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Monnaie
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet Westphal Bost

Il est souvent parlé, dans l’Écriture, d’argent, d’or, de cuivre, de certaines sommes d’argent, d’achat à prix d’argent, d’argent coursable, d’argent d’un certain poids ; mais je n’y remarque l’argent monnayé et frappé au coin qu’assez tard, ce qui me persuade que les anciens Hébreux ne prenaient l’argent et l’or qu’au poids ; qu’ils n’y considéraient que la pureté du métal et l’aloi, non pas l’empreinte. C’est ce que nous avons tâché d’établir dans une dissertation exprès, imprimée à la tête de notre Commentaire sur la Genèse, et dont nous allons donner ici un précis.

La plus ancienne manière de trafiquer parmi les hommes est l’échange des marchandises. L’un donnait ce qui lui était inutile ou superflu à un autre, qui rendait ce dont il se voulait défaire, et recevait ce qui lui était plus utile. Dans la suite on employa les métaux précieux dans le commerce, comme chose dont la valeur était plus généralement reconnue. Enfin on s’avisa de donner à ce métal une certaine marque, un certain poids et un certain aloi, pour fixer sa valeur, et épargner aux acheteurs et aux vendeurs la peine de peser et d’examiner le métal.

Au siège de Troie on ne parle ni d’or ni d’argent monnayé ; on y exprime la valeur des choses par le nombre de bœufs qu’elles valaient. On y achetait, par exemple, du vin, en donnant des bœufs, des esclaves, des cuirs, du fer, etc. Lorsque les Grecs commencèrent à avoir des monnaies, ce ne fut que de petites broches de fer ou d’étain, nommées oboles, broches dont une poignée faisait la drachme. Hérodote croit que les Lydiens sont les premiers qui ont frappé de la monnaie d’or et d’argent, et qui l’ont employée dans le commerce. D’autres disent que ce fut Ithon, roi de Thessalie, fils de Deucalion ; d’autres attribuent cet honneur à Erïchthonius, qui avait été élevé par les filles de Cécrops, roi d’Athènes ; d’autres à Phidon, roi d’Argos.

Parmi les Perses, on dit que ce fut Darius, fils d’Hystaspe, qui fit le premier frapper quelque monnaie d’or. Lycurgue bannit l’or et l’argent de la république de Lacédémone, et n’y admit qu’une sorte de grosse monnaie de fer trempée dans le vinaigre ; Janus, ou plutôt les rois de Rome, firent de grosses monnaies de cuivre, où l’on voyait d’un côté la double tête de Janus, et de l’autre une poupe de navire.

Je ne trouve rien sur les monnaies des Égyptiens, des Phéniciens, des Arabes et des Syriens, avant les conquêtes d’Alexandre le Grand (1). Il est inutile de parler des Scythes des Germains, des Gaulois et des Espagnols ; ils n’ont commencé à avoir des monnaies propres à leur pays et à leur nation que longtemps après. Dans la Chine, encore aujourd’hui, on ne fabrique aucune monnaie d’or ou d’argent, mais seulement de cuivre. L’or et l’argent passent pour meubles et pour marchandises, et n’ont point cours dans le commerce. Si on présente de l’or ou de l’argent pour acheter quelque chose, ils les reçoivent et les donnent au poids et comme marchandise : ainsi, on est obligé de les couper par morceaux avec des cisailles faites exprès, et ils portent un trébuchet à la ceinture pour les peser. Quant au cuivre, ils en font de la monnaie mêlée d’un certain alliage de matière différente. D’un côté elle est marquée de caractères chinois, qui en montrent la valeur ; au milieu elles sont percées d’un trou carré, par où on les enfile dans un cordon.

Les peuples d’Albanie et des environs de l’Araxe n’avaient ni monnaie, ni poids, mesures, et ne comptaient pas au delà de cent. M. Tournefort dit qu’encore aujourd’hui les Géorgiens, qui ont succédé aux peuples dont nous venons de parler, méprisent l’argent, et ne veulent pas vendre leurs denrées ; ils les troquent. Tout le commerce de Mingrelie se fait par échange ; en Éthiopie et dans le Bengale il n’y a point de monnaie ; on s’y sert de coquillages de la mer des îles Maldives, au lieu de basse monnaie. On s’en sert aussi aux Maldives et en plusieurs endroits des Indes, de même que dans les côtes de Guinée et aux royaumes de Congo et de Siam.

Venons à présent aux Hébreux. Abraham pèse quatre cents sicles (Genèse 23.15-16) pour le tombeau de Sara ; et l’Écriture remarque qu’il donna de bon argent et de la monnaie publique et coursable, selon l’Hébreu, de l’argent qui passe chez les marchands. Joseph est vendu par ses frères à des Ismaélites pour la somme de vingt pièces d’argent, viginti argenteis (Genèse 27.28) ; l’Hébreu vingt sicles d’argent. Les frères de Joseph lui rapportent en Égypte l’argent qu’ils avaient retrouvé dans leurs sacs, au même poids qu’ils l’avaient donné : Argentum in pondere suo (Genèse 43.21). Les bracelets qu’Eliézer donne à Rébecca (Genèse 24.22) pesaient dix sicles, et les pendants d’oreilles deux sicles. Moïse ordonne que l’on prenne le poids de cinq cents sicles de myrrhe, et deux cent cinquante sicles de cinname du poids du sanctuaire, pour composer le parfum qui devait être brûlé sur l’autel d’or du Seigneur (Exode 30.24). Il raconte ailleurs (Exode 38.29) qu’on offrit pour les ouvrages du tabernacle soixante-douze mille talents d’airain. On lit dans les livres des Rois (2 Samuel 14.26) que le poids des cheveux d’Absalon était de deux cents sicles de poids public, ou du poids du roi, lorsqu’il les faisait couper tous les ans. Isaïe (Isaïe 46.6) représente les impies qui pèsent de l’argent dans une balance pour faire une idole ; et Jérémie (Jérémie 33.10) pèse dans une balance dix-sept pièces d’argent pour un champ qu’il achète. Venez acheter du vin et du lait sans argent et sans échange, dit Isaïe (Isaïe 55.1-2). Pourquoi pesez-vous votre argent, et pourquoi donnez-vous votre travail pour acheter du pain ? Amos (Amos 8.3) représente les marchands qui s’exhortent à diminuer leurs mesures pour vendre, à augmenter le poids du sicle pour recevoir le payement, et à se servir de balances trompeuses dans le commerce.

Dans tous ces passages il n’est fait mention que de trois choses :

  1. Du métal d’or et d’argent, et jamais de cuivre, car il n’était pas alors dans le commerce comme monnayé ;
  2. Du poids, du talent, du sicle, de l’obole ou du gerah, du poids du sanctuaire et du poids du roi ; et
  3. De l’aloi, de l’or ou de l’argent pur et de bon aloi, qui est reçu chez le marchand.

Il n’est parlé nulle part ni de l’empreinte, ni du coin ; il est dit souvent que l’on pèse l’argent, que l’on pèse toutes sortes de choses au poids du sicle et du talent. Ce sicle et ce talent n’étaient donc pas des monnaies fixes et déterminées, c’étaient des poids que l’on employait indifféremment pour toutes choses dans le commerce. De là ces balances trompeuses des marchands qui veulent augmenter le sicle, c’est-à-dire ; le poids dont ils se servaient pour recevoir l’or et l’argent qu’ils recevaient, afin d’en prendre une plus grande quantité ; de là ce poids du sanctuaire dont on conservait l’étalon dans le temple, pour empêcher la fraude ; de là ces défenses d’avoir dans son sac diverses sortes de poids (Deutéronome 25.13). De là ces trébuchets que les Hébreux (Deutéronome 23.13) portaient toujours à leurs ceintures, et les chananéens à la main (Osée 12.7), comme les Chinois en portent encore à présent à la ceinture pour peser l’or ou l’argent qu’ils reçoivent, lequel, comme on l’a dit, n’est pas encore monnayé parmi eux.

Et remarquez que dans le texte original il n’est jamais parlé de monnaie, ni de rien de semblable. L’or et l’argent que l’on offre à Moïse dans le désert pour la construction du tabernacle, et celùi qu’on donne à Aaron pour faire le veau d’or, et celui dont Gédéon fit un éphod, et celui qui tenta Achan, et celui que David laissa à Salomon, et celui que Giézi reçut de Naaman, n’était que du l’or ou de l’argent façonné en bagues, en bracelets, en pendants d’oreilles, en vaisselles ou en lingots : pas un mot de monnaie, ni de marque, ni d’empreinte ; aucun terme qui marque la forme de la monnaie, ni la figure qui y était représentée. Car d’ordinaire les monnaies frappées au coin prennent le nom du prince, ou de l’animal, ou de la fleur qui y est représentée. On dit chez les Grecs un philippe, un archer, un bœuf, une chouette, etc., à cause des empreintes qui représentent, le roi Philippe, un archer ou un homme qui tire de l’arc, et ainsi du reste. Rien de pareil chez les Hébreux.

Il est vrai qu’on trouve dans le texte hébreu de la Genèse (Genèse 33.19), que Jacob acheta un champ pour la somme de cent kesitah, et que les amis de Job donnèrent à ce modèle de patience, après le rétablissement de sa santé, chacun un kesitah et un pendant d’oreilles d’or (Job 42.11) : on y trouve aussi des dariques nommées dans l’Hébreu darcmonim, ou adarcmonim : et des mines, des statères, des oboles. Mais ces dernières sortes de monnaies sont étrangères et sont mises pour d’autres termes qui dans l’Hébreu ne signifient que le poids du métal. Le kesitah ne nous est pas bien connu : les uns le prennent pour une brebis ou un agneau ; d’autres pour une monnaie ayant l’empreinte d’un agneau on d’une brebis : nous croyons que c’est plutôt une bourse d’argent d’un certain poids. Voyez le nom Késitah.

Les darcmonims ou dariques sont des monnaies des rois de Perse, et l’on convient que sous Darius, fils d’Hystaspe, on commença à voir de la monnaie frappée au coin. Ézéchiel (Ézéchiel 45.12) nous dit que la mine fait soixante sicles ; il rappelle cette monnaie étrangère au poids des Hébreux. La mine pourrait bien être originairement une monnaie des Perses, qui fut adoptée par les Grecs et par les Hébreux. Or sous la domination des Perses les Hébreux n’étaient guère en état de faire de la monnaie à leur propre coin, étant soumis à ces princes et ne faisant alors que très-petite figure dans leur pays. Ils étaient encore bien moins en état d’en faire sous les Chaldéens durant la captivité de Babylone, ni enfin sous la domination des Grecs auxquels ils ont obéi jusqu’au temps de Simon Machabée (1 Machabées 15.6), à qui Antiochus Sidélès, roi de Syrie, donna la permission de frapper de la monnaie à son coin dans la Judée. Ce sont les premières monnaies hébraïques que l’on connaisse. C’étaient des sicles et des demi-sicles d’argent.

Nous en avons fait graver un bon nombre avec l’explication de leurs légendes à la tête du premier tome de ce Dictionnaire de la Bible. [Voyez parmi les pièces préliminaires l’Atlas du Cours complet d’Écriture sainte, et l’Herméneutique sacrée].

(1) « Antérieurement à la monnaie frappée, les Égyptiens avaient pour le petit commerce intérieur une monnaie de convention ; mais ils se servaient, dans les transactions considérables, d’anneaux d’or pur d’un certain poids et d’un certain diamètre, ou d’anneaux d’argent d’un titre et d’un poid égalemetn fixe » Champollion le jeune, Lettres d’Égypte et de Nubie.

« L’Égypte ne paraît pas avoir connu l’usage des monnaies de métaux. À l’égard de la monnaie, nous avons déjà dit que l’Égypte n’eut pas l’idée d’un système monétaire légal, ni peut-être même le besoin ; et il en sera ainsi pour toute nation qui, ne faisant de commerce qu’avec elle-méme, ou bien avec des alliés dont les intérêts ne seront pas différents des siens, n’éprouvera pas la nécessité d’un signe d’échange généralement reconnu comme ayant la valeur intrinsèque à lui assignée par l’autorité qui le met en circulation. Il lui suffi, en réalité, d’un signe d’échange dont la valeur arbitraire ne sera contestée par aucun des individus auxquels ce signe sera présenté pour cette valeur. Les billets de banque donnent l’idée de ce signe monétaire conventionnel ; et il n’y a peut-être pas de matière dont la minime valeur soit plus au-dessous de la somme que représente chacun de ces billets, frêle morceau de papier, qui ne vaudrait pas matériellement un centime, si les lettres historiées dont il est orné cessaient d’être l’expression d’un engagement public, hypothéqué sur des tonnes d’or existant réellement dans un dépôt inviolable. Dès que, en Égypte l’état de la société eut fait succéder aux échanges de gré à gré la vente et l’achat de toutes sortes de choses vénales, par le moyen d’une sorte particulière de ces marchandises, sorte utile et nécessaire à tous, au gouvernementcomme aux citoyens, dont la valeur invariable n’était contestée par personne, avec laquelle on se procurait de suite tout ce qui était nécessaire à la vie, et qu’en conséquence tous voulaient acheter au moyen des produits soit de la terre, soit des arts, il y eut alors en Égypte une monnaie légale. Toutefois elle ne consista qu’en une monnaie de convention, nécessaire au petit commerce. ; on croit qu’une classe de ces nombreux produits de l’industrie égyptienne qu’on appelle scarabées, parce qu’ils ont la forme de cet animal, et sur lesquels on lit les noms des Pharaons, servit, à cet effet, de petite monnaie. Mais pour les transactions considérables on se servait d’anneaux d’or pur, d’un poids et d’un diamètre déterminés ; on se servait aussi d’anneaux d’argent à un titre et à un poids également réglés par l’autorité publique : on n’a rien découvert en Égypte qui donnât l’idée des monnaies en usage chez d’autres nations de l’antiquité, ou chez les peuples modernes.

Tel fut, à cet égard, l’état de l’Égypte tant que durèrent ses institutions nationales. Conquise par les Perses, Darius, fils d’Hystaspe, y mit en circulation des monnaies de l’or le plus pur, et elles y eurent cours légal, ainsi que dans les autres parties de l’empire des Perses ; on les appelait dariques, du nom du roi qui les avait fait frapper. À son exemple, Aryandès, gouverneur de l’Égypte, fit des monnaies d’argent qu’on appela aryandiques ; et, pour ce fait, accusé d’usurpation des droits royaux, il fut mis à mort. La monnaie d’Alexandre succéda à celle des rois persans ; celles des villes et des rois de la Grèce, de l’Italie et de la Sicile, ne durent pas y être inconnues ; les Ptolémées frappèrent des monnaies particulières à l’Égypte, mais ils ne s’écartèrent pas du système monétaire des rois grecs et de ceux de Syrie. Il nous est parvenu des pièces frappées à l’effigie des rois et des reines de la famille des Ptelémées, en or, en argent et en bronze, et de plusieurs dimensions. Celles des premiers successeurs d’Alexandre sont remarquables par la pureté du métal et la perfection de l’art : pour les dernières pièces de cette race, le métal et l’art sont tous deux de mauvais aloi ; elles portent l’effigie du prince, et au revers uns date tirée de l’année de son règne ; ces revers ne sont point diversifiés, et, sans ces dates, ils seraient inutiles à l’histoire.

La domination romaine en Égypte y introduisit le système monétaire romain ; la langue grecque y fut conservée pour les légendes. On frappa, en Égypte, la monnaie romaine égyptienne, à l’effigie de l’empereur, comme dans le reste de l’empire, mais avec des dates et des revers tirés des coutumes égyptiennes ; et on ajouta, à la série des monnaies générales de l’Égypte, une série de pièces frappées pour chacun de ses nomes ou provinces. Sous Tibère et sous Néron, on commença d’abaisser le titre des monnaies d’argent ; sous Antonin, ce titre s’altéra de plus en plus ; sous Marc-Aurèle et sous Commode, l’alliage fut encore plus fort ; on n’employa bientôt plus que le potin ou argent à très-bas titre ; enfin les monnaies de cuivre prirent insensiblement le dessus à mesure que la décadence de l’empire s’accroissait ; et l’on n’en connaît pas d’un autre métal depuis Aurélien jusqu’à Dioclétien. Ce dernier empereur ajouta à ses autres actes de rigueur envers l’Égypte la suppression de son atelier monétaire : on y frappa cependant encore quelques monnaies semblables à celles du reste de l’empire ; mais la légende était latine, et, en ce point encore, la nationalité de l’Égypte fut abolie à la fin du troisième siècle de l’ère chrétienne. Les Romains n’y firent point frapper de monnaie d’or ; la collection des pièces en argent, en potin ou en bronze, est fort nombreuse ; et la variété des dates et des revers les rend très-utiles pour les recherches historiques. Depuis les Romains, l’Égypte a connu toute sorte de monnaies, parce qu’elle a connu toute sorte de maîtres. Ses monnaies nationales, en métaux divers, remontent au grand Alexan dre, et finissent avec Dioclétien : on dit que la belle reine de Palmyre, Zénobie, s’attribua momentanément, en Égypte, le partage de l’autorité impériale monétaire. »

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