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Instruments de musique
Dictionnaire Biblique Westphal

Le mot hébreu kelê chîr (Amos 6.5) signifie littéralement « ustensiles pour le chant », ce qui marque leur rôle essentiel d’accompagnement. S’il n’est pas possible de classer les instruments par ordre d’ancienneté, on en distingue trois familles :

1. Les instruments à vent, qui soulignent la mélodie

  1. L’ancienne corne de vache ou de bélier, hébreu chôfar, a été fabriquée plus tard en bois et en métal (cor, trompe ou trompette, grec salpigx). Cet instrument a été destiné d’abord à des signaux et convocations (Exode 19.16 ; Exode 19.19 ; Lévitique 25.9, etc.) ; Paul en tire une leçon morale de netteté dans le témoignage chrétien (1 Corinthiens 14.8). Mais ces instruments ont servi aussi au culte israélite (Psaumes 98.6 ; Psaumes 150.3) ; l’historien juif Josèphe — qui ne craint pas les chiffres amplifiés — dit qu’il y en avait un choix de 200 000 au Temple de Jérusalem. L’Apocalypse (Apocalypse 8.2 et suivants) fait entendre des trompettes au jugement dernier (cf. 1 Thessaloniciens 4.16 ; 1 Corinthiens 15.52). Voir aussi le Dies iroe du Moyen âge avec le tuba mirum du Requiem catholique ; Saint Paul, de F. Mendelssohn, № 16, annonçant la venue de l’Époux ; le Requiem protestant de Brahms, VI, annonçant la résurrection des justes.
  2. L’ancienne flûte de roseau, hébreu khâlil (Ésaïe 30.29), appelée primitivement ougâb = chalumeau (Genèse 4.21) ; elle a plus tard été fabriquée en bois, os ou métal ; Marot a dit « hautbois » (Psaume 150, strophe 2). Et comme dans Psaumes 150.4 les LXX disaient organon, Marot a mis « Orgues, musette et bourdon », ce qui est plus pittoresque que le texte des Psaumes et Cantique, de Paris, 1895, strophe 2. Dans Daniel 3.5, la sambuque est rendue (LXX) par sumphônia, ce qui pourrait être notre cornemuse. L’hébreu makhalath (Psaumes 53.1 ; Psaumes 88.1) n’a jamais signifié « flûte » ; il s’agit peut-être d’un air à danser, comme dans Matthieu 11.17 ; la Version Synodale traduit : « sur un mode triste ». Jusqu’au temps de Clément d’Alexandrie (190 après Jésus-Christ), la vraie flûte a été employée ici et là dans les agapes chrétiennes, puis elle a cédé la place aux harpes.

2. Les instruments à percussion, qui servent à marquer le rythme

  1. Le tambourin (thôf), tenu de la main gauche et frappé de la main droite (Psaumes 68.26 ; Psaumes 81.3 ; Psaumes 149.3 ; Psaumes 150.4). Marot a traduit par « tambour », et Sweelinck d’Amsterdam (1562-1621) en a imité le son dans son grand Psaume 150.
  2. Les cymbales (tseltselim ou metsilthaïm), deux plaques (quelques fois deux cônes) de cuivre ou de bronze frappées l’une contre l’autre, donnent un son strident (Psaumes 150.5, cf. 1 Corinthiens 13.1).
  3. Le sistre (mnaanéa), instrument égyptien : anneaux courant sur des tiges de même métal et faisant du bruit (2 Samuel 6.6 et seulement). Josèphe en compte 40 000 au Temple, en or.
  4. Le chàlich (1 Samuel 18.6 seulement) est un instrument à trois… cordes ? barres ? côtés ? c’est incertain. La Version Synodale opte pour la dernière hypothèse et traduit « triangle » ; instrument syrien qui comme le sistre ne paraît pas avoir servi au culte.

3. Les instruments à cordes, qui peuvent produire des accords et l’harmonie

Ils sont sans archet ; on pince les cordes avec le doigt comme à nos guitares, ou avec le plectre comme à nos mandolines. Leur nom général, minnim (Psaumes 45.9 ; Psaumes 150.4), est plus rare que celui des deux instruments que nos traductions rendent quelquefois par le même mot « harpe » :

  1. le nébel triangulaire, à dix ou douze cordes attachées à un manche ; la Version Synodale dit « lyre » (Psaumes 33.2 ; Psaumes 144.9) ;
  2. le kinnôr (Daniel 3.5 ; Psaumes 137.2 ; Siracide 39.15), ordinairement à dix cordes ; il accompagne le chant. La traduction « à huit cordes » pour cheminit, dans Psaumes 6.1 ; Psaumes 12.1 ; 1 Chroniques 15.21, est douteuse ; on peut y voir le nom d’un air connu, comme à Psaumes 9.1, ou une indication musicale : « pour voix de basse » (Version Synodale), « à l’octave » (Bible du Centenaire). D’autres instruments, le psaltérion à cinq cordes (Daniel 3.5) ; la kithara (1 Corinthiens 14.7), et la sabbeka (Daniel 3.5), sambuque à quatre cordes, sont d’origine grecque. Ces instruments peuvent avoir fait partie des nombreuses harpes dont parle Josèphe. Le nom pluriel neginâth (Psaumes 4.1 ; Psaumes 54.1 ; Psaumes 55.1 ; Psaumes 67.1 ; Psaumes 76.1 ; Habakuk 3.19) rappelle que les harpes ont plusieurs cordes ; au singulier neginâh (Psaumes 77.7 ; Lamentations 5.14), il désigne un jeu d’ensemble ; dans LXX il est quelques fois remplacé par psalmoï, ce qui désigne un chant accompagné d’instruments. Le diapsalma (Psaumes 9.17 ; Psaumes 92.4) désigne un jeu continu, en opposition aux hymnes avec « pause des instruments ». Le sêla (71 fois dans 39 ; Psaumes) peut être un signe pour l’entrée des instruments avec repos des voix, « interlude de musique instrumentale » (Bible du Centenaire). Chez les Huguenots, la pause désigne le nombre de strophes qu’on chante de suite au culte ; ainsi le Psaume 119, avec 22 pauses, représentait 11 dimanches à 2 pauses. Le mot hébreu lamnatséakh (Habakuk 3 ; Psaumes 4.1, et 54 autres fois), qu’on a traduit par « au chef des chantres » sans donner la raison de cette exception, peut équivaloir à notre « prélude instrumental » (Delitzsch, selon 1 Chroniques 15.21). Le sens du mot hébreu nekhila (Psaumes 5.1) est perdu ; il désigne peut-être un air connu jadis.

4.

Le passage de 2 Rois 3.15 (cf. Psaumes 49.4 et suivant) montre l’effet du jeu d’une harpe sur Élisée, l’ancien bouvier devenu prophète ; elle le met en extase et « la main de l’Éternel » se pose sur lui. Peut-être le murmure des flots du Kébar a-t-il le même effet sur Ézéchiel (Ézéchiel 1.1 ; Ézéchiel 1.3). Ces faits suffisent à légitimer l’emploi de musique instrumentale ou vocale dans certains cultes ; et cependant, s’il y a évidence quant à l’emploi des instruments dans le culte israélite, l’opinion de l’Église a constamment divergé pour le culte chrétien. Jérôme (Mort en 420) redoute « qu’une vierge chrétienne connaisse même ce qu’est le son de flûtes, lyres et cithares », lié aux excès des banquets mondains. Pour se défaire des Psaumes 149 et 150, qui prônent l’emploi des instruments, on a été jusqu’à dire qu’il y est question de… vertus, et que ce sont des « expressions archéologiques ». D’autres piétistes modernes ont prononcé un blâme général sur les instruments, parce que Jubal, leur inventeur, descend de Caïn (Genèse 4.21). Il faudrait alors, au culte, n’user ni des cloches de bronze ni des lustres en fer forgé, qui remontent à Tubal, de même souche (Palmer). D’autres ne veulent pas que les instruments servant aux danses (violons, certains hautbois et clarinettes, et le piano) en apportent la rumeur au temple. Dans le camp opposé se trouve Johann Sebastian Bach avec son orchestre complet. Palmer veut que l’on consacre au Seigneur tout ce qui vient de lui, le bois des flûtes et des violons, comme le métal des orgues et des trompettes, toute la beauté servant à louer Dieu, celle des instruments soutenant celle des voix, selon les principes émis dans 1 Corinthiens 3.23 ; Philippiens 4.8. Les Huguenots, traqués au Désert, étaient réduits à chanter sans accompagnement ; parfois même ils n’ont pas pu chanter du tout : conclura-t-on qu’en temps de paix les protestants ne doivent chanter que sans instruments ?

Le seul privilège à assurer au chant, c’est qu’il ne soit pas étouffé par l’orchestre ou l’orgue, et que le droit de la « parole » à être entendue soit sauvegardé dans tous les cultes. Voir Chant, Culte.

L. M.-S.


Numérisation : Yves Petrakian