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Corinthiens (2e épître aux)
Dictionnaire Biblique Westphal

Cette lettre, au moins la quatrième aux Corinthiens, est la seconde des deux qui nous ont été conservées (cf. article précédent, Introduction).

I Le contenu

1. Plan et analyse

    Préambule, 2 Corinthiens 1.1 ; 2 Corinthiens 1.11.

    (a) L’adresse (2 Corinthiens 1.1 ; 2 Corinthiens 1.2) mentionne non seulement l’Église qui est à Corinthe, mais aussi tous les saints qui sont dans toute l’Achaïe. L’Évangile a donc rayonné dans toute la Grèce méridionale, depuis la fondation de l’Église.

    (b) L’action de grâces (2 Corinthiens 1.3-4) ne mentionne pas l’état de la communauté, ce qui est significatif (cf. article précédent, I, préambule) ; elle est toute personnelle, ce qui l’est également.

    (c) L’argument (2 Corinthiens 1.5-11) expose les raisons pour lesquelles Paul rend grâces, et prépare son apologie devant une Église où son prestige et son autorité sont gravement compromis. L’apôtre fait appel, en même temps, aux meilleurs sentiments de ses lecteurs, en faisant allusion à une épreuve où sa vie fut en jeu (2 Corinthiens 1.8 s). On songe habituellement à un risque extérieur : emprisonnement et menace d’une condamnation ad bestias (cf. 1 Corinthiens 15.32, pris au sens figuré par la majorité des interprètes ; au sens propre par Holsten, Godet, Weizsoecker, J. Weiss, Goguel), émeute de Démétrius, etc. ; mais on peut songer aussi bien, peut-être mieux, D’après les termes du passage, à une maladie grave. Quel qu’il fût, cet événement était bien digne de réveiller, chez les Corinthiens, une sympathie et une affection endormies.

    Ière partie : Le passé, 2 Corinthiens 1.12-7.16

    (a) Apologie personnelle (2 Corinthiens 1.12-2.17). Paul proteste de sa sincérité, de sa fermeté et de son affection, répondant indirectement aux attaques de ses adversaires. Dans sa correspondance avec les Corinthiens, il a toujours écrit ce qu’il pensait (2 Corinthiens 1.13). Ses changements de projets ne sont nullement l’indice d’un manque de loyauté ou de décision (2 Corinthiens 1.15-24). Il fait preuve d’indulgence et de modération, en demandant, pour celui qui l’a offensé, des ménagements et le pardon (2 Corinthiens 2.6 ; 2 Corinthiens 2.11). [Il ne peut s’agir ici de l’incestueux de 1 Corinthiens 5.1 ; 1 Corinthiens 5.5].

    (b) La gloire du ministère (2 Corinthiens 3.1-6.10). Suivant le tour dialectique de sa pensée, l’apôtre s’élève de faits particuliers à des principes généraux, d’où son raisonnement descend ensuite vers le concret avec une célérité et une puissance accrues. De sa vocation personnelle, il s’élance à la contemplation du ministère chrétien. Il en découvre la liberté, la spiritualité et la gloire immortelle. Il revient alors à son apostolat, et constate qu’il rend fidèlement l’image de ce glorieux idéal : Paul est parfaitement libre, il fait tout au grand jour, et ne craint le jugement de personne (2 Corinthiens 3.12-4.2) ; en lui se manifeste la puissance de vie et de résurrection du Christ, avec tous les espoirs de cette expérience (2 Corinthiens 4.7-5.8) ; c’est d’une manière spirituelle qu’il connaît toutes choses et le Christ lui-même (2 Corinthiens 5.16). Il a répudié, non pas une connaissance du Christ en chair, qu’il aurait autrefois rencontré pendant sa vie terrestre, mais une connaissance charnelle, c’est-à-dire imparfaite et grossière, du Seigneur qui est l’Esprit.

    (c) (2 Corinthiens 3.17) Union de Paul et de la communauté (2 Corinthiens 6.11-7.16). En termes émouvants, Paul supplie les Corinthiens de lui faire place dans leurs cœurs, comme il leur a fait place dans le sien (2 Corinthiens 6.11 ; 2 Corinthiens 6.13 ; 2 Corinthiens 7.2 ; 2 Corinthiens 7.1). Ce passage est coupé en deux tronçons par des exhortations sur d’autres thèmes (2 Corinthiens 6.14-7.1).

    2e partie : Le présent, 2 Corinthiens 8.1-9.15

    Puisque l’apôtre a en eux une telle confiance, que ses lecteurs la justifient en achevant chez eux la collecte en cours. La Macédoine leur a donné l’exemple ; qu’ils le suivent promptement et généreusement. La distribution de ces offrandes aux chrétiens pauvres de Jérusalem sera une source abondante d’actions de grâces qui uniront tous les fidèles.

    3e partie : L’avenir, 2 Corinthiens 10.1-13.10

    Ici l’épître change brusquement de ton. L’apologie reprend avec une vigueur accrue. Paul se défend en attaquant. Ce qu’il est en paroles, il le sera en actes. Ceux qui le taxent de forfanterie, ces faux dévots qui se prétendent chrétiens par excellence, le constateront bientôt à leurs dépens (2 Corinthiens 10). Paul se vantera aussi, mais sans orgueil. Il sait le peu que valent tous les mérites et tous les avantages ; il les méprise tous, en les possédant tous ; il n’est pas de ceux auxquels on peut lancer ironiquement : ils sont trop verts. D’ailleurs, serait-il oublieux de sa misère que Dieu la lui rappellerait par une infirmité mystérieuse : l’écharde dans la chair (2 Corinthiens 12.7 s). Ses travaux l’ont accrue, peut-être provoquée, s’il est vrai que vers 45 ans, au début de ses voyages missionnaires, il frappait les regards par son aspect robuste (Acta Pauli et Tkecloe). Cette faiblesse, non point constitutive, mais acquise au service du Christ, est devenue, pour le Seigneur, l’occasion de tels miracles spirituels que Paul y trouvera sa gloire (2 Corinthiens 12.9 s). L’apôtre va venir à Corinthe ; il agira énergiquement. Ceux qui sont dans la vérité n’ont rien à redouter : il ne peut rien contre la vérité (2 Corinthiens 12.19-13.10).

    Conclusion, 2 Corinthiens 13.11 ; 2 Corinthiens 13.13

    Paul conclut brièvement par des exhortations, des salutations et une bénédiction.

    2. La langue, le style et les idées

    (a) La langue n’a rien de particulier, sinon un nombre relativement élevé d’« hapax » (92). Dans les passages polémiques, le style est plus vif, heurté et saccadé qu’en aucune autre épître, y compris Galates ; par ses effusions, ses éloges, ses brusques variations, ses éclairs de fureur et d’ironie cinglante, il contraste avec le ton de 1 Corinthiens, mesuré jusque dans l’angoisse et l’indignation.

    (b) Les idées abstraites sont encore plus rares qu’en 1 Corinthiens ; les notions pratiques, moins nombreuses et moins variées, apportent cependant des renseignements utiles pour la compréhension de l’ecclésiologie paulinienne (cf. article précédent, I 2° b). La dialectique paulinienne, telle qu’elle se présente surtout en Romains, offre, ainsi qu’on l’a noté, un exemple typique dans la première partie. La pensée de Paul paraît enfin avoir subi une évolution importante de 1 à 2 Corinthiens (cf. article précédent, I 2° 6).

    2 Corinthiens 4.7-5.6 exprime une expérience quasi johannique de résurrection intérieure et de vie éternelle en Christ.

    II L’authenticité et l’intégrité

    (cf. article précédent, II)

    1.

    Les témoignages sont moins nombreux et moins anciens que pour 1 Corinthiens, sans doute en raison du caractère très personnel de l’épître ; mais ils sont pourtant fréquents et sûrs, à partir de la lettre à Diognète et du Canon de Marcion.

    2.

    L’authenticité est aussi peu discutée que celle de 1 Corinthiens ; les deux épîtres ont eu le même sort dans l’histoire de la critique : elles ont été attaquées par les mêmes rares extrémistes, avec des arguments semblables ; elles se défendent semblablement. Avec ses multiples traits personnels et sa puissante originalité, 2 Corinthiens paraît l’élément le plus ferme dans cette indissoluble association.

    3.

    L’intégrité a été contestée de deux manières, comme celle de 1 Corinthiens, et généralement par les mêmes critiques. Les deux lettres sont ici tellement liées qu’il a fallu déjà les étudier ensemble (cf. article précédent, II 2e). On peut ajouter simplement que l’intégrité de 2 Corinthiens a été contestée avant celle de 1 Corinthiens : Semler découvrait en 2 Corinthiens deux lettres (2 Corinthiens 1-8, 10-13), séparées par un billet aux églises d’Achaïe (9). Hausrat, reprenant ce point de vue, s’attacha particulièrement à soutenir l’hypothèse fameuse de la lettre en quatre chapitres (Vierkapitelbrief : 10-13). Il a été suivi, notamment, par Pfleiderer, Schmiedel, J. Weiss, Eugène de Faye, von Soden, Lake, Moffatt, Loisy. La thèse de Hausrat repose sur de prétendues contradictions, que l’on peut contester. 2 Corinthiens 13.1 ne se rapporte pas au cas visé en 2 Corinthiens 2.5 ; 2 Corinthiens 7.11, non plus qu’à celui mentionné en 1 Corinthiens 5.1-5 ; il n’y a donc aucune opposition. On ne voit pas non plus que 2 Corinthiens 11.7-12 ; 2 Corinthiens 11.16-18 contredise 8-9. Quant au changement indéniable de ton, de 1-8 à 10-13, il peut s’interpréter de diverses manières sans recourir à l’hypothèse de Hausrat. D’ailleurs, ni 1-8, ni 9, ni 10-13 ne constituent un tout ; on ne pourrait y voir que des fragments, et pourquoi leur association ? 10-13 serait la lettre intermédiaire entre 1 et 2 Corinthiens, dit Hausrat. Mais cette lettre est décrite, en 2 Corinthiens 2.3-4, de telle manière qu’on ne saurait admettre cette conjecture. 10-13 ne renferme aucune demande précise de réparation pour une insulte personnelle. 10-13 est une explosion de colère indignée qui ne donne aucunement l’impression d’avoir été accompagnée de « beaucoup de larmes » (2 Corinthiens 2.4). Enfin, le changement de ton à partir de 10 ne doit pas être exagéré. Paul a commencé son apologie au chapitre 1 ; il l’a menée parfois d’une allure assez vive jusqu’à 8 ; il la reprend avec une violence accrue, pour des motifs que l’on ignore, après l’interruption du long passage essentiellement pratique : 8-9. L’hypothèse de Hausrat a été repoussée par des critiques de toutes nuances : Weizsaecker, Reuss, Godet, Heinrici, Holtzmann, Jülicher, Zahn, Bousset, etc.

    III La composition

    (cf. article précédent, III). Paul est en Macédoine, en l’été 57. Il a reçu, par Tite, des nouvelles de Corinthe. La situation est meilleure ; mais elle n’est point encore entièrement rétablie. Exaspéré par la fermeté de l’apôtre, le parti soi-disant de Christ, qui a survécu aux trois autres, a tenté un nouvel effort pour soulever l’Église ; il n’a pas réussi. Paul écrit avec un double but : affermir les fidèles et réduire à néant, par un assaut violent et décisif, la volonté d’attaque de ses adversaires. Par cette complexité et son extraordinaire vivacité, 2 Corinthiens fait connaître Paul mieux qu’aucune autre épître. En terrain aussi tourmenté, le psychologue peut descendre jusqu’aux assises de la personnalité paulinienne, afin d’en observer la structure, la direction et jusqu’au mouvement.

    L’apôtre eut un succès complet. Il passa l’hiver à Corinthe, et dans la paix durement conquise, il écrivit sereinement Romains qui, après les épîtres de combat Galates 1 et 2 Corinthiens), est l’épître de la victoire.

    H. Cl.


Numérisation : Yves Petrakian