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Jean 4
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Lors donc que le Seigneur eut appris que les pharisiens avaient entendu dire que Jésus faisait et baptisait plus de disciples que Jean

Jésus en Samarie

Versets 1 à 26 — Jésus et la Samaritaine

Ces mots : Lors donc reportent la pensée au moment où de nombreux disciples affluaient autour de Jésus pendant son séjour en Judée (Jean 3.26).

Les pharisiens, ayant entendu parler de l’action croissante du nouveau prophète qui succédait à Jean, en prirent de l’ombrage.

Comme ils avaient repoussé le ministère du Précurseur, qui pourtant vivait selon la rigueur de la loi, ils devaient à plus forte raison reporter leur inimitié sur Jésus, qui prêchait une vie toute nouvelle faisait des miracles et avait assumé l’autorité messianique en purifiant le temple (Jean 2.14 et suivants).

Le Sauveur ayant appris, sans doute par quelques-uns de ses disciples, que telles étaient les dispositions de ses adversaires et ne voulant pas provoquer, avant le temps, leur haine « quitta la Judée et s’en retourna en Galilée » (verset 3).

Telle est, dans notre évangile, la première mention de cette opposition des chefs du peuple, qui ira grandissant jusqu’à la croix du Calvaire.

2 — (toutefois ce n’était pas Jésus lui-même qui baptisait, mais ses disciples),

L’évangéliste précise et rectifie par cette observation un mot d’où l’on aurait pu conclure que Jésus baptisait lui-même (Jean 3.22), tandis qu’il laissait cette fonction à ses disciples.

Mais pourquoi ne baptisait-il pas lui-même ? On a répondu que c’était afin d’éviter qu’on attribuât au baptême reçu de ses propres mains une valeur supérieure. On a dit encore que tout entier à son ministère, il ne voulait pas s’en détourner pour accomplir une cérémonie qu’il pouvait laisser à ses disciples. Les apôtres agirent de même plus tard (1 Corinthiens 1.17 ; Actes 10.48).

Ces explications peuvent être fondées ; mais la vraie raison, c’est que Jésus était le Seigneur (verset 1). Celui qui devait baptiser du Saint-Esprit, ne pouvait pas baptiser d’eau (Matthieu 3.11) ; d’autant moins que ce baptême administré par les disciples n’était alors encore que préparatoire, comme celui du Précurseur.

3 il quitta la Judée, et s’en retourna en Galilée.

La Samarie étant située entre la Judée et la Galilée, il fallait traverser cette province si l’on voulait suivre le chemin le plus direct.

Les Juifs évitaient ordinairement la Samarie, en faisant un détour par la Pérée et la rive orientale du Jourdain. Jésus, voulant donner un exemple de largeur et montrer qu’il ne partageait pas le préjugé des Juifs à l’égard des Samaritains (verset 9, note), prit le chemin le plus court, qui était encore de trois journées.

Mais ne pourrait-on pas, avec R. Stier, voir dans ce mot il fallait une direction de la providence et de la grâce divines, en vue de la belle œuvre que Jésus avait à faire dans cette même Samarie et que Jean va nous raconter avec une évidente prédilection ?

4 Or, il fallait qu’il passât par la Samarie. 5 Il arriva donc à une ville de Samarie, nommée Sychar, près du champ que Jacob donna à Joseph son fils.

Autrefois on identifiait Sychar avec Sichem, ville célèbre dans l’histoire du peuple d’Israël (Josué 20.7 ; Juges 9.7), connue déjà au temps des patriarches (Genèse 12.6 ; Genèse 33.18 ; Josué 24.32). Elle fut appelée Néapolis et subsiste encore sous le nom de Naplouse.

On expliquait le changement du nom de Sichem en Sychar par la haine des Juifs pour les Samaritains : Sychar, en effet, serait dérivé de schèker, mensonge, ou de schékar, boisson (ville des buveurs, comparez Ésaïe 28.1).

Mais il est plus probable qu’il faut distinguer Sychar de Sichem. Eusèbe parle de « Sychar qui est devant Naplouse ; » le Talmud mentionne une localité du nom de Soukar et l’on trouve aujourd’hui encore prés du puits de Jacob un hameau qui porte le nom de El Askar.

Voir les belles pages que M. Félix Bovet a consacrées à Sichem dans son Voyage en Terre Sainte (2e édition page 358 et suivantes).

[…] Bientôt la nature change : la culture devient plus riche et moins rare. Nous sommes dans le beau pays d’Éphraïm, bien différent de celui de Juda […] C’est surtout en arrivant dans la grande vallée où se trouve le puits de Jacob qu’on s’aperçoit de ce changement. Cette plaine n’a pas d’arbres, il est vrai et les montagnes qui la bordent sont encore nues et rocheuses, mais le fond de la vallée est couvert de champs cultivés et de prairies de la verdure la plus fraîche et la plus éclatante. Encore quelques jours et les blés seront blancs pour la moisson

Sur ce champ que Jacob donna à Joseph, voir Genèse 48.22 ; comparez Genèse 33.19 ; Genèse 34.25-27 ; Josué 24.32.

6 Or, là était la source de Jacob. Jésus donc, fatigué du voyage, s’était ainsi assis près de la source ; c’était environ la sixième heure.

La source et non le puits, selon nos versions ordinaires, ce dernier mot ne se trouve qu’au verset 11.

En employant ainsi deux termes distincts, l’évangéliste veut faire remarquer, sans doute, que ce puits n’était pas une citerne destinée à recueillir les eaux de pluie, selon l’usage de l’Orient, mais qu’il était alimenté par une source souterraine d’eau courante. Ensuite, ce terme seul pouvait fournir l’image que Jésus en tire au verset 14.

Nous arrivons, écrit M. Félix Bovet, à ce puits de Jacob où, pour la première fois, le grand principe d’un culte nouveau fut énoncé par Jésus en opposition au semi paganisme des Samaritains et au théisme formaliste des Juifs : « Dieu est esprit et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité » (verset 24) C’est sans contredit un des sites les plus intéressants qu’il y ait dans toute la Terre Sainte, non seulement à cause de la grandeur de la scène qui s’y est passée, non seulement à cause de l’importance des paroles que le Fils de l’homme y a fait entendre mais aussi parce qu’il n’est pas de localité qui soit mieux circonscrite et plus aisément reconnaissable. L’Évangile est sobre de tableaux, il nous en présente peu qui soient aussi complètement dessinés que celui de l’entretien de Jésus avec la Samaritaine. C’est ici, c’est sur la margelle de ce puits, que Jésus s’est assis à l’heure de midi, lassé du chemin et a demandé à boire à cette femme de Sychar. Voilà cette source dont il disait : « Tous ceux qui boivent de cette eau auront de nouveau soif, mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura plus jamais soif ». Ces pierres, cette plaine, ces montagnes ont été témoins de cette conversation. Ces beaux champs de blé qui s’étendent devant moi sont ceux que Jésus montrait à ses disciples : « Ne dites-vous pas, qu’il y a encore quatre mois Jusqu’à la moisson ? » Voilà, au-dessus de nous, ce sommet du Garizim auquel se rapportent ces paroles : « L’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père ». Le puits de Jacob est dans une admirable situation, au point de jonction de l’étroite vallée de Sichem et de la grande vallée de Mokhna… À ma gauche est l’Hébal et au pied, à peu de distance de moi, le tombeau de Joseph.
— Félix Bovet, Voyage en Terre Sainte, page 361

La sixième heure, c’est-à-dire midi (voir Jean 1.40, 2e note), l’heure de la plus grande chaleur. Cette observation nous fait sentir combien Jésus devait être fatigué, épuisé par la marche et accablé par l’ardeur du soleil, quand il vint s’asseoir sur le bord du puits de Jacob !

L’évangéliste accentue encore cette impression par ce petit mot : ainsi, fatigué comme il l’était, d’après Erasme, Bèze.

D’autres (Chrysostome, Meyer, Weiss, Rilliet, Oltramare), estimant que pour avoir le premier sens, ainsi devrait être placé devant le participe fatigué, traduisent : « S’était tout simplement assis », tel qu’il était sans autre siège, ou, selon l’expression de M. Godet, « sans autres préparatifs, en prenant les choses comme il les trouvait ».

7 Une femme de la Samarie vient pour puiser de l’eau, Jésus lui dit : Donne-moi à boire.

L’évangéliste, en indiquant la nationalité de cette femme, fait pressentir la tournure que prendra son entretien avec Jésus. Elle arrive inopinément à la source. Moment important pour elle, que le texte marque et rend plus actuel par le verbe au présent, vient.

En adressant la parole à cette femme, Jésus pressentait ce qui allait s’ensuivre, mais il faut prendre la requête qu’il lui adresse dans toute sa simplicité et sa réalité, il demande à boire, parce qu’il souffrait de la soif. Cela ressort de ce qui est dit au verset 6 (voir la note).

8 Car ses disciples s’en étaient allés à la ville pour acheter des vivres.

La remarque de l’évangéliste fait comprendre (car) pourquoi Jésus demande à la femme un service que nul autre ne pouvait lui rendre, en l’absence de ses disciples. Celle-ci permettra à l’entretien de devenir plus direct et intime.

9 La femme samaritaine lui dit donc : Comment toi, qui es Juif, me demandes-tu à boire, à moi, qui suis une femme samaritaine ? (Car les Juifs n’ont point de relations avec les Samaritains).

Par cette parenthèse l’évangéliste explique l’étonnement de la femme.

Les Samaritains étaient issus d’un mélange d’Israélites restés dans le pays lors de la captivité et de païens transportés de l’Orient dans cette contrée, pour la repeupler (2 Rois 17.24).

Ils avaient sur le mont de Garizim un temple et leur religion était la religion de Moïse, mélangée également de paganisme. Ils admettaient le Pentateuque, à l’exclusion de tout le reste de l’Ancien Testament (2 Rois 17.29).

Il y avait entre les Juifs et les Samaritains une haine nationale qui remontait à l’époque du retour de la captivité (Esdras 4.1-15 ; comparez Luc 9.52 et suivants). Aussi était-ce faire à un Juif une grossière injure que de l’appeler Samaritain (Jean 8.48).

Malgré cette hostilité entre les deux peuples, il y a quelque exagération dans l’étonnement exprimé par la Samaritaine. Reconnaissant en Jésus, soit à son langage, soit à son costume, un Juif, elle profite de la demande qu’il lui adressé pour donner essor à un sentiment national, souvent plus vif chez les femmes que chez les hommes.

10 Jésus répondit et lui dit : Si tu connaissais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, tu l’aurais prié toi-même, et il t’aurait donné de l’eau vive.

Jésus connut sans doute que le cœur de cette femme ne resterait pas fermé à sa parole, malgré l’ignorance et les préjugés dont il était rempli. Et avec quelle condescendance il poursuit l’entretien ! À quelle hauteur il l’élève dès l’abord !

Si la femme savait à qui elle avait affaire, au lieu de lui marchander un peu d’eau pour sa soit ; elle se mettrait à le prier humblement elle-même.

Il y a progression dans ces paroles si riches et très diversement interprétées. D’abord le don de Dieu, qui, sans aucun doute, était déjà renfermé dans cette précieuse occasion offerte à la femme de voir et d’entendre le Sauveur. Ensuite, cette première grâce la conduirait bien vite à savoir qui est celui qui condescend à lui demander un peu d’eau. La Samaritaine le saura bientôt, autant du moins qu’elle pouvait le connaître alors (versets 29 et 42).

Lui, enfin, lui aurait donné de l’eau vive. Au sens propre, l’eau vive, c’est-à-dire celle qui coule de source (par opposition à l’eau de pluie recueillie dans des citernes) est particulièrement précieuse en Orient. Elle seule rafraîchit et restaure le voyageur épuisé par la fatigue et la soif.

Qu’est-ce que Jésus, sous cette belle image, offre à la pauvre femme samaritaine ?

Chaque interprète répond à cette question selon ce qui lui paraît être l’essence même de l’évangile. Meyer et Astié : la grâce et la vérité (Jean 1.14) ; Lücke : la foi (Jean 7.38), Olshausen : Jésus lui-même et la vie qui vient de lui, Luthardt, Hofmann : le Saint-Esprit ; plusieurs Pères de l’Église : l’Esprit donné par le baptême.

Ne pourrait-on pas réunir toutes ces pensées en disant que l’eau vive est l’image de la vie, la vie spirituelle et éternelle de l’âme ? (versets 13 et 14). Mais cette vie ne se trouve qu’en Jésus (Jean 14.6 ; Colossiens 3.4) et elle n’est communiquée à l’âme que par le Saint-Esprit.

Toutes les interprétations précédentes se trouvent comprises dans cette dernière qui est en harmonie avec l’Écriture entière (Psaumes 23.2 ; Psaumes 42.2-3 ; Ésaïe 12.3 ; Ésaïe 41.17-18 ; Jérémie 2.13 ; Jean 7.37-39).

11 La femme lui dit : Seigneur, tu n’as point de vase pour puiser, et le puits est profond, d’où aurais-tu donc cette eau vive ? 12 Es-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses troupeaux ?

La Samaritaine a reçu des paroles de Jésus une première impression, qui lui inspire du respect : à celui qu’elle avait appelé un Juif (verset 9), elle donne maintenant le titre honorable de Seigneur. Peut-être même soupçonne-t-elle sous ce mot d’eau vive une pensée plus élevée, mais, comme Nicodème (Jean 3.4) elle affecte de prendre l’image dont Jésus se sert dans son sens littéral et matériel et elle défie Jésus de pouvoir lui donner ce qu’il lui offre, puisque, sans un vase pour puiser, il ne peut atteindre l’eau dans ce puits profond. « Il n’y a point ici d’autre source ; d’où aurais-tu donc cette eau vive ? » Puis, cédant à un mouvement d’orgueil national, elle demande à Jésus s’il se croit plus grand, plus puissant que le patriarche qui avait fait don de ce puits à ses descendants et qui l’avait trouvé suffisant pour lui-même, pour ses fils et pour ses troupeaux.

Il y a dans ces dernières paroles une pointe d’ironie par laquelle la femme croit répondre à ce mot de Jésus : Si tu savais qui est Celui qui te parle.

Elle appelle Jacob notre père parce que les Samaritains prétendaient descendre de ce patriarche par Joseph et ses fils, Éphraïm et Manassé (Josèphe, Antiquités Juives, IX, 14, 3 ; X1, 3, 6).

13 Jésus répondit et lui dit : Quiconque boit de cette eau-là aura de nouveau soif ; 14 mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissante jusqu’à la vie éternelle.

Cette eau là, dit Jésus, en désignant du geste le puits, ne peut désaltérer que pour un moment, la soif renaît bientôt. Il en est de même de toutes les jouissances de la terre, qui sont incapables de satisfaire l’âme de l’homme.

Christ seul par l’Esprit qu’il lui communique, étanche sa soif pour toujours. Mais cette source de vie et de bonheur n’existe pas seulement en dehors de l’âme régénérée, l’Esprit de Dieu qui la vivifie, demeure en elle et y forme une source permanente toujours jaillissante jusqu’à la vie éternelle.

Ce qui est éternel remonte toujours jusqu’à l’éternité.
— Olshausen
15 La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau-là, afin que je n’aie plus soif et que je ne vienne plus ici pour puiser.

On pourrait avec Lücke et Tholuck, voir de l’ironie dans la demande de la femme, ou, avec Meyer et Stier, penser que, dans son embarras, elle ne sait ce qu’elle dit.

Mais non, elle parle sérieusement, comme le montre ce mot respectueux de Seigneur. Les paroles de Jésus, surtout ce terme imposant de vie éternelle, l’ont impressionnée, elle a le pressentiment d’une vie paisible et heureuse, mais elle est incapable de concevoir cette vie en dehors du cadre de son existence terrestre ; c’est pourquoi elle associe naïvement le don qui lui est offert à la suppression de ses peines présentes.

Comment l’éclairer au point de lui faire comprendre par la simple intelligence ce qu’est la vie de l’âme, la vie éternelle ? Jésus dirige l’entretien vers un domaine plus accessible à son interlocutrice, celui de la conscience et de la vie morale.

16 Jésus lui dit : Va, appelle ton mari, et viens ici.

Le but de Jésus, en donnant à la femme l’ordre d’appeler son mari, était d’enfoncer dans sa conscience un aiguillon qui devait l’amener à la repentance.

Quelques interprètes, estimant qu’il y aurait eu, dans l’emploi de ce moyen de tourné, quelque chose de peu conforme à la parfaite sincérité de Jésus, pensent qu’il voulait réellement faire venir à lui le mari de cette femme, afin de le rendre aussi participant de ses instructions.

Pour cela, ils doivent admettre que Jésus ignorait, à ce moment-là, ce qu’était la vie de cette femme et que sa vue prophétique ne s’éveilla que lorsqu’elle lui dit : « Je n’ai point de mari ».

Mais l’objection qu’ils font au procédé de Jésus nous paraît dictée par des scrupules exagérés et il est plus naturel et plus conforme au récit de supposer que Jésus connut d’emblée la misère morale de son interlocutrice.

17 La femme répondit : Je n’ai point de mari. Jésus lui dit : Tu as bien dit : Je n’ai point de mari ; 18 car tu as eu cinq maris ; et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; tu as dit vrai en cela.

Par cette réponse : Je n’ai point de mari, réponse qui était un demi-aveu, la femme voulait échapper à la confusion qu’elle éprouvait. Mais Jésus, en déroulant devant elle le tableau de sa vie passée et actuelle, l’humilie par la puissance irrésistible de la vérité (verset 19).

Nous voyons ici en Jésus une connaissance immédiate et surnaturelle, qui s’est manifestée plus d’une fois dans sa vie et que Jean lui attribue expressément (Jean 2.24-25).

Les cinq premiers mariages de cette femme avaient été légitimes et successivement dissous par le divorce ou par la mort cela ressort de la manière dont Jésus désigne l’homme avec qui elle vivait alors dans le désordre. Et cependant ô miséricorde infinie ! Le Seigneur continue à lui parler et à l’instruire pour la sauver.

19 La femme lui dit : Seigneur, je vois que tu es un prophète ! 20 Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem.

À ce regard de Jésus qui a pénétré son cœur et sa vie, la Samaritaine reconnaît en lui un envoyé de Dieu, un prophète. Et aussitôt, elle lui pose une question dont le sens a été faussé de deux manières opposées.

Quelques interprètes n’y ont vu que le désir d’échapper à elle-même et à son humiliation, pour porter l’entretien sur un sujet religieux général.

D’autres ont cru y trouver la requête anxieuse d’une âme pénitente qui s’informe du vrai sanctuaire où elle trouvera le plus sûrement le pardon de ses péchés. La vérité est, comme l’observe avec justesse M. Godet entre ces deux extrêmes.

Sans doute, elle pouvait instinctivement désirer de détourner l’attention d’elle-même, mais c’est avec tout le sérieux d’une conscience remuée qu’elle demande à Jésus la solution de la question religieuse vivement débattue entre les Samaritains et les Juifs, sur le lieu où il fallait adorer.

Les Samaritains (nos pères) célébraient leur culte sur le Garizim (Deutéronome 11.29 ; Deutéronome 27.12). Ils s’y étaient construit un temple à l’époque de Néhémie. Ce temple avait été détruit par Jean Hyrcan 127 ans avant Jésus-Christ. Les Juifs, eux, soutenaient qu’on ne pouvait offrir de sacrifices que dans le temple de Jérusalem.

En disant : sur cette montagne, la femme pouvait la montrer de la main, car le puits de Jacob, où avait lieu cet entretien, est situé au pied du Garizim.

21 Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l’heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père.

Par cette seule parole, Jésus élève l’adoration à toute sa hauteur de vérité et de spiritualité (verset 24).

Pour les vrais adorateurs, il ne sera plus question de chercher le Père en un lieu plutôt qu’en un autre, puisque, partout, il entend leurs prières.

Ainsi Jésus ne décidait la question ni en faveur des Juifs ni en faveur des Samaritains, il les invitait les uns et les autres à se rencontrer et à s’unir dans l’adoration du Père.

22 Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez point ; nous, nous adorons ce que nous connaissons ; car le salut vient des Juifs.

Après avoir mis au-dessus de tout doute sa haute impartialité, Jésus décide pourtant la question posée entre les deux peuples en faveur des Juifs, du moins quant au passé.

Les Samaritains, en restant séparés du peuple de l’alliance, en n’admettant de l’Ancien Testament que les cinq livres de Moïse, s’étaient volontairement privés de toutes les révélations subséquentes de Dieu par le ministère des prophètes, aussi bien que de tous les autres privilèges religieux dont avaient joui les Juifs (Romains 9.4-5).

Leur connaissance de Dieu et par conséquent leur adoration, était donc très incomplète.

C’est là ce que Jésus constate d’abord. Mais la grande raison (car) de la supériorité du culte des Juifs, c’est que Dieu devait donner par eux au monde le salut, en faisant sortir du milieu d’eux le Sauveur.

Ésaïe avait connu déjà, par l’esprit prophétique et annoncé le plan de Dieu à ce sujet (Ésaïe 2.3). Dieu n’est connu que de ceux qui reçoivent cette pleine révélation du salut. En effet, Jésus déclarait aux Juifs mêmes qui le rejetaient, qu’ils ne connaissaient pas Dieu (Jean 7.28).

On a contesté que par ce pronom nous Jésus se désigne, lui et les Juifs et l’on a pensé qu’il entendait par là lui et ses disciples, opposés aux Juifs et aux Samaritains.

Mais l’ensemble du texte exige l’interprétation donnée. Jésus, qui savait que le salut venait d’Israël, aimait assez son peuple pour s’identifier avec lui.

23 Mais l’heure vient, et elle est maintenant arrivée, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; car aussi, ce sont de tels adorateurs que le Père cherche.

L’heure, c’est celle dont il a parlé au verset 21, comme d’un temps futur, tandis qu’ici il peut ajouter qu’elle est maintenant, parce que déjà il avait autour de lui un petit nombre de ces vrais adorateurs.

Une adoration en esprit est tout d’abord d’après les versets 20 et 21, celle qui n’est déterminée par aucunes circonstances de lieux, de temps, d’actes ou de cérémonies extérieures, toutes choses qui n’ont aucune vertu en elles-mêmes. L’adoration en esprit a lieu dans la partie la plus intime de notre être (Romains 1.9) elle consiste dans une communion vivante avec Dieu, qui est esprit (verset 24).

Une telle adoration sera nécessairement aussi une adoration en vérité, c’est-à-dire conforme à la nature du Dieu que nous adorons. Ce double caractère de l’adoration suppose l’action de l’Esprit de Dieu en l’homme (Jean 3.5 ; Romains 8.14-16, Romains 8.26-27).

En effet, pour adorer le Père, il faut le connaître, l’aimer comme tel et pour cela, il faut être devenu un enfant du Père.

Cherches-tu un saint lieu : consacre à Dieu ton intérieur pour lui être un temple ; car le temple de Dieu est saint et c’est vous qui l’êtes (1 Corinthiens 3.16-17).
— Augustin

Jésus ajoute que ce sont de tels adorateurs que le Père demande, ou plutôt cherche, selon la traduction littérale ; car, en ce moment même, comme l’observe avec justesse M. Godet, « Jésus fait pressentir à cette femme qu’il est lui-même l’envoyé du Père pour former ce nouveau peuple et qu’il l’invite à en faire partie ».

24 Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité.

Dieu est esprit. Jésus justifie par cette affirmation de l’essence de Dieu ce qu’il a dit de la vraie adoration. Elle doit être en harmonie avec la nature de Celui qui en est l’objet.

La spiritualité de Dieu était bien connue des croyants de l’ancienne alliance (1 Rois 8.27-39) ; mais Jésus la présente dans son rapport profond avec l’âme humaine et montre la transformation qu’elle doit opérer dans le culte pour faire de celui-ci une adoration digne de Dieu.

En effet, Jésus n’est pas préoccupé de donner une définition métaphysique de Dieu, mais d’apprendre à l’adorer comme l’Être infini, éternel, tout-puissant, vivant, saint, qui se communique à sa créature asservie au péché et à la chair, afin de l’en délivrer, de la sanctifier, de la ramener à sa communion de lui rendre possible, en un mot, l’adoration en esprit et en vérité.

25 La femme lui dit : Je sais que le Messie (celui qui est appelé Christ) vient ; quand celui-là sera venu, il nous annoncera toutes choses.

La Samaritaine est évidemment saisie par ces grands enseignements de Jésus, bien qu’elle ne puisse pas les comprendre entièrement ; elle désire recevoir de plus amples instructions ; elle met la conversation sur le Messie, qu’elle attendait avec son peuple.

Les Samaritains trouvaient dans le Pentateuque le fondement de cette espérance d’un libérateur (Genèse 15.1-6 ; Genèse 49.10 et surtout Deutéronome 18.15).

Si le nom même de Messie (dont la traduction qui est appelé Christ appartient à l’évangéliste) ne se trouve pas dans ces passages, les Samaritains pouvaient parfaitement l’avoir reçu des Juifs.

À propos des mots : il nous annoncera toutes choses il faut observer le contraste qu’il y a entre cette notion d’un Messie prophète et les idées des Juifs, qui faisaient du Messie un roi, un personnage politique. L’absence de telles préoccupations permet à Jésus de se déclarer.

Les interprètes qui ne voient dans cette réflexion de la femme qu’un moyen d’échapper encore aux appels que Jésus adressait à sa conscience (verset 23, note) sont dans l’erreur. Si leur opinion était fondée, le Sauveur n’aurait pu accorder à la Samaritaine la grande révélation dont il la favorise (verset 26).

26 Jésus lui dit : Je le suis, moi, qui te parle.

De quel étonnement dut être saisie la Samaritaine en entendant cette déclaration si simple, si claire, si grande !

Jamais Jésus ne s’était exprimé si nettement sur sa dignité messianique, ni à l’égard du peuple juif, ni même envers ses disciples. Il défendra plus tard à ces derniers de le faire connaître, avant le temps, comme le Messie (Matthieu 16.20 ; Marc 8.30 ; Luc 9.21).

Aussi la critique négative a-telle trouvé une contradiction entre ces réticences et la franche déclaration de notre récit. C’est méconnaître la différence des situations. Parmi les Juifs, imbus de fausses espérances messianiques, Jésus devait éviter l’abus qu’ils pouvaient faire de ses paroles, tandis qu’en Samarie, il ne courait point les mêmes dangers.

Il saisit avec l’empressement de la charité l’occasion de se révéler à une femme qui cherchait le salut, et, par elle, à ses concitoyens (versets 29 et 39).

27 Et là-dessus, ses disciples arrivèrent, et ils s’étonnaient de ce qu’il parlait avec une femme ; néanmoins, aucun ne dit : Que lui demandes-tu ? Ou : De quoi parles-tu avec elle ?

Jésus et les disciples, conversion des Samaritains (27-42)

Le texte reçu porte : s’étonnèrent ; l’imparfait : s’étonnaient, qui se lit dans Codex Sinaiticus, B, A, C, D, peint l’attitude des disciples et indique que leur surprise dura quelque temps.

Quelle en était la cause ? C’est que cette femme était une étrangère, une Samaritaine ; c’est surtout que, d’après les principes des rabbins juifs, qui jugeaient la femme indigne de toute instruction, il n’était pas bienséant à un homme d’avoir de longs entretiens même avec sa propre épouse et combien plus avec une étrangère !

Dans la suite Jésus releva la femme d’une manière plus décisive encore de cette abjection, puisqu’il reçut parmi ses disciples des femmes qu’il autorisait à le suivre en le servant (Luc 8.2-3 et ailleurs).

Les disciples gardent le silence, par respect pour leur Maître

28 La femme laissa donc sa cruche et s’en alla à la ville, et elle dit aux gens :

Donc, à cause de l’arrivée des disciples, qui interrompit l’entretien, la femme laissa sa cruche, soit par l’effet de son émotion, soit, comme le pense Bengel, pour accourir plus vite auprès de ses concitoyens, soit enfin parce qu’elle était bien décidée à revenir. Ce détail est caractéristique et révèle le témoin oculaire.

29 Venez, voyez un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait : ne serait-ce pas le Christ ?

La pensée dont la Samaritaine est remplie, c’est que cet homme a pénétré son cœur et sa vie (tout ce que j’ai fait) ; et comme il lui a déclaré qu’il est le Christ, le Messie, elle est disposée à le croire.

Mais pour ses concitoyens et à cause de la grandeur de sa découverte, elle exprime timidement sa conviction par une question qui était seulement destinée à éveiller leur attention et à les décider à venir se convaincre par eux-mêmes (verset 42).

30 Ils sortirent de la ville, et ils venaient vers lui.

Il faut remarquer ces différents temps de verbes : Ils sortirent et ils venaient.

C’est ainsi que l’évangéliste marque d’abord l’empressement des habitants à quitter la ville et nous les fait voir ensuite, accourant à travers champ en longue procession.

31 Pendant ce temps, les disciples le priaient disant : Rabbi, mange.

Pendant ce temps (grec dans l’intervalle), c’est-à-dire entre le départ de la femme et l’arrivée des Samaritains. Les disciples expriment leur sollicitude pour leur Maître fatigué et épuisé, en l’invitant à manger.

32 Mais il leur dit : J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. 33 Les disciples se disaient donc les uns aux autres : Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ?

Jésus a prononcé une parole énigmatique qu’il va expliquer et que les disciples entendent à la lettre.

34 Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’achever son œuvre.

Jésus travaille à l’œuvre de Dieu avec tant d’amour, qu’il y trouve réellement sa nourriture, sa force, sa joie et comme le rassasiement de l’âme et du corps (Psaumes 63.6 ; Matthieu 4.4). C’est qu’il agissait toujours dans une communion intime avec Dieu qui est la source de la vie.

De ces deux verbes faire et achever l’œuvre de Dieu, le premier est au présent (dans Codex Sinaiticus, A, Jean 4) et désigne l’action actuelle du Sauveur parmi les Samaritains ; le second est au futur et reporte la pensée jusqu’à l’achèvement complet de cette œuvre.

La relation entre les deux substantifs volonté et œuvre, dit M. Godet, correspond à celle des deux verbes. Pour que l’œuvre de Dieu se trouve achevée au moment suprême, il faut que sa volonté ait été exécutée à chaque moment.
Jésus n’était pas encore au milieu de sa carrière et déjà il en voit la fin glorieuse.
— Bengel (comparer verset 36)
35 Ne dites-vous pas : Encore quatre mois, et la moisson arrive ? Voici, je vous dis : Levez vos yeux, et regardez les campagnes ; elles sont déjà blanches pour la moisson.

Jésus a parlé avec bonheur de l’œuvre de Dieu qu’il accomplissait (verset 34).

Maintenant, il en contemple d’avance les résultats dans ces Samaritains qu’il va amener au salut. Il peint ce triomphe de l’Évangile par une très belle image empruntée à la nature.

Dans les campagnes verdoyantes qui s’étendaient à l’entour on pouvait voir une promesse de la moisson, mais celle-ci ne devait être mûre que dans quatre mois.

Jésus invite ses disciples à regarder ces campagnes comme étant déjà blanches pour la moisson. Il entend par là la moisson spirituelle parmi ces habitants de la Samarie qu’il voyait accourir à lui.

Tischendorf et, avec lui, plusieurs exégètes rattachent le mot déjà au commencement du verset suivant, qu’il faudrait alors traduire ainsi : « Et déjà celui qui moissonne, etc ».

Nous préférons lui laisser la place que lui assigne le texte reçu ; Jésus veut marquer par ce mot le contraste entre les quatre mois qu’il y a encore jusqu’à la moisson naturelle et ces campagnes déjà blanches pour la moisson spirituelle.

La moisson avait lieu en avril, les quatre mois dont parle Jésus nous reportent en décembre. Le séjour de Jésus en Judée, commencé à la fête de Pâque, s’était donc prolongé plus de huit mois.

Quelques interprètes voient à tort dans ces mots : « Encore quatre mois et la moisson vient », un dicton populaire indiquant le temps qui s’écoule entre les semailles et la moisson. Ce prétendu proverbe ne se retrouve nulle part et en Palestine on ne compte pas quatre mois mais six des semailles à la moisson.

36 Et celui qui moissonne reçoit un salaire et amasse du fruit pour la vie éternelle ; afin que, et celui qui sème, et celui qui moissonne, en aient ensemble de la joie.

Celui qui moissonne reçoit un salaire qui consiste à (le et a ce sens explicatif) amasser du fruit pour la vie éternelle, c’est-à-dire à recueillir des âmes sauvées.

Cette sentence générale fait comprendre aux disciples que la moisson dont Jésus vient d’annoncer qu’elle est déjà prête (verset 35), est une moisson spirituelle.

La première partie du verset 36 est une parenthèse explicative.

Jésus se reporte ensuite au fait qu’il a signalé à ses disciples : les campagnes sont déjà blanches pour la moisson (verset 35) ; il en est ainsi continue-t-il, dans l’intention de Celui qui a hâté la marche des événements, afin que celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble.

Dans la règle leur joie n’est point simultanée. Et même les semailles nous sont présentées dans une comparaison connue de l’Ancien Testament, comme un travail pénible (Psaumes 126.5-6).

Mais dans cette circonstance unique Dieu permet que le bonheur des semailles coïncide avec le bonheur de la moisson. Dans la suite (verset 38) Jésus donnera à entendre le sens de cette parabole : celui qui sème, c’est lui-même qui vient de répandre le bon grain dans l’âme de la Samaritaine et va enseigner encore ses concitoyens (versets 40-42).

Les disciples auront à remplir le rôle de celui qui moissonne.

37 Car, en ceci, cette parole est vraie : Autre est celui qui sème, et autre celui qui moissonne. 38 Moi, je vous ai envoyés moissonner là où vous n’avez pas travaillé ; d’autres ont travaillé, et vous êtes entrés dans leur travail.

Au verset 37 Jésus confirme (car) ce qu’il donnait à entendre à la fin du verset 36, à savoir que, dans le cas particulier et contrairement à la règle générale, le moissonneur est distinct du semeur.

Il le fait en citant un proverbe dont il constate qu’il est vrai dans le cas donné ; puis il dit positivement que c’est lui qui a envoyé ses disciples moissonner là ou d’autres ont travaillé.

Ces paroles trouvaient leur application immédiate dans ce qui se passait alors, près du puits de Jacob, mais elles ont une portée plus étendue qui se vérifiera dans toute la carrière des disciples.

Si Jésus n’avait pas semé, implanté dans notre humanité les germes d’une vie divine, jamais les apôtres n’y auraient recueilli une moisson pour la vie éternelle.

Par ces mots : d’autres ont travaillé, plusieurs interprètes ont entendu Jésus et Jean-Baptiste, ou encore les prophètes avant eux. Il est plus probable que Jésus n’entend parler que de lui-même et qu’il se voile en quelque sorte sous ce pluriel.

En parlant ainsi, il ne méconnaît point le rude labeur qui attend ses disciples ; mais, de même qu’en Samarie ils ont part à la joie de la moisson que leur Maître a préparée, de même, à l’avenir, ils ne feront qu’entrer dans son travail et le poursuivre, comme le font encore aujourd’hui tous ses fidèles serviteurs.

39 Or plusieurs des Samaritains de cette ville-là crurent en lui, à cause de la parole de la femme, qui rendait ce témoignage : Il m’a dit tout ce que j’ai fait.

L’évangéliste reprend son récit, interrompu au verset 30.

Plusieurs des Samaritains crurent en Jésus, d’une foi qui n’avait encore d’autre fondement que le témoignage de la femme et d’autre objet que la connaissance surnaturelle manifestée par ce prophète qui lui avait dévoilé toute sa vie (tout ce que j’ai fait, verset 28).

Mais comme cette foi était sincère, elle va devenir tout autre par un moyen plus direct (verset 42).

40 Lors donc que les Samaritains furent venus vers lui, ils le prièrent de demeurer auprès d’eux ; et il demeura là deux jours.

La prière de demeurer auprès d’eux, que les Samaritains adressent à Jésus, après être venus vers lui, c’est-à-dire après l’avoir vu et entendu, est l’indice d’un progrès dans leur foi et du besoin qu’ils ressentent de plus de lumière.

De son côté, Jésus, heureux de voir ces hommes altérés de vérité, va leur consacrer deux jours entiers.

41 Et un beaucoup plus grand nombre crurent, à cause de sa parole.

Ces mots : à cause de sa parole, dont ils avaient éprouvé dans leur cœur la vérité et la puissance, forment ici un contraste marqué avec ceux-ci : « à cause de la parole de la femme » (verset 39).

42 Et ils disaient à la femme : Ce n’est plus à cause de ce que tu as dit, que nous croyons ; car nous avons entendu nous-mêmes, et nous savons que celui-ci est véritablement le Sauveur du monde.

Les Samaritains expriment clairement la différence qu’il y a entre la foi d’autorité, qui repose sur un récit, un témoignage (ce que tu nous as dit, grec ton langage) et la foi qui se fonde sur l’expérience immédiate et personnelle (nous-mêmes, nous avons entendu).

Et telle a été la puissance de la parole de Jésus sur leur âme, pendant ces deux journées, qu’ils peuvent dire, non seulement nous croyons, mais nous savons que celui-ci est véritablement le Sauveur du monde (Le texte reçu ajoute : le Christ ; ces mots manquent dans Codex Sinaiticus, B, C, Versions).

On s’est étonné de trouver dans la bouche de ces Samaritains une profession si explicite de leur foi, qui s’élève jusqu’à l’universalité du salut.

Mais, comme l’observe Meyer, cette confession est très compréhensible, puisqu’elle est le fruit de deux jours d’instructions de Jésus et elle l’est d’autant plus que les espérances messianiques des Samaritains n’étaient pas entachées de l’étroit particularisme juif. La semence de vie répandue par le Sauveur dans cette contrée ne périt point, mais prépara la riche moisson que les disciples y firent plus tard (Actes 8.5-8, Actes 8.14-17).

43 Après ces deux jours, il partit de là pour se rendre en Galilée ;

Jésus en Galilée

Versets 43 à 54 — Jésus guérit le fils de l’officier royal

Ces deux jours sont ceux que Jésus venait de passer avec les Samaritains (verset 40).

L’évangéliste reprend sa narration du retour de Jésus en Galilée (verset 3) interrompue par le récit du séjour à Sychar.

44 car Jésus avait déclaré lui-même qu’un prophète n’est point honoré dans sa propre patrie.

Voici un de ces passages qui ont donné aux interprètes une peine infinie.

L’évangéliste raconte le retour de Jésus en Galilée et il motive ce retour (car) en rappelant un proverbe que Jésus avait cité et qui apparaît bien plutôt comme une raison contre ce retour en Galilée. Première contradiction.

Puis il rapporte, comme une conséquence de ce dicton (donc, verset 45), que Jésus fut bien reçu des Galiléens. Seconde contradiction.

Nous ne citerons que les principales tentatives faites pour aplanir ces difficultés. Qu’est-ce que la patrie de Jésus mentionnée dans ce proverbe ? Plusieurs répondent : La Galilée. Jésus s’y rend, parce qu’il sait qu’il n’y obtiendra pas de succès, mais il cherche soit la lutte (Weiss), soit la retraite (Luthardt, Holtzmann, Schlatter).

Cette explication revient à changer le car en quoique (comme le fait la traduction fautive d’Ostervald) et elle rend incompréhensible le donc du verset 45.

Meyer pense que Jésus, sachant qu’en sa qualité de prophète il ne serait pas dès l’abord honoré dans la Galilée, sa patrie, avait commencé par chercher cet honneur au dehors, à Jérusalem, en Judée. Son calcul ne le trompa pas il fut ensuite (donc) bien reçu des Galiléens, parce qu’ils avaient vu ses miracles à Jérusalem (verset 45).

Cette explication, très admissible est adoptée, avec quelques modifications, par Astié, Reuss, M. Godet. D’autres, depuis Origène jusqu’à Baur, Ebrard et Keil, croient que, dans la pensée de Jean, la patrie de Jésus était la Judée, où il était né et que, n’y ayant pas été honoré, il retournait en Galilée.

Cette idée est contraire à toutes les données du Nouveau Testament qui désigne Nazareth en Galilée comme la patrie de Jésus.

C’est même sur ce fait qu’un grand nombre d’interprètes se fondent pour proposer une quatrième explication de notre passage. Ils entendent par la Galilée, où Jésus retournait, cette province dans son ensemble à l’exclusion de Nazareth, ou Jésus ne voulait pas aller. Ainsi s’expliquerait le motif (car), invoqué par l’évangéliste et la citation de ce proverbe, que Jésus avait réellement prononcé à Nazareth et au sujet de Nazareth (Luc 4.23-24).

En outre, bien que Jésus fût vulgairement appelé Galiléen (Matthieu 26.69), nulle part le Nouveau Testament ne lui donne cette province pour patrie, mais constamment Nazareth (Matthieu 13.54-57 ; Marc 6.1-4 ; Luc 4.16-30 ; Jean 1.46 ; Jean 19.19).

Pourquoi l’expression : sa propre patrie n’aurait-elle pas le même sens dans la pensée de Jean ?

On objecte que Jésus se rendit bientôt à Cana, qui n’était pas très éloigné de Nazareth (verset 46), mais Jean lui-même indique assez clairement, dans ce verset, que Jésus avait autant de motifs de retourner à Cana qu’il en avait peu d’aller à Nazareth. Cette explication, admise par Erasme, Calvin, Bèze, Bengel, Olshausen, Hengstenberg et d’autres, est peut-être la plus simple de celles qu’on a proposées.

45 Lors donc qu’il fut arrivé en Galilée, les Galiléens l’accueillirent, ayant vu toutes les choses qu’il avait faites à Jérusalem, pendant la fête ; car eux aussi étaient allés à la fête.

L’évangéliste explique le bon accueil que reçut Jésus des Galiléens en rappelant qu’ils avaient été témoins de toutes les choses qu’il avait faites à Jérusalem pendant la fête, à laquelle ils avaient eux-mêmes assisté.

Ils avaient été frappés de l’autorité qu’il avait déployée en purifiant le temple (Jean 2.13 et suivants), aussi bien que des miracles qu’il avait opérés (Jean 2.23).

C’étaient la des manifestations extérieures qui pouvaient préparer les âmes à la foi, mais qui étaient insuffisantes pour la créer en elles (verset 48).

46 Il vint donc de nouveau à Cana de Galilée, où il avait changé l’eau en vin. Et il y avait à Capernaüm un officier royal, dont le fils était malade.

Ce donc semble indiquer que Jésus, encouragé par ce bon accueil, voulut poursuivre son voyage en Galilée, jusqu’à Cana, où son séjour précédent pouvait avoir préparé les esprits à recevoir sa parole. C’est ce que l’évangéliste veut faire sentir en rappelant que c’est là qu’il avait changé l’eau en vin (Jean 2.1 et suivants).

Un officier royal (grec un royal) peut désigner tout fonctionnaire, civil ou militaire. Il s’agit ici d’un serviteur d’Hérode Antipas, qui régnait sur la Galilée et auquel on donnait le titre de roi bien qu’il ne portât officiellement que celui de tétrarque.

47 Cet homme ayant appris que Jésus était arrivé de Judée en Galilée, s’en alla vers lui, et le pria de descendre et de guérir son fils ; car il allait mourir.

La confiance de cet homme, qui pourtant n’était point encore disciple de Jésus (verset 53), s’explique, soit par ce miracle de Cana, dont il avait été peut-être informé, soit par la connaissance qu’il avait eue, lui aussi, de tout ce que Jésus avait fait à Jérusalem.

Mais cette confiance s’explique mieux encore par l’angoisse de son cœur de père. Son fils, qui allait mourir, paraît avoir été un fils unique, ainsi que l’indique, en grec, l’article. Il prie Jésus de descendre parce que Cana était situé dans les montagnes.

48 Jésus lui dit donc : Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croirez point !

Cette parole, qui a quelque chose de sévère surprend au premier abord.

Il y a une désapprobation évidente dans ces termes que Jésus choisit et accumule à dessein : miracles (grec signes) et prodiges, l’un indiquant une manifestation du monde invisible, l’autre un acte merveilleux contraire aux lois de la nature

Il en est de même de la double négation qui se trouve dans l’original et qui signifie : Vous ne croirez certainement point.

À qui s’adresse ce reproche ? D’abord à celui qui l’implore (il lui dit) et qui aurait dû croire, sans miracle, par la connaissance qu’il avait de Jésus (verset 47, note) ; mais aussi aux Galiléens qui l’entouraient, comme l’indiquent les verbes au pluriel.

Tous recherchaient des miracles (Matthieu 12.38 ; 1 Corinthiens 1.22) et Jésus voulait qu’ils crussent en lui par sa parole, qui mettait la vérité en contact immédiat avec leur âme. Il ne nie pas la valeur de ses miracles pour préparer la foi ; il y fait appel lui-même (Jean 10.37-38 ; Jean 14.11) ; mais ce n’est là, à ses yeux, qu’un moyen secondaire et qui reste inutile s’il ne conduit les âmes directement à lui. D’ailleurs il ne refuse point sa demande à ce père qui l’implore ; il lui donne une instruction qui contribuera à l’amener à la vraie foi (verset 53).

49 L’officier royal lui dit : Seigneur, descends avant que mon enfant meure.

Le père ne se laisse point rebuter par ce qu’il y avait de sévère dans les paroles de Jésus ; mais, dans son angoisse, il insiste, avec une émotion qui se trahit par l’emploi de ce diminutif plein de tendresse : mon petit enfant (comparer Marc 5.23, note).

Aussi Jésus répond à sa confiance en lui accordant plus qu’il ne demandait. Sans aller avec lui à l’instant même, il lui annonce la guérison de son fils par cette parole souveraine : Va, ton, fils vit.

Cette manière d’agir du Sauveur constitue aussi une nouvelle épreuve pour la foi naissante de l’officier, puisqu’il doit s’en retourner en n’emportant qu’une parole. Mais cette parole lui suffit (verset 50).

50 Jésus lui dit : Va, ton fils vit. Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite ; et il s’en allait. 51 Or, comme déjà il descendait, ses serviteurs vinrent à sa rencontre et lui annoncèrent cette nouvelle, disant : Ton enfant vit.

Comme déjà il descendait vers le lac de Tibériade, les serviteurs accourent pleins de joie au-devant de leur maître, afin de lui apprendre plus tôt la bonne nouvelle.

Ils se servent, pour la lui annoncer, des mêmes termes qu’avait employés Jésus et qui, dans leur bouche, signifient : Non seulement il n’est pas mort, mais il est guéri.

52 Il leur demanda donc l’heure à laquelle il s’était trouvé mieux. Ils lui dirent donc : Hier, à la septième heure, la fièvre le quitta.

Le père a maintenant la joyeuse certitude de la guérison de son fils, mais il veut s’assurer si la parole de Jésus à laquelle il avait cru en a été vraiment la cause unique ; cette constatation achèvera d’affermir sa foi.

La septième heure, selon la manière juive de diviser le jour, indique une heure après midi.

Dans ce cas, le père a eu le temps de retourner de Cana à Capernaüm le jour même, la distance étant de six à sept heures de marche et l’angoisse de son cœur devant accélérer sa course.

Aussi quand les serviteurs parlent de la guérison comme accomplie la veille (hier), ils s’expriment à la manière des Juifs, qui après six heures du soir désignent le jour écoulé comme le jour d’hier.

En méconnaissant la portée de ce terme, on a supposé à tort que l’officier avait passé la nuit soit à Cana, soit en chemin ; ou bien l’on s’est fait un argument de notre passage pour prouver que notre évangéliste divise le jour en comptant les heures à partir de midi. Dans ce cas, la guérison aurait été opérée par la parole de Jésus à sept heures du soir et le père n’aurait pu arriver à Capernaüm que le lendemain matin.

53 Le père reconnut donc que c’était à cette même heure-là que Jésus lui avait dit : Ton fils vit. Et il crut, lui et toute sa maison.

Il crut, non seulement à la parole de Jésus, dont il reconnaît maintenant la puissance divine, mais il crut en Jésus lui-même, comme Messie et Sauveur. Et bientôt toute sa maison, sa famille entière et ses serviteurs, partagèrent sa foi.

Résultat du miracle, plus grand et plus précieux encore pour ce père que la guérison de son fils.

54 Jésus fit encore ce second miracle, en arrivant de Judée en Galilée.

Grec : Jésus fit de nouveau ce second miracle arrivant de Judée en Galilée ; allusion au premier miracle de Cana qui avait marqué le précédent retour de Jésus en Galilée.

Deux idées, dit M. Godet, sont réunies dans cette proposition : il fit un second miracle à Cana et il le fit de nouveau en arrivant de Judée en Galilée.

C’est cette circonstance de deux retours différents de Jésus, l’un et l’autre signalés par un miracle, que Jean veut marquer ici.