Outre la servitude de l’Égypte, et les asservissements successifs des Hébreux à l’époque des Juges, on compte ordinairement deux captivités plus connues sous ce nom et sous celui d’exil.
1°. Israël. Déjà , sous le règne de Pékaeh (741 av. J.-C.), une partie des habitants de la Galilée et des tribus transjourdaines furent emmenés, par Tiglath-Pilézer, en Assyrie (2 Rois 15.29). Après la destruction de Samarie et de tout le royaume d’Israël par Salmanéser (722 av. J.-C.), sous le règne d’Osée, le reste des dix tribus fut également transporté (2 Rois 17.6 ; 18.9-10). On leur donna, pour s’y établir, le territoire du fleuve Chabor ou Chaboras, et quelques villes des Mèdes, ainsi que d’autres petites provinces dans lesquelles ils furent disséminés.
2°. Juda. Les habitants de ce royaume se virent à différentes reprises et successivement emmenés en captivité. a) Sous Jéhoïakim d’abord (606), Jérusalem fut prise par Nebucadnetsar, qui se contenta d’emmener des otages, parmi lesquels se trouvait Daniel (Daniel 1.4-6). b) La ville fut prise derechef sous Jéhoïachim (598), et Nebucadnetsar emmena une partie considérable de ses habitants, au nombre de dix mille au moins, hommes de guerre et artisans (2 Rois 24.14), probablement sans compter leurs femmes et leurs enfants. c) Sous Sédécias (587), la ville révoltée fut de nouveau reprise par le vainqueur, qui la livra aux flammes, emmena le reste de ses habitants, et n’y laissa que les plus pauvres, ouvriers, vignerons et laboureurs, pour entretenir le pays (2 Rois 25.12). D’après Jérémie 52.26, il n’y aurait eu que 832 Juifs emmenés, sans doute leurs femmes et leurs enfants non compris. Le livre des Rois ne parle pas d’autres déportations que de ces deux dernières ; le livre des Chroniques (2 Chroniques 36.10-20), qui raconte la prise de la ville sous Jéhoïachin et sous Sédécias, ne mentionne de déportation que celle qui eut lieu sous ce dernier roi. En revanche, le prophète Jérémie (52.28-30), parle d’une troisième déportation, la première que nous avons mentionnée n’étant point regardée comme telle. d) (Jérémie 52.30), cinq ans plus tard (582), Nebucadnetsar aurait fait transporter de nouveau 745 personnes des Juifs. Il y a, du reste, plusieurs difficultés chronologiques à résoudre ou à accepter dans cette histoire de l’exil. L’historien (probablement Esdras) qui a écrit le 52e chapitre de Jérémie, appelle l’année où Sédécias fut emmené, à la fois la dix-neuvième et la dix huitième du règne de Nebucadnetsar (v. 12 et 29). De même l’année où commença la captivité de Jéchonias, et que le livre des Rois nomme la huitième (2 Rois 24.12), est appelée la septième (Jérémie 52.28), différences qui tiennent à une différence dans le principe du calcul, l’habitude générale des historiens sacrés étant de prendre pour point de départ le commencement naturel de l’année, et l’auteur de Jérémie 52, ayant dérogé à cette règle, et comptant depuis l’avènement de Nebucadnetsar au trône.
L’exil partiel aurait donc commencé pour Juda en 598, et il aurait été à peu près total en 587.
La position des exilés n’était, du reste, pas aussi défavorable qu’on le pense quelquefois ; ils purent s’établir à leur aise sur la terre étrangère, bâtir, planter, se marier, ainsi qu’on le voit Jérémie 29.5 ; le livre de Tobie nous le montre jouissant d’une certaine aisance, même de quelque prospérité ; l’histoire de Susanne, et les passages de Ézéchiel 14.1 ; 20.4, nous font voir qu’ils avaient des anciens de leur nation et une juridiction indépendante. Plusieurs d’entre eux étaient revêtus de fonctions très honorables, Daniel et Néhémie étaient employés à la cour au service du roi. Toutefois plusieurs psaumes montrent combien les cœurs pieux étaient déchirés par le poids du malheur, et le désir d’une restauration (v. en particulier Psaumes 137). Un pieux écrivain fait au sujet de la captivité les intéressantes observations que voici : Les divers lieux où ils se trouvaient exilés, Babylone, les plaines de la Mésopotamie et d’Égypte étaient précisément les lieux où avaient séjourné Abraham et les enfants d’Abraham ; Dieu avait comme replacé la famille du patriarche dans la condition d’où il l’avait tirée, dans le pays de ténèbres où elle avait pris naissance. Mais aussi la vue de ces mêmes pays, en lui rappelant ce que Dieu avait jadis fait pour elle, lui disait ce qu’il pouvait faire encore, et était pour elle un gage de l’accomplissement de ses promesses. Ajoutons qu’en dispersant ainsi ce qu’il y avait de Juifs les plus influents et les meilleurs, et avec eux tous ses prophètes, Dieu répandait dans le monde des semences de vérité, et le préparait de loin pour les temps de l’Évangile ». ( G. Monod, Éssai d’une Hist. univ., p. 148).
L’histoire du retour est également hérissée de difficultés chronologiques dès qu’on entre dans les détails ; mais les traits généraux peuvent être déterminés. Cyrus monta sur le trône d’Assyrie en 537, et la première mesure de son gouvernement fut la permission donnée aux Juifs de retourner dans leur patrie. Selon Josèphe (Arch. 14.1-32), ce fut la lecture du prophète Ésaïe, et l’impression qu’il en reçut qui détermina Cyrus à publier l’édit de délivrance. Les soixante-dix années prédites par Jérémie s’étaient précisément écoulées, et quoiqu’on ne puisse pas dire à la lettre que Juda eût été captif pendant soixante-dix ans, ni surtout que Jérusalem eût été en ruines aussi longtemps, on peut faire dater le commencement de la captivité de la première prise de Jérusalem par Nebucadnetsar, en laquelle Daniel fut emmené comme otage ou captif (606), et les soixante-dix années se trouvent accomplies à la lin de la première année de Cyrus, en 536. Environ 50000 Juifs, hommes et femmes (Esdras 1.1), composèrent la première caravane d’émigrants ; à leur tête se trouvait, comme chef politique, Zorobabel, fils de Salathiel, fils de Jéoïachin, l’avant-dernier roi de Juda (Esdras 3.2 ; 1 Chroniques 3.17 ; Matthieu 1.42). Le pontife qui les accompagnait était Jésuah, fils de Jotsadak, de la souche d’Aaron et d’Éléazar (1 Chroniques 6.14 ; Esdras 3.2). Les peines et les dépenses de premier établissement furent facilitées par les ordres du roi, qui assigna aux émigrants un secours sur les fonds publics, en invitant en même temps ses sujets à les assister par des dons volontaires. Beaucoup de Juifs préférèrent des établissements avantageux formés à Babylone, en Mésopotamie et en Perse, à une patrie qu’ils n’avaient jamais vue, et qui ne leur offrait pas alors beaucoup de ressources ; d’autres purent être retenus par des obstacles réels et insurmontables ; Daniel lui-même, quoiqu’il fût l’âme de tout ce qui se faisait pour la restauration de sa patrie, resta à Babylone, retenu peut-être par son grand âge (plus de quatre-vingts ans), peut-être par la pensée que sa présence à la cour, auprès de Cyrus, serait plus utile à ses frères ; peut-être enfin par le désir de ne pas laisser sans prophètes les Juifs restés en arrière. Sous les successeurs de Cyrus, l’empire de Perse était rempli de Juifs, et nous en trouvons encore un grand nombre à Babylone, au temps des apôtres.
À leur retour dans leur patrie, les Juifs y trouvèrent, outre ceux de leurs frères qui n’avaient pas quitté la Judée, une population païenne, reste des Cananéens, et mélange de Babyloniens qui s’y étaient établis pendant la dévastation du pays (Esdras 6.21 ; 9.1 ; Néhémie 1.4-13). Réunis à leurs concitoyens, les Juifs revenus de Babylone parvinrent sans peine, à ce qu’il semble, à rentrer dans leurs droits de propriétaires (Esdras 2.70). Chacun d’eux, à peu d’exceptions près, avait des pièces qui constataient le nom de l’ancienne famille à laquelle il appartenait, ou au moins celui du lieu d’origine de ses aïeux (Esdras 2.59), ce qui pouvait l’aider à faire reconnaître ses titres légitimes. Chacun d’eux se fixa dans la même ville ou dans le même village que ses ancêtres (Esdras 2.70 ; 1 Chroniques 9.14). Cf. encore les art. Juda, Israël, Temple, etc. ; et, pour cette période en général, le Comment, de Haevernick sur Daniel.