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2 Corinthiens 12
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de 2 Corinthiens 12

Gloire du ciel et écharde en la chair

S’il est nécessaire de se glorifier, j’en viendrai aux visions et aux révélations : Je connais un homme qui, dans un état d’extase, inconscient de lui-même, fut ravi jusqu’au ciel et y entendit des choses ineffables qu’il ne lui est pas permis de dire (1-4).

Je pourrais me glorifier de cet homme, et cela, sans imprudence, car il dit la vérité ; mais je m’abstiens, afin qu’on ne le juge que tel qu’il est (5, 6).

Bien plus, pour me préserver d’orgueil, il m’a été donné une écharde en la chair, source de souffrance et de tentation. À mes prières réitérées, il me fut répondu par ce seul mot : Ma grâce te suffit ; je ne me glorifierai donc que de mes infirmités et de mes souffrances (7-10).

1 Il faut se glorifier…, cela ne convient pas ; car j’en viendrai jusqu’à des visions et à des révélations du Seigneur.

Gloire du ciel et écharde en la chair (1-10)

« Me glorifier est nécessaire (à cause de vous)…bien que cela ne me convienne pas ; j’en viendrai en effet »… Encore une confirmation de ce qui a été dit à ce sujet (2 Corinthiens 11.1, note ; 2 Corinthiens 11.16, note). Aussi l’apôtre ne veut-il se glorifier que dans ses infirmités (verset 5).

Toutefois, si des hommes aussi peu spirituels que les faux apôtres et les âmes qu’ils pouvaient avoir séduites, n’ont pas su reconnaître dans ce qui précède la vie d’un vrai serviteur de Jésus-Christ, s’ils exigent d’autres preuves, des révélations extraordinaires, des signes, des miracles, tout cela abonde encore dans la vie de Paul (versets 2-4, 12), et il le montre.

La leçon du texte reçu « certainement il ne me convient pas de me glorifier » a contre elle les meilleures autorités.

Visions et révélations se distinguent peut-être les unes des autres en ce que les premières ont lieu dans l’esprit de l’homme par des images (comme Actes 10.9 et suivants), tandis que les dernières sont des communications plus explicites par la parole (Ainsi Actes 9.1 et suivants ; Actes 27.23 et suivants). Les deux sortes de manifestations se trouvent réunies dans Actes 18.9 ; Actes 18.10.

2 Je connais un homme en Christ, qui, il y a quatorze ans, fut ravi jusqu’au troisième ciel ; si ce fut en corps, je ne sais ; si ce fut hors du corps, je ne sais, Dieu le sait ;

L’apôtre se nomme ainsi pour indiquer que la vision à laquelle il fait allusion appartient exclusivement à sa vie intérieure, « cachée avec Christ en Dieu ». C’est parce que cet homme était entièrement en Christ qu’il faisait de telles expériences (comparer Galates 2.20).

S’il parle de lui comme d’un autre, à la troisième personne, au moment de raconter des grâces aussi signalées du Seigneur, c’est par humilité et parce que le fait qu’il va rappeler est tout à fait au-dessus de son activité personnelle.

3 et je sais que cet homme (si ce fut en corps, ou si ce fut sans corps, je ne sais, Dieu le sait)

Telle fut la grandeur, la puissance de cette révélation sur tout son être, qu’il en perdit la conscience de son existence terrestre et qu’il serait impossible de dire si les rapports de l’âme et du corps restèrent les mêmes, ni si les sens eurent une part quelconque à ce qu’il vit et entendit.

Historiquement, il est impossible de déterminer l’époque précise de sa vie à laquelle l’apôtre fait ici allusion.

Ce mot : il y a quatorze ans (verset 2), n’indique aucun des événements de son histoire rapportés dans le livre des Actes, à moins qu’il ne s’agisse de la vision racontée à Actes 22.17 et suivants, ce qui serait possible, mais peu probable, parce que là les paroles de la vision sont simplement rapportées, tandis qu’ici elles ne peuvent l’être (verset 4).

En tout cas, il ne faut pas regarder ceci comme la première apparition du Seigneur à Saul sur le chemin de Damas (Actes 9) ; tout est différent, le temps, les circonstances, le but de la vision.

4 fut ravi dans le paradis, et y entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer.

Nouvelle désignation de ce que l’apôtre (verset 2) a appelé le troisième ciel.

La Bible parle souvent de plusieurs cieux et nomme même « les cieux des cieux » comme les lieux les plus élevés du monde invisible, ceux où Dieu (qui, sans doute, est présent partout) se révèle le plus immédiatement, ce que l’Écriture appelle encore : voir, contempler Dieu.

Telle est la pensée que Paul veut exprimer ici, pensée qu’il rend ensuite par le mot de paradis. Ces deux termes s’expliquent l’un l’autre, car ici il est de toute évidence qu’ils sont synonymes. C’est donc sans le moindre fondement que plusieurs interprètes font une distinction entre ces deux expressions et prêtent ici à l’apôtre une part des rêveries rabbiniques selon lesquelles il y aurait jusqu’à sept cieux divers.

Pourquoi alors s’arrêterait-il au troisième, puisqu’il s’agit, dans son cas, d’une vision divine ? L’Écriture, il est vrai, ne parle nulle part de trois cieux distincts ; mais peut-être Paul a-t-il dans la pensée :

  1. le ciel éthéré, (Luc 9.58)
  2. le ciel sidéral (Marc 13.25), et
  3. le ciel spirituel, séjour des bienheureux (Marc 12.25).

Quoi qu’il en soit, ce dernier est bien ce qu’il entend par le terme de paradis (comparer sur ce mot Luc 23.43, note).

C’est donc à tort que plusieurs exégètes voient dans notre passage deux lieux différents, l’un désigné comme troisième ciel, l’autre comme paradis. Ils se fondent sur la répétition de ce que raconte l’apôtre (versets 2 et 3). Mais cette raison n’est pas décisive. Par cette répétition, Paul voulait donner une impression forte et solennelle de ce qu’il y avait de grand et de mystérieux dans le fait qu’il raconte. L’action n’est pas double, mais unique, exprimée, aux versets 2 et 4, par le même verbe fut ravi.

Grec : « Des paroles (et des choses, le mot grec a les deux sens) qui ne peuvent se dire », ou « n’ont pas été dites », ineffables, inexprimables et qu’il n’est pas permis à un homme d’exprimer, soit parce que ces choses sont trop mystérieuses, trop saintes, soit parce que les langues humaines ne le comportent pas.

S’il en est ainsi, quel profit l’apôtre lui-même retira-t-il de sa vision ? Il en conserva l’impression, le souvenir, elle lui révéla, d’une manière immédiate, les réalités et les gloires du monde invisible, sa foi put en recevoir une force infinie. Toute communication directe avec le ciel, comme la glorification momentanée du Sauveur lui-même (Matthieu 17), est une prophétie, un gage, un avant-goût de l’état qui sera un jour le partage permanent des enfants de Dieu.

Si donc l’apôtre ne trouve maintenant ni pensées, ni paroles qui puissent contenir et moins encore exprimer ce dont il a reçu l’impression, il aura pour cela des pensées et des paroles lorsque, purifié de tout péché, affranchi de tout esclavage, il sera glorifié corps et âme et qu’en un mot son être tout entier sera approprié à la vie du ciel. Jusqu’alors, le souvenir qu’il rappelle ici l’élève sans cesse vers ces régions de la gloire éternelle, il combat tout ce qui la lui obscurcit, tout ce qui l’en éloigne et ses efforts ne sont pas vains.

Il pouvait être bien important et salutaire à un homme appelé à une activité extérieure si extraordinaire, d’avoir fait des expériences qui le ramenaient puissamment au dedans et l’élevaient au-dessus des choses visibles. Il courait moins le danger de se perdre au dehors, dans ses travaux et ses peines, quand le souvenir des moments les plus solennels de sa vie le rappelait dans la communion la plus intime avec son Dieu.

5 Je me glorifierai d’un tel homme, mais de moi-même je ne me glorifierai point, si ce n’est en mes infirmités.

Paul distingue ici clairement cette grâce merveilleuse du Seigneur, de tout ce qui lui est propre. S’il se glorifie de la vision, ce n’est évidemment pas qu’il puisse s’en attribuer le moindre mérite ; et quant à lui, il ne veut voir que ses infirmités (2 Corinthiens 11.30 ; 2 Corinthiens 12.9 ; 2 Corinthiens 12.10).

Cette distinction sert à expliquer le verset suivant.

6 Si, en effet, je voulais me glorifier, je ne serais point imprudent, car je dirais la vérité ; mais je m’en abstiens, de peur que quelqu’un ne pense à mon égard au-delà de ce qu’il voit en moi, ou de ce qu’il entend de moi.

Il n’y aurait pas de folie (2 Corinthiens 11.1, note ; versets 16-18, notes) à se glorifier d’une dispensation dont évidemment il ne saurait rien revenir à l’homme et dont toute la gloire remonte à Dieu ; Paul, en cela, ne dirait que la vérité, tandis que, dans toute glorification de la créature, comme l’était celle des adversaires de l’apôtre, il y a du mensonge. Toutefois, il s’en abstient, ajoute-t-il et il en indique immédiatement la raison (Note suivante).

Ce qu’on voyait en lui et entendait de lui, toute sa personnalité, toute son action, avait les apparences de la faiblesse, de l’infirmité extérieure (2 Corinthiens 10.10 ; 2 Corinthiens 11.6 ; 2 Corinthiens 11.29 ; 1 Corinthiens 2.1 et suivants ; Galates 4.13). Or, c’est d’après cette mesure que l’apôtre veut être estimé et jugé par les hommes, afin que toutes les grâces exceptionnelles qu’il avait reçues, toute la force réelle de son action, tous les succès de son ministère, soient attribués au Seigneur.

Profonde humilité ! Cette humilité, les paroles suivantes nous apprennent comment Dieu l’avait produite et entretenue dans son serviteur.

7 Et afin que je ne m’élève pas, à cause de l’excellence des révélations, il m’a été donné une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, afin que je ne m’élève pas.

Ces derniers mots, deux fois répétés, indiquent clairement et d’une manière solennelle le but de cette épreuve, qui durait encore quand l’apôtre écrivait, comme le prouvent les verbes au présent : afin qu’il me soufflète, afin que je ne m’élève pas. En quoi consistait cette terrible affliction ? On écrirait un livre sur toutes les suppositions imaginaires, souvent extravagantes, qui ont été faites pour répondre à cette question.

On peut les réduire à trois espèces :

  1. des tentations purement spirituelles et morales ;
  2. les souffrances qu’occasionnaient à l’apôtre l’inimitié de ses adversaires, ou, en général, les épreuves de son apostolat ;
  3. des infirmités corporelles. Ceci est ce qu’il y a de plus probable.

Les termes dont se sert l’apôtre expriment l’indicible douleur de son épreuve, mais n’en indiquent pas clairement la nature. Le mot que nous traduisons par une écharde désigne tout corps muni d’une pointe propre à percer, à déchirer, comme un pieu, une lance, les clous d’une croix, la croix elle-même. Cette cause de souffrance étant dans la chair, il est probable que c’était quelque infirmité corporelle très douloureuse, très humiliante (comparer Galates 4.14).

Enfin, cette épreuve était pour l’apôtre une source de tentation spirituelle (comme le sont toutes les épreuves), puisqu’il la désigne encore par ces mots : un ange de Satan (comparez Matthieu 25.41), un envoyé, un serviteur du démon, par où il faut entendre l’épreuve elle-même, devenant, dans la main de l’ennemi, un instrument de tentation. Souffleter est pris figurément pour maltraiter, humilier, insulter.

Que les voies de Dieu sont merveilleuses et pleines de contradictions aux yeux de la sagesse humaine ! D’une part, il élève son fidèle serviteur jusqu’au troisième ciel et d’un autre côté, il l’abaisse jusqu’à un opprobre sans nom, afin de le préserver d’un mal plus grand encore, l’orgueil ! Si Paul avait besoin d’un tel remède pour être préservé de ce danger, qui se croira en sûreté ?

8 Trois fois, à ce sujet, j’invoquai le Seigneur, afin qu’il se retirât de moi.

Qui ? Le Seigneur, ou l’ange de Satan, ou l’épreuve ? Le sens est le même ; si Paul demande que le Seigneur se retire, cela veut dire qu’il cesse de l’affliger (Psaumes 39.11-13). Quoi qu’il en soit, l’objet de sa prière, c’est la délivrance.

Comparer la triple prière de Jésus en Gethsémané (Matthieu 26.36 et suivants).

9 Et il me dit : Ma grâce te suffit ; car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance de Christ habite en moi.

Le Seigneur ne le délivre pas, mais il exauce sa prière. Il lui répond : « Ma grâce te suffit  » !

Que cette parole de Jésus-Christ ressuscité et glorieux est consolante ! Elle nous apprend que nous ne pouvons trop nous confier en Dieu, quand nous savons bien nous défier de nous-mêmes… Dieu veut nous guérir, mais en sa manière. Pour s’y accommoder, il faut beaucoup prier…
— Quesnel

Pour que la grâce du Seigneur se déploie dans sa plénitude, il faut que la force naturelle de l’homme soit brisée, que son moi soit crucifié et que, dans cette infirmité, il consente à ne subsister que par grâce, à ne vivre que de cette grâce. Mais elle suffit, car la puissance divine alors s’accomplit (grec : « devient parfaite ») dans la faiblesse même de son enfant. Paul lui-même en juge ainsi par son expérience (versets 9 et 10).

L’apôtre accepte cette dispensation de Dieu, avec la promesse que le Seigneur y a attachée ; et non seulement il l’accepte, mais, puisque telle est la volonté de Dieu pour son bien, il s’en glorifie.

La puissance de Christ, dit-il ; donc, le Seigneur que Paul a invoqué par trois fois et qui lui a promis sa grâce et sa puissance, c’est Christ. La divinité de Jésus-Christ remplit la vie entière de ses disciples, aussi bien que toutes les pages des saintes Écritures (comparer Actes 7.59-60 ; Actes 9.14 ; 1 Corinthiens 1.2).

10 C’est pourquoi je prends plaisir dans les infirmités, dans les opprobres, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les angoisses pour Christ ; car lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.

Comparer verset 9, note. Paul généralise dans ce verset l’idée des épreuves, afin que l’on ne pense pas que ce soit l’affliction spéciale dont il parle au verset 7 qui seule puisse produire l’effet désirable que Dieu a en vue : déprendre l’homme de toute force propre, pour que la grâce et la force de Christ s’accomplissent en son infirmité.

Si quelqu’un objecte qu’ici Paul parle, non de son manque de force, mais de ses diverses afflictions, je réponds que toutes ces souffrances sont des exercices par lesquels Dieu nous manifeste notre faiblesse. Car si le Seigneur n’avait pas exercé son serviteur par tant d’épreuves, jamais ce dernier n’aurait eu un sentiment si vif de son infirmité. Ainsi, il n’a point seulement égard à ses souffrances, mais aussi aux effets qu’elles produisent : la connaissance de notre faiblesse, la défiance de nous-mêmes, l’humilité.
— Calvin

Le dernier mot de ce verset, cet admirable paradoxe n’est autre que la parole du Seigneur (verset 9), confirmée par l’expérience même de son serviteur.

11 J’ai été imprudent ; c’est vous qui m’y avez contraint ; car c’était à vous à me recommander, vu que je n’ai été inférieur en rien aux apôtres par excellence, quoique je ne sois rien.

Si j’ai été imprudent, vous m’y avez forcé, vous qui deviez me justifier, car je ne suis en rien inférieur à ceux qui ont votre confiance (11).

Preuves : Les signes qui attestent que je suis apôtre ont été produits parmi vous par diverses opérations miraculeuses de l’Esprit de Dieu ; et vous-mêmes, en quoi êtes-vous inférieurs aux autres Églises (12, 13) ?

Il est vrai, je n’ai rien accepté de vous ; si c’est une injustice, vous la pardonnerez ; mais je vais retourner vers vous et je la commettrai de nouveau ; car je cherche, non vos biens, mais vous-mêmes ; bien plus, je me dépenserai pour vous, comme un père pour ses enfants, même au risque d’être moins aimé en aimant plus (14-16).

Soit, disent-ils ; tout ce désintéressement n’est qu’une ruse. Quoi ! Quand je vous ai envoyé Tite ou tel autre frère, ai-je profité de vous ? N’ont-ils pas agi dans le même esprit que moi ? (17-19).

Vous vous imaginez depuis longtemps qu’en tout cela je veux me justifier devant vous ! Non, c’est devant Dieu que je parle et pour votre édification ; car je crains bien qu’en vous revoyant je ne vous trouve pas tels que je désire ; je crains de retrouver parmi vous les anciens péchés dont plusieurs ne se sont pas repentis et que je doive en être humilié et affligé (20, 21).

Paul justifie son apostolat et exprime ses craintes (11-21)

Comparer 2 Corinthiens 11.1, note ; 2 Corinthiens 11.16-18, notes verset 1.

L’apôtre s’arrête, et, après tout ce qu’il a dit dans ces deux chapitres pour justifier son ministère, il revient au sentiment de l’imprudence ou de la folie qu’il a déjà plusieurs fois exprimé ; ici, il le fait, comme auparavant, avec le sérieux de la conscience et l’ironie pleine de tristesse que lui inspire la conduite de ses lecteurs. Eux-mêmes l’ont contraint à se glorifier, tandis qu’ils auraient dû le recommander auprès de ses adversaires qui l’accusaient.

Ici, comme à 2 Corinthiens 11.5, ces apôtres par excellence ne sont pas les apôtres de Jésus-Christ, Pierre, Jacques, Jean, mais ceux qui, à Corinthe, se donnaient comme tels. Paul en disant, non sans ironie, qu’il ne leur a point été inférieur par son ministère, donne à entendre beaucoup plus. Et pourtant, dans sa vraie et profonde humilité personnelle, il confesse qu’il n’est rien (comparer 1 Corinthiens 15.8-10) !

12 Oui, les signes de l’apôtre ont été produits parmi vous, en toute patience, par des signes, par des prodiges et par des miracles.

Grec : « Par des signes et des prodiges et des puissances », diverses sortes de miracles, de manifestations du Saint-Esprit, par lesquels Paul prouve qu’il n’a été en rien inférieur aux apôtres par excellence (verset 11 ; comparez verset 13).

C’est ce qu’il appelle les signes de l’apôtre, du vrai apôtre de Jésus-Christ. Nos versions rendent à tort ce mot par celui d’apostolat. Ainsi, vous auriez dû reconnaître cet apôtre sans le forcer de se glorifier (verset 11).

Les apôtres, de même que les prophètes, regardent le don des miracles comme une confirmation nécessaire de leur mission divine (comparer Matthieu 10.1 ; Marc 16.17).

Mais il est remarquable que Paul mêle à ses miracles aussi un autre signe non moins authentique de son apostolat : la patience, dont Dieu lui a donné d’user au sein de ses épreuves et au milieu des contradictions de ses adversaires. Par là, il rappelle encore la force qui le rend vainqueur dans son infirmité (versets 9-10).

13 Car en quoi avez-vous été inférieurs aux autres Églises, sinon en ce que moi-même je ne vous ai point été à charge ; pardonnez-moi cette injustice.

L’état florissant de l’Église de Corinthe (1 Corinthiens 1.4-7) était encore un signe manifeste de l’apostolat de Paul.

La plupart des interprètes voient dans ces paroles une ironie propre à humilier l’orgueil des membres de l’Église qui avaient bien su faire des sacrifices pour les faux apôtres (2 Corinthiens 11.20). En effet, Paul ne pouvait voir ni une injustice, ni un péché (2 Corinthiens 11.7) dans le fait qu’il n’avait rien accepté de l’Église de Corinthe, puisqu’il en explique si bien les motifs et qu’il déclare vouloir agir encore de la même manière (2 Corinthiens 11.7-12 ; 2 Corinthiens 12.14-17).

C’est donc mettre Paul en contradiction avec lui-même que de voir dans ces paroles, comme d’autres exégètes le font, la confession sérieuse d’un tort qu’il aurait eu en manquant de confiance envers eux. Lui-même a d’avance réfuté cette interprétation (2 Corinthiens 11.11).

14 Voici, pour la troisième fois je suis prêt à aller vers vous ; et je ne vous serai point à charge ; car ce ne sont pas vos biens que je cherche, c’est vous-mêmes ; car ce n’est pas aux enfants à amasser du bien pour leurs parents ; mais aux parents pour leurs enfants.

Comparer 1 Corinthiens 16.7, note ; 2 Corinthiens 13.1.

Aimables paroles, par lesquelles l’apôtre veut adoucir l’impression de celles qui précèdent. Qu’importe qu’il ait accepté ou non ce qu’il avait le droit d’attendre d’eux et qu’il soit maintenant encore résolu de ne point leur être à charge ? Ce qu’il recherche, ce n’est pas leurs biens, mais eux-mêmes, le salut de leur âme.

Par la gracieuse comparaison qu’il emploie, Paul se représente comme le père spirituel de ses disciples de Corinthe (1 Corinthiens 4.15) ; ils sont ses enfants ; or, pourquoi seraient-ils froissés de ce qu’il ne veut pas leur être à charge (verset 13) ?

Il suit en cela l’usage naturel, ce sont les parents qui amassent (grec : « thésaurisent ») pour leurs enfants ; non l’inverse. Touchante apologie de sa conduite !

Du reste, il s’entend de soi-même que l’apôtre ne veut par là ni affranchir les enfants du devoir d’aider leurs parents si ceux-ci en ont besoin (1 Timothée 5.8), ni contredire les paroles du Sauveur sur la cupidité, dont le premier soin est de thésauriser (Matthieu 6.19-21), ni nier le devoir des Églises de subvenir aux besoins de leurs pasteurs (1 Corinthiens 9.4-12).

15 Et pour moi, je dépenserai très volontiers, et je me dépenserai moi-même pour vos âmes, même si, vous aimant davantage, je suis moins aimé.

Paul, au lieu d’être à charge (verset 14), est prêt à tous les sacrifices pour les âmes, à dépenser ses forces, ses affections, sa vie, sans aucune récompense terrestre. En aura-t-il du moins pour récompense l’amour de ceux qu’il a ainsi aimés ? Il n’en est pas sûr ; on voit qu’il craint le contraire.

Comme les parents dont il vient de parler, qui sont souvent moins aimés des enfants pour qui ils ont eu le plus de tendresse, l’apôtre est prêt aussi à ce douloureux renoncement ; mais, même alors, il n’en est pas moins décidé à se dépenser jusqu’au bout. Admirable pensée d’un cœur que presse la charité de Christ !

16 Soit ! Je ne vous ai point été à charge ; mais étant un homme artificieux, je vous ai pris par ruse !

Langage des adversaires : « Bien ! Lui-même il n’a rien reçu, afin de garder les apparences du désintéressement ; mais, par d’autres, il a fait son profit de vous ». Suit la réponse (versets 17-18).

17 Ai-je tiré du profit de vous, par quelqu’un de ceux que je vous ai envoyés ? 18 J’ai prié Tite d’aller, et j’ai envoyé le frère avec lui. Tite a-t-il profité de vous ? N’avons-nous pas agi dans le même esprit ? Marché sur les mêmes traces ?

2 Corinthiens 2.13 ; 2 Corinthiens 8.6 ; 2 Corinthiens 8.18.

Avec le même désintéressement dont il vient de parler, sans rien accepter, suivant la même conduite.

19 Depuis longtemps vous pensez que nous nous justifions auprès de vous ! Nous parlons devant Dieu en Christ ; et tout cela, bien-aimés, pour votre édification.

La justification de l’apôtre est maintenant close. Or. afin que ses lecteurs, ceux d’entre eux en particulier qui ne s’étaient pas repentis (verset 21), ne prennent pas cette douceur et ce renoncement dans ses infirmités pour de la faiblesse, surtout qu’ils ne s’imaginent pas, comme plusieurs le font depuis longtemps (comparez 1 Corinthiens 4.3), qu’en condescendant à se justifier, il les établit juges au-dessus de lui, ou qu’il a son propre intérêt en vue, il déclare avec la dignité d’un apôtre et avec amour (bien-aimés), que c’est à Dieu seul qu’il en appelle et qu’en tout ce qu’il vient de dire il a parlé devant Dieu, en Christ, dans son Esprit, non en vue de lui-même, mais pour leur édification.

Il est pressé de parler ainsi par une sérieuse appréhension (verset 20), qui montre combien cette édification était encore nécessaire.

20 Car je crains qu’à mon arrivée je ne vous trouve pas tels que je voudrais ; et que moi, je sois trouvé de vous tel que vous ne voudriez pas ; et qu’il n’y ait parmi vous des contestations, de la jalousie, des animosités, des dissensions, des médisances, des insinuations, de l’orgueil, des troubles ;

La crainte de l’apôtre de ne pas trouver l’Église telle qu’il la voudrait, n’est que trop bien expliquée ici (versets 20 et 21) ; la crainte que l’Église ne le trouve tel qu’elle ne voudrait pas est motivée ensuite (2 Corinthiens 13.1 ; 2 Corinthiens 13.2).

Telle est la première catégorie de péchés que Paul craint de retrouver à Corinthe. Ce sont, au fond, ceux qu’il avait eu à reprocher à cette Église dans sa première épître (1 Corinthiens 1.11 ; 1 Corinthiens 3.3), augmentés de quelques autres que les divisions et les partis engendrent toujours.

21 et qu’étant retourné vers vous, mon Dieu ne m’humilie, et que je ne sois dans le deuil au sujet de plusieurs qui, ayant péché ci-devant, ne se sont point repentis de l’impureté, de la fornication et de l’impudicité qu’ils ont commises.

C’est là une seconde catégorie de péchés qui avaient déjà causé à l’apôtre de vrais tourments d’esprit (1 Corinthiens 5), et qui avaient valu à la ville de Corinthe une triste célébrité.

Paul se garde bien d’en accuser tous les membres de l’Église, il parle de plusieurs qui, ayant péché auparavant, soit avant, soit depuis leur conversion, ou bien avant la première épître, ne s’étaient point repentis, ni sérieusement convertis.

L’apôtre le craint, du moins et cette crainte suffit pour qu’il pressente une profonde humiliation que son Dieu lui infligera (Selon la vraie leçon, le verbe est au futur, non au subjonctif, preuve qu’il tient la chose pour probable). Et dans ce cas, il sera dans le deuil, il aura à pleurer sur ces pécheurs qui se perdent.

Quelle éloquence dans ce saint amour des âmes ! Et à quelle hauteur le grand apôtre s’élève au-dessus des pensées de ceux qui s’imaginaient qu’il n’avait qu’à se justifier devant eux ! (verset 19)