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Lier et délier
Dictionnaire Biblique Westphal Calmet

Cette expression est, dans Matthieu 16.19, l’explication des mots : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux » (voir Clefs [pouvoir des]). Elle montre que le privilège accordé à Pierre n’était pas de faire de lui l’intendant du Seigneur, l’homme qui aurait pour mission de fournir la nourriture aux serviteurs du Maître, mais bien plutôt de tenir les clefs de la maison et de posséder le pouvoir d’admettre dans le Royaume des cieux ou d’en interdire l’accès.

Ce droit, que Pierre a reçu le premier, le premier il l’a exercé. Avant tout autre, il a ouvert aux Juifs (Actes 2.41) et aux païens (Actes 10.34-48) les portes de l’Église du Christ. Mais Pierre ne devait pas exercer seul ce privilège. Bientôt Paul et Barnabas ouvrent aux populations de l’Asie Mineure « les portes de la foi » (Actes 14.27) ; et nul, dans les premiers jours de l’Église, n’a exercé le pouvoir des clefs avec autant de maîtrise que l’apôtre des Gentils.

Le pouvoir de lier et délier les portes des cieux et de façon générale tout ce qui concerne le règlement des affaires de son Royaume, Jésus l’a accordé non seulement à Pierre, non seulement aux Douze, à Paul et Barnabas, mais à toute l’Église, considérée comme une collectivité ayant autorité pour juger, dans l’obéissance aux instructions du Maître et la direction de son Esprit : « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel » (Matthieu 18.18).

La procédure donnée par Jésus dans Matthieu 18.15 ; Matthieu 18.17, à propos du droit de lier et de délier, investit de ce pouvoir non un sacerdoce, mais l’Église, autorité souveraine en tant qu’assemblée du Seigneur. C’est aussi à cette autorité que Paul s’en remet dans l’affaire de l’incestueux de Corinthe ; c’est l’Église qui doit retrancher de son sein le coupable impénitent (1 Corinthiens 5.1 ; 1 Corinthiens 5.12), c’est aussi l’Église qui a le pouvoir de le réintégrer s’il est revenu dans la bonne voie. « À qui vous pardonnez, je pardonne aussi » (2 Corinthiens 2.5 ; 2 Corinthiens 2.10). Ces exemples montrent le caractère essentiellement démocratique de la discipline instituée par le Seigneur.

Le mode prescrit dans Matthieu 18 exclut toute obligation hiérarchique, toute opération de prêtre par le sacrement de la pénitence. Qu’il s’agisse de l’offense à Dieu ou de l’offense à un membre de son Église, c’est toujours le « vous êtes tous frères » qui régit la communauté. C’est à l’assemblée (ecclésia), à la famille spirituelle dans son ensemble, et non à un pontife ou à une caste sacerdotale, qu’ont été remises par Jésus les destinées de son Royaume sur la terre (voir Confession, II, B, 2 et 3).

Une confirmation de ce qu’enseigne l’Évangile de Matthieu se trouve dans l’Évangile de Jean (Jean 20.22-23) où le pouvoir de la déclaration de pardon est accordé par Jésus, après le baptême de l’Esprit, à l’Église naissante réunie dans la chambre haute, les apôtres, les saintes femmes, les frères de Jésus, d’autres disciples encore, premier noyau de la société chrétienne sur la terre (Luc 24.33 ; Actes 1.14). C’est contre cette doctrine évangélique que le concile de Trente, dans sa session 14, a prononcé l’anathème. Par crainte de retomber dans l’erreur de l’absolution romaine, les églises protestantes se refusent souvent l’exercice de l’absolution évangélique telle que Jésus l’a instituée, et par là, sans s’en rendre compte, elles affaiblissent leur témoignage.

Du moment que l’Évangile est « la puissance de salut » (Romains 1.16), la rémission des péchés est un fait. L’Église, annonciatrice de l’Évangile, doit être aussi l’annonciatrice de l’absolution, conséquence, pour celui qui croit, de l’œuvre rédemptrice du Christ. « Sachez », dit Paul aux Juifs et aux prosélytes réunis dans la synagogue d’Antioche de Pisidie, « que c’est par Lui (Jésus) que la rémission des péchés est accordée ».

C’est le Christ, non un homme, qui absout ; et cette déclaration de pardon est faite non par un prêtre dominateur de l’Église (1 Pierre 5.3), mais au nom de l’Église, par celui qu’elle a consacré pour exercer dans son sein les fonctions d’ambassadeur de Christ. Il y a là une prérogative spirituelle, une royauté de l’Église que Calvin a fort bien vue et qui lui avait inspiré sa première liturgie à Strasbourg, où il disait après la confession publique des péchés : « Un chacun de vous se reconnaisse vraiment pécheur, s’humiliant devant Dieu, et croie que le Père céleste lui veut être propice en Jésus-Christ. À tous ceux qui en cette manière se repentent et cherchent Jésus-Christ pour leur salut, je dénonce l’absolution des péchés être faite au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen ! »

Si les diverses églises évangéliques appréciaient plus justement leur puissance de délier, trésor qu’elles portent dans des vases de terre, peut-être sentiraient-elles mieux leur parenté par la grandeur de la charge qui leur est commune et, plutôt que de se diviser, mettraient-elles tout en œuvre pour « conserver l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix » (Éphésiens 4.3).

Alexandre Westphal

Lierre  

Numérisation : Yves Petrakian