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Lion
Dictionnaire Biblique Bost Westphal Calmet

Ce vaillant et fier monarque des déserts, ce roi de la création sauvage, qui n’a pour rivaux que le tigre et l’éléphant, pour maître que l’homme seul, n’est connu que lorsqu’on l’a contraint d’abdiquer, lorsqu’il n’est plus lui-même, et que sa couronne a été changée en un licol de fer ; sa crinière, longue, abondante et fine, flotte alors sur des épaules esclaves ; mais son rugissement, qui n’est plus celui de la menace et de la liberté, jette dans l’âme une terreur secrète et involontaire, comme celle du tonnerre qui gronde dans le lointain, qui ne menace plus, et qui ne laisse pas que de remuer et de saisir. Vaincu, il reconnaît son vainqueur, et peut se laisser frapper par une femme ou par un enfant ; mais libre il ne reconnaît personne ; il règne pour lui-même ; sans haine comme sans pitié, inaccessible à la peur, mais sans cruauté, il tue, parce qu’il ne trouve sa vie que dans la mort des autres, mais il ne tue pas pour tuer, il tue pour vivre ; on dit l’avoir vu généreux, épargner des victimes, et, moins sanguinaire que le tigre et d’autres animaux carnassiers moins terribles, laisser la vie à ceux dont la mort ne lui était pas nécessaire. « Son extérieur, dit Buffon, ne dément point ses grandes qualités intérieures ; il a la figure imposante, le regard assuré, la démarche fière, la voix terrible ; sa taille n’est point excessive comme celle de l’éléphant ou du rhinocéros ; elle n’est ni lourde comme celle de l’hippopotame ou du bœuf, ni trop ramassée comme celle de l’hyène ou de l’ours, ni trop allongée, ni déformée par des inégalités comme celle du chameau ; mais elle est au contraire si bien prise, si bien proportionnée, que le corps du lion paraît être le modèle de la force jointe à l’agilité ; aussi solide que nerveux, n’étant chargé ni de chair ni de graisse, et ne contenant rien de surabondant, il est tout nerfs et tout muscles ».

Son caractère participe à celui des contrées qu’il habite ; indomptable sous les climats brûlants et dans les déserts qu’il regarde comme son fief naturel, il s’adoucit avec des climats plus doux, et perd de son audace dans les lieux habités, car il sait que l’homme peut le vaincre, et sa force ne tient pas contre l’adresse du Nègre ou du Hottentot, qui souvent l’ose attaquer tête-à-tête avec des armes assez légères (cf. Juges 14 ; 1 Samuel 17) ; aussi l’a-t-on vu se retirer peu à peu là où l’homme avançait, et sa race diminuer à mesure que celle de l’homme augmentait. Les Romains, dit M. Shaw, tiraient de la Libye, pour l’usage des spectacles, cinquante fois plus de lions qu’on ne pourrait y en trouver aujourd’hui, et la même diminution de quantité a été remarquée en Turquie, en Perse, et dans les Indes ; le centre de l’Afrique semble être maintenant la vraie patrie du lion féroce et terrible, et les missionnaires français le comptent au nombre de leurs plus redoutables ennemis (voir en particulier le Voyage d’Arbousset, passim, et plusieurs lettres de Pfrimmer dans le Journal des Miss. Evangéliq. de 1843). On le trouvait autrefois en Syrie, en Palestine, et jusque sur les bords du Jourdain (Juges 14.8 ; 1 Rois 13.24 ; 20.36 ; Cantique 4.8 ; Jérémie 5.6 ; 49.19 ; 50.44 ; Zacharie 11.3), mais il a quitté ces contrées et s’est retiré dans les déserts de l’Arabie centrale.

Le lion, qui a selon quelques auteurs cinq cents noms différents en arabe, en a dans l’Écriture six ou sept qui se rapportent soit à son âge, soit aux divers traits de son caractère. Gour (Genèse 49.9 ; Deutéronome 33.22 ; Ézéchiel 19.2) ; ou gor (Jérémie 51.38 ; Nahum 2.13), le petit lion qui tette encore. Képhir, le jeune lion qui est assez grand déjà pour aller à la chasse (Juges 14.5 ; Psaumes 17.12 ; 91.13 ; Proverbes 19.12 ; Ézéchiel 19.2-3 ; etc.). Ari ou ariéh (Genèse 49.9 ; Deutéronome 33.22 ; Psaumes 7.3 ; 22.13 ; Osée 13.7 ; Michée 5.8 ; etc.), le lion en général, grand et vigoureux, emblème du courage héroïque (2 Samuel 17.10 ; Nombres 23.24 ; Nahum 2.12 ; de là Ariel). Shachal (le rugisseur), expression poétique, le lion dans toute sa force et dans toute sa beauté (Job 4.10 ; 10.16 ; Psaumes 91.13 ; Proverbes 26.13 ; Osée 5.14 ; 13.7). Laïsh (le fort), autre expression poétique, peut-être le lion furieux (Job 4.11 ; Proverbes 30.30). Labîh, lion, (probablement aussi le rugisseur) ou seulement la lionne d’après Bochart ; le mot correspondant en arabe n’a que la terminaison féminine, et dans l’Ancien Testament labîh est tantôt joint à ariéh, qui dans ce cas serait le mâle (Genèse 49.9 ; Nombres 24.9), tantôt accompagné de l’idée de petits (Job 4.11 ; 39.1), ce qui s’appliquerait aussi mieux à la lionne. Quelques auteurs enfin, comme Calmet, traduisent encore par lion l’hébreu shachatz, qui emporte seulement l’idée de fierté et doit se prendre dans un sens tout à fait général.

Trois de ces noms se trouvent employés (Nahum 2.11-12 ; ariéh, képhir et labîh) ; nos versions les ont bien traduits, à l’exception de labîh qu’elles ont rendu par vieux lions, et, verset 12, vieilles lionnes, et que nous traduisons simplement lionnes ; ce sont les habitants de Ninive qui sont, dans ce passage, représentés sous l’image de lions, et la figure est pleine d’énergie. Éliphaz parlant à Job (4.10-11), et voulant lui faire sentir, peut-être d’une manière indirecte, que lui et les siens, d’une manière ou de l’autre, ont probablement fait tort à leur prochain, usé d’exaction, abusé de leurs forces, se sert de l’image du lion et emploie pour le désigner cinq expressions différentes, destinées à comprendre ainsi toute la famille de Job, jeunes et vieux, hommes et femmes. « Le rugissement du lion, dit-il, le cri du rugisseur, et les dents des lionceaux sont brisés ; le fort lion a péri faute de proie, et les petits de la lionne sont dispersés ». (Ariéh, képhir, sbachal, laïsh, labîh.)

Le vieux Jacob, qui prophétise peut-être sans le savoir la venue du Messie appelé le lion de Juda (Genèse 49.9 ; cf. Apocalypse 5.5), se sert de trois de ces expressions pour désigner son fils Juda : c’est un faon de lion, un lion vigoureux, une lionne. Ces nuances sont très difficiles à rendre dans nos langues ; nous n’avons pas beaucoup de mots pour exprimer des objets rares dans nos contrées et qui ne se retrouvent pas souvent dans la conversation ; mais l’hébreu a une force, une beauté toute particulière, et les auteurs sacrés ont tiré un riche parti de tout ce qui rend le lion terrible et effrayant à voir, son regard, sa démarche, son rugissement, ses dents, ses griffes. Le lion a rugi, qui ne craindra ? dit Amos (3.8), et il ajoute : le Seigneur a parlé, qui ne prophétisera ?

Bochart a consacré quatre-vingt-dix pages à la caractéristique du lion, et, malgré quelques erreurs de détail, son travail mérite d’être attentivement étudié à cause de la lumière qu’il jette sur certains passages.

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