Appuyez sur Entrée pour rechercher ou ESC pour annuler.

Idolâtrie
Dictionnaire Biblique Bost Westphal

Parlons d’abord de celle des Hébreux ; c’était la plus déplorable, parce que lorsqu’ils tombaient, ils tombaient de haut, et qu’ils n’avaient pas l’excuse de l’ignorance. L’idolâtrie se manifestait chez eux sous deux formes différentes :

1°. L’adoration de dieux autres que Jéhovah, c’est-à-dire de créatures divinisées. Ces fausses divinités que l’on confondait le plus souvent avec leurs images mêmes (Deutéronome 4.28 ; Psaumes 115.4 ; 135.15 ; cf. 1 Samuel 31.9 ; Osée 4.17), sont appelées dans la langue sainte des idoles (Lévitique 19.4 ; 26.1 ; habakuk 2.18), des vanités (Jérémie 2.5 ; 8.19 ; 10.15), des vanités fausses (Jonas 2.9), des choses vaines (Actes 14.15), des abominations (1 Rois 11.5 ; 2 Rois 23.13), des dieux de fiente (Ézéchiel 6.13), des scandales d’iniquité (Ézéchiel 14.4-7). Enfin l’ensemble de l’idolâtrie est appelé un adultère (cf. Osée 1 et 2). L’Éternel, par opposition à ces images, est appelé le Dieu de vérité, le Dieu vivant (Jérémie 10.10 ; Daniel 6.20-26 ; cf. les sacrifices des morts, Psaumes 106.28 ; Actes 14.15 ; 2 Corinthiens 6.16), et le Dieu du ciel (cf. Jérémie 10.41).

La loi de Moïse avait défendu l’idolâtrie sous les peines les plus sévères ; c’était par sa nature le plus grand des crimes dans une législation dont Dieu était le centre et le but ; la lapidation était prononcée contre le transgresseur. Et non seulement les Hébreux devaient extirper dans leur intérieur, comme peuple, toute trace d’idolâtrie, mais ils devaient encore, dans toutes leurs guerres, détruire chez leurs ennemis les bocages, les hauts lieux, les idoles, et toute marque d’un culte païen. Quant aux païens, les Hébreux ne pouvaient leur accorder le séjour dans le pays qu’à titre d’étrangers et sous certaines conditions particulières ; on devait les tolérer et exercer à leur égard les devoirs de l’hospitalité, mais toute alliance proprement dite, soit par mariage, soit autrement, était expressément interdite ; les alliances politiques devaient causer la ruine du pays, comme les alliances privées la mort des individus. Dieu devait être la tête du culte et de l’État ; l’abandonner comme Dieu, c’était l’abandonner comme roi ; les alliances politiques devaient entraîner une fusion des cultes, et toute fusion est une idolâtrie. Malgré ces menaces cependant, l’idolâtrie s’établit de toute manière en Israël, et sous toutes les formes ; elle ose lever la tête sous Moïse (Nombres 25.2 ; Deutéronome 13.13), elle se montre sous Josué, elle se remontre sous les juges, elle s’assied sur le trône des rois ; chaque fois après quelques années d’idolâtrie les châtiments tombent sur le pays, on pleure, on crie, le peuple est délivré, puis il retombe ; sa piété est comme une nuée du matin qui se dissipe. Les servitudes des juges, suivies d’autant de délivrances et d’autant de rechutes, en sont une preuve. Samuel réorganise le culte de Jéhovah, mais après lui, le mal regagne du terrain ; David de nouveau lutte contre l’idolâtrie, mais Salomon, après avoir aimé la sagesse, prend des centaines de femmes païennes et adore avec elles leurs idoles ; les réformateurs succèdent aux idolâtres, les idolâtres aux réformateurs, et l’exil vient enfin réveiller ce peuple prévaricateur pour lequel ces soixante et dix années furent un sérieux avertissement, car dès lors il est resté juif théocratique sans le plus petit penchant pour l’idolâtrie, sauf l’exception, contemporaine de l’exil, rapportée en Jérémie 44.8, où des Juifs se jettent entre les auras des divinités égyptiennes ; mais alors le châtiment n’avait pas encore porté ses fruits.

Guilgal fut, sous les juges, le principal siège de l’idolâtrie (Juges 3.19). Sous quelques rois, ce furent Dan et Beër-Shéba. Les idoles principales qui furent reçues en Israël sont Baal, Astarté, Moloc, Kémos, Thammuz, etc. L’idolâtrie qui pénétra dans le pays à l’époque de Salomon, et par le moyen de son sérail, ne fut jamais complètement déracinée ; on y avait pris goût, et les rois qui suivirent, trop faibles peut-être, ou sans volonté, la laissèrent prévaloir. Asa la réprima d’une manière énergique, mais déjà sous Joram elle reparut à la suite d’une alliance entre la dynastie de Juda et la maison d’Israël ; ce fut l’idolâtrie cananéenne (2 Rois 8.18-27) ; ailleurs, c’est celle des Ammonites (16.3), ailleurs encore, c’est celle de la Phénicie et la Syrie (21.3). La réforme de Josias même, quoique large et vigoureuse, ne dura pas ; le roi réformateur avait entrepris plus qu’il ne pouvait faire, et l’on voit par quelques passages des prophètes, qu’à la fin de son règne, le culte païen avait repris la place du vrai culte (Sophonie 1.4 ; Jérémie 2.20 ; 3.6 ; 5.7 ; etc. Ézéchiel 7.20 ; 16.15). Avec l’idolâtrie marchaient les sciences occultes, la magie, les enchantements (2 Rois 23.24) ; et les faux prophètes, luttant contre les messagers de l’Éternel, soutenaient avec quelque succès les impostures et les superstitions du paganisme (Jérémie 29.8 ; Osée 9.7 ; Michée 5.12). Le culte de Baal, amené en Israël par une princesse sidonienne, s’y organisa pareillement et dura plusieurs générations (1 Rois 16.31 ; etc., 2 Rois 10.25).

Le culte rendu à ces divinités étrangères consistait en des vœux, des encensements, des offrandes sanglantes et non sanglantes, peut-être même des sacrifices humains (1 Rois 11.8 ; 2 Rois 22.17 ; Jérémie 1.16 ; 7.9). Les hauts lieux et les bocages étaient plus particulièrement affectés à ce culte ; cependant on l’exerçait aussi sur les toits, sous des arbres touffus, dans les jardins et dans les vallées (Jérémie 19.13 ; 1 Rois 14.23 ; Jérémie 2.23 ; Ésaïe 65.3 ; 1.29). L’impureté et des débauches effrénées présidaient à la plupart de ces impies cérémonies, et ne contribuaient pas peu à concilier à ces cultes étrangers les voluptueux et charnels Hébreux (cf. Ésaïe 65.4 ; 66.17). Les prêtres étaient en général nombreux, et se soignaient bien (1 Rois 18.22 ; 2 Rois 10.21 ; Osée 10.5).

2°. À côté du culte des faux dieux, les Hébreux pouvaient être exposés à la tentation d’adorer Jéhovah, le vrai Dieu, sous une forme matérielle, celle d’images peintes ou sculptées. Dieu, qui avait tant accordé à la faiblesse humaine, ne voulut cependant pas accorder les images à son peuple, précisément parce qu’elles sont tout à fait humaines, et que bien loin d’élever la piété, et de faciliter l’intelligence des choses saintes, elles dénaturent le culte, l’abaissent, matérialisent la Divinité et arrêtent les regards au lieu de les diriger. Et cette défense, non seulement d’adorer, mais même de se faire des images était si sévère, si expresse, qu’elle est répétée à plusieurs reprises dans la loi, et qu’elle a même sa place dans le décalogue (Exode 20.4 ; Deutéronome 4.16 ; 5.8 ; 27.15). Les Hébreux ne s’en laissèrent pas moins entraîner à suivre le penchant naturel de leurs cœurs et l’exemple des autres nations. Ils avaient vu les Égyptiens adorer des dieux visibles, animaux ou végétaux, ou tout au moins des représentations de la Divinité, et ce culte extérieur leur paraissait plus séduisant et plus commode que le saint et solennel Jéhovisme, si l’on peut s’exprimer ainsi ; ce n’est qu’avec peine qu’ils supportaient un Dieu-esprit, même avec toutes les manifestations extérieures et les cérémonies qui accompagnaient la célébration de son culte. Ce Dieu s’étant manifesté d’une manière visible en Sinaï, les Hébreux en furent épouvantés, mais cela dura peu ; on cesse bien vite de craindre celui qu’on ne voit plus, et quelques semaines s’étaient à peine écoulées qu’ils dansaient autour d’une image. Aaron lui-même donna les mains à cet acte incroyable d’idolâtrie (Exode 32). Le serpent d’airain dont l’élévation fut ordonnée de Dieu pour un temps, ne peut être rangé au nombre des actes de l’idolâtrie des Hébreux (Nombres 21 ; cf. Jean 3.14), mais il prouve combien l’usage de ces signes matériels était dangereux, puisque pendant des siècles ce morceau d’airain fut conservé pour être en scandale et en pierre d’achoppement aux faibles qui s’en firent une relique (2 Rois 18.4). Sous les juges, on voit de même plusieurs fois ce besoin d’images (Juges 17.4 ; 18.17), besoin d’autant plus facile à comprendre que dans ce temps il ne paraît pas qu’il y ait eu aucun service public organisé. David et Salomon, rois théocratiques, ne permirent pas cette infraction à la loi divine ; mais aussitôt après le schisme, le premier roi d’Israël qui sent le besoin d’affermir par de nombreuses concessions sa nouvelle dynastie et son nouveau royaume, établit le culte des images ; des veaux d’or sont placés aux frontières du pays, à Dan et à Béthel ; ces deux sièges de l’idolâtrie résistent à tous les efforts des rois pieux qui plus tard veulent restaurer le culte de Jéhovah, et qui réussissent par tout ailleurs à détruire les autels et à arracher les bocages (1 Rois 12.28 ; 2 Rois 10.25-29 ; 17.2 ; Amos 8.14). De là ces menaces fréquentes prononcées contre Béthel qui était le plus rapproché de Juda, et où les rois idolâtres paraissent avoir eu l’habitude de se rendre (1 Rois 13.1 ; Amos 3.14 ; Osée 10.15 ; Jérémie 48.13). Même après la ruine d’Israël, Béthel continua de subsister comme siège de l’idolâtrie, jusqu’à ce que le roi Josias en eût extirpé les emblèmes impies (2 Rois 17.28 ; 23.15).

Depuis la captivité, les Hébreux ont renoncé aux images comme aux dieux étrangers, et il est surprenant qu’une grande secte de l’Église chrétienne ait cru devoir recueillir ce déplorable héritage. L’Église occidentale, ou du moins une partie de cette Église, essaya, vers le septième siècle, d’introduire les tableaux et les statues dans les églises ; c’était du paganisme réchauffé. Sérénus de Marseille combattit cette innovation ; l’Orient la combattit ; Léon III l’isaurien (717) s’opposa aux iconolâtres ; on connaît les suites de la lutte entre Rome et Constantinople sur ce sujet, le schisme affreux qui en résulta, et la ruine de l’Église d’Orient que l’on peut attribuer à la division de l’Église en deux camps ennemis, et notamment à l’infidélité de la secte païenne de la veille, chrétienne du lendemain, toujours romaine et réactionnaire, qui n’embrassa l’Évangile que pour mieux l’étouffer.

On pourrait essayer d’excuser cette idolâtrie, on pourrait la représenter comme un enfantillage qui doit être pardonné, comme un culte peu intelligent du beau, comme une concession peu sage à la faiblesse humaine, mais faite à bonne intention ; on pourrait dire comme Grégoire le Grand (591), que ces images ne sont que pour l’ornement des églises, et pour la conservation de la mémoire des grandes actions. Peut-être un chrétien pourrait-il céder à tous ces petits arguments de théorie, s’il ne se rappelait qu’en pratique il en est tout autrement, et que le peuple n’a jamais tardé à abuser de ces dessins ou de ces sculptures pour les adorer ; s’il ne se rappelait surtout, avec une sainte horreur, que pour faire place aux images, l’Église idolâtre a dû ôter de la Bible et du décalogue un commandement spécial qui les condamne.

Quant au culte des peuples païens, voir Astres, Chaldée, etc. Les prophètes y font de fréquentes allusions, et décrivent avec véhémence l’impiété de ces cérémonies ; leur vanité, leur impuissance, la fabrication des petits dieux, etc., (1 Rois 18.27 ; Ésaïe 2.8-20 ; 44.10 ; 48.5 ; Jérémie 10.14 ; Osée 13.2 ; Psaumes 115.4-5 ; habakuk 2.18 ; Deutéronome 4.28 ; 28.36). Ces idoles étaient tantôt fondues, tantôt taillées ; on les assujettissait avec des chaînettes pour qu’elles ne tombassent pas, et qu’on ne pût pas les dérober, et les aller revendre ailleurs (Ésaïe 41.7 ; Jérémie 10.4). Les plus belles étaient plaquées d’or ou d’argent, et couvertes de riches vêtements (Ésaïe 2.20 ; 30.22 ; 31.7 ; Jérémie 10.4 ; Osée 8.4). On les menait à la guerre (2 Samuel 5.21), et les vainqueurs faisaient prisonniers les dieux des nations vaincues, en gage de la fidélité de celles-ci (Ésaïe 46.1 ; Jérémie 48.7 ; 49.3 ; Osée 10.5 ; Daniel 11.8). Les temples d’idoles étaient ornés des trophées et des armes qu’on avait enlevées aux nations voisines (1 Samuel 31.10).