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Lévitique 27
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 L’Éternel parla à Moïse en disant :

Appendice, les vœux (chapitre 27)

Le livre du Lévitique se termine évidemment avec le chapitre 26. Pourquoi l’appendice du chapitre 27 ? Nous avons indiqué déjà (voir l’Introduction) le caractère de complète spontanéité qui distingue les vœux de toutes les autres prestations légales. C’est là la raison pour laquelle le règlement qui les concerne est ajouté comme une sorte de supplément.

L’usage des engagements solennels vis-à-vis de la divinité, appelés vœux, existe chez tous les peuples ; nous en trouvons un exemple chez les anciens Hébreux, Genèse 28.20. C’est un moyen naturel de chercher à obtenir la protection de Dieu, Mais comme il n’y avait là rien d’obligatoire, il est dit expressément dans Deutéronome 23.21-23 : Si tu t’abstiens de faire un vœu il n’y aura pas de péché sur toi ; seulement cette offrande volontaire une fois sortie de ta bouche, tu prendras garde à l’accomplir.

Ces mots : de ta bouche, doivent être pris à la lettre, car le vœu n’avait sa valeur et n’engageait que lorsqu’il avait été articulé, prononcé. Une simple résolution intérieure ne liait point. Comparez Proverbes 20.25 ; Ecclésiaste 5.3-5. Notre passage donne les directions nécessaires pour cet accomplissement des vœux.

2 Parle aux fils d’Israël et dis-leur : Si quelqu’un fait un vœu à l’Éternel, en promettant la valeur estimée en sicles d’une personne,

Vœux relatifs à la consécration des personnes (2-8)

Littéralement : Si quelqu’un fait un vœu sujet à évaluation.

Un vœu. Le mot, employé ici s’est déjà trouvé Lévitique 7.16 ; Lévitique 22.18 ; Lévitique 22.21 ; Lévitique 22.23 ; Lévitique 23.37-38, appliqué à l’engagement relatif à l’offrande d’un sacrifice de reconnaissance. Ici il n’est pas question de sacrifice. Ce sont des dons faits en faveur du temple et dont l’objet pouvait être racheté. Le législateur indique les conditions de ce rachat.

En cas de maladie d’un enfant, les parents pouvaient le consacrer à l’Éternel s’il guérissait et autres cas semblables. C’est peut-être ainsi qu’il faut s’expliquer la présence dans le sanctuaire de ces femmes dont il est parlé 1 Samuel 2.22 et Exode 38.8. À côté des fonctions des Lévites, il y avait place encore dans le Tabernacle pour bien des services de femmes.

Il est singulier que notre verset semble prévoir le rachat des personnes consacrées comme la règle. Qu’il en fût, souvent ainsi, cela est évident. Comparez 2 Rois 12.5. Le vœu n’en impliquait pas moins la consécration de la personne elle-même, qui sans doute s’accomplissait souvent à la lettre. Pour la consécration spéciale au Naziréat, voir Nombres 6.

3 si c’est un homme de vingt à soixante ans, l’estimation sera de cinquante sicles d’argent, selon le sicle sacré ;

Le sicle sacré, voir Exode 30.13, note.

Vingt à soixante ans : à la force de l’âge, où l’on est capable de fournir la plus grande somme de travail.

Cinquante sicles. Le prix moyen d’un esclave non israélite était de trente sicles. L’Israélite voué à Dieu devait être estimé davantage.

4 si c’est une femme, l’estimation sera de trente sicles. 5 Depuis l’âge de cinq ans jusqu’à l’âge de vingt ans, l’estimation sera de vingt sicles pour un garçon et de dix sicles pour une fille.

Voici le tableau des taxes (5-7)

âge masculin féminin
1 mois à 5 ans 5 sicles 3 sicles
5 à 20 ans 20 10
20 à 60 ans 50 30
60 ans et plus 15 10
6 Depuis l’âge d’un mois jusqu’à l’âge de cinq ans, l’estimation sera de cinq sicles d’argent pour un garçon et de trois sicles d’argent pour une fille. 7 Depuis l’âge de soixante ans et au-dessus, si c’est un homme, l’estimation sera de quinze sicles, et de dix sicles si c’est une femme. 8 Si la personne est trop pauvre pour payer la valeur de l’estimation, on la présentera au sacrificateur, et le sacrificateur l’estimera et le sacrificateur fixera le prix d’après les ressources de celui qui a fait le vœu.

Toujours les mêmes égards pour les pauvres que dans la fixation des sacrifices (chapitres 1 à 7) : le sacrificateur tiendra compte des ressources de la personne qui a fait le vœu. La présentation de la personne, objet du vœu, est un faible équivalent de sa consécration effective.

9 S’il s’agit d’animaux dont ont fait offrande à l’Éternel, tout ce qu’on donne à l’Éternel de ce genre d’animaux sera chose sacrée.

Vœux relatifs à la consécration d’animaux (9-13)

Versets 9 et 10 — Animaux purs

Pas plus qu’à l’égard des personnes il ne s’agit ici de sacrifice. Ces animaux sont remis aux sacrificateurs pour être joints à leurs troupeaux ou pour satisfaire aux besoins du culte. Chez les Grecs aussi on gardait dans le voisinage des temples les animaux ainsi voués.

10 On ne le changera point et on ne remplacera pas un bon par un mauvais, ni un mauvais par un bon, et si l’on remplace un animal par un autre, tous les deux seront chose sacrée.

On voit que l’animal devait avoir été positivement désigné dans le vœu. Même si l’on avait voué une mauvaise pièce et que l’on en eût du regret et qu’on voulût en vouer ensuite une meilleure, la parole primitive ne pouvait être annulée ; la pièce meilleure devait dans ce cas être non substituée, mais ajoutée à la moindre. Si grande est la sainteté de la parole votive !

11 S’il s’agit de quelque animal impur dont on ne peut faire offrande à l’Éternel, on présentera l’animal au sacrificateur,

Animaux impurs (11-13)

Que si, après que le sacrificateur en avait fait l’estimation, on trouvait bon de racheter l’animal, on devra ajouter un cinquième du prix : toujours un hommage à la sainteté du vœu.

12 et le sacrificateur en fera l’estimation selon qu’il sera bon ou mauvais, et l’on s’en tiendra à l’estimation du sacrificateur. 13 Mais si on veut le racheter, on ajoutera un cinquième à l’estimation. 14 Et quand quelqu’un consacrera à l’Éternel sa maison, le sacrificateur en fera l’estimation selon qu’elle sera bonne ou mauvaise ; on s’arrêtera à l’estimation que le sacrificateur en aura faite.

Vœu relatif à la consécration d’une maison (14-15)

Mêmes prescriptions que pour les animaux impurs. Une maison vouée est mise en vente, et cela, au prix fixé par le sacrificateur. Mais si l’Israélite qui a fait le vœu, trouvant peut-être le prix de vente trop faible ou par une raison quelconque, revient sur sa résolution, il peut racheter, mais en ajoutant le cinquième du prix de rachat.

15 Et si celui qui a consacré sa maison veut la racheter, il ajoutera un cinquième au prix de l’estimation, et elle lui appartiendra. 16 Et si quelqu’un consacre à l’Éternel une partie de son domaine patrimonial, l’estimation se fera d’après la quantité qu’on y sème, à raison de cinquante sicles d’argent pour un homer d’orge.

Vœu relatif à la consécration d’un champ (16-25)

Cas où ce champ fait partie du domaine patrimonial de l’Israélite qui a fait le vœu. Dans ce cas, comme aucune partie du bien de famille ne peut être aliénée, il y a consécration non du sol, mais du produit. Et comme l’on ne peut prévoir ce que vaudront les récoltes, l’estimation du prix se fera d’après la quantité de grain employée aux semailles. L’exemple choisit pour illustrer cette loi est celui d’un champ d’orge réclamant un homer de grain comme semaille. Si le don est fait en l’année du jubilé, le champ est estimé 50 sicles en raison des 50 années qui s’écouleront jusqu’au prochain jubilé, ce qui est bien peu sans doute, puisque chaque récolte vaudra davantage (20 homers environ, ou 40 litres). Si le jubilé est déjà passé, on comptera seulement, le nombre de récoltes qui restent encore jusqu’au jubilé suivant et on rabattra des 50 sicles autant de sicles qu’il y a d’années déjà écoulées.

17 S’il consacre son champ dans l’année du jubilé, on s’en tiendra à ce prix d’estimation. 18 Mais s’il consacre son champ après le jubilé, le sacrificateur évaluera le prix à raison du nombre d’années qui restent jusqu’au jubilé, et il sera fait une réduction sur le prix d’estimation. 19 Et si celui qui a consacré son champ veut le racheter, il ajoutera un cinquième au prix de l’estimation et le champ lui restera.

Ainsi se fixera le prix du champ pour l’Israélite lui-même, s’il veut le racheter, ou pour un acquéreur quelconque qui se présentera ; le prix sera naturellement versé au trésor du Tabernacle.

20 S’il ne rachète pas le champ et qu’il le vende à quelqu’un d’autre, il ne pourra plus être racheté.

Dans ce second cas (la vente du champ à un acheteur étranger), au jubilé suivant le champ ne reviendra point au vendeur, mais restera la propriété du sanctuaire. Les propriétés de famille ne pouvaient donc pas passer à une autre famille, mais elles pouvaient revenir à l’Éternel. C’est là un chérem, une sorte de malédiction, le seul mode par lequel une pièce de terre puisse être détachée du patrimoine primitif auquel elle appartenait.

21 Et quand l’acquéreur en sortira au jubilé, son champ sera consacré à l’Éternel comme un champ qui a été voué ; il deviendra la propriété du sacrificateur. 22 Et, si quelqu’un consacre à l’Éternel un champ qu’il ait acheté et qui ne soit pas de son patrimoine,

Cas où le champ consacré par l’Israélite est un champ qu’il a lui-même acheté (22-24)

23 le sacrificateur en évaluera le prix d’après l’estimation jusqu’à l’année du jubilé et cet homme payera le jour même le prix fixé, vu que le champ est consacré à l’Éternel.

Le jour même. Il doit payer la valeur totale parce que ce n’est pas une propriété qui lui reviendra au futur jubilé et que par conséquent le fonds de terre ne saurait garantir le paiement futur. Il semble résulter de cette clause que dans le cas précédent (versets 16 à 21) le paiement pouvait se faire en termes annuels.

24 L’année du jubilé le champ retournera à celui de qui il l’avait acheté, et du patrimoine duquel il faisait partie. 25 Toute estimation sera faite en sicles du sanctuaire ; le sicle est de vingt guéras.

Voir note Exode 30.13.

26 Toutefois nul ne consacrera les premiers-nés de son bétail, lesquels appartiennent à l’Éternel en leur qualité de premiers-nés : soit que ce soit du gros ou du menu bétail, ils appartiennent à l’Éternel.

Deux restrictions à ce qui précède (26-29)

Les premiers-nés, appartenant déjà à l’Éternel, ne peuvent être l’objet d’un vœu (Exode 13.2). Le don serait illusoire.

27 S’il s’agit d’une pièce de bétail impure, on la rachètera au prix de l’estimation, en y ajoutant un cinquième ; si elle n’est pas rachetée, elle sera vendue d’après l’estimation. 28 Mais tout ce que quelqu’un aura voué par interdit à l’Éternel dans ce qui lui appartient, soit homme, soit animal, soit champ patrimonial, ne pourra ni se vendre, ni se racheter : tout interdit est très saint et appartient à l’Éternel.

Est voué par interdit (chérem). Ce vœu se distingue des précédents en ce que l’être qui en est l’objet ne peut être racheté et doit être sacrifié, détruit, en l’honneur de l’Éternel. Ainsi en entrant en Canaan les Israélites avaient, par l’ordre de l’Éternel, fait vœu d’anéantir le butin pris à Jéricho, comme une espèce de prémices à offrir à l’Éternel ; et pour avoir violé ce vœu, Achan devint lui-même interdit et périt comme tel (Josué 7). Ainsi aussi du butin des Amalékites (1 Samuel 15.3).

29 Aucune personne vouée par interdit ne pourra être rachetée ; elle sera mise à mort.

Ce verset étend le même principe à la personne humaine frappée d’un vœu d’interdit. Un homme a-t-il donc le droit de vie et de mort sur un autre homme ? Non ; mais Dieu ayant, condamné à mort l’homme coupable de certains actes, les Israélites, comme peuple ou comme individus, peuvent et doivent ratifier la sentence divine en faisant vœu de l’exécuter. Ainsi à l’égard des Cananéens, lors de la conquête de leur pays (Deutéronome 7.2 ; à l’égard des Amalékites, lors de l’exécution par Saül de la sentence prononcée par l’Éternel (1 Samuel 15.3 ; comparez Exode 15.14) ; ainsi encore de toute ville israélite qui se serait livrée à l’idolâtrie (Deutéronome 13.15), ou d’un faux prophète, ou de tout Israélite qui pousserait ses frères à l’idolâtrie (Deutéronome 13.1-14), ou enfin d’un homme désigné par un vrai prophète comme ayant attiré sur lui la vindicte divine. Ne pas exécuter une telle sentence, c’est attirer sur soi-même l’interdit (1 Rois 20.42).

30 Toute dîme de la terre, prélevée sur les semences de la terre et sur des fruits des arbres, appartient à l’Éternel : elle est consacrée à l’Éternel.

La dîme (30-33)

La dîme est pratiquée dans tout l’Orient de toute antiquité, en sorte qu’elle peut être mentionnée ici comme une chose connue, bien qu’il n’en ait pas encore été fait mention dans la loi ; mais deux fois nous en avons eu des exemples dans la Genèse (Genèse 14.20 ; Genèse 28.22). Elle diffère des vœux en ce qu’elle n’est pas facultative ; mais elle est ajoutée ici en raison des conditions de rachat et d’échange qui sont analogues à celles qui viennent d’être fixées pour les vœux.

31 Si quelqu’un veut racheter quelque chose de sa dîme, il y ajoutera un cinquième.

La dîme était habituellement livrée en nature, mais elle pouvait aussi, en tout ou en partie, être acquitée en argent ; seulement, dans ce cas, il fallait payer en sus un cinquième de sa valeur (verset 13). L’Éternel voulait qu’avec lui on en usât largement.

32 Toute dîme de gros et de menu bétail, de tout ce qui passe sous la houlette, le dixième sera consacré à l’Éternel.

Selon les rabbins, voici comment se prélevait la dîme sur les animaux : le propriétaire du troupeau réunissait tous les jeunes animaux dans le bercail, l’étable ou quelque autre enclos n’ayant qu’une étroite ouverture. Attirés par les bêlements de leurs mères restées dehors, ils sortaient un à un par ce guichet ; on les comptait à mesure qu’ils passaient sous la houlette et chaque dixième tête était marquée d’un signe comme chose sainte.

33 On ne fera pas un choix entre ce qui est bon ou mauvais et on ne fera pas d’échange ; si toutefois on fait un échange, l’animal remplacé et celui qui le remplace seront tous deux consacrés : ils ne pourront être rachetés.

Un pareil échange ne pouvait être essayé qu’au détriment de l’Éternel. Le sens est donc probablement que s’il venait à être découvert, le droit de rachat était perdu et les deux animaux, celui qui avait été marqué et celui qui lui avait été substitué, appartenaient à l’Éternel. Comparez Malachie 3.8.

34 Tels sont les commandements que l’Éternel donna à Moïse pour les fils d’Israël, au mont Sinaï.

Au mont Sinaï : voir Lévitique 7.38, note et Lévitique 25.1.

Conclusion sur le Lévitique

La première partie du Lévitique (chapitres 1 à 16) est destinée à régler les cérémonies du culte. On pourrait l’appeler le manuel du cérémonial du sanctuaire. Ce morceau devait tout naturellement suivre et compléter la dernière partie de l’Exode, qui traitait de l’érection de la Demeure divine. Il est tiré presque complètement du grand document élohiste.

La seconde partie (chapitres 17 à 27) forme un tout à part. On y remarque une grande multiplicité de sentences brèves, à la seconde personne du singulier, ainsi que certaines locutions particulières comme celle-ci : Je suis l’Éternel qui se rencontrent très souvent à la fin d’une prescription pour la motiver. L’idée centrale de cette espèce de code est celle qui est exprimée Exode 19.6, en ces mots : Vous me serez une nation sainte. Le sentiment qui l’inspire tout entier est celui de la sainteté du peuple, qui doit refléter celle de son Dieu. Il ne s’agit plus ici de péchés plus ou moins involontaires à expier ; la sainteté réclamée des membres du peuple est exigée absolument, sous peine de retranchement, puisque la violation de ces ordonnances supposerait la révolte volontaire contre Celui qui a établi l’ordre théocratique.

Ce code particulier a, d’après Lévitique 25.1 ; Lévitique 26.46 et Lévitique 27.34 été donné à Moïse par l’Éternel en différentes occasions, au désert du Sinaï, sans doute comme complément de la législation du Livre de l’alliance (Exode chapitres 21 à 23) que Moïse avait reçue de l’Éternel sur la montagne, immédiatement après la promulgation du Décalogue. Il a beaucoup occupé la critique actuelle. Certains rapports de fond et de forme avec le livre d’Ézéchiel ont fait supposer qu’il avait été composé au temps de l’exil, postérieurement à ce prophète, ou même par lui. On allègue spécialement le passage Lévitique 26.34, où il est dit que, si le peuple néglige l’observance des années sabbatiques, il en sera puni par l’exil, qui dédommagera la terre des années de repos qu’on lui aura refusées : ce qui suppose, dit-on, l’exil déjà consommé. Mais pourquoi Dieu, après avoir institué les années sabbatiques, n’aurait-il pas pu menacer son peuple, s’il violait cette prescription, de la punition la plus exactement appropriée à la faute commise. Les rapports de ressemblance avec Ézéchiel sont plus que compensés par les différences considérables qui existent entre ce recueil de lois et les institutions dont ce prophète trace le tableau dans ses neuf derniers chapitres. Un imitateur de ce tableau ne se fût pas ainsi écarté du divin modèle qu’il avait sous les yeux. Ézéchiel, au contraire, en traçant le tableau idéal du culte et de l’État futurs, pouvait parfaitement, en face des ruines de l’ordre de choses ancien, modifier les institutions qui avaient existé avant lui et qui ne cadraient plus avec l’avenir dont il avait l’intuition. Ainsi il pouvait laisser dans l’ombre la personne du grand sacrificateur pour introduire à la place celle du nasi, qui devait être à ses yeux le personnage central du futur état des choses. Ainsi il pouvait substituer au voile du Lieu très saint une porte, à l’autel d’or une simple table, etc. : tandis que les changements en sens inverse seraient impossibles de la part du législateur subséquent qui se serait inspiré de lui. Les rapports de style peuvent très bien s’expliquer en admettant l’emploi de notre recueil par le prophète.

Des deux faits historiques racontés dans ce livre : la mort tragique des deux fils d’Aaron (avec la discussion entre Aaron et Moïse), chapitre 10 et le châtiment du blasphémateur, Lévitique 25.10 et suivants, le premier porte en lui-même la preuve de sa vérité historique : car comment le sacerdoce postérieur eût-il inventé à plaisir un fait qui était si peu à l’honneur de la famille sacerdotale ? Le second, comme nous l’avons vu, possède une garantie analogue dans la forme même de sa narration, qui est absolument prise sur le fait. De plus, les expressions qui reviennent fréquemment : dans le camp, hors du camp. Aaron et ses fils (au lieu de : les sacrificateurs), seraient du pur charlatanisme si elles n’émanaient soit d’une rédaction contemporaine, soit d’une tradition authentique.

Le livre du Lévitique contient la partie de la loi qui tombe le plus directement sous le coup de ces paroles de saint Paul : Christ est la fin de la loi (Romains 10.4), ou : La foi étant venue, nous ne sommes plus sous le conducteur (la loi, Galates 3.25). Il suffisait de la parole de Jésus : Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche de l’homme qui le souille, mais c’est ce qui sort de sa bouche (Matthieu 15.11), pour conclure de là à l’abrogation de la majeure partie du Lévitique. L’abolition des sacrifices devait résulter d’elle-même de la destruction du temple et de l’autel qui eut lieu peu de temps après la mort du Seigneur. Enfin le déchirement du voile au moment de cette mort indique assez clairement que, dès ce moment, il n’y eut plus de Lieu très saint, ni, par conséquent, de Lieu saint et de parvis.

Et, d’un autre côté, Jésus a déclaré qu’il n’était point venu abolir, mais accomplir (Matthieu 5.17) et qu’il n’était pas possible qu’un seul point de la loi fût aboli (Luc 16.17). C’est que tout ce qui est humain dans la loi et non pas seulement juif, doit naturellement demeurer, non moins que l’homme lui-même et que ce qui est d’institution spécialement juive, renfermant une pensée divine, ne peut que demeurer aussi tout en s’accomplissant sous une nouvelle forme. Ainsi l’épître aux Hébreux est tout entière destinée à montrer que, si l’ancien sanctuaire et l’ancien culte tombent, ils sont remplacés par le culte nouveau et par le nouveau sanctuaire céleste où Christ est entré et où il offre continuellement son sang à la place du sang des anciennes victimes. Les oblations, d’après cette épître, sont remplacées par les sacrifices de la charité et par les actes de la confession joyeuse du nom de Dieu. Comparez aussi Philippiens 4.18 et Romains 12.1. L’institution de l’année du jubilé ne serait réalisable que chez un peuple à la vie purement agricole. Elle avait déjà été interprétée dans un sens spirituel par Ésaïe (Ésaïe 61.1 et suivants) qui l’appliquait à l’avenir messianique (comparez Luc 4.17 et suivants). Cette institution doit trouver son application dans nos circonstances actuelles par les miracles de la libre charité chrétienne. L’obligation même de saupoudrer de sel toute offrande est relevée et spiritualisée par Christ dans cette parole : Chacun sera salé de feu et toute oblation sera salée (Marc 9.50 ; Nous citons cette parole d’après le texte ordinaire qu’appuient le Sinaïticus et les deux plus anciennes versions, la latine et la syriaque).

Ainsi l’on peut dire que, si le Lévitique est aboli tout entier, d’autre part il subsiste tout entier sous une forme nouvelle. Et c’est là ce qui fait pour l’Église son intérêt permanent.