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Matthieu 19
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Matthieu 19

Question sur le divorce

  1. L’évangéliste marque le départ de Jésus de la Galilée et le transfert de son activité en Pérée et en Judée (1-2).
  2. Des pharisiens viennent lui soumettre la question, discutée entre eux, des causes qui légitiment le divorce. Jésus leur rappelle les termes dans lesquels l’Écriture raconte l’institution du mariage. Il en conclut l’indissolubilité de celui-ci (3-6).
  3. Les pharisiens lui objectent la lettre de divorce ordonnée par Moïse. Jésus dit que c’était une concession faite à la dureté de leur cœur et que répudier sa femme pour en épouser une autre (sauf le cas d’infidélité) ou épouser une femme répudiée, c’est commettre adultère (7-9).
  4. Les disciples trouvent que dans ces conditions, il vaut mieux ne pas se marier. Le Seigneur leur répond qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils disent, que tous ne sont pas capables de s’abstenir du mariage, que c’est l’effet d’un don, spécial. Il énumère trois catégories de personnes qui pratiquent cette abstinence. Celles de la dernière catégorie le font seules en vue du royaume des cieux et selon leur capacité et leur liberté individuelles (10-12).

Jésus bénit les petits enfants

En ce moment, on présente de petits enfants à Jésus pour qu’il leur impose les mains. Les disciples les repoussent, mais Jésus indigné ordonne de les laisser venir à lui, car, dit-il, le royaume des cieux est à qui leur ressemble (13-15).

1 Et il arriva, quand Jésus eut achevé ces discours, qu’il partit de Galilée, et s’en alla dans le territoire de la Judée, par l’autre côté du Jourdain.

Du mariage et du divorce (1-15)

Comparer Marc 10.1-12. L’évangéliste marque le moment solennel où Jésus quitte définitivement la Galilée et se rend en Judée, à Jérusalem, où il accomplira son œuvre, la rédemption du monde. On se rendait de Galilée en Judée, soit en traversant la Samarie, soit en prenant la rive orientale du Jourdain, par la Pérée.

C’est cette dernière route qu’indiquent ces mots (grec) : par delà le Jourdain (comparer Marc 10.1).

Luc (Luc 9.51 ; Luc 17.11) trace plus en détail l’itinéraire suivi par Jésus ; cet évangéliste raconte le long voyage, à travers la Galilée méridionale et la Pérée, qui remplit les derniers mois de la vie du Sauveur (comparer Jean 10.40).

2 Et de grandes foules le suivirent, et il les guérit là.

, en Pérée, où il s’arrêta et où il revint après une première visite à Jérusalem au mois de décembre (Jean 10.22-40 ; Luc 10.38-42).

Plusieurs y crurent en lui (Jean 10.42). Ainsi Jésus remplit jusqu’à la fin sa mission de Sauveur.

3 Alors des pharisiens s’approchèrent de lui pour le tenter et dirent : Est-il permis de répudier sa femme pour quelque sujet que ce soit ?

Jésus avait déjà résolu cette question dans le sermon sur la montagne (Matthieu 5.31-32, voir les notes).

Des pharisiens (voir sur ce parti Matthieu 3.7, note) la lui posent ici pour le tenter. Ce qui en faisait une question captieuse, c’est qu’elle était alors vivement débattue entre deux écoles juives, celle de Hillel et celle de Schamaï, le premier très relâché, le second plus sévère sur le divorce.

En outre, l’exemple donné par Hérode Antipas, qui régnait sur la Pérée et la fin de Jean-Baptiste qui l’avait repris (Matthieu 14.1 et suivants), rendaient assez dangereuse une solution rigoureuse de la question, tandis qu’une solution plus libre aurait mis Jésus en contradiction avec le précurseur.

Pour quelque sujet (ou cause) que ce soit, c’est-à-dire pour tout sujet de plainte que le mari aurait contre sa femme. Telle était la fausse opinion de Hillel, qu’il croyait fondée sur Deutéronome 24.1.

Et c’est surtout dans ce mot que se trouve la tentation, le piège tendu à Jésus par ses adversaires.

4 Mais lui, répondant, leur dit : N’avez-vous pas lu que Celui qui les créa les fit dès le commencement homme et femme,

Grec : Les fit mâle et femelle, traduction littérale de l’hébreu (Genèse 1.27).

5 et qu’il dit : À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair ?

Le sujet de ce verbe est Dieu selon le contexte, bien que dans Genèse 2.24 ces paroles soient prononcées par Adam ou doivent être considérées comme une réflexion de l’auteur du récit (Bible annotée). Dans l’un et l’autre cas, elles sont bien l’expression de la volonté de Dieu.

L’idée complète et vraie du mariage suppose avant tout que les deux sont « un cœur et une âme » ; tout ce qui tient à la chair, au sens restreint, n’est que le lien inférieur de cette union ; mais comme le mot chair, dans l’Écriture, embrasse tout l’homme, son être entier, cette idée est bien exprimée par cette parole : une seule chair. Telle est l’intimité absolue et indissoluble du mariage, que Dieu a eue en vue dès l’origine de la création de l’homme et que Jésus confirme de son autorité (verset 6).

En outre, cette déclaration est une condamnation de la polygamie, qui détruit de fond en comble la vraie notion du mariage.

6 Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce donc que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare point.

Il faut remarquer ce contraste : Dieu, l’homme. Le divorce, pour toute autre cause que celle qui est indiquée au verset 9, détruit l’œuvre et l’intention de Dieu, pour y substituer l’arbitraire de l’homme.

7 Ils lui disent : Pourquoi donc Moïse a-t-il commandé de donner à la femme une lettre de divorce, et de la répudier ?

Les pharisiens pensent avoir pour eux l’autorité de Moïse (Deutéronome 24.1).

Mais ils exagèrent la portée de la disposition légale qu’ils invoquent, car Moïse n’a pas commandé ni voulu faciliter le divorce ; le but de la formalité qu’il prescrit était au contraire d’y mettre une entrave.

Jésus rectifie l’expression des pharisiens en disant permis (verset 8).

8 Il leur dit : C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais il n’en était pas ainsi dès le commencement.

Telle n’était pas l’intention de Dieu. Si Moïse l’a permis, c’était comme un mal nécessaire, destiné à éviter de plus grands maux et uniquement à cause de cette dureté de cœur qui vous rendait incapables de vous élever jusqu’à la pensée divine et de la mettre en pratique.

Si l’on demande comment le Dieu immuable a pu sanctionner cette déviation de sa propre loi, la réponse se trouve dans le fait de la chute et du péché intervenu depuis la création de l’homme. Telle est la pensée que Jésus exprime par ce mot énergique : la dureté de votre cœur.

9 Mais je vous dis que quiconque répudie sa femme, si ce n’est pour cause de fornication, et en épouse une autre, commet adultère ; et que celui qui épouse une femme répudiée, commet adultère.

Les mots et celui qui épouse une femme répudiée commet adultère sont omis dans Codex Sinaiticus, D et des versions.

Voir sur ces paroles Matthieu 5.31-32, note.

Telle est donc, ici encore, la réponse de Jésus à la question qui lui fut posée : il n’admet qu’une seule cause légitime de divorce et il interdit d’épouser une femme répudiée. En parlant ainsi, il se place au point de vue de son royaume et il n’y a aucun doute que ses disciples ne doivent se conformer à ce principe, le seul sur lequel repose le mariage chrétien.

Aucune Église soumise à l’autorité du Sauveur ne saurait en sanctionner un autre. En résulte-t-il que la société civile, en des pays qui portent le nom de chrétiens, ait tort de statuer par sa législation d’autres causes de divorce et d’autoriser des époux séparés à contracter un second mariage ? Faut-il astreindre tous les citoyens d’un pays à la pratique d’un principe chrétien ?

À cette question, comme à une foule d’autres analogues, le catholicisme a répondu oui, parce qu’il est la religion de la contrainte et ne prétend à rien moins qu’à dominer la société ; le protestantisme répond non, parce qu’il veut avant tout la sincérité et la liberté morale. Que la société civile ait donc égard, si elle le veut, à la dureté du cœur (verset 8), qu’elle autorise un mal pour éviter des maux plus grands ; mais que les Églises voient si elles peuvent, sans infidélité, se prêter, en ce qui les concerne, à sanctionner des unions nuptiales contraires à la parole du Sauveur.

10 Ses disciples lui dirent : Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la femme, il n’est pas avantageux de se marier.

Les disciples font à Jésus cette observation, après que les pharisiens se sont éloignés, « dans la maison » (Marc 10.10).

Eux-mêmes trouvent donc trop dure la condition que Jésus impose à l’homme à l’égard de la femme.

Il y a proprement en grec la cause, c’est-à-dire la seule cause légitime de divorce (verset 9). Ils estiment que si l’homme ne peut rompre une union mal assortie, s’il doit supporter tous les défauts et tous les vices de sa femme, sauf celui indiqué par Jésus (verset 9), il vaut mieux ne pas se marier.

Il n’est question que de la condition du mari à l’égard de la femme, parce qu’en Orient et dans l’antiquité des droits égaux n’étaient point reconnus à cette dernière. Il en est tout autrement sous l’Évangile.

11 Mais il leur dit : Tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux-là seulement à qui cela est donné.

De quelle parole s’agit-il ? Les uns répondent : de celle de Jésus (verset 9), que les disciples ont trouvée trop dure, parce qu’elle interdit le divorce, sauf dans un cas unique et parce que, ce cas excepté, elle ne permet pas un second mariage aux époux divorcés. Alors les mots ceux à qui cela est donné et les paroles du verset 12, expliqueraient ce célibat forcé.

D’autres entendent par cette parole celle des disciples : (verset 10) « ne pas se marier ».

Jésus déclare alors que tous ne sauraient la comprendre c’est-à-dire la recevoir, la pratiquer, que tous n’en sont pas capables (verset 12), que cette continence est un don. Puis, au verset 12, il explique et justifie sa pensée (car). À quelque interprétation qu’on s’arrête, les paroles qui suivent se rapportent toujours à un renoncement dont, Jésus le reconnaît, tous ne sont pas capables.

12 Car il y a des eunuques qui sont nés tels dès le sein de leur mère ; il y en a qui ont été faits eunuques par les hommes ; et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes pour le royaume des cieux. Que celui qui est capable de comprendre, comprenne.

Avant tout, il faut entendre être ou se rendre eunuque, dans un sens figuré et moral et non dans le sens d’une mutilation corporelle, comme le fit Origène.

Pour faire mieux comprendre sa pensée et la nature toute morale du don qu’il a en vue, Jésus distingue trois cas : ceux qui, dès le sein de leur mère, par suite de leur organisation particulière, sont impropres au mariage, ceux qui ont été rendus tels par les hommes ; dans ces deux premiers cas le don de continence est entendu en un sens corporel et n’a aucune valeur religieuse, ceux enfin qui ont pris cette résolution volontairement à cause du royaume des cieux, non pour le mériter, mais pour s’y employer tout entiers et sans empêchements terrestres.

Ainsi Jésus, en répondant aux disciples, constate un fait, mais n’exige point ce sacrifice, pas plus que Paul dans ses conseils (1 Corinthiens 7.26 et suivants). Il n’y a donc, dans ces paroles, rien qui soit défavorable au mariage chrétien, ni qui attribue au célibat une sainteté particulière, bien moins encore un argument en faveur du célibat forcé de toute une classe d’hommes. Que celui qui est capable de comprendre comprenne ! Voilà la vérité et la liberté (comparer 1 Corinthiens 9.5).

13 Alors on lui amena de petits enfants, afin qu’il leur imposât les mains, et qu’il priât ; mais les disciples les reprirent.

Comparer Marc 10.13-16 ; Luc 18.15-17.

Marc et Luc disent simplement : afin qu’il les touchât, sans doute par l’imposition des mains (verset 15). En ajoutant : et qu’il priât (pour eux), Matthieu rend plus complètement le vœu de ces pieux parents. Imposer les mains était, de la part de Jésus, le moyen symbolique de communiquer les grâces demandées par la prière (comparer Actes 6.6 ; Actes 13.3).

Reprirent ceux qui présentaient les enfants, craignant qu’ils n’importunassent inutilement leur Maître. Profonde méconnaissance des trésors de compassion et d’amour qui étaient en lui et qu’il était toujours prêt à répandre sur tous !

14 Mais Jésus leur dit : Laissez les petits enfants, et ne les empêchez point de venir à moi ; car le royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent. 15 Et leur ayant imposé les mains, il partit de là.

Pourquoi Jésus dit-il, dans les trois synoptiques : à de tels est le royaume des cieux et non à eux (aux petits enfants) ? Ce n’est certainement pas pour en exclure ces derniers, ce qui serait une contradiction dans les termes ; mais il veut généraliser sa pensée, l’appliquer aux adultes et leur indiquer les dispositions des petits enfants comme étant celles qu’ils doivent revêtir pour pouvoir entrer dans son royaume (Matthieu 18.3-4, note ; Marc 10.15, note).

Ces paroles du Sauveur n’ont aucun rapport direct avec le baptême des petits enfants et l’on ne peut les invoquer pour le justifier ; mais comment nier qu’elles ne lui soient favorables ? Qui dira où est la différence entre la grâce du baptême et celle que Jésus confère à ces petits enfants en leur imposant les mains ? Mais ce qui est plus important, c’est de bien considérer comment Jésus se montre l’ami des petits et des faibles, le Sauveur de notre pauvre humanité tout entière, du berceau à la tombe.

16 Et voici, quelqu’un s’étant approché, lui dit : Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ?

La question posée

Quelqu’un demande à Jésus quel bien il doit faire pour s’assurer la vie éternelle. Pourquoi m’interroger sur le bien ? Lui répond Jésus ; un seul est absolument bon. Garde les commandements. Et il lui cite les commandements de la seconde table, qu’il résume dans celui de l’amour du prochain (16-19).

Le sacrifice demandé et refusé

L’interlocuteur de Jésus affirme qu’il a gardé tous ces préceptes. Le Maître lui dit : Vends tes biens et les donne aux pauvres, puis viens et suis-moi. Mais il s’éloigna tout triste, car il avait de grands biens (20-22).

Déclaration de Jésus à ses disciples sur le danger des richesses

Jésus déclare à ses disciples qu’un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux, qu’un chameau passerait plutôt par le trou d’une aiguille. Qui donc peut être sauvé ? Demandent les disciples étonnés. Jésus répond : Cela est impossible à l’homme, mais tout est possible à Dieu (23-26).

La question du jeune homme riche (16-26)

Comparer Marc 10.17-27, Luc 18.18-27.

Ce quelqu’un était un jeune homme riche (versets 20 et 22) qui, selon Luc (Luc 18.18), était magistrat ou chef peut-être président de la synagogue. Il était sincèrement préoccupé de la question la plus grave que puisse se poser une âme sérieuse, celle de la vie éternelle.

Il avait en outre réfléchi sur le bien et s’était efforcé de le pratiquer, sans être encore assuré d’avoir fait assez pour obtenir la vie éternelle. Il s’informe donc de quelque bien extraordinaire qu’il pourrait faire, et, aveuglé par sa propre justice (verset 20), il s’imagine que par là il parviendra au but. Dès les premiers mots, la réponse de Jésus, admirable de sagesse, est propre à lui ouvrir les yeux.

Le texte reçu lui fait dire : Bon Maître, épithète non authentique dans Matthieu (voir la note suivante).

17 Mais il lui dit : Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Un seul est le bon. Mais si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements.

Le texte reçu porte ici, avec Marc et Luc : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon sinon un seul, Dieu » (voir Marc 10.18, note).

La leçon que nous y substituons se fonde sur Codex Sinaiticus B, D, versions, Pères. Tous les critiques l’adoptent. Le texte reçu est une correction destinée à rendre ce passage conforme à Marc et à Luc.

Jésus veut dire : Pourquoi cette question sur ce qui est bon ? Elle est superflue, car tu n’ignores pas qu’un seul est le bon, l’être absolument parfait ; c’est Dieu. Regarde à Dieu et tu connaîtras le bien qui est sa volonté. Quant à ce que tu dois faire pour entrer dans la vie éternelle, les commandements de la loi te l’enseignent, tu n’as qu’à les garder.

Jésus savait bien que son interlocuteur ne pourrait jamais par lui-même garder ces commandements qu’il vient de lui faire envisager comme l’expression de la volonté sainte de Dieu. Mais c’était la seule réponse possible à sa question ; s’il s’appliquait sérieusement à accomplir cette volonté divine dans son cœur et dans sa vie, il devait se convaincre bientôt qu’il en était incapable (Romains 3.20 ; Romains 7.7-13) ; et, passant par la repentance, il devait chercher la vie éternelle dans une autre voie.

Jésus renvoie à la loi ceux qui sont dans la sécurité et il console par l’Évangile ceux qui sont contrits.
— Bengel
18 Il lui dit : Lesquels ? Et Jésus lui répondit : Tu ne tueras point ; tu ne commettras point adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ;

Le jeune homme connaissait parfaitement les commandements du décalogue, mais il s’attendait à ce que Jésus lui indiquât quelque œuvre nouvelle, extraordinaire, à faire pour obtenir la vie éternelle. De là sa question.

L’expérience nous apprend que l’homme a toujours plus de penchant pour les préceptes d’une sainteté fantastique que pour la simple pratique de la loi divine.

19 honore père et mère ; et tu aimeras ton prochain comme toi-même.

Jésus cite quelques commandements comme exemple de tous les autres et il les prend dans la seconde table de la loi, peut-être parce qu’il était plus facile à son interlocuteur de se rendre compte s’il les avait observés ou non (Exode 20.12 et suivants).

Mais il y ajoute le grand commandement de l’amour, qui est l’âme de tous les autres (Lévitique 19.18) et sans lequel tous les autres sont constamment violés dans le cœur.

20 Le jeune homme lui dit : J’ai observé toutes ces choses ; que me manque-t-il encore ?

Le jeune homme riche était sincère en disant qu’il avait gardé toutes ces choses (le texte reçu ajoute : dès ma jeunesse, d’après Marc et Luc) ; car Marc fait observer que Jésus l’aima.

Mais dans son ignorance de la spiritualité et de la sainteté de la loi, il l’interprétait d’une manière toute littérale et extérieure. Dans ce sens, il pouvait avoir raison et sa parole prouve qu’il s’était sérieusement appliqué à mener une vie morale. Et pourtant il lui reste un vague sentiment qu’il lui manque encore quelque chose, ce qui était déjà impliqué dans sa première question (verset 16).

21 Jésus lui dit : Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as, et le donne aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel ; puis viens et suis-moi.

Le mot grec que nous rendons par être parfait signifie littéralement être parvenu au but, c’est-à-dire ici à la vie éternelle (verset 16).

Pour cela, Jésus qui a pénétré la plaie morale de cet homme, découvert son idole, les grands biens qu’il possédait (verset 22), le met en demeure d’en faire le sacrifice sans condition : il apprendra ainsi à se connaître. Il ne faut voir dans les paroles de Jésus ni l’intention d’éprouver seulement le jeune homme riche, car le sacrifice lui est réellement demandé ; ni l’énoncé d’un principe général d’après lequel tous les chrétiens devraient nécessairement se dépouiller de tous leurs biens, ni un « conseil évangélique de perfection », selon l’idée catholique.

C’est un ordre que Jésus adresse à ce riche en l’appelant à le suivre et par lequel il enseigne à tous ses disciples qu’ils doivent vivre dans un renoncement du cœur qui leur permette de tout sacrifier quand Dieu le demandera.

Jésus ajoute d’ailleurs à cet ordre rigoureux une invitation qui, bien comprise et acceptée, lui aurait tout rendu facile et compensé au centuple son sacrifice : viens et suis-moi. Et il lui fait entrevoir un trésor dans le ciel, qui embrasse toutes les richesses de la vie éternelle (comparez Matthieu 5.12 ; Matthieu 6.20), non comme récompense de son sacrifice, qui, sans amour, ne lui aurait servi de rien (1 Corinthiens 13.3), mais comme le bonheur suprême pour son cœur régénéré.

22 Mais quand le jeune homme eut entendu cette parole, il s’en alla tout triste ; car il avait de grands biens.

S’il s’en va tout triste, c’est qu’il a découvert qu’il manquait de volonté et de force pour faire le sacrifice d’une idole. Il a eu à choisir entre cette idole et Jésus entre ses biens et la vie éternelle et son choix est fait, malgré sa meilleure conviction. De là sa tristesse. Deviendra-t-elle une « tristesse à salut » ? Nous l’ignorons !

23 Mais Jésus dit à ses disciples : En vérité, je vous le dis : Un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. 24 Et je vous le dis encore : Il est plus facile qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume de Dieu.

Cette dernière image élève la difficulté jusqu’à une impossibilité. Mais il faut considérer le verset 26.

Quelques minuscules portent câble au lieu de chameau.

Cette leçon est sans autorité et elle efface l’exagération intentionnelle du contraste. Il en est de même de l’hypothèse, sans fondement d’ailleurs, qui fait du trou de l’aiguille la désignation d’une petite porte (comparer Matthieu 23.24).

25 Les disciples ayant entendu cela, étaient fort étonnés, et ils disaient : Qui donc peut être sauvé ?

Les disciples font certainement cette objection avec un retour inquiet sur eux-mêmes. Quelle est leur pensée ?

Selon les uns (Meyer), ce serait un raisonnement à fortiori : Si tel est le danger pour les riches, qui ont tant de moyens de faire le bien, qu’en sera-t-il des pauvres ?

Selon d’autres (Weiss), les disciples ne penseraient qu’aux riches et se demanderaient : lequel d’entre eux peut être sauvé ?

Selon d’autres encore (de Wette), les disciples se disent que tous les hommes ont plus ou moins dans le cœur l’amour des richesses, qui donc échappera au danger ?

Il faut laisser à la question son sens indéterminé et général : si telles sont les conditions du salut, si le salut est chose si difficile, qui donc y aura part ?

26 Mais Jésus les regardant, leur dit : Quant aux hommes, cela est impossible ; mais quant à Dieu, toutes choses sont possibles.

Le regard de Jésus qui s’arrête sur les disciples devait, en les rassurant, préparer leur âme à recevoir cette grande parole.

Être sauvé (verset 25) est une chose impossible aux hommes, elle est au-dessus de leurs forces. Mais, en le déclarant solennellement, Jésus en appelle en même temps à la toute-puissance de Dieu et de sa grâce pour déprendre du monde, convertir, sanctifier le cœur des riches eux-mêmes.

Aucune classe d’hommes n’est exclue. Mais l’exemple du jeune homme riche (verset 22) et la déclaration de Jésus (versets 23 et 24) n’en subsistent pas moins comme un avertissement pour ceux qui « possèdent de grands biens ».

27 Alors Pierre répondant, lui dit : Voici, nous, nous avons tout quitté, et nous t’avons suivi ; que nous en arrivera-t-il donc ?

La question de Pierre

Pierre, constatant avec satisfaction que le sacrifice auquel le riche s’est refusé, ses condisciples et lui l’ont accompli, demande quelle récompense ils en recevront (27).

Jésus leur donne l’assurance solennelle qu’ils seront assis sur douze trônes et jugeront les douze tribus d’Israël. Il promet à tous ceux qui auront fait des sacrifices pour lui qu’ils recouvreront le centuple et hériteront la vie éternelle. Mais il ajoute que plusieurs despremiers seront les derniers et des derniers les premiers (28-30).

La parabole des ouvriers loués à différentes heures

Cette vérité est illustrée par la parabole :

  1. L’embauchage des ouvriers. Un propriétaire sort dès le matin afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Il convient avec eux d’un denier par jour. Il revient engager d’autres ouvriers à la troisième, la sixième et la neuvième heure. Même à la onzième heure, il enrôle encore ceux qu’il trouve sur le marché, après leur avoir demandé : Pourquoi vous tenez-vous là tout le jour sans rien faire (1-7) ?
  2. Le paiement du salaire. Le soir venu, le maître ordonne à son intendant de leur payer le salaire, en commençant par les derniers. Tous reçoivent un denier. Les premiers, qui s’attendaient à recevoir davantage, manifestent leur mécontentement. Le maître répond qu’il ne leur fait pas tort, puisqu’il exécute le contrat ; qu’il est libre, après tout, de faire de son bien l’usage qu’il veut ; qu’ils ne doivent pas être jaloux parce qu’il est bon (8-15).
  3. Conclusion : C’est ainsi que les derniers deviennent les premiers dans le royaume des cieux où tout est grâce et que les premiers, s’ils ne se pénètrent pas de cet esprit du royaume, deviennent les derniers (16).

La récompense à venir (19.27 à 20.16)

Comparer Marc 10.28-31, Luc 18.28-30.

Grec : qu’en sera-t-il donc pour nous ? Ce qui ne signifie pas : « Que nous reste-t-il à faire » ? Ou « qu’aurons-nous encore à endurer » ? Comme l’ont pensé quelques exégètes, mais bien : « Quelle récompense en aurons-nous » ? Et en particulier, « serons-nous sauvés » (versets 25 et 26) ?

Pierre, préoccupé de l’exemple du jeune riche, fait, non sans quelque complaisance, un retour sur lui-même et ses condisciples.

et répondant (voir sur l’emploi de ce verbe, Matthieu 11.25, note) à cet exemple, y opposant le leur, il dit : Nous, nous avons fait tout autrement, nous avons tout quitté ; quelle en sera la suite ? Malgré ce qu’il y avait encore d’humain et de charnel dans cette préoccupation d’une récompense, Jésus promet celle-ci magnifique (versets 28 et 29) ; seulement il y ajoute un mais significatif qui introduit une restriction propre à les exciter à une sainte vigilance (verset 30), puis il relève l’erreur de son disciple par une parabole (Matthieu 20.1 et suivants).

28 Et Jésus leur dit : En vérité je vous dis, que lors du renouvellement, lorsque le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez assis vous aussi sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël.

Telle est la récompense spécialement promise aux apôtres, puis il en est une autre, assurée à tous ceux qui auront fait de grands sacrifices pour le nom de Jésus (verset 29).

Tout cela sera accompli, non durant le temps actuel des travaux et des combats, mais au renouvellement, à la renaissance (grec palingénésie), c’est-à-dire lors du renouvellement des cieux et de la terre (Romains 8.19 et suivants, 2 Pierre 3.13 ; Apocalypse 21.1), qui coïncidera avec le retour de Christ siégeant sur le trône de sa gloire pour exercer le jugement universel (Matthieu 16.27 ; Matthieu 25.31).

D’autres entendent par renaissance la résurrection du dernier jour, mais il est probable que Matthieu prend ce mot dans un sens plus général. Quoi qu’il en soit, Jésus ouvre devant les yeux de ses disciples cette glorieuse perspective qu’ils partageront sa gloire, régneront avec lui (Romains 8.17 ; 2 Timothée 2.12), prendront part au jugement (comparez 1 Corinthiens 6.2), car ils lui seront faits semblables, ils partageront tous ses privilèges.

Quant à ce terme les douze tribus d’Israël les uns l’entendent dans son sens littéral et historique, les autres lui donnent une signification symbolique et y voient l’image théocratique de tout le peuple de Dieu (Apocalypse 21.12-14). Ce dernier sens est le vrai.

Juger, dans l’Écriture, signifie aussi gouverner, régner. Or il ne s’agit point, dans l’économie future, du peuple juif seul.

Marc et Luc n’ont pas cette partie du discours, mais seulement la promesse générale qui va suivre (verset 29). Cependant Luc rapporte des paroles semblables, mais prononcées en une autre occasion (Luc 22.30).

29 Et quiconque aura quitté frères ou sœurs, ou père, ou mère, ou enfants, ou champs, ou maisons, à cause de mon nom, recevra beaucoup plus, et héritera la vie éternelle.

Il y a diverses modifications du texte reçu à noter. D’abord la suppression des mots ou femme après ou mère, qui sont empruntés aux autres évangiles ; ensuite la place du mot maisons, que le texte reçu intercale après aura quitté ; enfin le terme beaucoup plus, au lieu de cent fois autant. Ce dernier mot se retrouve dans Marc, le premier dans Luc.

Après la promesse faite spécialement aux apôtres, Jésus répond encore à la question de Pierre en généralisant sa pensée (quiconque). Tous ces grands et douloureux sacrifices, que Jésus prévoit pour les siens, n’auront pourtant la valeur morale qu’il leur attribue que s’ils sont accomplis à cause de son nom, par amour pour lui et pour sa cause. Luc dit : « à cause du royaume de Dieu » ; Marc : « à cause de moi et à cause de l’Évangile ».

En quoi consiste la promesse qui leur est faite ? Matthieu répond par deux termes : recevoir beaucoup plus et hériter la vie éternelle. D’excellents exégètes (Meyer, Weiss) entendent par là une seule et même chose, les richesses et les félicités du ciel (Matthieu 5.12), réservées à ces fidèles et dévoués confesseurs dans les demeures de la paix. Mais cela est exprimé par ce seul mot : la vie éternelle ; pourquoi donc cet autre terme : recevra beaucoup plus, qui semble indiquer une promesse distincte ? Marc et Luc ajoutent : « recevra beaucoup plus en ce temps-ci et dans le siècle à venir la vie éternelle ».

Ces expressions nous expliquent la pensée de Matthieu, car c’est à tort que Meyer prétend que la distinction établie par les autres synoptiques est le fruit d’une réflexion postérieure. Quelle est cette riche compensation promise dans ce temps-ci ?

Certes, il ne faut pas la matérialiser. Il n’est pas vrai que celui qui a fait le sacrifice douloureux de ses bien-aimés en un temps de persécution les retrouve sur la terre ; encore moins Jésus assure-t-il le recouvrement de ses biens à celui qui les a perdus pour l’amour de lui.

Mais puisqu’il est certain que le bonheur n’est pas dans les choses extérieures, qu’il est en l’homme, il est certain aussi que la paix du cœur, la joie du salut éternel, la communion avec Jésus et par lui avec le Père céleste et avec tous ses enfants sur la terre, sont d’une valeur beaucoup plus grande que tous les biens sacrifiés par le disciple de Jésus-Christ (voir Marc 10.30, note). Quel est le chrétien qui se soit repenti d’aucun de ces sacrifices accomplis pour son Sauveur ? Le monde, la vie sont transformés pour lui ; il comprend cette grande parole : Toutes choses sont à vous (1 Corinthiens 3.21).

30 Mais plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers.

Ce mais, avec la sentence qui le suit, est d’une signification profonde et apporte une redoutable restriction à la promesse glorieuse faite en réponse à la question de Pierre (verset 27). Ce dernier dut comprendre alors ce qu’il y avait encore de terrestre et d’égoïste dans sa question.

Par premiers et derniers on peut entendre non seulement le temps de la vocation et du travail, comme dans la parabole qui suit, mais le rang, selon les dispositions du cœur.

On peut être des premiers selon l’estimation des hommes et le dernier selon celle de Dieu. Et plusieurs, beaucoup se trouveront dans ce cas. Confusion pour les uns, consolation pour les autres (comparer Matthieu 20.16, note) !