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Juges 11
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

1 Et Jephthé, le Galaadite, était un vaillant guerrier, et il était fils d’une courtisane, et Galaad avait engendré Jephthé.

Appel de Jephté (1-11)

Galaad : un membre de la famille de Galaad, fils de Manassé, qui portait le nom de son ancêtre (Nombres 26.29).

2 Et la femme de Galaad lui enfanta des fils, et les fils de la femme grandirent et ils chassèrent Jephthé, en lui disant : Tu n’auras pas d’héritage dans la maison de notre père, car tu es fils d’une autre femme.

La femme… : sa femme légitime.

Tu n’auras pas d’héritage. Les enfants illégitimes n’avaient pas de droit à l’héritage des parents ; on se contentait de leur faire des présents ; comparez Genèse 21.10 ; Genèse 25.6. Ceci se passait sans doute après la mort du père. Personne ne prit la défense du jeune homme.

3 Et Jephthé s’enfuit loin de ses frères, et s’établit dans le pays de Tob. Et des gens de rien se rassemblèrent auprès de Jephthé, et firent des excursions avec lui.

Pays de Tob : contrée au nord-est de la Pérée, à la frontière de la Syrie, peu éloignée du pays de Galaad (2 Samuel 10.6).

Des excursions… de pillage, suivant l’usage des Bédouins.

4 Et quelque temps après, les fils d’Ammon firent la guerre à Israël.

Ces versets renouent avec Juges 10.17-18. Cette députation partait probablement de l’assemblée mentionnée Juges 10.18.

5 Et comme les fils d’Ammon guerroyaient contre Israël, les Anciens de Galaad allèrent chercher Jephthé, au pays de Tob. 6 Et ils dirent à Jephthé : Viens, tu seras notre commandant et nous combattrons les fils d’Ammon.

Commandant. Le mot hébreu désigne une dignité militaire.

7 Et Jephthé dit aux Anciens de Galaad : Ne m’avez-vous pas haï et chassé de la maison de mon père ? Pourquoi venez-vous à moi, maintenant que vous êtes dans la détresse ?

Les Anciens avaient consenti à l’expulsion de Jephthé de la maison paternelle par ses frères.

8 Et les Anciens de Galaad dirent à Jephthé : C’est à cause de cela que nous revenons à toi maintenant, et tu marcheras avec nous et tu combattras les fils d’Ammon, et tu deviendras notre chef, celui de tous les habitants de Galaad.

À cause de cela : désireux de te rendre justice et de réparer cette offense.

Notre chef : autre terme que celui du verset 6. Ils lui offrent maintenant de devenir, après la victoire, leur chef civil et politique.

Tous les habitants de Galaad : des deux tribus et demie à l’est du Jourdain. Sur le sens élastique du nom géographique de Galaad, voir Nombres 32.1, note. Les Juges ne sont jamais présentés comme chefs de la nation tout entière. Chacun d’eux n’agit que pour les tribus qui se groupent volontairement autour de lui.

9 Et Jephthé dit aux Anciens de Galaad : Si vous me ramenez pour combattre les fils d’Ammon et que l’Éternel les livre en mon pouvoir, je deviendrai votre chef.

Jephthé veut quelque chose de plus assuré que cette simple promesse. Les Anciens ajoutent à la promesse le serment.

10 Et les Anciens de Galaad dirent à Jephthé : Que l’Éternel entende ce qui se fait entre nous et [nous juge] si nous ne faisons pas ce que tu dis ! 11 Et Jephthé alla avec les Anciens de Galaad. Et le peuple l’établit sur lui pour chef et pour commandant, et Jephthé répéta toutes ses paroles devant l’Éternel à Mitspa.

Le peuple… : par l’intermédiaire de ses représentants.

Jephthé répéta… : Il répéta ses conditions dans l’assemblée où furent ratifiés avec serment les engagements pris au pays de Tob.

12 Et Jephthé envoya des messagers au roi des fils d’Ammon, disant : Qu’y a-t-il entre moi et toi, que tu sois venu contre moi, pour faire la guerre à mon pays ?

Démarche préliminaire de Jephthé auprès du roi des Ammonites (12-28)

Moi : Jephthé, comme représentant du peuple de Galaad.

13 Et le roi des fils d’Ammon dit aux messagers de Jephthé : C’est qu’Israël, lorsqu’il monta d’Égypte, s’est emparé de mon pays, de l’Arnon jusqu’au Jabbok et au Jourdain. Rends-le maintenant à l’amiable.

Lorsque les Israélites s’emparèrent d’une partie du territoire des Ammonites et des Moabites, à l’est du Jourdain, ils ne le conquirent pas directement sur eux, mais sur les Amorrhéens (Cananéens) qui avaient conquis les premiers ces contrées sur les enfants d’Ammon et de Moab ; comparez Josué 13.25, où est assignée à la tribu de Gad toute une portion du pays des Ammonites (la moitié du pays des Ammonites entre l’Arnon au sud et le Jabbok supérieur au nord) qu’avaient conquise auparavant les Amorrhéens ; voir Nombres 21.27 et Deutéronome 2.19 ; Deutéronome 2.37, notes.

14 Et Jepbthé envoya de nouveau des messagers au roi des fils d’Ammon,

Jephthé rappelle ici tout ce qui s’est passé dans les relations entre Israël, d’une part et les peuples d’Édom, de Moab et d’Ammon, qui étaient les parents des Israélites et qu’il fallait épargner, d’autre part. Après le refus d’Édom et de Moab (l’envoi de messagers au roi de Moab est omis dans les Nombres) de laisser passer Israël sur leur territoire, il tourna par le désert à droite de leur pays et ne fit la guerre qu’à Sihon, roi des Amorrhéens, qu’il vainquit et sur lequel il conquit le territoire appartenant jadis aux Moabites et aux Ammonites. Les Moabites n’ont jamais réclamé ; les Ammonites pas davantage, pendant trois siècles. Et tout à coup, ils revendiquent maintenant ce territoire que l’Éternel a donné à son peuple ! Ce n’est pas Israël qui est l’agresseur, c’est Ammon : Dieu en est témoin et il jugera !

15 et il lui dit : Ainsi parle Jephthé : Israël ne s’est pas emparé du pays de Moab, ni du pays des fils d’Ammon. 16 Car, lorsqu’Israël monta d’Égypte, il marcha dans le désert jusqu’à la mer Rouge et arriva à Kadès. 17 Et Israël envoya des messagers au roi d’Édom pour lui dire : Laisse-moi, je te prie, passer par ton pays !
Et le roi d’Édom n’y consentit pas. Et il en envoya aussi au roi de Moab, et il refusa. Et Israël s’arrêta à Kadès.

À Kadès : Nombres 20.1.

18 Et il marcha par le désert, tourna le pays d’Édom et le pays de Moab, et arriva à l’orient du pays de Moab ; et ils campèrent au-delà de l’Arnon, sans entrer sur le territoire de Moab ; car l’Arnon est la frontière de Moab.

Frontière de Moab : du côté du territoire des Amorrhéens.

19 Et Israël envoya des messagers à Sihon, roi des Amorrhéens, roi de Hesbon, et Israël lui dit : Que nous passions, je te prie, par ton pays, pour arriver au lieu où je vais.

Voir Nombres 21.21-25.

20 Et Sihon ne se fia pas assez à Israël pour le laisser passer sur son territoire. Et Sihon rassembla tout son peuple ; et ils campèrent à Jahats et il combattit contre Israël. 21 Et l’Éternel, Dieu d’Israël, livra Sihon et tout son peuple entre les mains d’Israël, et il les battit. Et Israël prit possession de tout le pays des Amorrhéens, qui habitaient dans cette contrée. 22 Et ils prirent possession de tout le territoire de l’Amorrhéen depuis l’Arnon jusqu’au Jabbok, et depuis le désert jusqu’au Jourdain. 23 Et maintenant que l’Éternel, Dieu d’Israël, a dépossédé les Amorrhéens devant son peuple d’Israël, c’est toi qui posséderais leur pays ? 24 Ne possèdes-tu pas ce dont ton dieu Camos t’a mis en possession ? Et nous ne possèderions pas tout ce que l’Éternel, notre Dieu, a mis en notre possession devant nous !

Camos est proprement le nom de la principale divinité des Moabites (Nombres 21.29), mais sans doute s’applique aussi au dieu des Ammonites, qui plus ordinairement s’appelle Moloch ou Milcom.

25 Et maintenant vaux-tu mieux que Balak, fils de Tsippor, roi de Moab ? A-t-il contesté avec Israël ou lui a-t-il fait la guerre ?

Balak n’a pas réclamé au point de vue du droit, puisque le pays conquis ne lui appartenait plus ; et il n’a pas osé non plus employer les armes, parce que le refus de Balaam de maudire Israël lui enlevait toute espérance de victoire.

26 Depuis trois cents ans qu’Israël habite à Hesbon et dans les villes de son ressort, à Aroër et dans les villes de son ressort, et dans toutes les villes qui sont sur les bords de l’Arnon, pourquoi ne les lui avez-vous pas enlevées pendant ce temps-là ? 27 Moi, je n’ai pas manqué envers toi ; mais toi, tu agis mal avec moi en combattant contre moi. Que l’Éternel, le Juge juge aujourd’hui entre les fils d’Israël et les fils d’Ammon ! 28 Et le roi des fils d’Ammon n’écouta pas les paroles que Jephté lui avait fait transmettre. 29 Et l’Esprit de l’Éternel fut sur Jephthé, et il traversa Galaad et Manassé et passa jusqu’à Mitspa de Galaad, et de Mitspa de Galaad il marcha contre les fils d’Ammon.

Victoire de Jephthé sur les Ammonites (29-33)

Rempli d’une force surnaturelle par l’Esprit de l’Éternel, Jephthé parcourt Galaad (ici Gad et Ruben), puis Manassé, appelant aux armes tout le peuple et le réunissant à Mitspa (Juges 10.17).

30 Et Jephthé fit un vœu à l’Éternel et dit : Si tu livres en ma main les fils d’Ammon,

Et Jephthé fit un vœu. Les vœux étaient expressément autorisés par la foi (Lévitique 27.2).

31 celui qui sortira des portes de ma maison, venant à ma rencontre, quand je reviendrai en paix de chez les fils d’Ammon, sera à l’Éternel, et je l’offrirai en holocauste.

Celui qui sortira, littéralement : le sortant, expression qui ne peut guère se rapporter qu’à un être humain ; les animaux ne sortent pas de la maison. Ce vœu que l’on peut appeler inconsidéré, s’explique néanmoins, si l’on réfléchit que la vocation de Jephthé avait été purement humaine, sans aucun signe divin, comme ceux qui avaient accompagné l’appel de Gédéon. Il cherche donc à intéresser Dieu à sa victoire à quelque prix que ce soit.

Sera à l’Éternel. Cette expression n’implique pas nécessairement le sacrifice de la vie, mais peut désigner une consécration, comme celle des Gabaonites, au service de la maison de l’Éternel. Ce sont les termes suivants : et je l’offrirai en holocauste, qui ne peuvent s’entendre que d’un sacrifice proprement dit ; seulement avec une réserve possible, celle du rachat stipulé par la loi (Lévitique 27.2 et suivants) et qui consistait dans le paiement d’une somme d’argent pour le sanctuaire et dans l’offrande d’une victime. La question est de savoir si Jephthé en faisant son vœu pensait uniquement au sacrifice proprement dit ou bien aussi à cette possibilité du rachat. Dans le premier cas, il faut admettre que les passages qui, dans la loi, interdisent les sacrifices humains (Deutéronome 12.31 ; Deutéronome 18.10) ne lui étaient pas connus, ce qui n’a rien d’étonnant (même si la loi existait déjà comme loi écrite ou comme tradition orale) si l’on se rappelle le genre de vie qu’il avait mené. D’autre part, les sacrifices humains ont toujours été étrangers à la religion israélite, soit en vertu de son caractère moral, soit par suite de l’enseignement renfermé dans l’histoire du sacrifice d’Isaac. Il est frappant que dans le récit suivant la fille de Jephthé ne pleure point sur le sacrifice de sa vie, mais seulement sur celui de sa virginité ; car une fois consacrée au service de l’Éternel, elle ne pouvait plus appartenir à aucun homme. Comment d’ailleurs le sacrifice matériel se serait-il accompli ? Jephthé aurait-il conduit sa fille au sanctuaire ? Mais le souverain sacrificateur n’aurait jamais consenti à l’immoler. L’aurait-il sacrifiée en Galaad ? Mais il n’y avait là ni sanctuaire, ni autel dressé à l’Éternel et Jephthé se montre dans tout le récit franchement adorateur de Jéhova (versets 9, 11, 21, 23, 29, 30, 35, 36). Le deuil de Jephthé et de la jeune fille s’explique suffisamment dans la supposition que dès ce moment elle fut pour toujours séparée de son père et vouée dans le Tabernacle à l’un des services pour lesquels le travail des femmes était nécessaire (Exode 38.8 ; 1 Samuel 2.22). Et pourtant il est impossible de nier que les expressions : Je l’offrirai en holocauste (verset 31), et : Il accomplit à son égard le vœu qu’il avait fait (verset 39), ne soient bien difficiles à entendre dans un autre sens que celui d’un sacrifice proprement dit. Cette dernière interprétation a été généralement reçue jusqu’au moyen-âge, où les interprètes juifs ont commencé à proposer l’autre sens. Nous ne nous sentons pas en état de nous prononcer et laissons le lecteur décider lui-même en tenant compte des raisons pour et contre que nous venons de présenter.

32 Et Jephthé s’avança contre les fils d’Ammon pour les combattre, et l’Éternel les livra en sa main. 33 Et il les battit, d’Aroër jusque vers Minnith, leur prenant vingt villes, et jusqu’à Abel-Kéramim ; ce fut une très grande défaite, et les fils d’Ammon furent abaissés devant les fils d’Israël.

Aroër : Nombres 32.34, note.

Minnith : au nord-est de Hesbon, dans un emplacement où se trouvent encore aujourd’hui de grandes ruines.

Vingt villes : que les Ammonites avaient reprises sur les Israélites.

Abel-Kéramim : plaine des vignes. Le voyageur Tristram a trouvé à vingt minutes de Diban (au nord-est d’Aroër) une vallée appelée Khurm-Dibon, c’est-à-dire vignoble de Dibon.

34 Et Jephthé arriva à Mitspa, chez lui. Et voici sa fille sortait à sa rencontre avec des tambourins et avec des danses. Et elle était fille unique ; à part elle, il n’avait ni fils, ni fille.

Accomplissement du vœu de Jephthé (34-40)

Sa fille sortait à sa rencontre : comparez Exode 15.20 ; 1 Samuel 18.6.

35 Et quand il la vit, il déchira ses vêtements et dit : Ah ! Ma fille ! Comme tu m’accables ! Tu te mets parmi ceux qui me troublent ! J’ai ouvert la bouche [en parlant] à l’Éternel et je ne puis revenir en arrière.

Déchira… : expression d’une douleur profonde (Lévitique 10.6).

J’ai ouvert la bouche. Un vœu n’était valable que lorsqu’il avait été expressément énoncé (Lévitique 27.1).

36 Et elle lui dit : Mon père, tu as ouvert la bouche en parlant à l’Éternel ; fais-moi selon ce qui est sorti de ta bouche, après que l’Éternel t’a donné de tirer vengeance de tes ennemis, les fils d’Ammon.

Après que l’Éternel a accompli la condition que tu lui avais posée dans ta prière, il ne te reste qu’à accomplir ton vœu.

La fille de Jephthé a hérité de l’héroïsme de son père.

37 Et elle dit à son père : Que ceci me soit accordé : laisse-moi pendant deux mois !
Et je m’en irai, et je descendrai [pour aller] sur les montagnes, et je pleurerai ma virginité, moi et mes compagnes.

Je descendrai… Mitspa est un lieu élevé au-dessus des plateaux environnants.

38 Et il répondit : Va !
Et il la laissa aller pour deux mois. Et elle s’en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes. 39 Et au bout de deux mois elle revint vers son père, et il accomplit à son égard le vœu qu’il avait fait ; et elle n’avait pas connu d’homme. Et de là vint la coutume en Israël

Et elle n’avait pas connu, ou : et elle ne connut pas ; selon l’une ou l’autre des deux explications que nous avons exposées.

40 que d’année en année les filles d’Israël vont célébrer la fille de Jephthé le Galaadite, quatre jours par an.

Ici peuvent s’élever deux questions en sens opposés : Aurait-on célébré une fête en Israël pour un acte qui, après tout, constituait un crime théocratique ? Et d’un autre côté : Aurait-on célébré comme un événement si extraordinaire la consécration d’une jeune fille au célibat ? D’après les antiques notions israélites, plus aisément sans doute que d’après les idées modernes.