Prophétie d’Ésaïe
Bible Annotée

Chapitre 18

1 Ha ! Terre où retentit le bruissement des ailes, au-delà des fleuves de Cus ; 2 toi qui envoies par mer des messagers dans des nacelles de jonc sur la face des eaux ! Allez, messagers rapides, vers la nation à la taille élancée, à la peau rasée, vers le peuple redouté au loin, nation qui nivelle et qui écrase, et dont la terre est sillonnée de fleuves. 3 Vous tous, habitants du monde, et vous qui demeurez sur la terre, quand l’étendard sera élevé sur les montagnes, regardez !
Et quand la trompette sonnera, soyez attentifs ! 4 Car ainsi m’a dit l’Éternel : Je serai tranquille et je regarderai de ma demeure, comme une chaleur sereine en un beau jour, comme un nuage de rosée dans la chaleur de la moisson. 5 Car avant la moisson, quand la floraison sera achevée et que la fleur deviendra une grappe mûrissante, il coupera les sarments à coups de serpette ; il ôtera, retranchera les rameaux. 6 Ils seront livrés tous ensemble aux vautours des montagnes et aux bêtes de la terre : les vautours en feront leur pâture pendant l’été, et les bêtes de la terre pendant l’hiver. 7 En ce temps-là, une offrande sera apportée à l’Éternel des armées par le peuple à la taille élancée, à la peau rasée, par le peuple redouté au loin, nation qui nivelle et qui écrase, et dont la terre est sillonnée de fleuves, au lieu où l’on invoque l’Éternel des armées, sur la montagne de Sion !

Notes

Verset 1

L’Éthiopie

Le sujet de cette prophétie est la conversion de l’Éthiopie à l’Éternel, à la suite d’un jugement divin annoncé versets 4 à 6. Les opinions différent au sujet de ce jugement. Quelques-uns y voient le châtiment de l’Éthiopie elle-même et en reconnaissent l’accomplissement dans la conquête de l’Égypte (alors soumise aux Éthiopiens) par Asarhaddon et Assurbanipal ; comparez Ésaïe 20.3-4. La plupart des interprètes voient plutôt ici la prédiction de la défaite des Assyriens, qui aura pour résultat un hommage rendu à Jéhova par l’Éthiopie reconnaissante. Comparez versets 4 à 6 avec Ésaïe 14.24-27 ; Ésaïe 17.12-14 et surtout avec Ésaïe 10.27-34 ; et verset 6 avec Ésaïe 37.36. Ces parallèles et particulièrement le dernier, nous paraissent décider en faveur de l’application de l’oracle aux Assyriens.

La prophétie du chapitre 18 se rattache directement à la précédente, par son contenu aussi bien que par sa forme (comparez le début Ésaïe 18.1 avec Ésaïe 17.12) et appartient à la même époque, celle où, menacé par l’Assyrie, Juda nouait des relations avec l’Égypte (chapitres 30 et 31) : elle a pour but de montrer aux Juifs l’inutilité de l’alliance projetée.

Trois strophes :

  1. l’Éthiopie et la terre entière sont invitées à être attentives à l’œuvre que le Seigneur va accomplir, verset 1 à 3 ;
  2. Dieu laissera la puissance d’Assur grandir jusqu’au moment où ses plans de domination universelle seront sur le point de se réaliser (par la prise de Jérusalem) ; mais alors subitement l’Éternel sortira de son repos et l’anéantira, versets 4 à 6 ;
  3. les Éthiopiens, délivrés eux-mêmes par cette intervention miraculeuse, rendront hommage à Jéhova, verset 7.

Le prophète invite les peuples à être attentifs à l’œuvre de Dieu (1-7)

Ha ! est destiné à réveiller l’attention. C’est le sens qu’a quelquefois l’interjection hoj ! (ordinairement : malheur !).

Terre où retentit le bruissement des ailes, littéralement : terre du bruissement d’ailes. L’Éthiopie est un pays chaud et humide et par là même abondant en insectes. Leurs essaims bruyants sont ici l’emblème des masses de peuples qui s’y agitent en ce moment et de là se précipitent sur tous les pays d’alentour. Comme les mouches du Nil et les abeilles d’Assyrie figuraient Ésaïe 7.18-19 la puissance égyptienne et la puissance assyrienne, de même ici le bruit des ailes figure le tumulte des armées éthiopiennes qui s’ébranlent. Peut-être l’image est-elle tirée spécialement des nuées de sauterelles que le vent du midi apporte des pays chauds jusqu’en Égypte et en Palestine. Quelques interprètes veulent voir dans le mot tselatsal (bruissement) une allusion à la mouche tsétsé (chez les Abyssins tsaltsala), si connue et si redoutée des voyageurs africains. Ce rapprochement est ingénieux, mais fort douteux.

Cus : nom hébreu de l’Éthiopie ; il désigne la région située au sud de l’Égypte, à partir de Syène (Assouan) et répond assez exactement à celui aujourd’hui usité de Nubie. Ce pays formait alors un État puissant dont les princes, contemporains d’Ésaïe, Sabacon, Tirhaka, se rendirent maîtres de l’Égypte et poussèrent leurs incursions jusqu’en Palestine (voir introduction).

Les fleuves de Cus : le Nil blanc, le Nil bleu et leurs affluents ; une bonne partie de l’Éthiopie, en particulier la région appelée aujourd’hui Sennaar, où se trouvait la capitale de ce pays, Méroé, est située au sud du principal affluent du Nil, l’Atbara ; ce qui justifie l’expression au-delà des fleuves…

Verset 2

Nacelles de jonc. Les habitants des bords du Nil fabriquaient avec la tige du papyrus des embarcations légères, destinées à naviguer sur le Nil et même parfois sur la haute mer. Le papyrus est encore aujourd’hui très-commun en Abyssinie.

Qui envoies par mer des messagers…

Allez messagers rapides, vers la nation … Les Éthiopiens ont envoyé au loin des messagers. Le prophète les invite à retourner dans leur pays pour y porter une grande nouvelle. Ces mots font supposer, ce qui n’a d’ailleurs rien d’invraisemblable, qu’une ambassade éthiopienne était arrivée à Jérusalem pour traiter d’une alliance avec Juda contre l’Assyrie. Celle-ci, en effet, menaçait l’Égypte et l’Éthiopie, aussi bien que la Palestine ; et l’alliance égyptienne était à l’ordre du jour à Jérusalem. On sait avec quelle énergie Ésaïe la combattit (Ésaïe 20.5-6 ; chapitres 30 et 31). Ici, il invite les envoyés éthiopiens à rentrer dans leur pays, porteurs d’un message humiliant pour eux : ce n’est point par l’Éthiopie que Juda sera délivré des Assyriens ; son Dieu veille sur lui et c’est lui-même qui interviendra pour le sauver.

Taille élancée (Ésaïe 45.14), peau rasée. Hérodote appelle les Éthiopiens les plus grands et les plus beaux de tous les hommes et parle de leur peau si luisante qu’elle semble avoir été ointe d’huile ; ils avaient sans doute la coutume de se raser la tête et le corps même, à la façon des prêtres égyptiens.

Redouté au loin. Comparez 2 Rois 17.4 ; 2 Rois 19.9

Verset 3

La chute d’Assur doit attirer l’attention de toute la terre. Comparez Ésaïe 10.14 ; Ésaïe 14.26.

L’étendard sera élevé. Comparez Ésaïe 5.26 ; Ésaïe 13.2

La trompette sonnera. Comparez Ésaïe 27.13. L’Éternel rassemble sa grande armée pour la conduire contre ses ennemis.

Verset 4

Dieu demeure en apparence inactif et laisse Assur croître jusqu’à l’heure où ses desseins semblent mûrs pour l’exécution : mais à ce moment il le frappe.

Versets 4 et 5

Voyez une image semblable pour désigner la puissance assyrienne : Ésaïe 10.17-19, Ésaïe 10.33-34

De ma demeure. Comparez Ésaïe 26.21.

Une chaleur sereine, un nuage de rosée. Rien de plus propre à hâter la maturation des fruits que des jours chauds et calmes et des nuits abondantes en rosée. Leur action combinée figure ici celle de la Providence qui non seulement permet, mais favorise le développement de la puissance des Assyriens, pour faire d’autant mieux éclater sa gloire dans leur soudain abaissement. Dieu n’interviendra d’une manière visible qu’à la dernière heure ; mais ce sera souverainement.

Il coupera. La vigne qui s’étalait florissante aux rayons du soleil, reçoit soudain le coup de serpette. Ésaïe 10.33-34 l’image est autre, mais le sens identique.

Verset 6

Le nombre des cadavres assyriens est tel que les bêtes sauvages y trouvent de la pâture pour toute une année. Voyez Ésaïe 37.36

Verset 7

En ce temps-là… : à la suite de ce jugement, dans lequel les Éthiopiens seront forcés de reconnaître le doigt de Dieu.

Une offrande sera apportée… Comparez les prophéties analogues concernant la conversion de l’Éthiopie au vrai Dieu : Ésaïe 45.14 ; Sophonie 3.10 ; Psaumes 18.32

Par le peuple… La description du verset 2 est reproduite ici dans l’intention de glorifier le Dieu qui a su faire la conquête d’un tel peuple.

Au lieu où l’on invoque… littéralement : au lieu du nom de l’Éternel, c’est-à-dire au lieu où l’on trouve la révélation et la connaissance de l’Éternel (Deutéronome 12.5).

La conversion de l’Éthiopie au Dieu d’Israël est mise en relation directe avec la chute de l’Assyrie. Comparez la relation semblable, établie dans les chapitres 7, 9, 11, entre ce dernier événement et l’apparition du Messie. L’Assyrie représente aux yeux du prophète le monde hostile à Dieu en général ; le jugement d’Assur se confond donc pour lui avec le jugement du monde ; il a pour effet immédiat la conversion des peuples. Voir la dernière note du chapitre 7. L’accomplissement de cette prophétie a commencé lors de la fondation, en Éthiopie et en Abyssinie, d’une église chrétienne qui a subsisté jusqu’à nos jours.


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