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Désert
Dictionnaire Biblique Bost Westphal Calmet

Ce nom, qui dans notre esprit, revêt ordinairement des images d’horreur ou de majesté, qui ne marche qu’avec les épithètes de sauvage ou de terrible, qui rappelle des sables, des tourbillons et des tombeaux, ce nom cependant (midbar en hébreu) doit se prendre dans une signification beaucoup plus étendue, s’appliquant non seulement à ces mers de sable que l’on trouve en Orient et particulièrement en Arabie, mais encore et surtout à ces paisibles solitudes qui forment comme la banlieue des villes de bergers, solitudes de plaines et de montagnes, quelquefois rocheuses, rarement boisées, presque toujours riches en pâturages abondants, et fréquemment baignées par les eaux d’un torrent. Ésaïe, Jérémie, Joël, et presque tous les prophètes, nous parlent en quelques endroits de déserts inhabitables, sauvages asiles des bêtes féroces, lieux de deuil et de cris lugubres ; mais ailleurs, et dans la plupart des cas, il ne s’agit que de pacages solitaires que parcourent les troupeaux, et où l’on rencontre encore les ambulantes cabanes des bergers qui font ressortir la solitude en voulant rappeler les hommes (Psaumes 63.12 ; Jérémie 9.2-10 ; Joël 1.20 ; Luc 15.4). Les villes de la Judée avaient presque toutes, et suivant leur grandeur, des steppes fertiles pour l’alimentation de leurs troupeaux ; et c’est ainsi que nous devons nous représenter les déserts nombreux dont il est parlé dans l’Écriture. Nous n’en indiquerons que les principaux. Le désert de Juda (Josué 15.20-61 ; Juges 1.16), ou désert de la Judée (Matthieu 3.1 ; cf. 11.7) ; district rocailleux dans la partie orientale de la tribu de ce nom, et s’étendant de la rive droite du Cédron, jusque vers la ville de Hen-Guédi, et le long des bords de la mer Morte. De nos jours encore on remarque, près du couvent de Sabas, un désert nu, plein de cavernes, de crevasses et de rochers, et dont le caractère sauvage augmente en avançant vers le Nord. Au sud-ouest du désert de Juda, mais y attenant, le désert de Tékoah (2 Chroniques 20.20), au sud-est le désert de En-Guédi (1 Samuel 24.2), le désert de Ziph (23.14), celui de Maon (23.25), et au sud celui de Béer-Sébah (Genèse 21.14). C’est dans le désert de Juda que Jean Baptiste prêcha la repentance, et vit accourir à ses paroles sévères tant d’âmes pieuses, et tant de curieux indifférents ; si la tradition nous montre encore à deux lieues de Bethléhem un endroit connu sous le nom de désert de saint Jean, ce ne peut être la solitude qui fut le théâtre de son activité, et s’il y a quelque fondement à la tradition on doit admettre plutôt que c’est le désert dans lequel il se prépara, par le jeûne et la prière, à la vie publique à laquelle il allait être appelé.

Le désert de Jéricho (Josué 16.1), se trouvait compris entre la ville de Jéricho et la montagne des Oliviers ou le village de Béthanie, à 8 km de Jérusalem, dans une contrée aride et crevassée, où la tradition place la scène du Samaritain miséricordieux (Luc 10.30). Cet endroit porte encore le nom de Kan du Samaritain. Après une rapide descente, on arrive dans les plaines de Jéricho, et l’on voit vers le nord s’élever une montagne calcaire fort escarpée, la Quarantania, dans les cavernes et les solitudes de laquelle on veut que Jésus ait passé les quarante jours de son jeûne (Matthieu 4).

Au nord de Jérusalem, le désert de Gabaon (2 Samuel 2.24).

Près de là, sur la frontière nord-ouest de la tribu de Benjamin, et adossé à la tribu d’Éphraïm, le désert de Beth-Aven (Josué 18.12).

Celui des Bubénites, dans le plat pays (Deutéronome 4.43). C’est là que se trouvait Betser, la ville de refuge.

Le désert de Bethsaïda (Luc 9.10).

En dehors des limites de la terre promise, plusieurs autres solitudes sont encore mentionnées dans l’Écriture.

Le désert de Sur dans lequel s’enfuit Agar, chassée de la maison d’Abraham (Genèse 16.7), et qui fut une des premières stations des Israélites dans le désert (Exode 15.22). On l’appelait aussi désert de Étham (13.20).

Celui de Paran dans l’Arabie Pétrée, près de Kadès-Barnéa ; Ismaël y demeura (Genèse 21.21). Les Hébreux y voyagèrent et y passèrent quelque temps (Nombres 10.12 ; 13.1). On l’appelait aussi désert de Tsin (20.1).

Le désert de Sin (différent de Tsin), entre Élim et le mont Sinaï (Exode 10.1).

Le désert de Sinaï, dans le voisinage de la montagne de ce nom (Exode 19.2), célèbre par la promulgation de la loi.

Celui de l’Arnon (Nombres 21.13), sur les frontières de Galaad et de l’Arabie déserte, une des dernières stations des Israélites avant la traversée du Jourdain.

Celui d’Edom (2 Rois 3.8), dont on ne peut déterminer exactement l’étendue et la position.

Celui de Tadmor ou Palmyre (2 Chroniques 8.4), entre l’Euphrate, l’Oronte et le Chrysorrhoas.

Le désert de Diblathaïm (Nombres 33.46), dans le pays de Moab (Ézéchiel 6.14 ; Jérémie 48.22).

Enfin le désert d’Égypte (Ézéchiel 20.36), autrement dit encore le désert d’Arabie, ou le grand désert, le lieu hideux (Deutéronome 32.10), qui comprend sous un nom général la plupart des solitudes que nous venons de nommer, celles que traversèrent les Israélites pour se rendre d’Égypte en Canaan, et qui firent donner à cette longue marche le nom de Voyage du désert. On trouvera la suite et la narration de ce voyage (Exode 14-19 ; 32) depuis la sortie d’Égypte jusqu’à la promulgation de la loi ; et jusqu’à l’arrivée d’Israël aux bords du Jourdain vis-à-vis de Jéricho (Nombres 10.11 ; 22.1). La partie du voyage comprise entre le mont Horeb (Sinaï) et l’arrivée des Israélites dans le pays des Amorréens, est racontée (Deutéronome 1.2-19 ; 2. ; 10.6ss). Enfin le livre de Nombres offre la liste des stations parcourues depuis Rahmésès jusque près du Jourdain de Jéricho (33.5-50) ; il nomme entre Hatséroth et le désert de Paran (Nombres 11.35 ; 12.15 ; 13.1) dix-huit stations ou campements dont il n’est pas parlé dans le récit plus détaillé de l’Exode et des Nombres ; en revanche on n’y trouve pas les endroits mentionnés (Nombres 11.1 ; 21.16-19). On peut remarquer encore d’autres petites variantes (cf. Nombres 33.30 avec Deutéronome 10.6 et Nombres 20.22) ; mais ces différences s’expliquent tout naturellement par le fait que le chapitre 33 des Nombres est, en quelque sorte, une carte routière, une liste de route qui indique la marche générale, tandis que les autres chapitres ne mentionnent que les faits remarquables, sans rien dire, par conséquent, des lieux où il n’y avait rien à dire, où aucun événement digne d’être raconté n’a eu lieu. Il n’est pas besoin de prendre des ciseaux pour concilier ces divergences, en retranchant ici et là des passages ou des noms propres, à la façon de certains rationalistes.

Quant à l’exacte position de la plupart de ces campements, on peut désespérer de la connaître jamais : posés sur le sable, un coup de vent a dû les faire disparaître du jour au lendemain. Là où aucun signe particulier ne peut faire reconnaître la place, on a beau lui donner un nom, elle se perd ; cependant on a retrouvé plusieurs de ces stations, que les sources ou les montagnes voisines ont préservées de l’oubli ; les voyages modernes, et particulièrement celui du professeur Schubert, ont jeté une nouvelle lumière sur plusieurs de ces noms. La carte de ce voyage peut se dresser avec passablement d’exactitude quant aux traits généraux, avec aucune pour les détails.

Quarante années furent consacrées à cette expédition, pour laquelle quarante jours auraient suffi (Nombres 14.33 ; 33.38 ; Deutéronome 8.2 ; 2.14). L’Écriture nous en donne la raison (Nombres 14.23-30 ; cf. 26.65) ; après de longues rebellions, de longues incrédulités, le peuple de la promesse, arrivé à Kadès-Barnéa, à la vue du pays promis, avait refusé encore de croire à la parole de son Dieu : douze espions envoyés n’avaient pu, malgré le tableau brillant qu’ils avaient fait de cette contrée, vaincre la résistance du peuple. Dieu, ennuyé de cette génération, avait juré dans sa colère qu’ils n’entreraient jamais dans son repos (Psaumes 95.10 ; Nombres 14.23-30, 34 ; 26.65). Ils durent errer de nouveau dans cet affreux désert pendant quarante années, jusqu’à ce que tous les hommes âgés de plus de vingt ans y eussent laissé tomber leurs corps en poussière. On pourrait facilement, sans l’intervention divine, comprendre encore ces longs errements : il ne s’agissait, après tout, que de mener une vie nomade, et les Israélites ne voulant ni essayer la conquête de la Palestine, ni rentrer en Égypte, n’avaient de ressource que dans les pâturages du désert ; ils allaient d’une station à l’autre, s’étendant sur un assez long espace de pays, et donnant à leur campement le nom de l’endroit où se trouvait le tabernacle de l’Éternel. On pourrait croire aussi que le chef terrestre de ce peuple, désespérant de réussir avec la génération vivante, eût résolu de la laisser s’éteindre, et d’attendre une race neuve, qui n’eût goûté ni la servitude, ni les concombres de l’Égypte, et qui, plus forte, plus dure et moins efféminée, devait lui promettre davantage l’obéissance et le courage nécessaires au succès de son entreprise. Pour ceux des théologiens modernes qui sont aussi incrédules que l’étaient les Juifs d’alors, il reste une difficulté insoluble, c’est de savoir comment les Hébreux ont pu être nourris pendant quarante ans, au nombre d’environ trois millions d’âmes : ceux-là ne comprennent pas non plus que notre Sauveur ait pu nourrir cinq mille hommes avec cinq pains et deux poissons ; il faut naturellement regarder toutes ces histoires comme des fables, ou croire que Dieu voulut user de sa puissance créatrice : le chrétien le croit, il accepte le miracle ; l’incrédule ne le croit pas ; il dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu ; la manne et le rocher d’eau vive ne lui suffisent pas.

Mentionnons encore comme une dernière acception du mot désert, celle dans laquelle ce mot est pris (Exode 23.31 ; cf. Deutéronome 11.24 ; Josué 1.4). Dieu promet aux Israélites d’étendre leurs frontières depuis le désert jusqu’au fleuve (l’Euphrate) ; le désert comprend alors toutes les contrées situées entre le Jourdain, les montagnes de Galaad et l’Euphrate.