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Melchisédech
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Roi de Salem, et prêtre du Très-Haut. L’Écriture ne nous parle ni de son père, ni de sa généalogie (Hébreux 7.1-3), ni de sa naissance, ni de sa mort ; et en ce sens il était, comme dit saint Paul, la figure de Jésus-Christ, qui est le prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech, et non pas selon l’ordre d’Aaron, dont l’origine, la vie et la mort sont connues. Lorsque Abraham revint de la poursuite des quatre rois ligués qui avaient vaincu les rois de Sodome et de Gomorrhe, et qui avaient emmené Loth, neveu d’Abraham (Genèse 14.17-19), Melchisédech vint au-devant d’Abraham jusque dans la vallée de Save, qui fut depuis nommée la vallée du Roi, lui présenta des rafraîchissements de pain et de vin, ou même il offrit le pain et le vin en sacrifice au Seigneur ; car il était prêtre du Très-Haut ; et il bénit Abraham, en disant : Béni soit Abraham par le Dieu très-haut qui a créé le ciel et la terre ; et que le Dieu Très-haut soit béni, qui a livré vos ennemis entre vos mains. Abraham, voulant reconnaître en lui le qualité de prêtre du Seigneur, lui offrit la dîme de tout ce qu’il avait pris sur l’ennemi. Depuis ce temps, il n’est plus parlé, dans l’Écriture, de la personne de Melchisédech. Seulement le Psalmiste (Psaumes 109.4), parlant du Messie, dit qu’il est prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech.

Saint Paul, dans l’Épître aux Hébreux (Hébreux 5.6-10). développe le mystère qui est caché dans ce qui est dit de Melchisédech dans l’ancien Testament. Premièrement il relève la prêtrise de Jésus-Christ, qui est prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech, et qui en cette qualité, pendant sa vie mortelle et souffrante, offrit avec un grand cri, et avec larmes, ses prières et ses supplications à celui qui le pouvait tirer de la mort ; et il a été exaucé, à cause de son humble respect pour son Père. Il dit de plus (Hébreux 6.20) que notre Sauveur est entré pour nous dans l’intérieur du sanctuaire, c’est-à-dire du ciel, ayant été établi Pontife éternel selon l’ordre de Melchisédech. Car, ajoute-t-il (Hébreux 7.1-3), ce Melchisédech, roi de Salem, et prêtre du Dieu très-haut, qui vint au-devant d’Abraham lorsqu’il retournait de la défaite des rois, et qui le bénit, et à qui Abraham donna la dîme de tout ce qu’il avait pris, qui s’appelle, selon l’interprétation de son nom, premièrement roi de justice (c’est ce que veut dire Melchisédech), et ensuite roi de Salem, c’est-à-dire roi de paix ; qui est sans père, sans mère, sans généalogie, qui n’a ni commencement, ni fin de sa vie, étant ainsi l’image du Fils de Dieu qui demeure prêtre pour toujours. Considérez donc combien il est grand, puisque Abraham même lui donne la dîme de ce qu’il avait de meilleur… Or il est sans doute que celui qui reçoit la bénédiction est inférieur à celui qui la lui donne ; et en effet, dans la loi, ceux qui reçoivent la dîme sont des hommes mortels, au lieu que celui qui la reçoit ici n’est représenté que comme vivant ; et de plus Lévi, qui reçoit la dîme des autres, l’a payée lui même, pour ainsi dire, en la personne d’Abraham, puisqu’il était encore dans la personne d’Abraham son aïeul, lorsque Melchisédech vint au-devant de ce patriarche.

On a formé sur le sujet de Melchisédech une infinité de doutes et de difficultés. Saint Jérôme a cru que Salem, dont Melchisédech était roi, n’était pas Jérusalem ; mais la ville de Salem, près de Scythopolis, où l’on montrait encore les ruines du château de ce prince. La grandeur et la quantité de ces ruines donnaient à juger de la magnificence de cet ancien bâtiment. Il croit que c’est à cette ville de Salem qu’arriva Jacob, après le passage du Jourdain, à son retour de la Mésopotamie (Genèse 33.17), où la Vulgate porte que Jacob vint sain et sauf à Sichem, l’Hébreu lit qu’il vint à Salem, près de Sichem. Quelques-uns croient que Salem, où régnait Melchisédech, est la même que Salim, dont il est parlé dans l’Évangile de saint Jean, chapitre 23.

Dès le temps de saint Épiphane, on avait forgé des noms au père et à la mère de Melchisédech. On donnait à son père le nom d’Héraclas ou d’Héracles, et à sa mère celui d’Astaroth ou d’Astarie. La Chaîne Arabique, sur le chapitre 9 de la Genèse, le fait venir de Sem par son père, et de Japheth par sa mère. Héraclas ou Héraclim, père de Melchisédech, était, dit-on, fils ou petit-fils de Phaleg, et fils d’Héber ; et sa mère, nommée Salathiel, était fille de Gomer, fils de Japheth. Joseph, fils de Gorion, historien hébreu, qui écrivait vers le onzième siècle, prétend que Melchisédech s’appelait autrement Joram ; que l’étoile qui présidait à sa naissance, portait le nom de Sédech (c’est la planète de Jupiter) ; que la ville où il régnait, se nomma d’abord Jébus, puis Sédech, et enfin Salem ou Jérusalem. [Voyez Joseph, fils de Gorion].

Michel Glycas, Georges Cédrène et Simon Logothète font venir Melchisédech d’une race égyptienne. Ils disent que son père s’appelait Sidon ou Sida, fondateur de la ville de Sidon, capitale de Phénicie. Pour Melchisédech, il fonda Salem sur le mont Sion, y régna treize ans, et mourut sans laisser d’enfants. Suidas dit qu’il y régna cent treize ans, et mourut sans avoir été marié ; qu’il était de la race maudite de Chanaan ; d’où vient que l’Écriture ne parle point de sa généalogie. Un autre auteur grec, qui a emprunté le nom de saint Athanase, dit que Melchisédech était fils d’un roi idolâtre nommé Melchi, et d’une reine nommée Salem. Melchi ayant résolu d’offrir un sacrifice à ses dieux, envoya son fils Melchisédech lui chercher sept veaux pour les immoler. Le jeune prince en y allant, fut éclairé de Dieu, et revint sur ses pas remontrer à son père la vanité des idoles. Melchi en colère, le renvoya chercher des victimes. Pendant son absence, le roi immola à ses dieux son propre fils, frère aîné de Melchisédech, avec un très-grand nombre d’autres enfants. Melchisédech étant de retour, et ayant horreur de ce carnage, se retira sur le mont Thabor, où il vécut pendant sept ans, sans habits, et sans autre nourriture que quelques fruits sauvages, et n’ayant pour toute boisson que la rosée qu’il léchait sur l’herbe.

Au bout de sept ans, Dieu apparut à Abraham, et lui dit d’aller sur le Thabor, et qu’il y trouverait Melchisédech. Il lui dit de le revêtir, et de lui demander sa bénédiction. Abraham obéit. Il trouva Melchisédech ; et lui ayant demandé sa bénédiction, Melchisédech l’oignit d’huile, le bénit, et lui changea le nom d’Abram en celui d’Abraham. Ils descendirent ensemble de la montagne, et Abraham s’en retourna chez lui. Quelque temps après, comme il revenait de la poursuite de Codorlahomor et de ses alliés, Melchisédech vint au-devant de lui, et lui présenta une coupe de vin, après y avoir jeté secrètement un morceau de pain, pour signifier la sainte oblation qui se fait sur nos autels. Nous ne donnons tout cela que pour un roman très-mal assorti, et ne nous arrêtons pas à le réfuter.

L’auteur des Questions sur l’Ancien et le Nouveau Testament, imprimé parmi les œuvres de saint Augustin avait écrit que Melchisédech n’était pas un homme, mais le Saint-Esprit qui avait apparu à Abraham sous une forme humaine. Evangélus ou Evangélius envoya cet écrit à saint Jérôme, le priant de lui en dire sa pensée. Saint Jérôme ayant examiné les anciens docteurs de l’Église, trouva qu’Origène et Didyme croyaient que Melchisédech était un ange ; mais que saint Hippolyte, saint Irénée, Eusèbe de Césarée, Eusèbe d’Emèse, Apollinaire et Eustathe d’Antioche s’accordaient à dire, quoiqu’en termes divers, et par des raisonnements différents, que ce prince était Chananéen de naissance, et roi de Salem, autrement Jébus ou Jérusalem. Ce saint docteur montre que Melchisédech était une figure très-expresse de Jésus-Christ, comme roi de Salem ou roi de paix, prêtre et roi tont ensemble, prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech ; et que quand il est dit, dans saint Paul, qu’il était sans père, sans mère et sans généalogie, cela ne veut pas dire qu’il soit descendu du ciel, ni qu’il ait été formé immédiatement des mains de Dieu, mais simplement qu’il est introduit dans l’histoire d’Abraham, sans qu’on nous dise qui il était, ni d’où il était, ni en quel temps il est né, ou en quel temps il est mort.

Théodore le Changeur, disciple de Théodore le Corroyeur, forma, au commencement du troisième siècle, une hérésie nominée des Melchisédéciens. Ces hérétiques disaient que Melchisédech n’était pas un homme, mais une vertu céleste, supérieure à Jésus-Christ même, puisque Melchisédech était l’intercesseur et le médiateur des anges, au lieu que Jésus-Christ l’était seulement des hommes ; que Jésus-Christ n’était que la copie de Melchisédech, et que son sacerdoce n’était formé que sur le modèle de celui de Melchisédech, selon cette parole du Psaume : Vous étes prêtre éternel selon l’ordre de Melchisédech. Ils prenaient à la lettre ce que dit saint Paul, que Melchisédech n’avait ni père, ni mère, ni généalogie. Ces hérétiques, pour autoriser leurs erreurs, se servaient de certains livres qu’ils avaient composés eux-mêmes, et qu’ils attribuaient à des personnes dont l’Écriture ne parle point. Cette hérésie fut renouvelée en Égypte par un nommé Hiérax, qui soutenait que Melchisédech était le Saint-Esprit. Cédrène et Zonare parlent d’une autre sorte de Melchisédéciens, nommés autrement Atingani, comme n’osant toucher les autres de peur de se souiller. Ils demeuraient principalement dans la Phrygie, ne recevant pas la circoncision et n’observant pas le sabbat. Ils ne présentaient rien à personne avec la main, et ne recevaient rien de personne ; mais ils le mettaient à terre pour vous l’offrir, ou le prenaient à terre, lorsque vous leur offriez quelque chose. Ils avaient pour Melchisédech une profonde vénération mais on ne sait sur quoi elle pouvait être fondée.

Les Juifs, au rapport de saint Jérôme, et les Samaritains, au rapport de saint Épiphane, soutenaient que Melchisédech était le même que le patriarche Sem, fils de Noé : opinion qui a été suivie par un grand nombre de modernes. Jurieu a prétendu prouver que Melchisédech était le même que Cham. Un auteur français, dont parle le P. Salien, a voulu que ce soit Hénoch. Un autre, réfuté par le P. Pétau, disait que les mages qui étaient venus adorer Jésus-Christ à Bethléem étaient Énoch, Melchisédech et Élie. Quelques auteurs Juifs ont inféré que Melchisédech était bâtard, de ce que l’Écriture ne parle ni de sa race, ni de ses parents. Damiens, hérétique du nombre des Melchisédéciens, soutenait que Melchisédech était le fils de Dieu, qui apparut à Abraham, et que ce saint patriarche l’adora et le reconnut pour le Messie. Pierre Cunaeus a renouvelé ce sentiment, et l’a soutenu avec beaucoup de force. Pierre Du Moulin l’avait aussi appuyé : et encore, en, 1689, un nommé Jacques Gaillard en entreprit la défense. On peut voir la Dissertation que nous avons composée exprès sur Melchisédech, et qui est imprimée dans le second tome des Épîtres de saint Paul, à la tête de l’Épître aux hébreux ; et la Dissertalion de Christophe Schlegel, imprimée à la fin du Commentaire de Louis Tena, sur l’Épître aux Hébreux.