu avait accordé à son peuple pour le guérir.

Josèphe et Philon, et ceux d’entre les anciens chrétiens qui croyaient la préexistence des âmes, et que les âmes naissent bonnes ou mauvaises, selon le bien ou le mal qu’elles ont fait dans une autre vie ; ces gens-là ne tenaient pas certainement le péché originel comme nous le tenons ; aussi n’en parlent-ils pas comme nous, ni d’une manière qui en approche. Ceux d’entre les anciens Juifs qui croyaient une espèce de métempsycose le croyaient encore bien moins, puisque ces deux dogmes se détruisent l’un l’autre. Or s’ils n’ont pas cru que l’homme naquit criminel aux yeux de Dieu, ils n’ont pas dû non plus se mettre en peine de chercher un remède au péché originel. Ils ne parlent jamais de cela ; ils ne trouvent dans l’institution de la circoncision que des raisons de bienséance, de propreté ou de distinction des Juifs entre les autres peuples [M. Drach, dans son savant traité De l’Harmonie entre l’Église et la Synagogue, prouve que « la Synagogue a toujours enseigné que le péché d’Adam et d’Ève s’est attaché à leur postérité qui était en eux virtuellement. » Il dit : « Et pour qu’il ne manque rien à la doctrine catholique, la Synagogue enseigne qu’Adam n’attira pas seulement la mort corporelle sur lui et sur sa postérité, mais aussi ta mort spirituelle, celle de l’âme ; en d’autres termes, le péché mortel. » Voyez le deuxième tome de l’ouvrage indiqué, pages 321-332]

La plupart des juifs modernes tiennent, de même que les anciens, la préexistence des âmes et une espèce de métempsycose, et par conséquent ils ont aussi peu de disposition à croire le péché originel. Ils placent les enfants morts avant que d’avoir reçu la circoncision dans un lieu de délices. Ils ne croient donc pas que la circoncision remette le péché que nous contractons en naissant. Ils reconnaissent dans l’homme un penchant naturel au mal, qu’ils appellent Jetzirah raah ; mais ils ne peuvent souffrir ce que nous disons d’une masse corrompue destinée au malheur éternel, en punition du péché d’Adam et d’Ève. Maimonide, fameux rabbin, soutient qu’il n’est pas plus aisé de concevoir qu’un homme naisse avec le péché ou la vertu, que de comprendre qu’il naisse habile maitre dans un art. Il regarde le péché originel comme une chose impossible. D’autres rabbins nient aussi formellement le péché originel, et bornent les effets du péché d’Adam à causer la mort à toute sa postérité ; et encore croient-ils que si Adam eût pu atteindre à l’arbre de vie, même depuis son péché, et en manger du fruit, il ne serait pas mort.

Il faut toutefois convenir que quelques rabbins semblent soutenir le péché originel. Les uns disent que le démon qui séduisit Ève jeta sur elle une puante odeur qu’elle communiqua à toute sa postérité, mais que les seuls Israélites en ont été garantis. D’autres avouent que le mauvais penchant que nous expérimentons dans nous-mêmes est un mal ; ils disent avec Moïse que c’est le prépuce de la chair qu’il faut retrancher ; ils l’appellent, après David, une souillure ; avec Salomon, un ennemi ; avec Isaïe, une offense ; avec Ézéchiel, une pierre que Dieu doit ôter pour donner un cœur de chair, après avoir soutenu comme Joël, que c’est une chose cachée. Ils ajoutent que comme le fruit est amer lorsque la semence qui le produit a quelque amertume, aussi les enfants qui naissent d’un père corrompu doivent se sentir de sa corruption. On demande dans la Gemarre si la convoitise se fait sentir au moment de la conception ou à celui de la naissance. On répond que c’est à la naissance ; car l’Écriture dit que le péché est à la porte. Mais le nombre des rabbins qui parlent ainsi du péché originel sont en petit nombre : les autres, ou le nient, ou ne le connaissent pas.

Les mahométans admettent le péché originel comme une suite du péché d’Adam. Ils appellent ce péché originel, ou la concupiscence qui en est une suite, la graine du cœur, ou la semence noire du cœur, dont Mahomet se vantait d’avoir été purifié par l’archange Gabriel, qui la lui arracha du cœur. Ils tiennent que Notre-Seigneur Jésus-Christ et sa sainte Mère sont les seuls qui en aient été préservés.

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