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Mages
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet Westphal Bost

Les mages de Perse sont les adorateurs du feu, et disciples de Zoroastre, qu’ils confondent avec Abraham. Ils ont trois livres qui contiennent toute leur religion. Les noms de ces livres sont Zend, Pazend et Abesta. Ils les attribuent à Abraham ; et Abesta est le commentaire des deux autres. La tradition des mages est qu’Abraham lisait des livres au milieu de la fournaise où Nemrod l’avait fait jeter. Les mages, après Zoroastre, leur maître, reconnaissent dans le monde deux principes : l’un du bien, nommé Orotnase ; et l’autre du mal, nominé Ahertnan. Ils adorent le feu dans des temples nommés atesch-kanah ou alesch-kadé, c’est-à-dire, maison du feu, où ils ont très-grand soin d’entretenir le feu. Il y avait autrefois grand nombre de ces édifices sur la montagne d’Alborz, dans la province d’Adherbigran, qui est la Médie. Ils donnent au feu le nom de Bab, c’est-à-dire part, parce qu’ils reconnaissent cet élément pour le principe de toutes choses, système qui a été suivi, parmi les Grecs, par Anaxagore.

Les mages observent un silence mystérieux, lorsqu’ils se lavent ou qu’ils mangent, après avoir dit quelques paroles. Ce silence, qu’ils ne rompent jamais, fait une partie de leur religion. Pythagore pourrait bien avoir imité ce silence des mages, de même que le respect qu’il voulait que ses disciples portassent au feu. Ils attribuent chaque mois de l’année, à chaque jour, et même à chaque astre, aux montagnes, aux mines, aux eaux, aux arbres, des génies ou de ces anges qui, ayant été créés avant l’homme, sont tombés dans l’infidélité et dans la désobéissance, et ont été confinés dans un pays qu’ils nomment le pays des génies, comme qui dirait le pays des fées. Nous parlerons encore des mages sous l’article de Zoroastre. Il est bon de remarquer ici que les trois livres dont on a parlé, et que les Guèbres ou adorateurs du feu attribuent à Abraham, mais qui sont effectivement de Ibrahim Zerdoust, autrement nommé Zoroastre par les Grecs ; que ces livres, dis-je, sont très-rares et très-inconnus, les Guèbres les gardant très-religieusement entre eux et ne les communiquant pas aux étrangers. Ils sont écrits en ancien persan, et on n’en a point encore vu en Europe.

On prétend que le nom de mage signifie un homme qui a les oreilles coupées : en effet, mige-gusch à cette signification dans la langue qui était en usage dans la Perse au temps où le faux Smerdis, qui était mage, usurpa le trône de Cyrus. On sait que cet usurpateur n’avait point d’oreilles, et que c’est cela qui le fit reconnaître par la fille d’Ozanès pour un des grands de la Perse. Les mages portaient donc un autre nom auparavant, et leur crédit était très-grand dans la Perse : il tomba considérablement après le désastre de Smerdis.

Quoique ces philosoples reconnussent dans la nature deux principes, l’un du bien et l’autre du mal, le premier représenté par la lumière, et le second par les ténèbres, tous deux dieux et recevant parmi eux des prières et des adorations, toutefois ils étaient partagés de sentiments, en ce que les uns les croyaient tous deux de toute éternité, et les autres que le bon principe seulement était éternel, et que le mauvais avait été créé, comme nous croyons que le démon est une créature déchue de sa pureté primitive.

Ils conviennent de plus que les deux principes sont dans une opposition continuelle, qui durera jusqu’à la fin du monde, et qu’alors le bon aura le dessus ; qu’après cela chacun d’eux aura son monde, savoir, le bon avec tous les gens de bien, au milieu desquels il régnera ; et le mauvais aussi son monde avec tous les méchants. Les mages rendaient des honneurs souverains à la lumière, au soleil, au feu sacré de leurs temples, et même au feu de leurs maisons, devant lesquels ils faisaient tous les actes de leur religion.

Ils avaient au contraire une horreur parfaite pour les ténèbres, qu’ils regardaient comme le symbole du mauvais principe, et qu’ils haïssaient comme nous faisons le démon. Lorsqu’ils trouvaient dans leurs écrits lé nom d’Aherman, qui est celui du mauvais principe, ils l’écrivaient à rebours ; et quand Xerxès sut que les Athéniens avaient chassé Thémistocle de leur ville, il adressa sa prière à ce mauvais dieu, et non à Oromarde, le dieu bon ; il le pria d’inspirer toujours à ses ennemis de chasser tout ce qu’il y avait de plus braves gens parmi eux.

Voilà quels étaient les anciens mages des Perses, et quels sont encore aujourd’hui les Guèbres ou adorateurs du feu dans la Perse et dans les Indes, qui sont apparemment ceux que saint Matthieu a eu dessein de désigner sous le nom de mages. [Voyez l’article suivant] [Les lignes suivantes, qui sont de M. Eugène Boré, jettent du jour sur les mages. Elles sont tirées de son mémoire intitulé : De la Chaldée et des Chaldéens, adressé à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, et inséré dans le recueil de sa Correspondance et de ses Mémoires ; Paris, 2 vol in-8° 1840.

Parmi les découvertes qu’a faites M. Boré d’ans son voyage en Orient, une des plus intéressantes est celle du pays des Mogs, en Arménie. Il expose dans le paragraphe 8 de la première partie de son mémoire, ce qu’était ce pays et pourquoi il avait reçu ce nom. C’est à cette occasion qu’il s’exprime en ces termes :

À l’ouest de Gordjaïk s’étend un canton-arménien, dont le nom était aussi inconnu que le pays qui le portait. C’est la contrée que l’historien Thomas Ardzerouni (qui vivait vers l’an 908 de notre ère) appelle la région des Mogs… Le nom de Mog est un mot zend et pehlvi, qui a passé dans la langue chaldéenne, à l’époque où le symbole religieux de la Perse fut adopté par le peuple de Babylone. Il représentait la classe pontificale, initiée, sans doute, à des doctrines secrètes, dont l’abus et l’imposture firent tom-lier ensuite ce titre en discrédit (page 174).

Mog ou Mag, dont le composé Mobed est encore usité dans la langue persane avec la signification de docteur, a été rapporté au radical Meh, Mah, grand, auguste. Les Hébreux, dans la transcription de ce mot, ont changé une lettre ce qui nous donne Mag (Jérémie 39.13), orthographe plus conforme au nom arménien Mog. En syriaque c’est Magoucha, forme moderne, et qui semble être refaite sur le mot latin Magus).

Les prêtres ainsi désignés (par le mot Mogs) étaient ces anciens desservants du temple de Bélus qu’avait visités et entretenus Hérodote, et qu’il nomme Chaldéens, aussi bien que le prophète Daniel (Daniel 2.4-5, 8). Ils avaient encore les noms de Sages et de Philosophes (Daniel 2.12-18, 24, 27 ; 4.3-15 ; 5.7-8 ; Jérémie 50.35 ; Isaïe 44.25), de Voyants et d’Astronomes (Isaïe 47, 13). Lorsqu’ils mêlèrent aux principes élevés de la science et de la sagesse les superstitions de l’idolâtrie et toutes les erreurs de l’astrologie et de la divination, ils furent appelés Enchanteurs, Interprètes de songes, Sorciers, en un mot Magiciens (Daniel 1.20 ; 2.2-10, 27 ; 4.4 ; 5.7-11).

… Le nom de la contrée arménienne des Mogs est la traduction du mot persan Mage, et les Arméniens l’ont donné au pays, comme étant habité par les Chaldéens, c’est-à-dire, par la race dominatrice de Babylone, qui reçut des nations étrangères le même nom que les prêtres dont ils avaient accepté la croyance reformée du magisme. Un district de Djulamerk, et une petite ville suspendue, comme le nid d’un faucon, à un roc aride, qu’environnent et que menacent d’autres rocs gigantesques, sont encore appelés le canton et la ville des Mogs ou Moks… Tous les habitants, à l’exception de quelques curdes, sont chrétiens… Leur principale église est dite l’Église de l’Universel Rédempteur… Ce lieu est le but d’un pèlerinage célèbre, comme possédant la châsse de saint Gaspar, l’un des trois rois mages, venus de l’Orient à Bethléem de Juda (Géogr mod de l’Arménie. Certains auteurs syriens élèvent à douze le nombre de ces nobles pèlerins, et nous ont transmis soigneusement leurs noms, dont les uns, chaldéens, et les autres, persans, prouvent que la tradition leur assigue justement pour patrie ces contrées orientales. Voyez Wheloci, note Pers ad Mat. 2.1 ; L’emper. Midd. 175. » (Page 183, 184). Voyez Caldée, addition].

Mages, qui vinrent adorer Jésus-Christ nouveau-né à Bethléem (1)

On forme plusieurs questions sur le sujet des mages. [Voyez Étoile]. On demande qui ils étaient, d’où ils venaient, combien ils étaient et en quel temps ils arrivèrent à Jérusalem, et quelle était l’étoile qui leur apparut. On croit communément que les mages étaient des philosophes et des devins dont la principale étude était l’astronomie ; que ceux qui vinrent adorer Jésus-Christ étaient des disciples et des descendants de Balaam, qui avait prophétisé plusieurs siècles auparavant qu’il naîtrait une étoile de Jacob, et qu’il sortirait du milieu d’Israël un Dominateur (Nombres 24.17) qui frapperait les chefs de Moab, et qui détruirait tous les enfants de Seth, ou tous les enfants de l’orgueil. Ce sentiment est fondé sur l’Écriture, qui dit expressément que les mages vinrent de l’Orient (Matthieu 2.1), c’est-à-dire, de l’Arabie Déserte ou de la Mésopotamie, que les auteurs sacrés comprennent sous le nom d’Orient. Balaam lui-même dit qu’il est venu du pays d’Aram, des montagnes d’Orient (Nombres 23.7). Or il était venu de la ville de Pelhora, située sur l’Euphrate (Nombres 24.5). Isaïe, parlant de la venue d’Abraham dans la terre promise, dit qu’il est venu de l’Orient : Qui a fait venir le Juste de l’Orient ?

Les Arabes, les Iduméens orientaux, les Chaldéens, peuples orientaux par rapport à la Judée, se piquaient de sagesse. Le nom de mage était consacré, dans ces pays-là, pour désigner un philosophe, un homme qui faisait profession de sagesse. Tertullien, saint Justin le Martyr, saint Épiphane et parmi les nouveaux, Tostat, Mariana, Barradius, Grotius, Cornelius à Lapide et plusieurs autres, font venir comme nous les mages de dessus l’Euphrate, ou de la Mésopotamie, en un mot, de l’orient de la Judée. Nous ne nous arrêtons point à réfuter ici ceux qui les font venir de la Perse ou de l’Arménie [Voyez la fin de, l’article précédent, celle de l’addition à ce même article, et l’addition au mot Caldée], ou de l’Afrique,. ou de l’Éthiopie, ou des trois parties du monde ; de l’Asie, de l’Afrique et de l’Europe. Ceux quitelésirent de voir cette matière traitée plus à fond peuvent consulter ceux qui ont écrit exprès sur cela, et en particulier la dissertation que nous en avons fait imprimer à la tête du Commentaire sur saint Matthieu.

Quelques anciens Pères semblent avoir cru que les Mages étaient au nombre de trois, et qu’ils étaient rois dans leur pays. Tertullien paraît assez fort pour la royauté des mages, mais il la prouve mal. Il suppose que pour l’ordinaire les Orientaux avaient des mages pour rois, ce qui n’est nullement certain. Saint Ambroise, ou plutôt saint Césaire d’Arles, leur donne le nom de rois ; mais on soupçonne que ce nom a été ajouté à son texte. On cite saint Cyprien dans un sermon sur le Baptême, qui dit qu’ils étaient rois ; mais ce sermon est d’un abbé de Bonneval, nommé Arnaud, qui vivait du temps de saint Bernard. Pascase Radhert, qui vivait au neuvième siècle dans l’abbaye de Corbie, dit que personne de ceux qui ont lu l’histoire des Gentils n’ignore que les mages n’aient été rois. Enfin Théophylacte, parmi les Grecs, a soutenu expressément qu’ils étaient rois. Voilà ce que l’on a de plus positif parmi les anciens ; car la plupart des autres que l’on cite ne sont nullement exprès ; et pour les modernes, leur autorité n’est d’aucun poids. Ce qui a le plus contribué à faire donner le nom de rois aux mages, ce sont ces paroles du psaume qu’on leur a appliquées (Psaumes 71.10) : Les rois de Tharsis et les îles lui offriront des présents ; les rois d’Arabie et de Saba lui apporteront des dons.

On est assez partagé sur la profession des mages. Les uns ont cru qu’ils exerçaient, les arts curieux et diaboliques de la divination, de l’astrologie judiciaire et des enchantements. L’ancien Évangile de l’enfance du Sauveur dit qu’ils étaient disciples de Zoroastre ; mais d’autres en ont porté un jugement plus favorable. Ils ont cru que leur magie était permise et naturelle. Saint Épiphane croit qu’ils étaient de la race d’Abraham et de Céthura, L’abbé Rupert leur donne le nom de prophètes et d’hommes inspirés. Origène a cru que les mages s’étant aperçus, dans leurs opérations magiques, que le pouvoir du démon était fort affaibli, s’appliquèrent à en découvrir la cause ; et qu’ayant remarqué dans le même temps un nouvel astre dans le ciel, ils jugèrent que c’était cet astre dont avait parlé Balaam, et qui désignait le naissance d’un nouveau roi d’Israël : c’est ce qui les détermina à l’aller chercher, pour lui rendre leurs adorations. Saint Basile et saint Ambroise ont eu à peu, près la même pensée. Saint Jérôme, sur Isaïe, chapitre 19 dit qu’ils apprirent des démons, ou plutôt de la prophétie de Balaam, que le Christ était né ; et Tertullien semble dire que c’est par l’astrologie qu’ils apprirent la naissance du Messie, puisqu’il avance que jusqu’à Jésus-Christ cette science était permise ; mais que depuis ce temps elle est défendue, afin que personne désormais ne s’avise de chercher dans les astres l’horoscope de quelqu’un.

Le nombre des mages est fixé à trois depuis fort longtemps. Saint Léon le suppose en plusieurs endroits. Saint Césaire le dit aussi très-expressement. On voit la même chose dans deux sermons attribués autrefois à saint Augustin, mais dont l’un est de saint Léon, et l’autre se trouve ailleurs sous le nom d’Eusèbe d’Emèse. Bède, l’abbé Rupert, et après eux une foule de commentateurs, l’enseignent de la même sorte. Ce sentiment paraît fondé principalement sur les trois sortes de présents qui sont marqués dans l’Évangile. Ils lui présentèrent de l’or, de la myrrhe et de l’encens. Nous leur donnons communément les noms de Gaspar, Melchior et Balthasar ; mais ces noms sont inconnus à l’antiquité aussi bien que ces autres, qu’on leur attribue dans quelques ouvrages peu autorisés et assez nouveaux, comme ceux-ci qu’on donne comme noms grecs : Magalat, Galgalat, Saraïm, ou en hébreu, Apellius, Amerus et Damascus ; ou enfin Ator, Salo, Paratoras.

On lit, à la fin du troisième tome des ouvrages de Bède, dans un livre intitulé : Extraits des Pères, etc que Melchior, le premier des mages, était un vieillard chauve, ayant une grande barbe et de grands cheveux blancs, qui avait une robe couleur d’hyacinthe ou de bleu céleste, un manteau jaune ou orangé (saga mileno, ou plutôt melino), une chaussure de couleur mêlée de bleu et de blanc, et un bandeau royal de différentes couleurs. Il offrit de l’or au Roi Jésus-Christ. Le second mage s’appelait Gaspar. Il était jeune, sans barbe, vermeil, vêtu d’une robe orangée et d’un manteau rouge ; sa chaussure était couleur d’hyacinthe. Il offrit de l’encens, pour reconnaître la divinité de Jésus-Christ. Le troisième s’appelait Balthasar. Il était brun, portait une grande barbe, était vêtu d’une robe rouge, d’un manteau de différentes couleurs ; sa chaussure était jaune. Il offrit de la myrrhe au Sauveur, pour marquer sa mortalité. Mais l’ouvrage où ces particularités se rencontrent est indigne du vénérable Bède, et est sans doute plus nouveau que lui.

Jérôme Osorius, évêque d’Algarbe en Portugal, raconte qu’un roi de la ville de Cranganor, dans le royaume de Calécut, nommé Chéripérimale, s’étant mis à voyager pour expier un inceste qu’il avait commis avec sa geur, vint dans la Carmanie, où il trouva deux mages fameux qui étaient sur le point de s’en aller en Judée, pour y adorer un enfant nouvellement né d’une Vierge, et qui devait racheter le genre humain. Chéripérimale les pria de trouver bon qu’il les accompagnât. Ils allèrent donc ensemble, et ayant adoré Jésus-Christ, ils revinrent dans leur pays. Le roi de Cranganor, étant de retour dans sa ville, y fit bâtir une église en l’honneur de la Vierge, y fit représenter cette sainte Mère de Dieu, tenant son Fils entre ses bras, et ordonna qu’autant de fois que l’on prononcerait à voix haute le nom de Marie, tout le monde eût à se prosterner. C’est ce qu’Osorius assure avoir appris de personnes très-instruites de ce qui regarde les Indes, et qui assurent que cela se trouve ainsi dans les anciens monuments des Indiens. Il ajoute que les Indiens dépeignent les trois mages de cette sorte. Il y en a d’abord deux qui marchent ensemble, ayant le teint blanc, vêtus à la royale, ayant leurs présents avec eux ; et derrière eux, le troisième de couleur brune, à-peu-près comme un Éthiopien, portant aussi ses présents. Le père Maffée, dans son Histoire, fait aussi mention de cette histoire. Il nomme Péri-male le roi de Calécut.

L’auteur de l’Ouvrage imparfait sur saint Matthieu cite d’anciens livres apocryphes, qui portaient le nom de Seth, qui disaient que les mages avaient été douze, choisis de toute leur nation, et se succédant de père en fils depuis plusieurs siècles, pour observer le moment de l’apparition de l’étoile prédite autrefois par Balaam. Ils montaient pour cela sur une montagne d’où ils observaient le lever des astres. Enfin l’étoile leur apparut, ayant au milieu de soi un jeune enfant et une croix au-dessus. L’enfant leur parla et leur ordonna de se transporter en Judée. L’auteur de la Glose ordinaire, sans limiter le nombre des mages, se contente de dire qu’ils étaient plusieurs. Le même écrivain, qui a composé le Commentaire imparfait sur saint Matthieu, que nous avons déjà cité plus d’une fois, enseigne que saint Thomas, étant allé en Perse, y instruisit et baptisa les triages ; après quoi ils s’appliquèrent avec lui à prêcher l’Évangile. On tient qu’ils furent martyrisés dans une ville d’Arabie. Les Arméniens soutiennent qu’ils ont prêché et souffert le martyre dans leur pays. Le connétable d’Arménie écrivait au roi saint Louis qu’ils étaient venus de Tangat dans l’Arménie.

Le temps auquel les mages arrivèrent dans la Judée est un point qui a beaucoup exercé les chronologistes. Ceux qui les font venir du fond de la Perse leur donnent deux ans pour faire leur voyage (h) ; supposant que l’étoile apparut aux mages deux ans avant la naissance du Sauveur. En cela le texte de l’Évangile leur paraît favorable, puisqu’il y est dit qu’Hérode fit mourir les enfants de Bethléem depuis deux ans et au-dessous, selon le temps que les mages lui avaient marqué (Matthieu 2.16). D’autres croient qu’étant partis au moment de la naissance du Sauveur, ils n’arrivèrent à Bethléem que deux ans après. Enfin d’autres les font partir au moment de la naissance du Sauveur, et pour les faire arriver à Bethléem treize jours après cette naissance, ils leur donnent des dromadaires pour faire plus de diligence. Quelques-uns ont cru que l’étoile leur était apparue dès le temps de la conception de saint Jean-Baptiste, ou dès le temps de l’Incarnation de Jésus-Christ : mais je ne pense pas que personne ait osé fixer le temps précis de leur départ, quoique la plupart aient déterminé le jour de leur arrivée à Bethléem, au treizième jour depuis la naissance de Jésus-Christ. En les faisant venir des bords de l’Euphrate, nous croyons qu’ils ont pu arriver à Jérusalem en moins de vingt jours, en traversant l’Arabie Déserte sur des chameaux, qui est la monture ordinaire de ce pays-là ; car de l’Euphrate à Jérusalem il n’y a pas plus de deux cents lieues.

Venons à présent à l’étoile qui apparut aux mages. Quelques anciens ont avancé que c’était un astre nouveau, créé exprès pour annoncer aux hommes la naissance du Messie. Origène, livre 1 contre Celse, Maldonat et Grotius croient que c’était une espèce de comète qui avait paru extraordinairement dans l’air. Ligtfoot croit que la même lumière qui apparut aux anges près de Bethléem se fit voir aussi de loin sur la Judée aux mages, et les attira aux pieds du Sauveur. D’autres ont prétendu que c’était un ange revêtu d’un corps lumineux en forme d’étoile, laquelle, ayant pris sa route du côté de la Judée, détermina les mages à la suivre. L’auteur de l’Ouvrage imparfait sur saint Matthieu, et saint Épiphane ont suivi une ancienne tradition qui se trouvait dans le livre apocryphe de Seth, qui portait que cette étoile avait paru ayant au milieu de soi un jeune enfant, et au-dessus la figure de la croix. L’auteur de l’ouvrage intitulé : Des Merveilles de la sainte Écriture, publié sous le nom de saint Augustin, assure que quelques écrivains ont cru que cette étoile était le Saint-Esprit, qui apparut aux mages sous la figure d’un astre, comme il apparut dans le baptême de Jésus-Christ sous la figure d’une colombe. Saint Ignace, dans son Épître aux Éphésiens, dit que cette étoile surpassait par son éclat toutes les autres étoiles, et que le soleil et la lune formaient en quelque sorte son cortége, et que tout le monde était dans l’admiration, en considérant cette nouvelle lumière.

Chalcidius, philosophe platonicien, qui a fait un commentaire sur le Timée de Platon, parle de ce phénomène en ces termes : Il faut remarquer une autre histoire bien plus sainte et plus digne de vénération ; c’est celle qui nous parle de l’apparition d’une étoile qui ne présageait ni des maladies, ni la mortalité, mais la descente de Dieu sur la terre, pour vivre parmi les hommes et pour les combler de ses foreurs. Des sages de Chaldée ayant aperçu cette étoile durant la nuit, comme ils étaient instruits dans la science de l’astronomie, ils se mirent à chercher ce Dieu nouveau-né ; et l’ayant trouvé, ils lui offrirent des présents convenables à une si haute majesté.

On dispute si l’étoile se fit voir à tout le monde, ou seulement aux mages. Les uns croient qu’elle ne fut vue que des seuls mages ; d’autres, qu’ils ne la virent même que deux ou trois fois ; savoir dans leur pays, et ensuite au sortir de Jérusalem, lorsqu’ils se mirent en chemin pour aller à Bethléem. Saint Chrysostome, saint Ambroise ; saint Augustin, saint Bernard, l’auteur de l’Ouvrage imparfait sur saint h Matthieu tiennent qu’ils la virent toujours depuis qu’elle commença à leur paraître, jusqu’à ce qu’étant disparue à leur arrivée à Jérusalem, cela les mit dans la nécessité de s’informer du lieu où le Messie devait naître. Saint Ignace le martyr, et le faux Évangile de l’enfance de Jésus, croient qu’elle parut à la face de tout le monde, que tous les peuples la virent, et qu’il ne tint qu’à eux de la suivre. Les mages, arrivant à Jérusalem, semblent supposer qu’il n’y a rersonne qui ne l’ait vue. Où est le roi des Juifs nouveau-né ? Car nous avons vu son étoile dans l’Orient.

Pour nous, nous croyons que cette étoile était un météore enflammé dans la moyenne région de l’air, qui, ayant été remarqué par les mages avec des circonstances miraculeuses et extraordinaires, fut pris par eux pour l’étoile prédite longtenis auparavant par Balaam, et qu’ensuite ils se déterminèrent à la suivre et à chercher le roi nouveau-né, dont elle annonçait la venue. C’était donc une lumière qui marchait dans l’air devant eux, à-peu-près comme la colonne de nuée dans le désert. L’inspiration intérieure, la lumière du Saint-Esprit, l’attrait de la grâce furent les motifs qui les engagèrent à suivre ce phénomène.