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Tribu, tribus
Dictionnaire Biblique Westphal

Dans l’Ancien Testament ce terme est la traduction des deux mots hébreux chébèt ou mattèh ; et dans le Nouveau Testament il traduit phulê. Ces termes, sauf deux exceptions (Ésaïe 19.13, tribus ou « nomes » de l’Égypte, et Matthieu 24.30 dans un sens général) s’appliquent toujours aux douze tribus d’Israël. Jusqu’au moment de sa suppression par la monarchie, cette forme d’organisation sociale de la tribu prévalut en Israël. Même alors le peuple y resta attaché comme à une sorte d’idéal et il apparaît ainsi dans l’Apocalypse du Nouveau Testament (Apocalypse 7).

1. Organisation de la tribu

Notre connaissance des lois et coutumes de la tribu chez les Hébreux se complète et se confirme par ce que nous savons des institutions similaires de l’ancienne Arabie. Le clan était l’unité fondamentale et la tribu était constituée par l’union de plusieurs clans. Dans l’Ancien Testament il y a deux mots pour désigner le clan : michpâkhâh, que traduit « famille », et èlèph, une communauté ou une association (littéralement, mille). Le clan se composait de « frères », signifiant : parents, Genèse 24.27 ; Genèse 29.13 ; 1 Samuel 20.29, ou plus exactement de parents du côté paternel ; dans l’Ancien Testament de telles associations sont désignées sous le nom de « maison du père » ou simplement « maison ». On désigne les chefs de tribus par le terme même de « chefs » (Genèse 36.15 et suivants) ou de « principaux » (Exode 34.31) et de « princes » (Nombres 1.16, littéralement têtes), bien que leur titre ordinaire soit celui d’« anciens », qui correspond exactement au cheik arabe (voir Chef). Le conseil des anciens correspondrait au divan des Arabes. La fraternité tribale était fondée sur la parenté du sang, réelle ou supposée, et sur la participation au culte de la tribu. On a prétendu trouver dans l’Ancien Testament quelques traces de la religion de la tribu sous la forme du totémisme ou du culte des ancêtres. « Siméon », d’après l’étymologie de Genèse 29.33, viendrait de châma = entendre ; mais de nombreux savants y voient le nom d’un animal synonyme du simou arabe, qui désigne le produit de croisement du loup et de l’hyène. On cite encore Léa, signifiant peut-être : génisse sauvage, Lévi (nom considéré comme apparenté à Léa) et Rachel, signifiant : brebis. Cette conception, au point de vue philologique, a des bases peu solides. À l’appui de la théorie d’un culte primitif des ancêtres, on invoque les coutumes funèbres, les tombes des patriarches, en particulier le monument élevé sur la tombe de Rachel (Genèse 35.20). Gad (voir ce mot) est le nom d’une ancienne divinité sémitique de la fortune (Ésaïe 65.11 ; comparez certaines inscriptions araméennes) ; mais il n’y a là aucune raison valable d’affirmer que c’était une divinité de la tribu israélite du même nom. Si les clans hébreux avaient des cultes de tribu, ceux-ci furent complètement supprimés par la religion de JHVH. Toutes les formes d’idolâtrie, contre lesquelles fulminèrent les prophètes, avaient été empruntées à leurs voisins.

2. Le système généalogique

D’après l’Ancien Testament, les douze fils de Jacob furent les fondateurs des tribus d’Israël. Ce nombre douze a créé à certains interprètes des difficultés qui ne s’imposaient pas. D’après Cheyne, il provient d’une théorie sacerdotale ; Winckler préfère attribuer ce nombre à des influences mythologiques dérivant des signes du Zodiaque, tandis que Stade le fait dépendre du nombre des préfectures de Salomon. Écartant ces suppositions, nous nous demandons pourquoi Jacob ne pourrait avoir eu douze fils aussi bien que tel autre nombre ? Le vrai problème découle des principes généraux que se fixe l’interprète. Sans preuves suffisantes, on donne pour axiome que « les nations nouvelles n’ont jamais pour origine le fort accroissement d’une tribu, les tribus nouvelles ne dérivant jamais d’une même famille qui se multiplierait rapidement pendant plusieurs générations ». Mais les récits de l’Ancien Testament, tout en regardant les douze fils de Jacob comme des ancêtres de tribus, ne supposent pas que les tribus d’Israël sont entièrement issues d’une seule famille. Il y avait la foule mélangée (Exode 12.38 ; Nombres 11.4), il y avait les apports du dehors sous forme d’esclaves, de concubines, et plus encore l’accroissement naturel par l’annexion de clans étrangers, par exemple les Kéniens (Juges 1.16) et les Calébites (Juges 1.12 et suivants, cf. 1 Chroniques 2.9 ; 1 Chroniques 2.18 ; 1 Chroniques 2.42). La généalogie des tribus hébraïques se présente ainsi qu’il suit :

  • Léa
  • Ruben Siméon Lévi Juda Issacar Zabulon Rachel
  • Joseph Benjamin
  • Éphraïm Manassé Zilpa
  • Gad Asser Bilha
  • Dan Nephthali

Ainsi les douze tribus remontent à un seul père, Jacob-Israël, et à quatre mères, Léa et Rachel épouses légitimes, Bilha et Zilpa étant des concubines.

Considérons les principes posés par les commentateurs modernes pour l’interprétation tribale des récits patriarcaux :

  1. Le nom du père est en réalité la désignation d’une tribu ;
  2. une épouse ou une mère représente une tribu plus petite qui se laisse absorber par une plus forte, par exemple Léa par Jacob ;
  3. un mariage correspond à l’amalgame de deux tribus, une concubine représentant une tribu de moindre importance ;
  4. la naissance d’un enfant marque l’origine d’une nouvelle tribu.

Une telle théorie des récits des patriarches, quoique scientifique, n’en est pas moins extrêmement problématique. On peut même en relever brièvement plusieurs points faibles. Elle méconnaît les caractères si vivants des personnages présentés dans les récits avec une telle vérité, par exemple la rivalité et la jalousie entre Léa et Rachel ou la vie de famille de Juda ; elle pose ou affirme sans véritable preuve plusieurs principes généraux. Si le groupement généalogique est un reflet des conditions politiques et géographiques, la parenté des tribus que nous révèle l’histoire postérieure devrait y correspondre. C’est ici que la théorie s’écroule, car certaines tribus, étroitement unies dans le système généalogique, sont sans étroites relations politiques et restent géographiquement fort éloignées les unes des autres, par exemple Gad et Asser, Juda, Issacar et Nephthali, et malgré les nombreuses conjectures, qui dans un tel problème ne peuvent être démontrées, il n’en demeure pas moins que l’on n’apporte aucune preuve positive contre l’exactitude des traits essentiels du récit biblique sur l’origine des tribus hébraïques. L’Écriture groupe les tribus en bien des ordres divers, suivant des principes différents de classement :

  1. leur parenté avec Jacob, ses femmes et ses concubines (Genèse 29 à 35, Genèse 46, Genèse 49, Exode 1, Nombres 1, Nombres 2, Nombres 7, Nombres 10, Nombres 13, Nombres 26 ; 1 Chroniques 2.27) ;
  2. leur position géographique (Nombres 34 ; Deutéronome 33 ; Josué 13 ; Juges 5 ; 1 Chroniques 12 ; Apocalypse 7) ;
  3. leur géographie modifiée par la tradition ; (dans Deutéronome 27, les tribus les plus importantes bénissent et les moins importantes maudissent)
  4. un groupement idéalisé (Ézéchiel 48).

3. Les ancêtres de la tribu

On ne sait rien de la vie personnelle de la plupart des fils de Jacob ; ce ne sont que des noms. Quelques faits sur certains d’entre eux ont été conservés. Siméon et Lévi sont associés dans une attaque déloyale contre les habitants de Sichem pour venger le rapt de leur sœur Dina (Genèse 34), au mépris de l’accord qui avait été conclu. Ils sont sévèrement blâmés pour ce crime dans la Bénédiction de Jacob, et leur postérité condamnée à la dispersion en Israël (Genèse 49.5 et suivants). Rachel mourut en donnant naissance à Benjamin, près d’Éphrata ; elle lui donna le nom de Benoni, signifiant : fils de ma douleur, que Jacob changea en Benjamin, signifiant : fils de ma droite, Genèse 35.16 ; Genèse 35.18. Il est représenté comme le favori de son père qui, à contre-cœur le laisse descendre en Égypte avec ses frères (Genèse 42ss). Juda, signifiant : loué, était le quatrième fils de Jacob par Léa (Genèse 29.35), mais il se comporte en chef parmi ses frères et bientôt semble exercer les droits d’un premier-né. Ruben, l’aîné, et Juda agissent en représentants de leurs frère-dans l’histoire de Joseph ; c’est Juda qui dirige d’après Genèse 37.26 ; Genèse 43.3 ; Genèse 44.16 ; Genèse 46.28 (J), c’est Ruben d’après Genèse 37.22 ; Genèse 42.37 (E). Juda est présenté sous un jour défavorable dans Genèse 38. Il épousa une Cananéenne, qui lui donna trois fils : Er, Onan et Séla. Pour Er son père choisit une femme du nom de Tamar, mais quand Er mourut sans enfants, Onan refusa de remplir les obligations que lui imposait la loi du lévirat sur le mariage. Alors, afin d’assurer la réparation du tort qui lui était fait, Tamar déguisée en prostituée sacrée (qedhêchâh) séduisit Juda, qui par elle devint le père de Pérets et Zérach. Il ne faut pas juger ces actes de Juda d’après les principes d’aujourd’hui ; en somme il se conduisit honorablement selon les coutumes de son temps. De nombreux interprètes modernes ont vu dans cette histoire une manière naïve de présenter les relations entre les tribus. Tamar ne serait ainsi qu’un clan cananéen, s’unissant à la tribu israélite de Juda. Si tel avait été réellement le cas, le récit aurait pu difficilement prendre cette forme, car il jette un jour fâcheux sur le caractère du fondateur de la tribu à laquelle appartiendra David (le chapitre 38 est attribué à J, le document de Juda). Ruben, signifiant : voici un fils, est le premier-né de Jacob et de Léa (Genèse 29.32). Enfant de sept ou huit ans, il ramassa des mandragores pour sa mère (Genèse 30.14). Son caractère présente à la fois des côtés sombres et lumineux. Il commet un inceste avec Bilha, une concubine de son père (Genèse 35.22) ; et dans la Bénédiction de Jacob (Genèse 49.3 et suivant), il est dit qu’il perdit son droit d’aînesse en expiation de cette faute (cf. 1 Chroniques 5.1). D’autre part, il apparaît dans l’histoire de Joseph comme un noble caractère qui plane au-dessus des petites et mesquines jalousies de ses frères ; il sauve la vie de Joseph (Genèse 37.21 ; Genèse 37.29), il est le porte-parole des autres (Genèse 42.22 et suivants), et il donne en gage ses deux fils à Jacob pour garantir le retour d’Égypte de Benjamin (Genèse 42.37).

4. Histoire des tribus

Voir Atlas 4

Voir Atlas 27 L’histoire des tribus séparées sera limitée ici à l’époque des Juges. Pour la suite de cette histoire, voir Israël, paragraphe 3ss. Pendant leur marche au désert, les tribus, d’après P, étaient divisées en quatre groupes. Celles de Juda, Issacar et Zabulon campaient à l’est du sanctuaire et formaient l’avant-garde ; elles étaient suivies de Ruben, Siméon et Gad au sud du Tabernacle. Après elles venaient, divisées en deux, Éphraïm, Manassé et Benjamin, suivies de Dan, Asser et Nephthali, les premières plantant leurs tentes à l’ouest et les dernières au nord de la tente d’assignation (Nombres 2). On trouvera la liste des clans des diverses tribus dans Genèse 46 et Nombres 26. Nous avons aussi un recensement détaillé, à la fois au temps de l’exode (Nombres 1 ; Nombres 2) et, trente-huit ans plus tard, à la fin du voyage au désert (Nombres 26). Les tribus de Juda et d’Éphraïm ont tenu le rôle le plus important dans l’histoire de la nation, et elles furent continuellement en rivalité pour obtenir l’hégémonie sur Israël.

La position de Juda à l’avant-garde, pendant la marche au désert, indiquait la prééminence de cette tribu, qui comptait 76 500 personnes au second dénombrement (Nombres 26.22). Cette tribu s’agrandit avec l’addition d’éléments kéniens (Juges 1.16) et de deux clans kéniziens, Caleb et Othniel (Juges 1.12-16 ; Juges 1.20 ; Josué 14.6 ; Josué 14.15 ; Josué 15.13 ; Josué 15.19). Juda s’annexa encore Siméon, qui, pendant le vovage au désert, avait baissé de 59 300 (Nombres 1.23) à 22 200 (Nombres 26.12 et suivants).

Siméon n’est mentionné ni dans la Bénédiction de Moïse (Deutéronome 33) ni dans le chant de Débora (Juges 5) Ces omissions indiquent clairement que, dès la période des Juges, cette tribu avait perdu son identité, et il y a de fortes raisons de croire qu’elle fut absorbée par Juda. C’est à Juda qu’elle était associée pendant la conquête (Juges 1.3). Le territoire attribué à Siméon (Josué 19.1 ; Josué 19.9) appartenait en réalité à Juda (cf. Josué 15.26-32 ; Josué 15.42) et après l’exil les Judaïtes sont seuls mentionnés comme habitant ces villes (Néhémie 11.26 et suivants). Le territoire de Juda se divise par sa configuration en quatre parties :

  1. la contrée montagneuse (Josué 15.48 et suivants) ;
  2. le désert, qui part de la chaîne centrale jusqu’aux bords de la mer Morte (Josué 15.61 et suivants) ;
  3. la Séphéla, placée entre la plaine maritime et les premières collines (Josué 15.33 et suivants) ;
  4. le Négeb, ou midi, dans l’extrême sud (Josué 15.21 et suivant).

La frontière méridionale de Juda allait de l’extrémité de la mer Morte au ouâdi el-Arich en passant par Kadès-Barnéa ; la frontière nord s’étendait en ligne irrégulière de Kirjath-Jéarim en Séphéla jusqu’à En-Roguel, dans le voisinage de Jérusalem, puis aboutissait au Jourdain (Josué 18.11-20). Juda n’est pas mentionné dans le chant de Débora (Juges 5) ; évidemment, à l’époque lointaine des juges, cette tribu suivait sa destinée d’une manière tout à fait indépendante des autres.

Immédiatement au Nord, séparant Juda de son rival principal, s’étendait le territoire de la petite mais héroïque tribu de Benjamin. L’histoire a justifié l’oracle : « Benjamin est un loup, qui déchire » (Genèse 49.27) ; car c’était une tribu guerrière, célèbre par ses archers et ses frondeurs : (Juges 20.16 ; 1 Chroniques 8.40 ; 1 Chroniques 12.2) parmi ses guerriers elle comptait Éhud, Saül et Jonathan. Elle prit part avec les tribus du nord à la campagne contre Sisera (Juges 5.14). La ligne la séparant d’Éphraïm partait du Jourdain près de Jérico, par la route de Béthel (assignée à Benjamin dans Josué 18.13, à Éphraïm dans 1 Chroniques 7.28), et arrivait à Beth-Horon la basse.

Ephraïm occupait le milieu de la région au nord de Benjamin, et, en théorie tout au moins, s’étendait du Jourdain jusqu’au bord de la mer (Josué 16.6 ; Josué 17.7 et suivants). Deux poèmes prophétiques (Genèse 49.22-26 ; Deutéronome 33.13 ; Deutéronome 33.17) promettent aux tribus étroitement apparentées d’Éphraïm et de Manassé un sol fertile et un courage militaire indomptable. La première ne put conquérir entièrement son territoire, car Guézer resta en possession des Cananéens jusqu’au règne de Salomon, mais il est dit qu’elle s’empara d’Ajalon et de Saalbim, localités ayant d’abord appartenu à Dan (Juges 1.35). Éphraïm absorba les éléments cananéens, particulièrement à Sichem (Juges 9.1 et suivants). Son attitude hautaine de tribu principale provoqua souvent des tensions entre elle et les autres chefs d’Israël, par exemple Gédéon et Jephté. Parmi les héros de cette tribu, on cite Josué, Samuel et Jéroboam Ier. Après le schisme, le royaume du nord prit le nom d’Éphraïm.

Avant d’aller plus loin vers le nord, tournons-nous vers les vallées d’Ajalon et de Sorek qui s’étendent au nord-ouest de Jérusalem. Dans le premier partage, celles-ci furent attribuées à Dan (Josué 19.40 ; Josué 19.48). Le sarcasme de Débora : (Juges 5.17) « Et Dan, pourquoi s’est-il tenu sur les navires ? » indique qu’à une certaine époque son territoire venait jusqu’à la côte. Il a pu même occuper Joppé (Juges 1.34). Une grande partie de cette tribu, incapable de conserver sa position et cernée par les Amoréens et les Philistins, fut forcée d’émigrer vers l’extrême nord et conquit la ville de Laïs (Juges 18.1 ; Juges 18.7 ; Juges 18.27). Samson appartenait à la partie de la tribu restée en arrière. Dans la Bénédiction de Jacob, Dan est comparé à « un serpent sur le chemin, une vipère sur le sentier, mordant les talons du cheval » (Genèse 49.16) ; dans la Bénédiction de Moïse, à « un jeune lion qui s’élance de Basan » (Deutéronome 33.22). Les deux images caractérisent la tribu qui se tapit en embuscade et s’élance soudain contre l’ennemi. Cette description poétique s’accorde avec le récit de Juges 18, qui parle de la brusque irruption de 600 guerriers de cette tribu fondant sur les habitants pacifiques et sans défense de Laïs (appelée plus tard Dan).

Juste au nord d’Éphraïm se trouvait le territoire occidental de la tribu de Manassé . Son lot s’étendait vers l’ouest jusqu’au torrent de Kana et comprenait les villes frontières au sud de la plaine d’Esdrelon. Ici encore, la conquête n’était que partielle et des points importants tels que Beth-Séan, Dor, Endor, Thaanac et Méguiddo (Juges 1.27 et suivant, cf. Josué 17.11 et suivants) demeurèrent en la possession des Cananéens. Dans l’histoire de Débora (Juges 5.14), Manassé est désigné sous le nom de Makir, que portait l’un de ses principaux clans. Parmi les anciens héros d’Israël, Gédéon appartenait à cette tribu.

Le sud et l’est de la plaine d’Esdrelon et la chaîne de montagnes de Guilboa échurent à Issacar (Josué 19.17-23). La fameuse Via Maris, signifiant : Route de la Mer, qui traversait ce territoire, était la source d’une grande richesse (Deutéronome 33.19). Le tableau poétique de Genèse 49.14 et suivant fait d’Issacar une tribu robuste, qui succombe aux séductions de la prospérité et se laisse subjuguer par les Cananéens. Les hommes d’Issacar épousèrent avec ardeur la cause des tribus qui se mirent en campagne contre Sisera (Juges 5.15).

À l’époque des Juges, Nephthali, tribu courageuse et patriote (Juges 5.18) à laquelle appartenait Barak (Juges 4.6), prit part à la guerre de libération de Gédéon contre les Madianites (Juges 7.23). Son territoire s’étendait à l’est d’Asser et de Zabulon, et immédiatement à l’ouest de la mer de Galilée, vers le nord usqu’aux eaux de Mérom et aux sources du Jourdain. La fertilité de cette région est proverbiale ; Josèphe en parle comme d’un paradis terrestre et les voyageurs modernes ont rivalisé dans le choix d’expressions élogieuses pour décrire la richesse et la fécondité du sol, déjà célébrées par les anciens poètes hébreux (Genèse 49.21 ; Deutéronome 33.23). Nephthali faisait partie de la contrée qui porta plus tard le nom de Galilée et que devait consacrer plus que toute autre légion de la Palestine (à part Jérusalem) le passage du Seigneur au cours de sa vie et de son ministère terrestres.

Une autre tribu, Zabulon, se lança impétueusement dans la guerre contre Sisera (Juges 5.18), mais par la suite elle ne joua qu’un rôle très peu important dans l’histoire d’Israël. La situation de ce territoire était particulièrement favorable ; d’après les frontières indiquées dans Josué 19.10 ; Josué 19.16, il se trouvait entièrement à l’intérieur des terres, limité au sud par Issacar, à l’ouest par Asser, à l’est et au nord par Nephthali. Ces frontières renfermaient la plaine d’Asochis. La Bénédiction de Jacob (Genèse 49.13) parle de cette tribu dans des termes qui lui supposent un accès vers la mer : « Zabulon habitera sur la côte des mers, et il sera un port pour les navires, et sa limite s’étendra du côté de Sidon ». Il est possible que ses frontières aient varié au cours de l’histoire et qu’elle ait eu quelque temps accès à la mer, comme Josèphe en témoigne. Zabulon associée avec Issacar s’enrichit dans le commerce maritime : « Ils exploiteront les richesses des mers » (Deutéronome 33.19). Le territoire de Zabulon était aussi une partie de la région connue plus tard sous le nom de Galilée : paysage « d’une grande variété, avec ses vallées boisées, sa plaine fertile et ses fraîches collines ».

Asser reçut pour sa part une bordure de rivage s’étendant du mont Carmel à la Phénicie (Josué 19.24-31). Cette tribu était très riche en cultures ; celle de l’olivier y réussissait particulièrement bien (Deutéronome 33.24). C’est elle qui approvisionnait les tables royales (Genèse 49.20). La conquête de son territoire ne fut pas complète ; en effet, parmi les villes qui lui furent attribuées se trouvaient Acco, Tyr et Sidon, qui ne devaient jamais être israélites. Asser se mélangea peu à peu avec les Cananéens (Juges 1.31) et ne se joignit pas aux autres tribus pour rejeter le joug de Sisera (Juges 5.17). Dans les inscriptions de Séti Ier et de Ramsès II, Asser (’-s-rou) désigne le haut pays phénicien ; certains critiques en infèrent qu’Asser était à l’origine un terme géographique.

Moïse autorisa Ruben, Gad et la demi-tribu de Manassé à s’établir à l’est du Jourdain, à la condition de prendre part à la conquête du territoire des autres tribus (Nombres 32). La poésie et l’histoire s’accordent à représenter Gad comme une tribu courageuse et guerrière : « Gad sera assailli par des armées, mais il les assaillira et les poursuivra » (Genèse 49.19, cf. Deutéronome 33.20). Son entourage contribuait à lui donner ce caractère : Ammonites, Moabites et autres tribus du désert faisaient de fréquentes incursions sur son territoire (Juges 11). Quelques-uns des « vaillants hommes » de David, « semblables à des lions et aussi prompts que des gazelles sur les montagnes », étaient Gadites (1 Chroniques 12.8). D’après Nombres 32.34-36, le territoire de Gad s’étendait à l’est et au nord-est de la mer Morte ; les villes énumérées dans ce passage étaient situées entre le Jabbok et l’Arnon. Le partage de Josué (Josué 13.24 ; Josué 13.28) attribua à Gad le territoire compris entre la mer de Galilée et le pays des Ammonites vers le sud. Nul doute que les vicissitudes de la guerre n’en aient fait varier les limites à différentes époques.

L’inscription de Mésa (voir ce mot) corrobore les données bibliques (1.10 : « les hommes de Gad habitaient l’Ataroth depuis des temps anciens ») ; l’inscription mentionne aussi plusieurs autres cités gadites. Ruben était une importante tribu au temps des Juges ; il lui est fait de sévères reproches pour n’avoir pris aucune part à la défense commune lors de la lutte critique au cours de laquelle les tribus du nord vainquirent Sisera (Juges 5.15 ; Juges 5.17). Les Rubénites durent avoir beaucoup à souffrir entre les mains de leurs voisins les Moabites, car leur population diminue, et il n’en est plus fait mention par la suite. La liste de leurs villes est donnée dans Josué 13.15-23 ; elles formaient une enclave dans le territoire de Gad (Nombres 32.37 et suivant). Comme Juda s’était annexé Siméon, ainsi Gad absorba Ruben. Les caractères du pays et son influence sur l’histoire de la tribu ont été décrits par G.A. Smith : « Ces hautes landes fraîches, dont les sentiers poussiéreux n’étaient encore marqués que par les sabots des brebis et des troupeaux, avaient retenu deux tribus qui, en demeurant à l’est du Jourdain, ne purent s’élever comme les autres de la vie nomade et pastorale à celle de l’agriculteur ». De Ruben n’est sorti aucun grand héros national.

Après la défaite d’Og, une partie de la tribu de Manassé continua d’occuper l’est du Jourdain jusqu’au Jabbok vers le sud. Son territoire, qui comprenait une grande partie du Hauran, s’étendait vers le nord-est et vers le nord usqu’aux pentes inférieures de l’Hermon. Les bourgs de Jaïr (voir article) appartenaient à Manassé (Deutéronome 3.14). Les clans orientaux de cette tribu, conservant leur genre de vie pastorale, se maintinrent avec peine contre les nomades du désert et les Ammonites.

De Lévi, en tant que groupement séculier, on sait peu de chose. Le sens de ce nom est incertain ; l’opinion d’après laquelle « Lévi » ne serait pas un nom de tribu, mais un titre professionnel (cf. lawi’u = prêtre, des inscriptions minéennes) n’est qu’une simple conjecture. Le fait que Moïse était membre de cette tribu et le dévouement qu’elle montra pour la cause de Jéhovah (Exode 32.25 et suivants) lui valurent les privilèges du sacerdoce. Dans l’histoire d’Israël, les Lévites furent de bonne heure les gardiens du sanctuaire et des objets du culte (Nombres 3.5). En tant que tribu sacerdotale, elle ne possédait pas de territoire déterminé, mais il lui fut attribué quarante-huit villes ; voir (Nombres 35.1 ; Nombres 35.8) Refuge (villes de), Prêtres et lévites.

Bibliographie

  • Barton, Sketch of Sem. Origins (1902), chapitre 2 ;
  • Mr Curdy, Hist., Proph., and the Monuments (1894-1901, volume II, chapitres 2, 3) ;
  • W R. Smith, Kin. and Marr. In Early Arabia (1855) ;
  • Paton, Earl. Hist of Sir and Pal. (1901) ;
  • G.A. Smith, Hist. Geog. (1896) ;
  • Ouvrages de Binzinger (1907) et de Nowack (1894) sur Hébreu Arch. — Jeri-mia, The Old Testament In the Light of the Ancient East, II, page 77 (1911)
  • Pour la discussion des théories modernes, voir Orr, The Problem of the Old Testament (1906). James A. Kelso.

Voir aussi nos articles aux noms respectifs des tribus.


Numérisation : Yves Petrakian