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Foi
Dictionnaire Biblique Westphal Calmet

Le terme de foi est usuel dans le langage profane. Les philosophes ont distingué entre le sens objectif : confiance que mérite une chose, par exemple la foi des traités, ou une personne, par exemple un homme de bonne foi, et le sens subjectif : croyance à un objet, par exemple la foi à la liberté, ou en une personne, par exemple la foi en Dieu.

La fréquence du terme est bien plus grande dans le langage religieux, si grande qu’il est devenu un terme technique pour traduire, du point de vue spirituel, la conviction de l’homme ; l’expression familière : « avoir ou n’avoir pas la foi » indique, avec une netteté parfaite, l’adhésion ou l’opposition que l’on constate ou que l’on manifeste devant la religion. Les théologiens ont naturellement opéré la distinction logique entre les deux sens objectif et subjectif ; le Moyen âge l’a exprimée dans les formules traditionnelles :-fides quoe creditur, la foi à laquelle on croit ; fides qua creditur, la foi par laquelle on croit.

Dans quelques textes bibliques, le mot est pris au sens objectif : Actes 6.7, « une foule de sacrificateurs obéissaient à la foi » ; Galates 1.23, « celui qui nous persécutait annonce la foi » ; Romains 10.8, « c’est la parole de la foi que nous prêchons », etc. Mais l’immense majorité des textes donne au mot le sens subjectif : adhésion à une vérité, confiance en une personne. Les écrivains de l’Ancien Testament, les prophètes eux-mêmes, emploient très rarement le substantif « foi », assez rarement le verbe « croire », pour exprimer l’espérance, l’obéissance, l’amour vis-à-vis de Jéhovah. Dans le Nouveau Testament, au contraire, on les retrouve à chaque page et ils ne traduisent plus la disposition des fidèles dans quelques cas exceptionnels ou la manière d’être de quelques témoins remarquables, mais ils s’appliquent à la vie entière du chrétien et de tous les chrétiens quels qu’ils soient et quoi qu’ils fassent.

I

1. Dans les Évangiles synoptiques

La foi est une attitude à l’égard de Dieu, un sentiment d’espérance et d’assurance en Lui, une acceptation de sa volonté. Dieu ne contraignant pas ses créatures libres, la foi est la condition morale, première et nécessaire, pour que s’exercent, en faveur de l’homme, la puissance de Dieu et son amour. Aussi Jésus, avant d’exaucer ceux qui l’invoquent, les interroge-t-il. Il dit au centenier de Capernaüm : « Va et qu’il te soit fait selon ta foi » (Matthieu 8.13) ; aux deux aveugles qui le suivent : « Croyez-vous que je puisse faire ce que vous désirez ? Qu’il vous soit fait selon votre foi » (Matthieu 9.28 et suivant) ; à la Cananéenne : « Femme, ta foi est grande, qu’il te soit fait comme tu le veux », etc. Ces actes surhumains que Jésus accomplit et qu’il citera en réponse à la question de Jean-Baptiste : « Es-tu celui qui doit venir ? », ces délivrances et ces bénédictions appartiennent à ce que les Synoptiques appellent : « les biens du Royaume », biens qui ne sauraient être attribués qu’aux membres du Royaume, du Royaume dans lequel on entre par la foi.

Commencement de la vie religieuse, la foi demeure le principe générateur de cette vie dans son développement. Elle se rapporte à Dieu, et aussi à Celui que Dieu a envoyé : Jésus-Christ. La foi qui reçoit la grâce divine, ou qui prie pour l’obtenir, ne sépare pas, dans sa gratitude ou dans son appel, Dieu qui exauce par le moyen du Christ et le Christ qui exauce au nom de Dieu. Nombre de guérisons sont rappelées par Matthieu, Marc, Luc : femme atteinte d’une perte de sang ! (Matthieu 9.22 et suivant) ; fille de Jaïrus (Marc 5.22) ; aveugle de Jérico (Luc 18.35 et suivant), etc., guérisons qui sont attendues de Jésus et qui supposent, chez ceux qui se tournent vers lui, la foi qu’il est le Libérateur, le Réparateur au sens messianique, qu’avec lui le Royaume de Dieu est venu.

Cette foi peut être incomplète, obscure, élémentaire, aussi petite qu’un grain de moutarde (Matthieu 17.20) ; mais si, même à cet état de germe, elle est réelle, sincère, elle transforme l’homme en disciple de Jésus. Les préceptes que le Christ donne à ceux qui veulent le suivre : dominer les impulsions de la colère, s’affranchir de l’emprise des biens terrestres, aimer son prochain, compter sur le Père pour avoir au jour le jour le nécessaire et le superflu, tout ce qui constitue la vie avec Dieu est inadmissible théoriquement, impossible pratiquement, sans la foi.

L’action du croyant sur lui-même s’accompagne d’une action sur son milieu ; il n’est pas de difficulté extérieure qu’il ne puisse vaincre, pas de limite à son pouvoir parce qu’en son pouvoir se transmet quelque chose du pouvoir de Dieu. « Ayez foi en Dieu. En vérité, je vous le déclare, quiconque dira à cette montagne : soulève-toi et jette-toi à la mer, s’il ne doute pas dans son cœur mais s’il croit que ce qu’il dit s’accomplira, cela lui sera accordé… Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez obtenu et cela vous sera accordé. » (Marc 11.22-24).

La foi qui met l’homme en contact avec son Créateur, qui unit le fils terrestre au Père céleste, n’a pas sa cause première en l’homme, mais en Dieu. Par la foi l’homme répond à l’appel de Dieu. Jésus la considère comme un écho, dans l’âme humaine, de la révélation qu’il lui apporte de l’éternelle volonté miséricordieuse. Venant de Dieu, elle amène l’homme toujours plus près de Dieu. Elle lui apprend à s’en remettre à Dieu pour toutes choses ; plus la foi grandit et plus grandit l’action divine, plus devient sensible la présence divine dans le cœur. Aussi Jésus s’étonne-t-il que chez ceux qui ont commencé à comprendre, à percevoir le dessein de Dieu, l’assurance se heurte encore aux contingences matérielles ; il reprend les disciples quand ils tremblent au milieu de la tempête : « Pourquoi avez-vous peur, gens de peu de foi ? » (Matthieu 8.26), ou quand ils s’effrayent devant l’apparente victoire du péché,: « Ô gens d’un cœur lent à croire, ne fallait-il pas que le Christ souffrît et entrât ainsi dans la gloire ? » (Luc 24.25). Précisément parce que la foi est tout entière tournée vers Dieu, elle entraîne comme contre-partie l’oubli de soi, la transfiguration, à l’exemple du Fils unique, et la félicité proclamée par les Béatitudes dépasse l’homme naturel et l’économie terrestre.

La foi en Dieu et en Christ s’étend normalement au contenu de la prédication de Jésus. « Le Royaume de Dieu est venu ; repentez-vous et croyez à l’Évangile » (Marc 1.15). Elle concerne pareillement tels messagers suscités d’En-haut, comme les prophètes (Luc 24.26), ou comme Jean-Baptiste : « Jean est venu dans la voie de la justice et vous ne l’avez pas cru » (Matthieu 21.32), et la parole de ces prophètes et de ce précurseur : « Scribes et anciens raisonnaient ainsi : si nous répondons que le baptême de Jean venait du ciel, il dira : pourquoi n’avez-vous pas cru à sa parole ? » (Marc 11.31). Exceptionnellement, croire indique la créance que l’on pourrait accorder à une erreur. Jésus, à propos de la ruine de Jérusalem et de la ruine du monde, met en garde les siens : « Si l’on vous dit alors : le Christ est ici, ou bien : il est là, ne le croyez pas » (Marc 13.21).

2. Dans l’Évangile de Jean

Se retrouve, dominante, la conception des Synoptiques : la foi qui écoute, qui accepte, qui se donne, la foi qui unit à Dieu et au Christ. « Vous croyez en Dieu, dit Jésus aux disciples, croyez aussi en moi » (Jean 14.1). Dieu et le Christ liés dans la pensée de l’homme, comme ils sont liés dans le même dessein, la même activité en faveur de l’homme : « Ne crois-tu pas, Philippe, que je suis dans le Père et que le Père est en moi ? » (Jean 14.10). Cependant, plus que dans les Synoptiques, la foi concerne spécialement la personne du Christ, reçoit en Jésus la véritable lumière, fait des enfants de Dieu de tous ceux qui croient au nom de Jésus.

Rapprochement propre au quatrième Évangile : l’idée de « foi » est mise ici et là en parallèle avec l’idée de « connaissance »: « Nous savons que tu sais toutes choses, voilà pourquoi nous croyons que tu es issu du Père » (Jean 16.30) ; « ils ont connu que je suis venu de Toi, et ils ont cru que c’est Toi qui m’as envoyé » (Jean 17.8) ; « tu as les paroles de la vie éternelle, et nous avons cru et nous avons connu que tu es le Christ » (Jean 6.69) ; « croyez à mes œuvres, afin que vous sachiez et connaissiez que le Père est en moi et que je suis dans le Père » (Jean 10.38). Cette foi qui connaît, cette connaissance qui croit, s’élève au-dessus du visible, du transitoire, du terrestre ; elle saisit Dieu qui conduit au Christ comme en retour le Christ conduit à Dieu : « Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jean 6.44) ; Dieu qui donne le Christ au monde pour que par le Christ le monde revienne à Dieu : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il lui a donné son Fils afin que quiconque croit en lui ne périsse pas » (Jean 3.16) ; elle pénètre dans la vie éternelle, elle fait de la vie éternelle une possession présente : « celui qui croit a la vie éternelle » (Jean 6.47), « celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé est passé de la mort à la vie » (Jean 5.24). L’aube de cette vie, de la vie divine, se lève sur le croyant aussitôt que se lève en lui la foi ; aussitôt qu’il croit, il entre en communion avec le Père et avec le Fils.

Parce qu’elle sait et qu’elle expérimente, la foi est à elle-même sa preuve ; elle n’a point besoin de signes extérieurs, de sètneïa, point besoin de toucher et de voir : « Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » (Jean 20.29).

Mais, le quatrième Évangile le souligne plus nettement que les trois premiers, quoique venant de Dieu, la foi n’est pas imposée à l’homme. Le don divin peut être méconnu ; le cœur se laisse séduire par la gloire que dispensent les hommes et ne recherche pas celle qui est auprès de Dieu seul (Jean 5.44) ; le cœur se laisse asservir par le péché et préfère les ténèbres à la lumière (Jean 3.19). Et de même que celui qui croit ne subit pas de jugement, celui qui ne croit pas est déjà jugé (Jean 3.18).

3. Dans les épîtres de Paul

La foi est l’acceptation du salut que Dieu a préparé et institué pour l’humanité, salut qui se résume dans la personne et dans l’œuvre du Christ. Si c’est là, assurément, la grande proclamation de l’apôtre, elle n’est pas, en son fond, une innovation. Et peut-être les théologiens, du côté positif comme du côté négatif, ont-ils trop accentué l’empreinte spéciale que le christianisme primitif aurait reçue du paulinisme. Dès la première prédication des disciples, l’Évangile est présenté comme une révélation, un message, et même une doctrine, annoncés par les témoins de Jésus, et dont le centre est le Christ considéré comme Seigneur et Sauveur (Actes 2.12). Dans la controverse de Paul avec Pierre, à Antioche, cette thèse ressort comme étant l’essence de la religion chrétienne (Galates 2.2 ; Galates 2.9 ; Galates 2.11). Ce qui caractérise les lettres pauliniennes, c’est qu’elles insistent, plus qu’aucun autre écrit du Nouveau Testament, sur ce point cardinal, et l’originalité de l’apôtre c’est d’avoir cherché à l’établir systématiquement, rationnellement en quelque sorte, pour que les églises, nées de sa mission, en possèdent la claire conscience. Puisque l’Évangile est la révélation de la volonté compatissante de Dieu, la seule attitude raisonnable de l’homme est de croire aux dispensations de Dieu ; elles lui offrent la lumière, la force et le salut en Christ. La qualité unique de la personne de Jésus, la valeur unique de son œuvre sont confirmées par la résurrection ; celle-ci est le nœud vital du plan divin tel qu’il s’est déroulé dans l’histoire. La foi portera donc d’aplomb sur ce fait ; elle sera par-dessus tout la confiance en Dieu qui a ressuscité Jésus (Éphésiens 1.20 ; Galates 1.1 ; 1 Corinthiens 15.14 ; 1 Corinthiens 15.20 ; 2 Corinthiens 5.15 ; Romains 4.24 ; Romains 6.4 ; Romains 8.11 ; Romains 10.9 etc.). À la résurrection est jointe la mort de Jésus sur la croix, la mort, parachèvement de la sainteté, couronnement de la substitution de Jésus au pécheur, et qui devient ainsi, pour ce dernier, le moyen de la justice que Dieu demande (2 Corinthiens 5.15 ; Romains 4.25 ; Romains 5.10 ; Romains 6.3 ; Romains 8.2 ; Philippiens 2.8-11 ; Colossiens 1.22 ; 2 Timothée 1.10 etc.). Pour être mis à son bénéfice, le pécheur doit simplement devenir un croyant en Jésus-Christ (Galates 2.16 ; Romains 3.22 etc.).

Les lettres de Paul ne posent pas entre la foi et la repentance l’étroit rapport que les Évangiles accentuent souvent. Le grand modèle de la foi est Abraham, espérant contre toute espérance, parce que Dieu avait parlé (Romains 4.17-21).

Quelque grande que soit la part de l’homme pour que la foi naisse et croisse dans son cœur, en réalité, cependant, la foi est une grâce de Dieu (Philippiens 1.29), un don qui parvient à l’homme et qui lui est proposé par la prédication de l’Évangile (Romains 10.17). La ferme assurance de celui qui croit éclaire son esprit, anime sa vie, produit en pratique l’obéissance (Romains 1.5 ; Romains 16.26). L’obéissance consiste à se laisser déterminer, conduire par le Christ avec lequel la foi met en communion ; alors le Christ glorifié, le Christ tout présent devient le fondement et le principe de l’existence du croyant (Galates 2.20 ; 2 Corinthiens 5.17 ; Philippiens 1.20 et suivant). Une semblable participation à la vie divine est procurée par le Saint-Esprit que le croyant peut recevoir dans sa plénitude ; cette merveilleuse communication le rend certain, d’une part, de l’amour de Dieu (Galates 3.2 ; Romains 5.15 ; Romains 8.16), d’autre part le rend capable d’accomplir la volonté de Dieu (Galates 5.16 ; Galates 5.22).

Parmi les dons de l’Esprit, au nombre des « charismes » dont il dote le croyant, Paul inscrit la foi (1 Corinthiens 12.9 ; 1 Corinthiens 13.2). Sa répercussion intellectuelle est profonde ; comme chez Jean, la foi, chez Paul, conduit à la connaissance, la foi est une connaissance, et si pénétrante, si compréhensive, qu’elle discerne et s’approprie en Christ tous les trésors de la sagesse et de la science (Colossiens 2.3).

Le concept de la foi revêt, chez l’apôtre, une précision particulière par la rigoureuse distinction établie entre la foi, moyen vrai de la justice, moyen donné par Dieu, et la loi, mutile moyen de la justice, moyen tenté par les hommes (Romains 10.5 ; Galates 3.11). Les deux idées se trouvent assez souvent opposées, comme les deux parties d’un dilemme s’excluant l’une l’autre (Romains 4.13 et suivant, Galates 3.23 ; Galates 3.25 ; Galates 5.4 et suivant). L’opposition porte sur ceci : la loi exige une action (Romains 10.5), un faire (Galates 3.12), c’est-à-dire et pour tout dire, des œuvres (Romains 9.32 ; Galates 3.2 ; Galates 3.5 ; Galates 2.16) ; or l’homme qui est véritablement justifié par Dieu l’est uniquement par la foi et Paul appuie expressément : sans les œuvres de la loi (Romains 3.28). En effet, croire c’est s’abandonner, s’en remettre absolument à la bonté de Dieu pour être revêtu par Lui de la justice ; faire, par contre, impliquerait quelque mérite pour l’homme, si par ses œuvres il obtenait, en tout ou en partie, la justice ; or c’est parce que l’homme était impuissant à se justifier par lui-même que l’amour de Dieu l’a justifié par Sa grâce pure. Il y a équivalence complète entre les expressions : nomos pistêôs, loi de la foi (Romains 3.27), et nomos dikaïosunès, loi de la justice (Romains 9.31) ; la justice, selon le plan divin du salut, étant acquise par la foi à l’exclusion des œuvres, il en résulte que donner une valeur quelconque aux œuvres c’est ne pas savoir croire, ne pas vouloir croire comme Dieu veut.

Dieu a posé, a imposé cette condition à l’homme pour qu’il soit sauvé : la foi ; il faut remplir cette condition, et elle seule ; la remplir, c’est par là même être soumis à l’ordre de choses nouveau institué par la justice qui vient de Dieu (Romains 10.3). Car, en un sens, la foi peut bien être envisagée comme une œuvre, comme l’œuvre seule valable et seule efficace que contredirait l’addition des œuvres de la loi. Mais cette œuvre de la foi demeure opposée à toute œuvre de nature humaine, à toute observation de règles, de normes, de préceptes dictés par l’homme, à tout ce qui, émanant directement ou indirectement de l’homme, laisserait conclure à un droit quelconque pour lui. Il n’est de justification possible, il n’est de réelle justice que par la foi.

C’est du point de vue négatif surtout que la foi est susceptible d’être une œuvre, parce qu’elle comporte une renonciation à toute valeur personnelle, à toute action méritoire (Romains 4.5) ; ainsi seulement elle est totale confiance en Dieu, vie nouvelle en Christ. Dans et pour cette vie, le croyant possède, par la foi, la rectitude morale qui lui permet un jugement sain (Romains 14.23), la puissance suffisante pour agir sans hésitation et sans erreur de manière à donner gloire à Dieu (Romains 4.20 ; Galates 5.6).

4. Épître de Jacques

Quand on se plaît à découvrir chez Jacques et chez Paul des représentations divergentes, voire contraires, de la foi, on néglige, en premier lieu, de placer dans leur contexte les affirmations de Jacques touchant les œuvres, les œuvres qu’il considère comme des résultats de la foi et non comme des moyens de parvenir à la justice, et, en second lieu, de rappeler que la vie dont Paul a fait une vie religieuse et morale, orientée par l’inspiration de Dieu, remplie de la force de Dieu, est une vie réelle, donc tissée d’actions, d’œuvres, et non une vie de stérile contemplation. Les déclarations sur les fruits de l’Esprit (Galates 5.22), ou de la justice (2 Corinthiens 9.10 ; Romains 7.4 ; Philippiens 1.11), sur la souveraineté de l’amour (1 Corinthiens 13), attestent jusqu’à l’évidence que Paul n’exclut que les œuvres de la loi, les œuvres que la tradition appellera « méritoires ». Et Jacques ne parle pas de ces œuvres-là mais de celles qui constituent la vie chrétienne, sans lesquelles la foi se réduit à une croyance intellectuelle (Jacques 2.14 et suivants), sans lesquelles l’action n’est jamais suscitée par l’inspiration divine.

Pour corroborer cet accord sur les conséquences, il suffit de constater combien est réel l’accord sur le principe de la foi. Selon Jacques, la foi fait le chrétien ; comme dans les Évangiles et les épîtres pauliniennes, elle est essentiellement une parfaite confiance en Dieu (Jacques 1.3-6 ; Jacques 5.15), confiance du cœur et confiance de l’esprit, c’est-à-dire sentiment et conviction, en particulier conviction que la Parole de Dieu est la vérité (Jacques 2.14 s).

5. L’épître aux Hébreux

Rapprochée avec raison, mais souvent rapprochée trop étroitement et à tort, des lettres de Paul, voit dans le Nouveau Testament l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament. On remarque, dans son argumentation, deux notions plus intimement juxtaposées que dans les autres livres du Nouveau Testament: celle de foi et celle d’espérance. La foi et l’espérance sont données toutes deux comme une inébranlable attente (Hébreux 3.6 ; Hébreux 6.11-18 ; Hébreux 10.23) ; toutes deux sont des conditions de participation aux biens de l’Alliance définitive que le Christ a fondée, toutes deux s’appuient sur la fidélité de Dieu. Mais juxtaposition n’est pas confusion : la foi n’englobe pas toute l’espérance, l’espérance ne prend pas la place de la foi ; la foi conduit à l’espérance et l’espérance couronne la foi.

La foi en Dieu est l’enseignement initial de l’Évangile du Christ (Hébreux 6.1). L’auteur de la lettre formule une définition : « La foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas » (Hébreux 11.1), et les multiples exemples du chapitre précisent, sous ses multiples aspects, ce critère de la piété : expérience de la puissance de Dieu qui ne se trompe pas (verset 11-19) ; obéissance à son appel (verset 8, 17), connaissance que ne saurait donner la perception sensible (verset 3), etc. Pour le Christ lui-même, l’élévation suprême auprès de Dieu fut le ternie de ses victoires sur les obstacles et les maux que le péché dressait contre lui ; sa triomphante volonté de marcher avec Dieu le rend, lui qui est « le chef et le consommateur de la foi » (Hébreux 12.2), le modèle et le secours du croyant. Une notable différence entre l’épître aux Hébreux et les épîtres pauliniennes est que le rapport direct et constant de la foi avec la personne de Jésus-Christ, que celles-ci établissent, est à peu près passé sous silence par celle-là. On peut estimer qu’il est sous-entendu dans Hébreux 12.2 ; Hébreux 13.7 et suivant : « Imitez la foi de vos conducteurs, Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui, éternellement » ; Hébreux 13.20 : « Jésus-Christ, le grand Pasteur des brebis » ; mais le déclarer sous-entendu est bien convenir qu’il n’est pas explicite à la manière de Paul. La Parole de Dieu, qui déjà dans l’Ancien Testament annonçait les promesses, doit être reçue par le cœur ; elle ne servirait de rien à celui qui l’entendrait sans « se l’approprier par la foi » (Hébreux 4.1 et suivant). La foi, ainsi nécessaire avant l’accomplissement du salut, l’est bien plus après que la révélation du Seigneur a confirmé la possibilité de son acquisition, de sa possession (Hébreux 2.1 ; Hébreux 2.4) ; seuls, en effet, les croyants entrent dans le repos de Dieu (Hébreux 4.3) et héritent la vie éternelle (Hébreux 10.38 et suivant).

II

Le nombre, la richesse, la diversité d’acception des textes se laissent malaisément condenser en une synthèse exhaustive ; par contre, l’objet, la nature, les effets de la foi apparaissent en pleine lumière.

1. Objet de la foi

À première vue, la foi semble se rapporter à des objets multiples et divers, personnes ou choses. En réalité, l’objet de la foi est unique, toujours le même : c’est Dieu, la personne et l’action de Dieu. La personne est une ; l’action est complexe et variable. L’action diffère selon les milieux : générale et indirecte dans le monde, particulière et précise au sein d’Israël ; l’action diffère selon les temps : se développant, s’illuminant avec la réceptivité mieux préparée des consciences jusqu’à ce que, « les temps étant accomplis », elle atteigne sa plus grande puissance et son plus vif rayonnement dans l’apparition de Jésus-Christ. La foi porte sur l’ensemble de l’activité divine et sur chacun de ses détails. Ainsi la foi à « la Parole de Dieu » que les Thessaloniciens ont reçue (1 Thessaloniciens 2.13) concerne la série des témoignages par lesquels Dieu s’est fait connaître, les déclarations des prophètes et des apôtres inspirées par Dieu, donc une révélation de Dieu lui-même par l’intermédiaire de ses messagers. Plus restreint, le contenu de la foi est souvent un groupe concret de vérités relatives à Jésus-Christ, l’affirmant comme le Sauveur : « Si tu confesses que Jésus est le Seigneur, tu seras sauvé » (Romains 6.8 ; Romains 10.9). Plus limitée encore, la foi peut se fixer sur un fait de la vie de Jésus : « Si nous croyons que Jésus est mort et qu’il est ressuscité, nous devons croire aussi que Dieu ramènera par Jésus ceux qui sont morts » (1 Thessaloniciens 4.14).

À côté de la personne de Dieu se place donc la personne du Christ. Quand il est question, dans le texte grec, de « la foi de Jésus » (Romains 3.26), de « la foi du Christ » (Galates 2.16 ; Philippiens 3.9), de « la foi du Fils de Dieu » (Galates 2.20), il faut traduire : foi en Jésus, foi en Christ, foi au Fils de Dieu. Il n’est pas d’exemple donnant Jésus comme sujet de la foi ; les exemples sont nombreux, indépendamment des écrits johanniques et pauliniens où ils abondent, donnant Jésus comme objet de la foi. Le chrétien croit en Jésus comme il croit en Dieu. Mais ceci ne contredit pas l’affirmation que l’objet de la foi est partout la personne de Dieu, car tous les autres objets mentionnés se ramènent à cette personne ; Jésus — le johannisme et le paulinisme sont précisément les plus nets sur ce point — Jésus est le Fils de Dieu qui ne parle pas et n’agit pas de son chef, mais de la part de Dieu : « Les paroles que je dis, explique-t-il, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi, c’est lui qui accomplit ses propres œuvres » (Jean 14.10). Envoyé de Dieu, représentant de Dieu, médiateur entre Dieu et les hommes, il est « un avec Dieu » (Jean 10.30). La foi au Christ révélateur et Sauveur est une forme, la plus haute forme de la foi au Dieu qui a préparé la révélation et le salut. Le croyant ne dissocie pas la personne du Christ de la personne de Dieu : « Celui qui a vu le Fils, a vu le Père » (Jean 14.9) ; dans et par la foi au Christ le croyant confesse sa foi en Dieu.

2. Nature de la foi

La foi renferme plus d’éléments que ne l’ont estimé tels psychologues et tels dogmaticiens. À les écouter, la foi véritable n’intéresserait qu’une partie de l’être humain ; la partie essentielle sans doute puisque c’est dans le cœur qu’elle a sa racine et porte sa fleur, mais cette partie exclusivement ; la foi se résoudrait, se confinerait dans le sentiment. Important facteur de la vie intérieure, indispensable facteur de la vie religieuse et de la vie morale, elle serait sinon tout à fait indépendante de la pensée, de la raison, du moins sans lien intime et nécessaire avec elle. Il conviendrait, du point de vue de la psychologie et surtout du point de vue de la piété, de la séparer de la croyance ; la foi ressortirait au cœur, la croyance à la pensée ; la foi gagnerait à cette dissociation d’échapper aux hésitations, aux obscurités, aux limitations de la croyance, à ses conditions logiques, à ses exigences rationnelles.

Certes les deux concepts, foi et croyance, sont distincts et séparables ; ils le sont théoriquement et pratiquement. Seulement, il faut renverser l’ordre des termes, dire non que la foi peut être indépendante de la croyance, mais que la croyance peut être indépendante de la foi. Une certaine philosophie spiritualiste pose la croyance en Dieu comme une solution du problème de l’univers, sans que cette croyance aboutisse à la réalité vivante qu’est la foi. Un certain homme s’intitule chrétien, et son credo peut être le credo officiel de son Église, sans que cette croyance produise en lui la rénovation vivante de la foi. La croyance peut être purement intellectuelle, se réduire à l’adhésion mentale donnée à une formule religieuse, c’est-à-dire exister sans la foi. Or le contraire n’est pas possible : la foi ne peut naître, ne peut subsister sans la croyance. La foi a toujours un objet : être personnel, donnée morale, vérité religieuse. Comment croire à cet objet sans le connaître, le connaître partiellement, imparfaitement si l’on veut, cependant le connaître assez pour admettre son existence, sa qualité ?

Aussi bien les travaux de la psychologie contemporaine ont définitivement éliminé la traditionnelle représentation des facultés humaines sous forme d’entités autonomes, la traditionnelle division de l’homme en pensée, sentiment, volonté, comme si ces fonctions jouaient indépendamment l’une de l’autre. L’unité spirituelle de l’homme est indissoluble et permanente : il n’est pas de pensée qui ne soit accompagnée de sentiment et de volonté, pas de sentiment qui ne soit accompagné de pensée et de volonté, pas de volonté qui ne soit accompagnée de pensée et de sentiment. Ces éléments varient selon les individus ; chez tous l’élément prédominant est renforcé par les éléments autres, et, loin de les exclure, les implique comme inévitables auxiliaires. Ces éléments varient selon les objets ; pour tous, l’esprit, le cœur, la volonté restent étroitement liés ; s’ils occupent un rang différent, ils occupent toujours un rang, et peuvent tour à tour passer chacun au premier plan. On taxera d’inconséquence logique la philosophie spiritualiste qui, énonçant la croyance en Dieu, se refusera à déduire les conséquences de cette thèse ; on taxera de contradiction morale l’homme qui pense en chrétien et vit en païen.

Cette inconséquence logique, cette contradiction morale qui isolent la croyance ne sauraient isoler pareillement la foi. Assurément la foi n’enveloppe pas, ne présuppose pas, pour être, une doctrine cohérente, un credo systématisé ; mais elle réclame une croyance, quelque rudimentaire que soit la croyance. Si la foi n’est pas la conséquence nécessaire de la croyance, la croyance est un principe primitif nécessaire de la foi. Sans l’idée de Dieu, sans la croyance en Dieu, la foi, sentiment de confiance, d’abandon, d’espérance en Dieu, est incompréhensible ; pas plus que dans l’ordre physique, il n’y a, dans l’ordre moral et religieux, de génération spontanée.

Et comme l’idée de Dieu ne s’impose pas indiscutablement, n’est pas un axiome à priori, une évidence contraignant l’adhésion, il y a dans la foi, toujours, une part de décision libre, personnelle, un élément volontaire qui donne à la foi religieuse un caractère de haute et profonde moralité.

Loin d’être un simple sentiment, la foi est donc un complexe dans lequel interviennent, à des degrés dissemblables, variables, le cœur, l’esprit, la volonté, dans lequel l’homme est engagé tout entier ; la foi vraie est plus que le don du cœur, elle est le don de l’être, l’acte le plus vivant et le plus humain.

3. Effets de la foi

La foi est, en même temps, le principe de la connaissance religieuse et le principe du salut.

Principe de connaissance, elle conduit à une révélation de Dieu. Comme la confiance vis-à-vis de ses semblables permet à l’homme de se mêler à leur vie, de discerner plus adéquatement leur volonté, de pénétrer dans leur intimité, de même la foi permet au croyant d’entrer en rapport direct, personnel avec Dieu, de comprendre sa Parole, de recevoir son inspiration. Dieu qui n’est pas une idée pure, une abstraction métaphysique, mais, selon l’Évangile qui le proclame et la raison qui l’exige, une personne, la Personne suprême vivante et agissante, Dieu, quand l’homme a rendu possible son action sur lui et en lui par la foi, Dieu se manifeste au croyant tel que Jésus l’a annoncé : le Père qui a aimé le monde, qui aime chacun de ses enfants. La foi qui, chez quelques-uns, se tourne d’abord vers Dieu peut-être avec quelque hésitation, qui n’est qu’une croyance sans arguments démonstratifs, devient, par l’action de Dieu dans la personne humaine, la certitude ; elle aboutit au fait qui dans tous les domaines est la preuve majeure : à l’expérience (voir ce mot). Seule la foi produit cet effet surnaturel. Non qu’elle l’amène par sa propre vertu et sa propre valeur, c’est-à-dire humainement ; en définissant l’expérience religieuse « un effet surnaturel », on l’attribue par là même à l’intervention de Dieu. Cependant, si c’est par Dieu qu’elle est en l’homme, elle n’est pas sans l’homme, sans sa foi préalable, condition sine qua non d’un rapport particulier entre Dieu et lui. Peu importe l’origine de la foi, et qu’elle ait sa source initiale dans la tradition, le milieu, l’éducation, la réflexion propre, le sentiment, la raison ; il faut qu’elle soit comme réalité, comme élément constitutif de la conscience. L’expérience est nécessaire pour qu’il y ait transmutation de la croyance en certitude, de l’hypothèse acceptée en fait évident ; mais la foi est l’unique porte ouverte en l’homme par laquelle Dieu veuille entrer dans son cœur, lui faire expérimenter que sa Parole est la vérité, que sa connaissance est la lumière, que sa présence est la souveraine réalité.

Principe de salut, la foi acquiert toute son importance. Pour Jésus, pour les apôtres, elle est non seulement le principe par excellence, mais le principe unique de la rédemption humaine. La Réforme n’a pas innové en faisant de cette doctrine le centre de sa dogmatique ; elle l’empruntait à l’Évangile. A-t-elle jamais eu expression plus formelle que la déclaration de Paul : « C’est par la grâce que vous êtes sauvés, par la foi ; et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Éphésiens 2.8) ? Foi et grâce sont mises en parallèle et unies l’une à l’autre dans et pour le salut ; la foi est le principe humain préparant le cœur à l’action de la grâce, principe divin ; la foi met l’homme sous l’influence de la grâce, lui permet de recevoir le don de Dieu. Dieu qui a créé l’homme libre n’agit jamais sur lui mécaniquement, magiquement, sans lui ; il veut l’adhésion de sa liberté pour que se déploie en lui sa puissance, pour que s’atteste son amour.

La foi qui sauve ne confère jamais à l’homme un mérite qui lui vaudrait un droit au salut, une capacité personnelle de remporter la victoire sur le mal ; elle est limitée au fait de rendre l’homme réceptif vis-à-vis de la grâce ; le salut que l’homme obtient par la foi, il ne l’obtient pas par lui-même : « Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ». Dieu est l’auteur et le dispensateur du salut ; si l’homme ne reçoit rien sans la foi, tout vient de Dieu et Dieu donne tout. L’homme n’a qu’un pouvoir, un pouvoir négatif : il peut refuser le don divin, se détourner de la grâce offerte.

L’impuissance de l’homme est ainsi mise en relief dans l’affirmation même qui l’assure du salut comme d’une possession actuelle. Dans la langue originale de l’épître aux Éphésiens, le verbe « vous êtes sauvés » est au parfait passif ; ce mode indique, en grec, un acte qui s’est produit dans le passé, mais dont l’effet subsiste dans le présent : « vous avez été sauvés » quand votre cœur s’est ouvert par la foi, « et vous l’êtes encore » si votre foi demeure.

Confiance de l’homme en Dieu, la foi marque donc l’origine de la vie nouvelle ; le salut c’est le pardon, la délivrance, la paix, la félicité, la vie avec Dieu. Dans la créature qui s’abandonne à Lui, Dieu reprend en quelque sorte le plan de la création mutilée par le péché. Dieu espère, et si l’on ose dire, Dieu croit, Lui aussi, que la créature déchue qui, en Jésus-Christ, est venue à Lui, le laissant purifier son âme, montera vers la sainteté, deviendra l’être qu’avait en vue sa pensée créatrice, accomplira, sous son inspiration et avec la force qu’il lui communiquera, « les œuvres bonnes » qui Le glorifieront.

Conclusion

Dans son double effet touchant la connaissance et touchant le salut, la foi garde son caractère éminemment moral, puisqu’elle ne saurait être sans le libre choix de l’homme qui veut croire, et son caractère nettement surnaturel puisqu’elle crée un lien, un rapport entre l’homme et Dieu. Par ailleurs, du point de vue psychologique, la foi, notion religieuse, reste apparentée à la foi, notion générale, et participe du caractère rationnel de celle-ci. La foi est la condition de toute activité intellectuelle. Nul ne conteste qu’elle se trouve dans les conséquences des doctrines philosophiques et sociales, et dans leurs parties secondaires ; on se rend trop peu compte qu’elle règne également dans ce que ces doctrines ont de fondamental. Principes premiers et faits primitifs sont tantôt niés, tantôt affirmés tout comme le sont les hypothèses qu’ils supportent. Bien plus, les sciences, sciences exactes ou sciences naturelles, reposent elles aussi sur la croyance. Elles ne discutent ni leurs points de départ, ni leurs données essentielles ; elles acceptent à priori les uns et les autres. Si les géomètres, les physiciens, les astronomes aboutissent — le plus souvent du moins — à des résultats concordants, tandis que les divergences s’opposent dans les résultats atteints par les moralistes et les philosophes et les sociologues, cela tient au fait que ceux-ci examinent et débattent les notions premières des problèmes traités, alors que ceux-là prennent comme bases des notions premières semblables qu’ils n’examinent ni ne débattent.

C’est une erreur formelle et formellement percée à jour de supposer qu’il existe un fondement indubitable et indiscutable pour la connaissance humaine. Il n’y a ni recherche, ni théorie, ni démonstration qui n’impliquent la foi ; il faut croire si l’on veut penser. Et la vie même de l’homme qui se passe de penser est impossible sans la foi. S’il peut y avoir conflit entre la pensée religieuse et la pensée non religieuse, c’est sur une affirmation concrète, dont on pèsera les motifs de crédibilité, sur un fait, dont on vérifiera la base historique, mais non sur la légitimité, la nature, la portée de la pensée religieuse ; la foi religieuse est dans l’ordre et dans le plan de la réalité humaine.

Dans la pratique, le droit théorique de la foi religieuse est justifié comme se justifie une hypothèse scientifique quelconque : par le résultat obtenu. L’expérience la transforme en savoir comme elle transforme l’hypothèse scientifique en évidence. Mais l’expérience religieuse l’emporte de beaucoup sur l’expérience scientifique. À la différence de l’objet de la croyance scientifique, partout et toujours purement passif, l’objet de la foi religieuse, Dieu, Conscience souveraine et souveraine Raison, est universellement et incessamment actif. Dieu ne se laisse pas seulement appréhender, mais il répond, il se révèle, il se donne en retour à la foi qui le cherche. Par là même, la foi religieuse n’est pas une hypothèse conservant à jamais quelque chose d’hypothétique, une croyance à jamais marquée par quelque ignorance ; elle devient la lumière rayonnante, l’évidence morale, le fait culminant de la conscience et de l’existence. Il n’est pas d’homme plus assuré de marcher droit dans les mystères dont s’enveloppent le monde, la vie, la mort, la destinée, plus certain de sa raison d’être et du but qui lui est assigné, il n’est pas d’homme plus véritablement, plus dignement homme, que celui qui affirme : « Je crois en Dieu ». AnD. A.

Foie  

Numérisation : Yves Petrakian