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Blasphème
Dictionnaire Biblique Westphal Bost Calmet

Dans le langage moderne, blasphémer signifie parler de Dieu légèrement ou l’insulter. Mais, dans la Bible, le blasphème est loin d’avoir toujours un sens aussi restreint : l’idée première du mot que nous traduisons ainsi était celle de tailler, couper, blesser. Blasphémer, c’était, tout d’abord, porter atteinte à l’honneur, à la réputation de quelqu’un en l’injuriant, en le calomniant, en le méprisant, ou même simplement en le blâmant sans motif suffisant.

D’une façon plus spéciale, le blasphème dans la Bible, et surtout dans l’Ancien Testament, désigne toute atteinte portée, en parole ou en acte, à la majesté de Dieu, à l’honneur ou au respect qui lui sont dus ou aux droits qu’il a sur la créature (Les païens étaient souvent considérés ipso facto comme des blasphémateurs ; voyez par exemple 2 Macchabées 10.4 ; 2 Macchabées 10.36). Sont aussi considérés comme autant de blasphèmes toute profanation d’un lieu saint, toute altération de la pureté du culte, toute transgression consciente, volontaire et persistante de la Loi, expression de la volonté de Dieu, et le fait de prononcer Son nom à la légère. Aussi les Juifs postérieurs, dans leur crainte anxieuse de profaner le saint nom, en sont-ils arrivés, s’appuyant sur le texte de Lévitique 24.15, à en interdire la prononciation ; et cette interdiction était en vigueur, à une certaine époque et dans certains cas, même pour la lecture publique de l’Écriture sainte. Au lieu de dire : « le nom de l’Éternel », on disait simplement : « le Nom », et cette coutume est restée celle des Samaritains. Pour parler de Dieu, on employait une autre désignation qui n’avait pas comme JHVH le caractère d’un nom propre : on disait « le Seigneur » (Adonaï, ou, comme dans les LXX, Kurios). À la longue, les Juifs ont fini par perdre jusqu’au souvenir de la vraie prononciation des voyelles du nom désignant Dieu (La prononciation actuelle du mot JHVH, que nous traduisons par l’Éternel, dérive de celle du mot Adonaï ; elle ne date que du XVIe siècle, voir Dieu, les noms de).

Dans le Nouveau Testament le mot « blasphème » a quelques fois le sens d’une usurpation par un homme, soit à son profit, soit au profit d’un autre, de l’autorité, des droits, des prérogatives de Dieu, en tout ou en partie. C’est dans ce sens que les adversaires de Jésus ont vu en lui un blasphémateur, quand par exemple il s’attribuait le pouvoir de pardonner les péchés ou quand il acceptait les honneurs qu’on ne doit rendre qu’à Dieu (Matthieu 19.3 ; Matthieu 26.65 ; Jean 10.36). De leur côté, les évangélistes considéraient comme blasphématoire toute injure adressée au Christ (Matthieu 27.39 ; Marc 15.29, cf. Actes 26.11). Dans ces trois textes le mot grec employé est le verbe blasphêmeïn. Relevons enfin les textes : Marc 3.28 ; Matthieu 12.31 et Luc 12.10, où il est question du blasphème contre le Saint-Esprit, qui nous est présenté comme la forme de péché de beaucoup la plus grave, puisque c’est la seule qui soit à tout jamais irrémissible. À l’ouïe d’un blasphème les Juifs donnaient volontiers une expression visible et frappante à leur profonde indignation : par exemple, ils se bouchaient les oreilles (voyez Actes 7.57), et, surtout, ils déchiraient leurs vêtements (voyez Matthieu 26.65). Cet usage était principalement en faveur chez les juges. Quant au châtiment légal du blasphème, il entraînait la peine de mort, soit pour les Israélites, soit pour les étrangers (Lévitique 24.16 ; 1 Rois 21.13 ; Deutéronome 17.7 ; Jean 10.33 ; Jean 19.7 ; Actes 6.13 ; Actes 7.57 et suivant). Ce fut le principal motif de la condamnation de Jésus, comme aussi de celle du diacre Étienne, le premier martyr chrétien. Le blasphémateur était mené hors de la ville ou du camp ; les témoins posaient une main sur sa tête comme pour confirmer la déposition qu’ils avaient faite ; puis, les premiers, ils lui lançaient des pierres (Lévitique 24.10 et suivants). À l’époque où nous reporte le deuxième livre des Macchabées (2 Macchabées 13.6 et suivants), les blasphémateurs semblent avoir subi parfois le supplice de la roue.

M. M.


Numérisation : Yves Petrakian