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Premier-né
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet Westphal

Ce nom ne se prend pas toujours dans la rigueur de la lettre : on le prend quelquefois pour ce qui est le premier, le plus excellent, le plus distingué en chaque chose. Ainsi on dit que Jésus-Christ (Colossiens 1.15) est le premier-né de toute créature ; et ailleurs (Apocalypse 1.5), le premier-né d’entre les morts ; c’est-à-dire engendré du Père avant qu’aucune créature eût été produite, et le premier qui soit ressuscité par sa propre vertu. La Sagesse dit de même qu’elle est sortie de la bouche du Tout-Puissant, avant qu’il eût produit aucune créature (Ecclésiaste 34.5). Ainsi, dans Isaïe (Isaïe 14.30), primogeniti pauperum marquent les plus malheureux de tous les pauvres ; et dans Job (Job 18.13), primogenita mors, la plus terrible de toutes les morts. Et ainsi des autres.

Depuis que Dieu eut fait mourir par l’épée de l’ange exterminateur tous les premiers-nés des Égyptiens (Exode 12.29), il ordonna que tous les premiers-nés, tant des hommes que des animaux domestiques et de service, lui fussent consacrés (Exode 13.2-3,12,13). Il n’y avait que les enfants mâles qui fussent soumis à cette loi : si le premier enfant d’une femme était une fille, le père n’était obligé à rien, ni pour elle, ni pour les autres enfants qui venaient après, quand même ils auraient été des mâles. Et si un homme avait plusieurs femmes, il était obligé d’offrir au Seigneur tous les premiers-nés de chacune d’elles. Ces enfants premiers-nés étaient offerts au temple, et leurs parents les rachetaient pour la somme de cinq sicles (Lévitique 27.6)

Si c’était un animal pur, comme un veau, un agneau ou un chevreau, on devait l’offrir au temple (Nombres 18.17-19). On ne pouvait pas le racheter ; mais on le tuait, on répandait son sang autour de l’autel, on brûlait les graisses sur le feu de l’autel, et la chair était pour les prêtres. Que si c’était un animal impur, et dont il n’est pas permis de manger, comme le cheval, l’âne, le chameau, on le rachetait ou l’on donnait autre chose en échange. Le premier-né de l’âne se rachetait en donnant une brebis (Exode 13.13) ou cinq sicles (Nombres 18.16). Que si on ne le rachetait pas, il fallait le tuer (Exode 13.13 ; 34.20). Il y a même quelques commentateurs qui tiennent qu’on tuait les premiers-nés des chiens parce qu’ils étaient impurs ; et qu’on n’en donnait rien aux prêtres, parce qu’on n’en faisait aucun trafic. Voyez (Deutéronome 23.18) : Non offeres pretium canis in domo Domini.

À l’égard des premiers fruits des arbres, voyez (Lévitique 19.23). Les trois premières années, le fruit était censé impur ; la quatrième année, tout le fruit était au Seigneur. Le propriétaire n’avait droit de les cueillir pour lui que la cinquième année.

On demande si Notre-Seigneur Jésus-Christ, comme premier-né de la sainte Vierge, était soumis à cette loi. Il y a sur cela trois sentiments. Les uns croient que le Sauveur n’y était pas soumis, parce qu’il n’ouvrit pas le sein de sa mère en naissant, et qu’il vint au monde sans rompre le sceau de sa virginité. D’autres croient qu’il y était obligé par les termes de la loi, qui ne marque autre chose, sinon que tous les enfants premiers-nés doivent être consacrés au Seigneur ; et que dans l’endroit de l’Exode dont il s’agit, omne masculinum adaperiens vulvam, est équivalent à omne masculinum primogenitum. Or Jésus-Christ était sans doute le premier-né de Marie. D’autres enfin semblent croire que les paroles de Moïse sont prophétiques, et ne regardent, selon la rigueur des termes, que Jésus-Christ, qui par sa naissance a ouvert le sein de la sainte Vierge, au lieu que dans la naissance des autres hommes, le sein de leur mère est ouvert dans l’action du mariage, avant qu’il le soit dans la naissance. Quia omnium mulierum, non partus infantis, sed viri coitus, vulvam reserat, dit Origène. Ecquis proprie vulvam adaperuit, guam qui clausam patefecit ? dit Tertullien.

Voici les cérémonies que les Juifs observent à présent pour le rachat de leurs premiers-nés. Si c’est une fille, il n’y a aucune cérémonie particulière ; mais si c’est un garçon, quand l’enfant a trente jours accomplis, on mande un des descendants d’Aaron, celui qui plalt le plus au père ; et plusieurs personnes s’étant rendues dans la maison, le père apporte dans une tasse ou dans un bassin beaucoup d’or et d’argent. Puis on met l’enfant entre les mains du prêtre, qui demande tout haut à la mère si ce garçon est à elle. Elle répond que oui. Il ajoute : N’avez-vous jamais eu d’autre enfant, soit mâle, ou femelle, ou même d’avorton ; ou de fausse couche ? Elle répond : Non. Cela étant, dit le sacrificateur, cet enfant, comme premier-né, m’appartient.

Puis, se tournant du côté du père, il dit : Si vous en avez envie, il faut que vous le rachetiez. Cet or et argent, répond le père, ne vous sont présentés que pour cela. Lé sacrificateur reprend : Vous voulez donc le racheter ? Oui, je le veux, répond le père. Alors le sacrificateur, se tournant vers l’assemblée, dit : Cet enfant, comme premier-né, est donc à moi, suivant cette loi (Nombres 18.16) : Rachetez celui qui est âgé d’un mois pour cinq sicles d’argent, etc. ; mais je me contente de ceci én échange. En achevant ces paroles, il prend deux écus d’or, ou environ plus ou moins, selon sa volonté ; et après cela il rend l’enfant au père et à la mère. Ce jour-là est un jour de réjouissance dans la famille. Si le père ou la mère sont de la race des sacrificateurs ou des lévites, ils ne rachètent point leur fils.

Outre les premiers-nés des hommes et des animaux qu’on offrait au Seigneur, ou que l’on rachetait en donnant de l’argent aux prêtres (Exode 13.2 Nombres 18.15), il y avait une autre sorte de premiers-nés que l’on amenait au temple pour en faire des repas de charité. C’est de cette dernière sorte de premiers-nés dont il est parlé au Deutéronome (Deutéronome 22.17-18) : Vous ne pourrez manger dans vos villes la dîme de vos froments, ni les prémices de vos bœufs et des autres bestiaux, ni rien de tout ce que vous avez voué ;… mais vous mangerez ces choses devant le Seigneur, votre Dieu, dans le lieu qu’il aura choisi ; vous, votre fils et votre fille, votre serviteur et votre servante, et les lévites qui demeurent dans vos villes ; vous ferez ces repas avec joie devant le Seigneur, après avoir receuilli le fruit de vos travaux. Et encore Deutéronome (Deutéronome 15.19) : Vous consacrerez au Seigneur tous les premier-nés de vos bœufs et de vos brebis ; vous ne labourerez point avec le premier-né du bœuf ; et vous ne tondrez point les premiers-nés de vos moutons ; mais vous les mangerez chaque année, vous et votre maison, en la présence du Seigneur, dans le lieu que le Seigneur aura choisi.

Il est certain que les premiers-nés, tant des hommes que des animaux, appartenaient nûment au Seigneur, et qu’il n’était pas permis aux particuliers ni de les manger, ni de les vouer, ni de les employer à des usages même pieux, ni d’en faire des festins de religion. Ils ne leur appartenaient en aucune manière. Mais après les avoir rachetés, ils pouvaient en user comme de leur propre bien. C’est donc apparemment de ces premiers-nés dont on faisait les repas dont on vient de parler ; ou bien, sous le nomn de premiers-nés en entendra ce qu’il y a de meilleur et de plus excellent dans les animaux qu’on destinait aux repas de religion qui se devaient faire devant le Seigneur, de même que sous le nom de prémices on comprend toutes les offrandes de tout ce qu’on avait de meilleur.

Les premiers-nés chez les Hébreux, comme parmi toutes ies autres nations, avaient les priviléges particuliers ; et comme parmi eux la polygamie,était en usage, il était important de fixer ces droits. Voici ce que Moïse en ordonne (Deutéronome 21.22) : Si un homme a deux femmes, dont il aime l’une et n’aime pas l’autre ; et que, ces deux femmes ayant eu des enfants de lui le fils de celle qu’il n’aime pas soit l’aîné, lorsqu’il voudra partager son bien entre ses enfants ; il ne pourra pas donner au fils de celle qu’il aime les droits de premier-né, ni le préférer au fils de celle qu’il n’aime pas ; mais si le fils de celle qu’il n’aime pas est l’aîné, il le reconnaîtra pour tel, et lui donnera une double portion dans tout ce qu’il possède. Les priviléges des premiers-nés consistaient premièrement au droit de sacerdoce, qui, avant la loi, était attaché à l’al né de la famille ; secondement en ce qu’il avait la double portion entre ses frères.

Le droit de sacerdoce n’avait lieu que quand les frères demeuraient ensemble dans le même lien et dans une même famille. Car dès que les frères étaient séparés et faisaient famille à part, chacun devenait le prêtre et le chef de sa maison.

Quant au double lot, on l’explique de deux manières. Les uns croient qu’on donnait à l’aîné la moitié de toute la succession ; et qua l’autre moitié se partageait par parties égales aux autres frères. Mais les rabbins enseignent au contraire que le premier-né prenait le double lot de chacun de ses frères. Si un père avait laissé six fils ; on faisait sept portions égales ; l’aîné en avait deux, et chacun de ses frères en avait une. Si l’aîné était mort et avait laissé des enfants, son droit passait à ses enfants et à ses héritiers. Les filles n’avaient nulle part à ces priviléges, quand même elles auraient été les aînées de leurs frères ou de leurs sœurs.

Le patriarche Jacob transporta le droit da premier-né de Ruben à Joseph ; Isaac, celui d’Ésaü à Jacob, et David celui d’Adonias, à Salomon ; mais tout, cela se fit par un ordre particulier de la Providence et par une révélation de Dieu.

Les premier-nés Sont appelés dans l’Écriture, le principe ou le commencement, ou les prémices dés forces du père (Genèse 49.3). L’Hébreu : Fortitudo mea et principium roboris mei. Comparez (Deutéronome 21.17 ; Psaumes 57.51). Les premiers-nés sont les premiers fruits et les premiers efforts de la vigueur de la jeunesse du père.

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