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Victoire
Dictionnaire Biblique Westphal

Des mentions de victoires, au sens propre, ne peuvent manquer dans les livres de l’Ancien Testament où les armées et la guerre (voir ces mots) jouent un rôle important (Exode 17.13 ; Nombres 13.30 ; 1 Samuel 17.50, 2 Macchabées 10.28-38, etc. ; cf. Hébreux 11.34).

Le cantique de Débora, l’un des plus vieux documents de la Bible, chante « les victoires de JHVH » et de « ses chefs en Israël » (Juges 5.11) ; Judas Macchabée, avant de livrer bataille à Antiochus Eupator, donne pour mot d’ordre à ses troupes : « Victoire de Dieu ! » (2 Macchabées 13.15).

Le point de vue religieux et le point de vue national se trouvent encore entremêlés à travers le livre des Psaumes : les fidèles croyants, souvent engagés dans d’inévitables conflits avec les ennemis d’Israël qui sont en même temps ennemis du vrai Dieu, cherchent leur force auprès de Lui (Psaumes 13.5 ; Psaumes 18.3 ; Psaumes 18.40 ; Psaumes 27.3), et le Psaume 68 n’était point leur unique « psaume des batailles » ; (cf. Psaumes 35.1 ; Psaumes 144.1 et suivants, etc.) en rendant grâces à leur Dieu qui leur donne de vaincre (Psaumes 118.10 ; Psaumes 118.16 ; Psaumes 129.2 etc.), ils proclament Sa suprématie, celle de l’Esprit, sur les conquêtes des forces militaires (Psaumes 33.16 ; Psaumes 44.3 ; Psaumes 44.9 etc.). Presque toute la prédication prophétique avait assuré le peuple israélite de la défaite et de la ruine s’il persistait dans son infidélité, et toutes ces menaces se sont réalisées (voir Prophète).

Au point de vue figuré, qui se transporte dans le domaine individuel, le combat intérieur et la victoire sur soi-même ne paraissent guère dans l’Ancien Testament. On y trouve, dans la mystérieuse lutte de Jacob, une trace de l’antique conception qui voyait dans la prière une lutte de l’homme contre Dieu pour lui arracher son secours ; l’homme en sort « tout meurtri, mais vainqueur », et le récit explique par là le nouveau nom d’Israël : lutteur avec Dieu (Genèse 32.24-30 ; cf. Osée 12.4 et suivant). Le plus sensitif des prophètes, Jérémie, reçoit de Dieu la promesse qu’il ne sera pas vaincu par les puissants (Jérémie 1.19 ; Jérémie 15.20) ; mais c’est Dieu lui-même qui, en l’enrôlant au prix de tant de souffrances, l’a vaincu (Jérémie 20.7).

L’existence même d’un Ennemi de Dieu (cf. Matthieu 13.28), chef de résistance contre son œuvre parmi les hommes (voir Satan), implique un état de guerre au terme duquel Dieu doit remporter la victoire. Dans le mazdéisme, c’est la lutte supra-terrestre entre Ormuzd et Ahriman.

Dans la religion biblique et spécialement dans l’Évangile, les coups de l’Adversaire portent sur le Fils de Dieu et sur ses fidèles, par l’épreuve et la tentation (voir ce mot) ; le Père céleste leur garantit la victoire de son Esprit saint. On connaît les assauts du Diable contre Jésus, et ses victoires successives, jusqu’à la croix (Matthieu 4 parallèle Luc 4 ; Matthieu 16.23; Luc 22.53 ; Marc 14.35 ; Marc 15.34 ; Jean 19.30), couronnées par le triomphe de Pâques (Luc 24.26). C’est dans l’obéissance et le sacrifice devant la volonté (voir ce mot) de Dieu son Père que Jésus s’est montré vainqueur ; et d’avance, à la veille de quitter ses apôtres, il les associe à sa victoire : « Prenez courage, j’ai vaincu le monde ! » (Jean 16.33).

Les écrits de ces apôtres, témoins des premières réalisations spirituelles de l’Évangile, nous montrent les chrétiens lancés en pleine bataille par leur Maître et Sauveur dans un monde hostile.

Ils ont à lutter contre :

  • leurs propres passions et le péché de la nature humaine (Romains 7 ; Jacques 4.1 ; 1 Pierre 2.11 ; Hébreux 12.4),
  • contre Satan et les puissances mauvaises (2 Corinthiens 2.11 ; Apocalypse 12.17 ; Éphésiens 6 : et suivant),
  • contre les incrédules ennemis de Dieu (Romains 15.30 et suivant),
  • contre les souillures du monde (Jacques 1.27 ; 2 Pierre 2.20).

Mais ce combat est le « bon combat » (1 Timothée 1.18 ; 1 Timothée 6.12 ; 2 Timothée 4.7 ; cf. 2 Timothée 2.3 ; 2 Corinthiens 10.4).

Aux membres fidèles de l’Église militante, dont la force est leur foi en Dieu (Colossiens 1.29 ; Philippiens 1.27 ; Jude 1.3), le Seigneur assure sa « panoplie », c’est-à-dire toutes ses armes (Éphésiens 6.10-20 ; voir Armes, II).

Et les épîtres abondent en joyeuses proclamations anticipées des victoires garanties : certitude de :

  • triompher de la tentation (1 Corinthiens 10.13),
  • d’être rendus par Celui qui les aime non seulement vainqueurs, mais plus que vainqueurs (Romains 8.37),
  • ce qui permet de vaincre le mal par le bien (Romains 12.21),
  • et d’être joints au propre triomphe du Christ en tous lieux (interprétation de 2 Corinthiens 2.14 aussi légitime que la traduction habituelle « … qui nous fait toujours triompher en Christ »),

Constatation que les chrétiens ont reçu le pouvoir de vaincre les faux prophètes, et les jeunes gens le Malin (1 Jean 4.4 ; 1 Jean 2.13 et suivant), et le sublime cantique de délivrance, en l’honneur de Dieu qui, sur la mort même comme sur le péché, nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ (1 Corinthiens 15.54-57).

Le témoin le plus proche des grands combats de l’Église, c’est l’Apocalypse ; c’est aussi le livre de la Bible qui célèbre le plus constamment et le plus fortement, devant les assauts du Diable et de la Bête (Apocalypse 11.7), les vainqueurs et la victoire de l’Agneau (Apocalypse 12.11 ; Apocalypse 15.2 ; Apocalypse 17.14) ; le cavalier symbolique « part en vainqueur, pour remporter la victoire » (Apocalypse 6.2), et les sept lettres du Seigneur à son Église se ferment toutes sur une ineffable promesse du ciel « à celui qui vaincra » (Apocalypse 2.7 ; Apocalypse 2.11 ; Apocalypse 2.17-26 ; Apocalypse 3.5 ; Apocalypse 3.12 ; Apocalypse 3.21 ; Apocalypse 21.7).

Le vocabulaire des métaphores de combat et de victoire continua de tenir une place importante dans le langage des Pères de l’Église ; il a persisté à travers les siècles, à des degrés divers suivant les milieux et les époques, et se retrouve dans certains types de chevalerie chrétienne, de prêtres soldats et de soldats chrétiens, chez certains mystiques comme le Bunyan de la sainte Guerre et dans l’organisation militaire de l’Armée du Salut, dans nos psaumes inspirés de l’Ancien Testament comme dans nos cantiques populaires de réveil.

Les psychologues montrent dans ce fait, à côté des explications historiques ci-dessus indiquées, l’expression d’une des deux aspirations fondamentales de l’âme humaine : l’aspiration morale, élément à base de lutte, qui vise à triompher du Mal, l’autre étant l’aspiration mystique, qui tend à s’unir au principe du Bien, et constitue un élément à base d’amour. Le premier élément, isolé, évaporerait la religion en agitation superficielle, indécise quant à sa fin ; le second, isolé, l’écraserait en un quiétisme fatal à l’effort. Dans ce monde pécheur, la révélation du Dieu Sauveur nous tient à égale distance d’un optimisme satisfait et d’un pessimisme désespéré ; ce sont les conditions psychologiques nécessaires du « bon combat », sublimation de l’instinct combatif, et de la victoire, incarnation dans les faits de l’Amour éternel (Voir à ce sujet Harnack, Militia Christi, 1905 ; Flournoy, Le génie religieux ; P. Bovet, L’instinct combatif, nouvelle édition 1928, ch. 1x.).

Jn L.

Vie  

Numérisation : Yves Petrakian