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Nombres 14
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Et toute l’assemblée éleva la voix et poussa des cris, et le peuple pleura pendant cette nuit-là.

La révolte du peuple (1-4)

La critique attribue le début du premier verset et la fin du second à l’élohiste.

2 Et tous les fils d’Israël murmurèrent contre Moïse et Aaron, et toute l’assemblée leur dit : Que ne sommes-nous morts dans le pays d’Égypte, ou que ne sommes-nous morts, dans ce désert !

Que ne sommes-nous morts ?

Déjà au désert de Sin les Israélites avaient murmuré dans les mêmes termes et ce péché leur avait été pardonné (Exode 16.3) ; mais, après tout ce que l’Éternel avait fait pour eux depuis cette époque et au moment même où le peuple se préparait à entrer au pays de Canaan, cette révolte prenait un caractère beaucoup plus grave.

3 Et pourquoi l’Éternel nous mène-t-il dans ce pays-là pour y tomber par l’épée ? Nos femmes et nos petits enfants seront la proie [de l’ennemi]. Ne vaut-il pas mieux pour nous retourner en Égypte ? 4 Et ils se dirent l’un à l’autre : Nommons un chef, et retournons en Égypte.

D’après Néhémie 9.17, il semble que ce projet ait reçu un commencement d’exécution.

5 Moïse et Aaron tombèrent sur leur face devant toute l’assemblée réunie des fils d’Israël.

Intervention de Josué et de Caleb (5-9)

Les versets 5 à 7 sont élohistes.

Tombèrent sur leur face. Ils sont pressés par l’angoisse que leur cause le péché du peuple et la crainte du châtiment divin qu’ils prévoient (Nombres 16.4 ; Nombres 16.22 ; Nombres 20.6).

6 Et Josué, fils de Nun, et Caleb, fils de Jéphunné, qui étaient de ceux qui avaient exploré le pays, déchirèrent leurs vêtements,

Déchirèrent leurs vêtements : en signe d’amère tristesse (voir Genèse 37.34, note et Lévitique 10.6. En ce moment décisif, Josué intervient avec Caleb.

7 et ils parlèrent ainsi à toute l’assemblée des fils d’Israël : Le pays par lequel nous avons passé pour l’explorer, est un excellent pays. 8 Si l’Éternel nous est favorable, il nous fera entrer dans ce pays, et nous le donnera, ce pays découlant de lait et de miel.

Si l’Éternel nous est favorable. Si nous n’offensons pas Dieu par notre incrédulité, tout ira bien : il nous introduira lui-même dans ce bon pays.

9 Seulement ne vous révoltez pas contre l’Éternel, et ne craignez point, vous, les gens de ce pays, car ils seront pour nous une pâture ; leur abri s’est retiré d’eux, et l’Éternel est avec nous ; ne les craignez point.

Seulement. La seule condition, c’est notre obéissance.

Une pâture : une proie aussi facile pour nous que l’herbe pour le bœuf (Nombres 22.4).

Leur abri. Dieu a cessé de les abriter, de les protéger, tandis qu’il est avec les Israélites. L’heure prévue Genèse 15.16 a sonné ; leur péché est arrivé à son comble ; comparez Lévitique 18.25 ; Lévitique 20.23.

10 Et toute l’assemblée parlait de les lapider, quand la gloire de l’Éternel apparut sur la Tente d’assignation, à tous les fils d’Israël.

Colère de l’Éternel et intervention de Moïse (10-19)

Le verset 10 est élohiste.

Les lapider. Jamais encore les Israélites n’avaient poussé jusque là leur rébellion. Ils montrent qu’ils sont mûrs pour le jugement que l’Éternel va prononcer.

11 Et l’Éternel dit à Moïse : Jusques à quand ce peuple me méprisera-t-il ? Jusques à quand ne croira-t-il pas en moi, malgré tous les signes que j’ai faits au milieu de lui ? 12 Je le frapperai de la peste et je l’exterminerai, et je ferai de toi une nation plus grande et plus puissante que lui !

Une nation plus grande. Moïse a déjà entendu une fois cette proposition de l’Éternel (Exode 32.10, note) ; mais aujourd’hui comme alors il demeure fidèle à son rôle de médiateur et il refuse absolument d’être substitué au peuple, lors même que celui-ci n’a fait qu’empirer.

13 Et Moïse dit à l’Éternel : Les Égyptiens ont entendu que tu as fait monter ce peuple par ta puissance du milieu d’eux,

Les Égyptiens et les Cananéens, sachant que c’est toi qui as fait sortir ce peuple d’Égypte, qui l’as conduit dans le désert et qui l’as protégé par ta présence au milieu de lui, concluront de son extermination qu’après avoir commencé l’œuvre, tu n’as pas eu la force de l’achever.

14 et ils l’ont dit aux habitants de ce pays. Ils ont entendu que toi, ô Éternel, tu es au milieu de ce peuple ; que tu te fais voir face à face, toi, ô Éternel ; et que ta nuée se tient sur eux ; et que dans une colonne de nuée tu marches devant eux le jour, et dans une colonne de feu la nuit.

Face à face, littéralement : œil à œil, comme deux hommes qui se parlent de tout près (comparez Exode 33.11).

15 Si tu fais mourir ce peuple comme un seul homme, les nations qui ont entendu parler de toi diront : 16 Parce que l’Éternel n’a pu faire entrer ce peuple dans le pays qu’il leur avait promis avec serment, il les a égorgés dans le désert. 17 Et maintenant, que la puissance du Seigneur montre sa grandeur, comme tu l’as déclaré en disant :

La puissance… Moïse supplie l’Éternel de manifester sa puissance en persévérant, malgré les obstacles que lui oppose la méchanceté du peuple, dans l’accomplissement de son plan.

18 L’Éternel est lent à la colère et abondant en grâce, il pardonne l’iniquité et le péché ; mais il ne les laisse pas impunis, et il poursuit l’iniquité des pères sur les fils, sur la troisième et la quatrième génération.

Citation textuelle des paroles de l’Éternel rapportées Exode 34.6-7. D’un côté, appel à la miséricorde divine qui peut seule encore accorder au peuple le pardon d’une si grande faute ; de l’autre côté, reconnaissance des droits de la justice qui doivent également être satisfaits. Conséquence : Que les plus coupables périssent, mais que le peuple lui-même soit conservé !

19 Pardonne, je te prie, l’iniquité de ce peuple, selon la grandeur de ta miséricorde, et comme tu as pardonné à ce peuple depuis l’Égypte jusqu’ici. 20 Et l’Éternel dit : Je pardonne comme tu l’as demandé.

Le jugement de l’Éternel (20-35)

La critique attribue à l’élohiste les versets 26 à 29 (en partie) et 31 à 35.

C’est à l’intercession de Moïse qu’est dû cette fois encore le salut du peuple.

21 Et néanmoins, aussi vrai que je vis, et que la gloire de l’Éternel remplira toute la terre,

Dans cette formule de serment, l’Éternel donne comme garantie de la vérité de ses menaces sa vie, principe de tout être et sa gloire, qui est le but de toute l’histoire. L’inviolabilité de cette vie et de cette gloire exige le châtiment des coupables. C’est ici l’accomplissement de la menace mystérieuse dès longtemps prononcée (Exode 32.34, note).

22 si tous les hommes qui ont vu ma gloire, et les signes que j’ai faits en Égypte et dans le désert, qui m’ont tenté voici déjà dix fois, et qui n’ont point obéi à ma voix,

Ma gloire, qui doit remplir la terre (Ésaïe 6.3) et dont ils ont vu le commencement, mais en vain.

Dix fois : nombre rond indiquant que la mesure est comble (Genèse 31.7 ; Job 19.3). On a essayé de justifier littéralement ce chiffre en trouvant dans l’histoire précédente depuis la sortie dix actes de révolte.

23 si tous ces hommes [dis-je] voient jamais le pays que j’ai promis avec serment à leurs pères ! Aucun de ceux qui me méprisent ne le verra !

Si tous ces hommes… Cette forme de menace indique une violente indignation. L’ellipse est claire : Que je ne sois plus Dieu !

24 Quant à mon serviteur Caleb, parce qu’il a été animé d’un autre esprit, et qu’il m’est resté attaché jusqu’au bout, je le ferai entrer dans le pays où il est allé, et sa postérité le possédera.

Caleb, qui s’était mis à la brèche pour lutter contre la révolte (Nombres 13.31). Voir l’exécution de cette promesse Josué 14.6-15.

25 L’Amalékite et le Cananéen habitent dans la vallée : demain, retournez-vous, et partez pour le désert, du côté de la mer Rouge.

L’Amalékite… Le verset 45 montre quelle est l’intention de cette remarque. La vallée par laquelle il aurait fallu marcher en avant était occupée par ces peuplades, qui leur barraient le chemin. Dieu s’abaisse ici au niveau de leur incrédulité.

Demain. Ils devaient partir le lendemain ; mais leur désobéissance amena un renvoi fâcheux dans l’exécution de cet ordre. C’est sans doute en raison de ce retard que ce mot demain ne se retrouve pas dans le récit Deutéronome 1.40. Du verset 46 il ressort qu’à la suite de leur défaite les Israélites campèrent encore pendant un certain temps à Kadès.

Pour le désert : dans la direction de la mer Rouge (sud), pour demeurer là pendant tout le temps de leur condamnation.

Mer Rouge : voir Exode 13.18, note. Quant à la vallée, voir verset 40, note.

26 Et l’Éternel parla à Moïse et à Aaron, en disant :

Les versets 26 et 27 à 29 en partie sont tirés de l’élohiste.

C’est la menace précédente (versets 20 à 23) précisée et développée. Dieu avait dit : Vous ne verrez pas ! Ici il déclare positivement : Dès ce moment vous commencerez à mourir l’un après l’autre jusqu’à ce que le dernier ait péri.

27 Jusques à quand laisserai-je cette méchante assemblée murmurer contre moi ? Les murmures que les fils d’Israël profèrent contre moi, je les ai entendus. 28 Dis-leur : Je suis vivant ! Dit l’Éternel, si je ne vous fais comme vous avez parlé à mes oreilles !

Comme vous avez parlé. Ils ont dit qu’ils préféraient mourir au désert plutôt que d’entrer dans le pays de Canaan (verset 2) ; il leur sera fait selon leur désir.

29 Dans ce désert tomberont vos cadavres, et vous tous dont on a fait le recensement, en vous comptant depuis l’âge de vingt ans et au-dessus, qui avez murmuré contre moi, 30 si vous entrez, vous, dans le pays où j’ai juré de vous établir, excepté Caleb, fils de Jéphunné, et Josué, fils de Nun !

Où j’ai juré, littéralement : j’ai levé la main. Comparez Genèse 14.22.

31 Et vos petits enfants, dont vous avez dit : Ils seront la proie [de l’ennemi], je les y ferai entrer, et ils connaîtront le pays que vous avez dédaigné.

Vos enfants. Ils ont dit : Nos enfants seront la proie de l’ennemi. Ce sont ces enfants, sur lesquels ils s’apitoyaient, qui posséderont le pays.

32 Et vous… vos cadavres tomberont dans le désert ; 33 et vos fils garderont leurs troupeaux dans le désert pendant quarante ans, et ils porteront la peine de vos prostitutions, jusqu’à ce que vos cadavres soient au complet dans le désert.

Vos fils garderont leurs troupeaux : ils continueront à mener la vie nomade.

Ils porteront la peine : voir Nombres 14.18.

Vos prostitutions : voir Exode 34.16, note.

Soient au complet : jusqu’à ce que la mort ait atteint tous ceux qui avaient été inscrits dans le recensement rapporté Nombres 1.2-3.

Lors du second recensement, qui eut lieu près du Jourdain, à la fin des quarante ans, Moïse et Eléazar constatèrent qu’aucun de ceux qui avaient été recensés dans le désert de Sinaï n’était plus en vie (Nombres 26.64-65). On a objecté l’exemple d’Eléazar lui-même ; car il devait avoir plus de vingt ans lorsqu’il reçut l’onction comme sacrificateur (Nombres 3.3 ; Nombres 3.32). Mais la tribu de Lévi n’était point comprise dans le premier recensement (Nombres 1.47) et l’on peut conclure de cet exemple d’Eléazar que les Lévites furent épargnés dans ce châtiment national. Peut-être les femmes le furent-elles aussi.

34 Selon le nombre des jours que vous avez mis à explorer le pays, quarante jours, autant de jours, autant d’années, vous porterez vos iniquités, quarante années ; et vous saurez ce que c’est que d’être l’objet de ma disgrâce.

Autant de jours, autant d’années. La durée du châtiment est mise en rapport exact avec la durée du voyage d’exploration des espions. Moins il est aisé de comprendre le lien logique qui rattache le second de ces faits au premier, plus il est improbable que l’idée des quarante jours du voyage des espions ne soit qu’une conclusion tirée du fait des quarante années passées au désert.

La durée réelle du séjour au désert depuis cette révolte fut de trente-huit ans et quelques mois (Deutéronome 2.14). Mais le temps de la première partie du voyage après la sortie d’Égypte et du séjour au pied du Sinaï, qui n’avait été déjà qu’une série de murmures et de punitions, est envisagé comme faisant partie de ce grand châtiment. Ce chiffre de quarante ans se retrouve dans tous les documents du Pentateuque (Exode 16.35 ; Nombres 33.38 ; Deutéronome 1.3 ; Deutéronome 2.7 ; Josué 5.6 ; comparez Amos 2.10 ; Amos 5.25).

35 Moi, l’Éternel, j’ai parlé ! Si je ne traite ainsi cette méchante assemblée qui s’est ameutée contre moi ! Ils seront consumés dans ce désert ; c’est là qu’ils mourront. 36 Et les hommes que Moïse avait envoyés explorer le pays, et qui, à leur retour, firent murmurer contre lui toute l’assemblée, en décriant le pays,

Châtiment des espions (36-38)

Morceau tiré de l’élohiste.

37 ces hommes qui avaient décrié le pays, moururent frappés d’une plaie devant l’Éternel.

Frappés devant l’Éternel. Les espions, instigateurs de la révolte, sont punis à part et immédiatement.

38 Et Josué, fils de Nun, et Caleb, fils de Jéphunné, survécurent à ces hommes qui étaient allés explorer le pays. 39 Et Moïse rapporta ces paroles à tous les fils d’Israël, et le peuple mena grand deuil.

La défaite de Horma (du récit jéhoviste) (39-45)

40 Et le lendemain matin, ils montèrent vers le sommet de la montagne, en disant : Nous voici ! Nous monterons au lieu dont a parlé l’Éternel, car nous avons péché.

Le lendemain. La perspective de ces quarante années de pèlerinage au désert épouvante le peuple. Il croit pouvoir réparer sa désobéissance passée par un acte énergique qui forcera en quelque sorte la main à Dieu et leur obtiendra la victoire. Mais bien loin de réparer par là leur première faute, ils y en ajoutent une nouvelle.

Vers le sommet de la montagne. Comme nous n’avons pas de renseignements précis sur la topographie de Kadès, nous ne savons pas sûrement comment accorder les indications présentées par ce texte : les Amalékites et les Cananéens habitent dans la vallée (verset 25) ; les Israélites montent vers le sommet de la montagne (verset 10) et les Amalékites et les Cananéens descendent contre eux de la montagne (verset 45). Voici peut-être comme nous pouvons nous représenter la chose. Les Israélites, pour éviter de se heurter à l’ennemi qui occupe la vallée, en gravissent l’un des flancs montueux, tandis que les Cananéens montent sur le plateau, les y attendent et de là les rejettent en arrière.

Nous avons péché. Ce n’est point une véritable repentance, car en ce moment même ils font encore leur propre volonté.

41 Et Moïse dit : Pourquoi transgressez-vous ainsi l’ordre de l’Éternel ? Cela ne réussira point.

Du milieu du camp. Laissés à eux-mêmes, les Israélites sont battus.

42 Ne montez pas ! Car l’Éternel n’est pas au milieu de vous ; ne vous faites pas battre par vos ennemis ! 43 car l’Amalékite et le Cananéen sont là devant vous, et vous tomberiez par l’épée ; parce que vous vous êtes détournés de l’Éternel, l’Éternel ne sera point avec vous. 44 Et ils s’obstinèrent à monter vers le sommet de la montagne ; mais l’arche de l’alliance de l’Éternel et Moïse ne bougèrent pas du milieu du camp. 45 Et l’Amalékite et le Cananéen qui habitaient cette montagne descendirent, les battirent, et les taillèrent en pièces jusqu’à Horma.

Horma. Cette ville s’appelait primitivement Tséphath (Juges 1.17). Il nous est dit qu’elle reçut le nom de Horma (détruite par interdit) lorsque les Israélites la détruisirent ; voir à Nombres 21.3. Les voyageurs croient l’avoir retrouvée dans les ruines importantes qui portent le nom de Sébaïta ou Sébâta et qui sont situées à quarante kilomètres au nord-est de Kadès. Si cette identification est fondée, les Israélites s’étaient, dans leur marche précédente, avancés assez loin dans l’intérieur du pays, puisqu’ils sont rejetés en arrière jusqu’à Horma. Comparez Deutéronome 1.44.

À la suite de la sentence de mort (verset 35) qui va s’exécuter lentement, le fil de l’histoire se rompt pour ne reprendre qu’au chapitre 20. Dans l’intervalle se placent uniquement :

  1. un certain nombre de lois édictées en vue du temps où Israël sera établi en Canaan et qui sont comme un gage du maintien de l’alliance
  2. le récit de la révolte de Koré.