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1 Corinthiens 11
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ. 2 Je vous loue de ce que vous vous souvenez de moi, à tous égards, et de ce que vous retenez mes instructions, telles que je vous les ai données.

Après avoir loué ses lecteurs sur la manière dont ils suivent ses instructions, l’apôtre établit la relation qui existe de Dieu à Christ, de Christ à l’homme, de l’homme à la femme (2, 3).

De là il conclut que, pour observer la bienséance, l’homme doit paraître dans les assemblées la tête découverte et la femme voilée (4-6).

Raisons de cet avis : la dignité de l’homme, l’ordre de la création, la présence des anges (7-10).

Toutefois l’homme et la femme sont égaux dans le Seigneur, car l’un et l’autre procèdent de Dieu (11,12).

L’apôtre conclut en répétant son avis et met ses lecteurs en garde contre les contestations (13-16).

Sur la bienséance dans les assemblées chrétiennes (2-16)

L’exhortation du verset 32 est le résumé pratique de ce qui précède. L’apôtre ne craint pas d’en montrer l’accomplissement dans sa propre vie (verset 33), ni même d’appeler ses frères à l’imiter en cela, parce qu’il est lui-même l’imitateur du Modèle suprême qui a constamment donné l’exemple du renoncement par la plus tendre charité.

Grec : « Je vous loue de ce que vous vous rappelez toutes choses de moi et que, comme je vous ai livré les traditions, vous les retenez ».

L’apôtre entend par traditions ses instructions, tant orales qu’écrites, comme il le dit clairement lui-même : (2 Thessaloniciens 2.15) et il se sert de ce mot pour montrer que ces instructions n’étaient pas de lui, mais qu’il les avait reçues du Seigneur et qu’il n’en était, pour ainsi dire, que le dépositaire et le messager.

Au moment de reprendre les Corinthiens, il les loue des choses dans lesquelles ils étaient restés fidèles, afin que la vérité soit toujours tempérée par la charité.

Les admonitions de l’apôtre qui ouvrent ce chapitre (versets 3-16), toutes fondées sur les mœurs du temps, ne trouvent plus leur application littérale de nos jours, parce que les idées, qui se traduisent par la mise, varient dans leur expression, d’une époque à l’autre et de nation à nation.

Mais l’esprit de ces enseignements subsiste et reste aussi invariable qu’il est important. En outre, il est au plus haut degré instructif de voir de quelle manière l’apôtre rattache les moindres préceptes de morale aux plus profondes vérités, montrant ainsi que tout se tient dans la vie chrétienne et qu’il est impossible d’en négliger aucune partie sans fouler aux pieds le fondement même sur lequel elle repose (voir surtout son point de départ, verset 3).

Dans tout l’Orient et aussi en Grèce, les mœurs voulaient que les femmes ne parussent en public que voilées et avec les cheveux longs, tandis que les hommes les portaient courts. On attachait aux usages contraires des idées d’inconvenance, sinon d’immoralité. Or, à Corinthe on avait commencé à mépriser sur ce point l’opinion publique. Les femmes assistaient sans voile aux assemblées de l’Église, se fondant sans doute sur le principe de la liberté chrétienne prêché par Paul lui-même et sur celui de l’égalité de l’homme et de la femme devant Dieu (Galates 3.28).

Quelque vrais que soient ces principes eux-mêmes, l’apôtre en blâme l’application présente. Il aurait pu invoquer le danger moral d’une telle innovation, soit pour les chrétiens eux-mêmes, soit surtout pour le monde, auquel on fournissait ainsi une excellente occasion de blasphémer contre l’Évangile. Mais, bien que cette pensée fût sans doute dans l’esprit de l’apôtre, il préfère tirer ses arguments du domaine même des révélations divines.

3 Or, je veux que vous sachiez que le Chef de tout homme, c’est Christ, tandis que le chef de la femme, c’est son mari ; et que le Chef de Christ c’est Dieu.

L’apôtre fonde ici les enseignements moraux qu’il veut inculquer à ses lecteurs sur les vérités bibliques relatives au rapport que Dieu a établi entre l’homme et la femme.

Mais, s’élevant immédiatement à une pensée infiniment plus haute, il voit dans ce rapport une image de celui qui unit notre humanité avec Christ et par lui avec Dieu lui-même.

Dieu, dans son infinie condescendance, a voulu créer des êtres intelligents capables de le connaître et de l’aimer, qui, malgré leur absolue dépendance de lui, lui fussent pourtant semblables par l’amour et qui trouvassent dans cet amour le vrai motif de l’obéissance due au souverain Maître, le vrai rapport entre la créature et le Créateur.

Pour cela, Christ, qui est à la fois le Dieu révélé et le révélateur de Dieu, le Médiateur et le lien de ce rapport entre la créature et le Créateur, est devenu le Chef (grec : « la Tête ») de l’homme, l’Epoux de son Église qu’il a rachetée et qu’il veut présenter à Dieu pure et sans tache (Éphésiens 5.22 et suivants). Mais en tant que Christ lui-même s’est fait homme semblable à nous, membre réel de cette humanité, Dieu est son Chef.

Christ est, à la fois, Celui « par qui et pour qui toutes choses ont été faites » et le « premierné entre plusieurs frères ; » comme ces derniers, il met sa confiance en Dieu, il invoque Dieu, il peut s’approprier les paroles du prophète : « Me voici moi et les enfants que Dieu m’a donnés » (Hébreux 2.13), il s’identifie avec eux dans un même rapport de subordination et d’amour.

Maintenant, Paul voit une image de ce rapport dans celui du mari et de la femme. Cette image, qui se trouve déjà dans l’Ancien Testament, a été développée et réalise dans le Nouveau. L’homme fut d’abord créé à l’image de Dieu, puis la femme, pour être son aide (versets 8 et 9) ; l’homme n’est donc dépendant que de Dieu en Christ ; la femme est dans la même relation avec Dieu sans doute (car l’apôtre, en disant que Christ est le Chef de l’homme, n’exclut point la femme de cette relation), mais elle est en même temps dépendante de son mari, qui est son guide, son appui et le lien naturel entre elle et Dieu (1 Corinthiens 14.34 ; 1 Corinthiens 14.35).

Tout cela est pris à un point de vue idéal (comme la Bible le fait toujours) et suppose les choses telles qu’elles doivent être ou devenir.

Il y a plus : cette dépendance de la femme n’est que pour le temps de l’épreuve ici-bas (Matthieu 22.30 ; Luc 20.34-36) ; et même dans la mesure où la vie éternelle apparaît au sein de cette vie terrestre, se manifeste aussi dans cette inégalité l’égalité qui un jour sera parfaite ; « en Christ, il n’y a plus ni homme, ni femme » (Galates 3.28).

Ainsi, le même apôtre qui insiste si fort sur la diversité qui existe dans ce rapport terrestre, image de l’union de l’homme avec Dieu, enseigne tout aussi clairement l’unité des âmes en Dieu, sans distinction de sexe ni de rang.

Ce contraste, qui n’est point une contradiction, se retrouve dans toutes les relations de la vie humaine : subordination des uns à l’égard des autres et pourtant égalité devant Dieu, égalité qui atteindra un jour à sa perfection.

4 Tout homme qui prie ou qui prophétise la tête couverte, déshonore son chef. 5 Tandis que toute femme qui prie ou qui prophétise sans avoir la tête voilée, déshonore son chef, car c’est la même chose que si elle était rasée.

Bien que, dans ces versets 3-5, le mot grec képhalè, la tête, soit le seul employé et que d’excellents traducteurs (version de Lausanne, Rilliet) le rendent uniquement par ce dernier terme, nous préférons le traduire tantôt par chef, tantôt par tête, selon que l’apôtre le prend en un sens figuré ou dans le sens propre.

Cela ne serait pas nécessaire si le mot chef avait encore, comme autrefois, sa double signification. Mais ici (verset 4 et 5) l’apôtre emploie le même mot dans ces deux sens : « l’homme qui prie la tête couverte déshonore son Chef, c’est-à-dire Christ (verset 3) ; la femme qui prie la tête découverte déshonore son chef, c’est-à-dire son mari » (verset 3). Il est vrai que quelques interprètes, se fondant sur une variante peu autorisée, traduisent : « déshonore sa propre tête ». Mais qu’est-ce que cela voudrait dire (voir note suivante) ?

Avoir la tête rasée, ou les cheveux coupés, était une peine infligée aux femmes adultères. Les cheveux longs, ce voile naturel de la femme (verset 15), étaient donc considérés comme l’honneur du mari (verset 6) ; mais il y a de cet honneur un autre symbole, c’est le voile proprement dit, qui est le signe de la réserve, de la pudeur, de la soumission dans la femme ; en paraissant en public non voilée, elle déshonorait son mari, parce qu’elle violait les règles reçues de la décence, exactement comme, selon nos mœurs, une conduite inconvenante chez une femme retombe en déshonneur, non seulement sur elle, mais sur son mari.

L’homme, au contraire (verset 4), représentant le principe de la domination et de la liberté, doit paraître d’une manière conforme à ce principe ; il honore son Chef en se découvrant devant lui (verset 7).

Les mots prier, prophétiser, montrent que ces dons de l’Esprit étaient quelquefois départis à la femme. Ailleurs, l’apôtre lui en interdit l’exercice public (1 Corinthiens 14.34 ; comparez 1 Timothée 2.12) ; en ne le faisant pas ici se met-il en contradiction avec lui-même ? Il semble plutôt que, tout occupé d’une pensée, il la poursuit sans s’arrêter à une autre.

En désapprouvant l’un, il n’approuve pas l’autre.
— Calvin

Le fait est qu’ici Paul ne dit rien de l’interdiction qui suivra (1 Corinthiens 14.34), et qu’on ne peut rien conclure de son silence.

6 Que si la femme n’a point la tête voilée, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Mais s’il est malséant à une femme d’avoir les cheveux coupés, ou rasés, qu’elle soit voilée. 7 Pour ce qui est de l’homme, il ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme.

On sait qu’aujourd’hui encore les Juifs regardent comme indécent pour les hommes de paraître dans leurs synagogues la tête découverte, tandis que les chrétiens observent un usage directement opposé. Affaire de pays, de temps et de mœurs.

8 Car l’homme n’est pas issu de la femme, mais la femme de l’homme. 9 Car l’homme n’a pas été créé à cause de la femme, mais la femme à cause de l’homme.

Les versets 8 et 9 expliquent verset 7 par des faits relatifs à la création de l’homme et de la femme.

L’homme est l’image de Dieu (Genèse 1.27), et par là même sa 7, que cette image doit manifester (verset 7).

Il en est de même de la femme, sans doute ; mais l’apôtre conclut la supériorité originelle de l’homme sur elle, d’abord (verset 8) du fait qu’elle fut formée d’une partie du corps de l’homme déjà existant et accomplissant le dessein de Dieu (Genèse 2.20-23) ; et ensuite (verset 9), Paul tire de ce fait la conséquence que la femme fut créée pour l’homme, pour lui être une aide, tandis que le but immédiat et unique de la création de l’homme était de glorifier Dieu.

C’est ainsi que Paul explique à sa manière (car) cette pensée du verset 7, que la femme est la gloire du mari, tandis que l’homme est la gloire de Dieu (comparer verset 3).

De nos jours une telle argumentation a quelque chose d’étrange, mais c’est uniquement à cause des principes vagues que l’on s’est faits sur l’autorité de l’Écriture et en particulier de l’Ancien Testament. Paul, au contraire, a pris pour point de départ la divinité absolue de l’Ancien Testament ; et plus cette divinité sera de nouveau reconnue, plus on comprendra la solidité des démonstrations de cette nature.
— Olshausen
10 C’est pourquoi la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l’autorité sous laquelle elle est.

Comme le mot d’ange signifie un envoyé, un messager, on a souvent cherché à appliquer ici ce sens, à cause de la difficulté que présente la signification ordinaire du mot.

Ainsi, on a pensé que ces anges étaient les anciens qui présidaient au culte, en se fondant sur ce que ce nom leur est donné Apocalypse 2.1 et dans les lettres aux sept Églises ; ou encore, on a entendu par là les envoyés des autorités païennes, ayant mission de voir ce qui se passait dans les assemblées des chrétiens, etc.

Aujourd’hui, on a généralement abandonné ces interprétations pour revenir au sens ordinaire du mot. Est-ce avec raison ? La présence invisible des anges dans les assemblées du culte est-elle un argument nécessaire pour la décence recommandée ici aux femmes ? Leur dire qu’elles sont en présence des hommes et en présence de Dieu, ne serait-ce pas plus concluant ? Et quand Bengel et, après lui, Gerlach, citent Ésaïe 6.2, où il est dit que les anges se voilent la face devant Dieu, évidemment c’est prouver trop, car les hommes devraient à plus forte raison se voiler aussi bien que les femmes, ce qui va contre la pensée de l’apôtre.

Il ne faut pas craindre d’avouer que pour nous le sens de ce mot est incertain ; il nous manque, pour l’expliquer, quelque donnée qui le rendait clair aux premiers lecteurs de Paul (voir toutefois 1 Corinthiens 4.9).

Grec : simplement : « Doit avoir sur la tête une autorité », ce qu’on explique par métonymie, comme on le voit dans notre version paraphrasée.

11 Toutefois la femme n’est point sans l’homme, ni l’homme sans la femme, dans le Seigneur. 12 Car comme la femme est issue de l’homme, de même aussi l’homme naît de la femme, et tout vient de Dieu.

Ces deux versets ont pour but de prévenir tout malentendu sur ce qui précède et en particulier de détruire tout orgueil en l’homme à l’égard de la femme. Soit selon la grâce (verset 11), soit selon la nature (verset 12), chacun des deux remplit sa destination, ils ont besoin l’un de l’autre pour vivre dans une sainte communion qui tend à l’égalité complète (verset 3, note).

13 Jugez-en vous-mêmes : Est-il bienséant qu’une femme prie Dieu sans être voilée ? 14 La nature même ne vous apprend-elle pas que c’est un déshonneur pour l’homme de porter de longs cheveux,

C’est-à-dire le sentiment naturel des convenances, tel qu’il s’exprime de lui-même dans les mœurs.

15 tandis que si la femme porte les cheveux longs, c’est une gloire pour elle, parce que les cheveux lui ont été donnés pour voile ? 16 Mais si quelqu’un se plaît à contester, nous n’avons pas une telle coutume, ni les Églises de Dieu non plus.

Ce grand et beau principe, exprimé ainsi d’une manière inattendue, semble prouver que ces sujets avaient donné lieu à des contestations dans l’Église de Corinthe.

17 Or, en vous déclarant ceci, je ne vous loue point, c’est que vous vous assemblez, non pour devenir meilleurs, mais pour empirer.

Loin de pouvoir ici louer ses lecteurs, il a à blâmer dans leurs assemblées des divisions, qui servent, il est vrai, à manifester les vrais croyants (17-19).

Ce n’est pas manger la cène du Seigneur que de prendre des repas séparés, où les uns manquent de tout, les autres ont surabondance ; c’est bien plutôt mépriser l’Église, faire honte aux pauvres ; comment louer cela ? (20-22).

À ces abus, l’apôtre oppose la sainte institution de la cène, telle qu’il l’a reçue du Seigneur, telle qu’il l’établit dans la nuit terrible de ses souffrances (23-25).

Participer à la cène du Seigneur, c’est donc annoncer sa mort ; combien est coupable celui qui le fait indignement ! quel sujet d’examen ! quel jugement attend les indignes ! (26-29).

Ce jugement s’exerce déjà parmi vous ; mais ces châtiments ont pour but que vous ne périssiez pas avec le monde ; c’est pourquoi, réformez les abus ( 30-34)

Sur certains abus relatifs aux agapes et à la sainte cène (17-34)

Comme il l’a fait à d’autres égards (verset 2) On peut rapporter le mot ceci à ce qui précède, comme le font plusieurs, ou à ce qui suit, et cela, paraît plus conforme à l’ensemble du texte. En effet, l’apôtre va censurer de criants abus, se rattachant à ce qu’il y a de plus sacré : la cène du Seigneur.

Dans l’Église apostolique on célébrait la cène tout à fait selon son institution, en la faisant précéder d’un repas pris en commun ; c’est ce qu’on appelait agape (charité, amour). À Corinthe, cet usage n’avait pas tardé à dégénérer, sous l’influence de l’esprit de parti. Des coteries s’étaient formées, elles s’assemblaient en particulier pour ces repas, les riches y apportaient de leur profusion, tandis que les pauvres n’avaient pas de quoi se nourrir (verset 21). La cène, à la suite de cela, ne pouvait qu’être indignement profanée.

C’est pourquoi l’apôtre, après avoir réprimandé ces abus, rapporte l’institution de la communion dans sa simplicité et sa sainteté, afin de faire mieux sentir à ses lecteurs, par ce contraste, de quoi ils se rendaient coupables et quels châtiments ils attiraient sur eux.

Grec : « Non pour le mieux, mais pour le pis », ce qui se rapporte au but religieux et moral des assemblées.

18 Car, premièrement, j’apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a des divisions parmi vous, et je le crois en partie.

Ce premièrement n’est pas suivi d’un secondement, mais selon toute apparence l’apôtre a dans la pensée, après les abus relatifs à la cène, dont il va parler d’abord, d’autres abus concernant les dons spirituels, sujet qu’il traite à 1 Corinthiens 12 et 1 Corinthiens 14. Ou bien, il parle premièrement des divisions (versets 18 et 19), puis de la cène même (verset 20), sujet auquel il passe par un donc, maintenant.

Grec : « Des schismes », c’est-à-dire séparations en partis, en coteries. Il ne s’agit que des assemblées ; car, quant aux grands partis qui divisaient l’Église de Corinthe (1 Corinthiens 1.12), l’apôtre n’en croyait pas seulement une partie. Ici, il fait sagement la part des exagérations.

19 Car il faut qu’il y ait même des sectes parmi vous, afin que ceux qui sont approuvés soient manifestés parmi vous.

Vos schismes dans les assemblées, votre esprit de parti, en foulant aux pieds la charité qui est le lien de la perfection, vous conduiront nécessairement à des sectes permanentes (grec : « hérésies », mot qui, dans l’origine, signifiait secte en matière de doctrine, tandis que le schisme n’est qu’une séparation sans divergences dogmatiques).

Il le faut ; votre corruption à cet égard le rend inévitable, puisque même la célébration de la cène n’a pu vous unir ; il le faut, afin que ceux qui sont approuvés de Dieu soient manifestés du milieu de ceux qui se recherchent eux-mêmes.

Le mal existant dans la nature humaine, Dieu permet parfois qu’il apparaisse avec toute sa puissance, pour en préserver les siens et pour exercer un jugement sur les coupables qui n’en prennent pas occasion de se repentir et de revenir à lui. Cette sérieuse pensée se trouve fréquemment dans les Écritures (Luc 17.1-2 ; Jean 9.39 ; Actes 2.23 ; Romains 5.20).

20 Lors donc que vous vous assemblez dans un même lieu, ce n’est pas manger la cène du Seigneur ;

« Lorsque vous le faites ainsi, vous ne sauriez donner à votre repas ce nom sacré, il n’est pas possible que vous célébriez la cène ».

« La cène », ou « le souper du Seigneur » (c’est le seul passage où se trouve cette désignation de la communion), est ainsi appelée, parce que c’est le Seigneur qui l’a fondée, qui y invite, qui s’y donne lui-même en nourriture et parce que la cène fut instituée au repas du soir.

Pour comprendre ce qui suit, il ne faut pas oublier que la cène terminait un vrai souper pris en commun (agape).

21 car, en mangeant, chacun prend d’abord son souper particulier ; en sorte que l’un a faim, et l’autre est rassasié.

Grec : « Ivre ». L’apôtre emploie à dessein les plus fortes expressions afin de montrer, par un contraste criant avec la sainteté de la chose, tout ce qu’il y avait d’odieux en de tels abus.

À Corinthe, comme partout et toujours, le goût raffiné des beaux-arts, de la sagesse du siècle, de l’éloquence, avait fait alliance avec la convoitise de la chair. Les gens « de bon ton, de bonne compagnie » se tenaient à part, même dans les assemblées des chrétiens et trouvaient tout naturel d’employer à flatter leur sensualité ces biens que Dieu leur avait confiés, tandis que les pauvres devaient se contenter de ce qui leur était tombé en partage !

L’expression : « prend d’abord ou d’avance son propre repas », prouve que, quoique dans le même local, le repas n’était pas en commun, comme il aurait dû l’être, mais divisés en coteries, riches et pauvres. De là, l’exhortation qui se trouve au verset 33, de s’attendre les uns les autres.

22 N’avez-vous donc pas des maisons pour manger et pour boire ? Ou méprisez-vous l’Église de Dieu, et faites-vous honte à ceux qui n’ont rien ? Que vous dirai-je ? Vous louerai-je ? En cela, je ne vous loue point.

De tels reproches sur de tels abus durent amener promptement dans l’Église la cessation des agapes avant la cène. Elles en furent séparées, en effet et subsistèrent, comme simples repas fraternels, pendant les quatre premiers siècles.

23 Car moi j’ai reçu du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis ; c’est que le Seigneur Jésus, la nuit qu’il fut livré, prit du pain ;

L’apôtre lie, par la particule car, le récit de l’institution de la cène à ce reproche : Je ne vous loue point, je vous blâme : cela nous indique clairement que son but est de mettre en contraste frappant, d’une part, la cène du Seigneur envisagée dans toute sa pureté primitive, et, d’autre part, les abus dont les Corinthiens l’avaient profanée. L’impression que fait ce simple récit dut leur prouver, mieux que tous les raisonnements et tous les reproches, combien leur manière de la célébrer en dénaturait le but et leur en ôtait les bénédictions. Au reste, les sérieuses conséquences que l’apôtre déduit de son récit (versets 28-34) nous montrent plus clairement encore quel était son but.

Bien que l’apôtre connût l’institution de la cène par la tradition apostolique, il déclare positivement que, ce qu’il a transmis sur ce point aux Corinthiens, il l’avait reçu du Seigneur, c’est-à-dire, comme il le dit ailleurs, de tout l’Évangile qu’il prêchait, il l’avait reçu « par une révélation de Jésus-Christ » (Galates 1.12 ; comparez 1 Corinthiens 7.40, note).

Si Paul n’avait eu l’histoire de l’institution de la cène que par la tradition, il ne dirait pas : moi j’ai reçu, mais : nous avons reçu. C’était donc non seulement de son autorité apostolique, mais par l’autorité de Jésus-Christ, qu’il transmettait aux Églises cet important document sur l’origine et le sens de la sainte cène.

Nous avons ici une exposition authentique de Christ lui-même, après sa résurrection, sur son sacrement et de tout temps l’Église, comprenant ainsi ce passage, l’a considéré comme l’explication de la sainte cène la plus importante qui se trouve dans le Nouveau Testament.
— Olshausen

Quel souvenir que celui de cette nuit terrible des souffrances de Jésus, mis en contraste avec la manière légère et profane dont ce même repas était célébré à Corinthe !

Quant à l’explication des paroles de l’institution, on ne la reproduira pas ici. Voir Matthieu 26.26-28 ; Luc 22.19-21, notes. C’est Luc qui, dans son récit, se rapproche le plus des termes mêmes de Paul.

24 et ayant rendu grâces, il le rompit et dit : Ceci est mon corps, qui est rompu pour vous ; faites ceci en mémoire de moi.

Il y a dans ces versets (versets 24-29) un nombre considérable de variantes qu’il faut indiquer.

verset 24, les mots du texte reçu : prenez, mangez, manquent dans les sources les plus décisives ; ils sont retranchés dans notre texte. De même le mot qui est rompu manque dans les plus anciens manuscrits qui lisent seulement : ceci est mon corps pour vous. Ainsi traduit M. Rilliet d’après le manuscrit du Vatican. Comme le Seigneur, en prononçant ces mots, rompait le pain, le sens, d’autant plus saisissant, se trouvait dans l’action symbolique et n’avait pas besoin de paroles. Matthieu et Marc ne les ont pas non plus ; Luc dit : qui est donné pour vous. Toutefois, le témoignage opposé d’autres autorités rend la suppression au moins douteuse.

verset 26, ; il ne faut pas lire : de ce pain, de cette coupe, mais : ce pain, la coupe.

verset 27, le pain, la coupe.

verset 29, les mots indignement et du Seigneur sont omis par de graves autorités, en sorte que la pensée de l’apôtre serait exprimée ainsi : « Celui qui mange et boit, mange et boit un jugement, ne discernant pas le corps ».

Ainsi manger et boire seulement et ne pas discerner ce corps donné pour nous, serait la cause du jugement. Toutefois les raisons externes et internes de cette leçon ne sont pas assez décisives pour l’introduire dans le texte, comme le font Lachmann, Tischendorf, etc.

25 De même aussi, après avoir soupé, il prit la coupe, et dit : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang ; faites ceci en mémoire de moi, toutes les fois que vous en boirez. 26 Car toutes les fois que vous mangez ce pain, et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Comme les Israélites, en mangeant l’agneau pascal, annonçaient, déclaraient à leurs enfants leur délivrance de la servitude par le sang de cet agneau, ainsi, en mangeant dans la cène l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, nous annonçons et proclamons sa mort comme le salut de notre âme.

Son sacrifice est ainsi toujours nouveau, toujours pleinement efficace, toujours présent, comme si Christ était crucifié au milieu de nous (Galates 3.1). Telle est l’idée profondément vraie qui se trouve matérialisée et faussée dans le sacrifice de la messe.

27 C’est pourquoi quiconque mangera le pain, ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable du corps et du sang du Seigneur.

Ces sérieuses paroles ressortent immédiatement des précédentes : Si la cène est la proclamation de la mort de Jésus-Christ, celui qui y participe indignement se rend coupable du corps et du sang du Seigneur, c’est-à-dire pèche contre son sacrifice, contre cette émouvante manifestation de son amour, contre lui-même, qui, glorifié, s’offre à nous dans la cène pour y devenir la nourriture et la vie de notre âme.

Plus l’objet d’une offense est élevé et saint, plus le crime est grand ; quel n’est donc pas celui qui se commet contre le Fils de Dieu s’offrant pour nous en sacrifice ?

Mais qu’est-ce que participer indignement à la cène du Seigneur ? C’est le faire dans un état d’âme qui constitue avec la cène même une contradiction, un mensonge. Or, il n’y a qu’une disposition qui puisse mettre une âme absolument dans ce cas : c’est l’impénitence.

28 Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange de ce pain, et boive de cette coupe ;

Qu’il en mange et en boive ainsi, c’est-à-dire après s’être éprouvé.

Sur l’objet spécial et principal de cet examen de soi-même, voir 2 Corinthiens 13.5.

Cette épreuve de soi-même consiste à s’assurer que l’on a une vraie repentance et une vraie foi ; non pas une repentance et une foi parfaites, car, à ce compte, tous les hommes seraient toujours retenus loin de la cène ; mais si, aspirant du fond du cœur à la justice qui vient de Dieu, humilié par le sentiment de ta misère, tu te confies et t’abandonnes tout entier à la grâce de Christ, tu es un convive dignement préparé pour t’approcher de cette table. En effet, celui-là est digne que le Seigneur n’exclut pas, alors qu’il lui resterait beaucoup à désirer encore ; car la foi, même dans ses commencements, rend dignes les indignes.
— Calvin
29 car celui qui mange et qui boit indignement, mange et boit un jugement contre lui-même, ne discernant point le corps du Seigneur.

Ne discernant ou ne distinguant point le corps du Seigneur d’avec un aliment ordinaire ; ne voyant point dans la cène et ne recevant point avec foi ce corps du Seigneur, offert en sacrifice pour le péché. Si Christ, crucifié pour nous et maintenant glorifié, n’était pas réellement présent dans la cène, ces paroles n’auraient aucun sens, non plus que celles du verset 27 : être coupable du corps et du sang du Seigneur.

Sous le signe est la chose signifiée.

Ainsi le Seigneur dit : ceci est mon corps, parce qu’il atteste avec certitude qu’en nous offrant ce symbole visible, il nous donne en même temps son corps ; car Christ n’est pas un trompeur qui nous joue par de vaines figures. Ceci est donc pour moi hors de toute controverse : la vérité est jointe à ce qui en est le signe. C’est-à-dire que, dans toute la force spirituelle du mot, nous sommes aussi réellement participants du corps de Christ que nous vivons réellement de pain… Ainsi, le corps de Christ ne nous est pas seulement donné, mais donné en nourriture… Nous sommes participants de Christ, non seulement quand nous croyons qu’il est la victime d’expiation pour nos péchés ; mais en tant qu’il habite en nous, qu’il est un avec nous, que nous sommes ses membres, chair de sa chair, unis avec lui, enfin, en une même vie, en une même substance.
— Calvin

Quant à la question oiseuse et sur laquelle pourtant ont eu lieu tant de disputes, de savoir si les communiants indignes reçoivent aussi le corps de Christ (mais en condamnation), c’est en vain que l’on a voulu l’affirmer au moyen de ces paroles de Paul : car elles conservent toute leur sérieuse signification, dès qu’on admet que Christ est réellement présent dans la cène, sans pour cela qu’il soit nécessaire de penser que l’infidèle reçoit son corps aussi bien que le croyant. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, comment recevrait-il son corps ? « Christ est-il divisé ? »

Le jugement ici dénoncé renferme tous les châtiments de Dieu qu’un tel péché entraîne à sa suite (verset 30), et qui sont les précurseurs du jugement éternel, s’ils n’amènent point le communiant indigne à la repentance.

Manger et boire un jugement contre soi-même est une énergique expression pour dire que le châtiment est uni à l’action même, aussi bien qu’à la personne. C’est transformer en malédiction la bénédiction ; et plus celle-ci devait être précieuse, plus celle-là est terrible.

30 C’est pour cela que parmi vous plusieurs sont infirmes et malades, et que quelques-uns sont morts.

Grec : « Dorment ». Ces paroles disent clairement que le jugement dénoncé (verset 29) ne s’est pas fait attendre ; Dieu l’exerçait déjà à Corinthe lorsque Paul écrivait. Mais en quoi consistait-il ?

En d’autres termes, faut-il entendre les mots infirmes, malades, morts à la lettre, se rapportant au corps, ou spirituellement, s’appliquant à l’âme ?

La plupart des interprètes, entre autres Calvin, Gerlach, Godet, se décident pour le premier sens, s’appuyant surtout sur verset 32, où le mot châtiés ne peut, selon eux, s’entendre que d’une épreuve extérieure.

Mais, sans exclure la possibilité de tels châtiments dans l’Église de Corinthe, ne reste-t-on pas plus sûrement et plus largement dans la vérité en donnant à tous ces mots un sens spirituel ?

D’abord, la conséquence naturelle d’un coupable abus de la cène est certainement de rendre l’âme infirme, malade et de l’endormir, plutôt que le corps. Un tel châtiment est infaillible ; mais combien de communiants indignes ne sont punis ni par la maladie, ni par la mort ! Une telle vue serait propre à accréditer sur la cène des idées effrayantes et superstitieuses, qui n’existent déjà que trop.

Ensuite, Paul aurait-il exprimé la mort du corps sous une condamnation de Dieu par cette douce image du sommeil, que l’Écriture applique à ceux qui se sont endormis (en Christ) ? Voir 1 Corinthiens 15.16-18 ; 1 Corinthiens 15.20 ; 1 Corinthiens 15.51 ; Matthieu 27.52 ; Jean 11.11 ; Actes 7.60 ; Actes 13.36 ; 1 Thessaloniciens 4.13-15. Même le temps du verbe employé ici paraît contraire à cette idée.

31 Si nous nous discernions nous-mêmes, nous ne serions point jugés ; 32 mais étant jugés, nous sommes châtiés par le Seigneur, afin que nous ne soyons point condamnés avec le monde.

Tout jugement de Dieu, temporel ou spirituel, pendant que nous sommes dans le temps de l’épreuve, a pour but de nous châtier (grec : « éduquer ») afin que, revenant à la repentance, nous évitions le dernier jugement, la condamnation.

33 C’est pourquoi, mes frères, quand vous vous assemblez pour manger, attendez-vous les uns les autres ;

Prenez ces repas de charité ensemble, dans une fraternelle communion et non par petites coteries, ou chacun pour soi (comparer verset 21, note).

34 si quelqu’un a faim, qu’il mange dans sa maison ; afin que vous ne vous assembliez point pour être jugés. À l’égard des autres choses, j’en ordonnerai quand je serai arrivé.

Grec : « Pour jugement ». verset 29.

Il y avait donc à Corinthe d’autres abus de moindre importance que l’apôtre se réserve de redresser par sa présence personnelle (1 Corinthiens 16.5-8).