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Figue
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Figue et Figuier. Cet arbre et ce fruit sont fort connus : ils étaient très-fréquents dans la Palestine [voyez blé, paragraphe 8] ; et il en est fort parlé dans l’Écriture. Nos premiers parents couvrirent leur nudité avec des feuilles de figuiers, soit qu’on l’entende des figuiers ordinaires ou d’une autre sorte de figuier (Genèse 3.7), dont les feuilles sont beaucoup plus larges.

Le prophète Amos étant repris par Amasias, prêtre de Béthel, de ce qu’il prophétisait des choses fâcheuses contre le royaume d’Israël (Amos 7.14), répondit à Amasias : Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète ; mon occupation est de conduire des troupeaux, et de piquer des figues sauvages, ou des sycomores. Pline, Théophraste et Dioscorides parlent de ces figues sauvages, et de la manière de les piquer. Scalpendo tantum ferreis unguibus, aliter non maturescit, dit Pline ; mais elle meurt quatre jours après qu’on l’a piquée : sed curai factum est, quarto die demetitur.

Voici la manière dont M. de Tournefort décrit la caprification ou la piqûre des figues dans les îles de Zia, Tine, Mycone, Scio, et dans la plupart des autres îles de l’Archipel : « Il faut remarquer avant toutes choses que dans la plupart de ces îles on cultive deux sortes de figuiers ; la première espèce s’appelle Ornos, dérivé du grec littéral erinos, figuier sauvage, ou le caprificus des Latins. La seconde espèce est le figuier domestique. Le sauvage porte trois sortes de fruits, fornites, cratitires, et orni, absolument nécessaires pour faire mûrir les figues des figuiers domestiques.

» Ceux qu’on appelle fornites, paraissent dans le mois d’août, et durent jusqu’en novembre sans mourir. Il s’y engendre de petits vers d’où sortent certains moucherons que l’on ne voit voltiger qu’autour de ces arbres. Dans le mois d’octobre et de novembre ces moucherons piquent d’eux-mêmes les seconds fruits des mêmes pieds de figuier : ces fruits que l’on nomme cratitires ne se montrent qu’à la fin de septembre, et les fornites tombent peu à peu après la sortie de leurs moucherons. Les cratitires au contraire restent sur l’arbre jusqu’au mois de mai et renferment les œufs que les moucherons des fornites y ont déposés en les piquant.

Dans le mois de mai, la troisième espèce de fruits commence à pousser sur le même pied de figuier sauvage, qui a produit les deux autres. Ce fruit est beaucoup plus gros, et se nomme orni ; lorsqu’il est parvenu à une certaine grosseur, et que son œil commence à s’entrouvrir, il est piqué dans cette partie par les moucherons des cratitires, qui se trouvent en état de passer d’un fruit à l’autre pour y décharger leurs œufs.

Il arrive quelquefois que les moucherons des cratitires, dans certains quartiers, tardent à sortir, tandis que les orni de ces mêmes quartiers sont disposés à les recevoir, et alors on est obligé d’aller chercher les cratitires dans un autre quartier, et de les ficher à l’extrémité des branches des figuiers dont les orni sont en bonne disposition, afin que les moucherons les piquent ; si l’on manque ce temps, les orni tombent, et les moucherons des cratitires s’envolent.

Il n’y a que les paysans appliqués à la culture des figuiers qui connaissent les moments, pour ainsi dire, auxquels il faut y pourvoir ; et pour cela ils observent avec soin l’œil de la figue ; car cette partie non-seulement marque le temps où les piqueurs doivent sortir, mais aussi celui où la figue doit être piquée avec succès. Si l’œil est trop dur et trop serré, le moucheron n’y saurait déposer ses œufs ; et la figue tombe, si cet œil est trop ouvert.

Ces trois sortes de fruits ne sont pas bons à manger ; ils sont destinés à faire mûrir les fruits des figuiers domestiques. Voici l’usage qu’on en fait : pendant les mois de juin et de juillet, les paysans prennent les orni dans le temps que leurs moucherons sont prêts à sortir, et les vont porter tout enfilés dans des foetus sur les figuiers domestiques. Si l’on manque ce temps favorable, les orni tombent, et les fruits du figuier domestique ne mûrissant pas, tombent aussi dans peu de temps. Les paysans connaissent si bien ces précieux moments, que tous les matins, en faisant leur revue, ils ne transportent sur les figuiers domestiques que les orni bien conditionnés, autrement ils perdraient leur récolte. Ils savent si bien ménager les orni, que leurs moucherons font mûrir les fruits des figuiers domestiques dans quarante jours…

Je ne pouvais assez admirer la patience des Grecs, occupés pendant plus de deux mois à transporter les moucherons piqueurs d’un figuier à l’autre ; j’en appris bientôt la raison. Un de leurs arbres rapporte ordinairement jusqu’à deux cent quatre-vingts livres de figues, au lieu que les nôtres n’en rendent pas vingt-cinq livres. Les piqueurs contribuent peut-être à la maturité des fruits du figuier domestique, en faisant extravaser le suc nourricier dont ils déchirent les tuyaux en déchargeant leurs œufs. Peut-être aussi, qu’outre leurs œufs, ils laissent échapper quelque liqueur propre à faire fermenter doucement avec le lait de la figue, et en attendrir la chair. »

Je n’oserais assurer que cette manière de piquer ou de faire piquer les figues fût en usage dans la Palestine du temps du prophète Amos, ni que sa profession ait été de conduire des troupeaux, et de faire mûrir les figues domestiques par le moyen des figues sauvages ; au moins le lecteur verra-t-il, par cette description de M. Tournefort, une manière assez extraordinaire de faire hâter la maturité de ces fruits ; ce qui, certainement, a beaucoup de rapport à ce que faisait Amos.

Il est dit, dans l’Évangile (Matthieu 21.19 ; Luc 13.6-9), que Jésus-Christ, venant de Béthanie assez matin, se sentant pressé de la faim, s’approcha d’un figuier pour y cueillir quelques figues, mais n’y ayant trouvé que des feuilles : car ce n’était pas le temps des figues, il le maudit, et aussitôt il sécha jusqu’à la racine. Ce qui embarrasse dans ce passage, c’est que saint Marc dit expressément (Marc 11.13) que ce n’était pas le temps des figues. Les figues les plus hâtives viennent pendant les mois de juillet et d’août, et les plus tardives viennent aux mois de septembre et d’octobre. Or, ce qui est raconté dans l’Évangile arriva quatre ou cinq jours avant la Pâque, et par conséquent avant le quinzième de la lune de mars. Or, en cette saison, il n’était pas temps de chercher des figues à manger sur un figuier. Ainsi, dans cette supposition, il semble qu’il y a une espèce d’incongruité,

1° D’aller chercher des fruits sur un arbre dans un temps où l’on sait qu’il n’en doit pas porter ; et

2° De maudire cet arbre, parce qu’il n’a point de fruit, comme si c’était sa faute.

Pour sauver cet inconvénient et pour ne pas avouer que Jésus-Christ ait été capable de faire une action qui emporte quelque idée d’indécence, les interprètes se sont donné la torture. Les uns ont traduit (Marc 11.13) ; « Car ce n’était point une année de figues ». Les figues avaient manqué cette année ; mais, quand le texte grec pourrait souffrir ce sens, ce qui n’est pas certainement, de l’aveu même de ceux qui proposent cette traduction, de quel mérite serait cette réflexion en cette saison-là ? Jésus-Christ va chercher des figues sur un arbre, au milieu du mois de mars, quatre mois avant les premières figues, et six mois après les dernières, il n’en trouve point, il maudit le figuier, et pourquoi ? parce que les figues avaient manqué cette année-là. Cette réflexion rectifie-t-elle l’incongruité qui parait dans l’action du Sauveur ?

D’autres, comme Heinsius et Galaker, et la version gothique traduisent, « car là où il était, c’était la saison des figues. » Il faut, pour soutenir cette version, changer et la ponctuation et les accents ordinaires du texte, et faire parler l’Évangéliste d’une manière trop concise et trop éloignée du style ordinaire de saint Marc. D’ailleurs, il n’est pas vrai que dans la Palestine le dixième ou douzième de la lune de mars fût la saison des figues. Il est certain qu’en ce pays-là elles ne mûrissent pas sitôt.

La plupart des anciens et des nouveaux interprètes ont regardé cette action de Jésus-Christ comme une figure de la réprobation des Juifs : le figuier dont nous parlons n’avait que des feuilles ; en cela il ressemblait aux Juifs, qui n’avaient que les apparences de la religion et de la piété. Le figuier n’était pas coupable de n’avoir pas de fruit en un temps où il n’en produit pas naturellement ; mais les Juifs étaient criminels de manquer de fruits des bonnes œuvres, lorsque Jésus-Christ a paru au milieu d’eux. Il maudit le figuier innocent, pour faire connaître la malédiction qui était près de tomber sur les Juifs incrédules et impénitents. Ces raisons sont assez plausibles ; mais il reste encore une objection. Comment veut-on prouver que c’est avec justice que la synagogue est réprouvée, si c’est injustement que le figuier est maudit ?

Il faut donc, s’il est possible, chercher quelque solution à ces difficultés. Nous avouons qu’alors ce n’était pas le temps des figues ; le texte de saint Marc le dit expressément, et la suite de l’histoire le prouve assez, puisque ceci arriva avant le milieu du mois de mars ; mais nous croyons qu’il pouvait y en avoir de précoces ; et Jésus-Christ pouvait le présumer, voyant l’arbre chargé de feuilles. Il est certain qu’il y a des figues précoces : Isaïe (Isaïe 28.4) compare la beauté de Samarie à ces figues précoces que l’on saisit et que l’on mange aussitôt qu’on les trouve. Et Osée (Osée 9.10) dit que le Seigneur a trouvé Israël dans le désert, comme une figue précoce. Et Jérémie (Jérémie 24.2) les décrit comme d’excellentes figues.

Théophraste et Pline reconnaissent une sorte de figuier toujours vert et toujours chargé de fruits, les uns mûrs ou fort avancés, selon la saison, et les autres en fleurs ou en boutons. En Palestine, où l’hiver est fort tempéré, il pouvait aisément y avoir des figues précoces au mois de mars ; ainsi Notre-Seigneur n’a rien fait contre les règles de la sagesse et de la bienséance en allant chercher en cette saison des figues sur un figuier chargé de feuilles ; et la malédiction qu’il donna au figuier infructueux, dans cette occasion, est une figure exacte de la réprobation des Juifs.

Dans le style de l’Écriture, vivre en paix sous sa vigne et sous son figuier marque un temps de bonheur et de prospérité (1 Rois 4.25). Voyez aussi (Michée 4 ; Zacharie 3.10, 1 Machabées 14.12).

Isaïe appliqua un paquet de figues sèches sur l’abcès ou sur l’ulcère, ou enfin sur la gorge d’Ézéchias (2 Rois 20.7) ; car on ignore quelle sorte de maladie il avait ; et bientôt après il fut guéri. Les médecins conviennent que les figues sont utiles dans toutes ces sortes d’incommodités. Elles s’emploient utilement pour mûrir les abcès, pour guérir les ulcères, et contre les maux de gorge ou esquinancies.