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Jérémie 22
Bible Annotée (interlinéaire)

Verset à verset  Double colonne 

Plan du commentaire biblique de Jérémie 22

Versets 22.1 à 23.8

Ce groupe comprend une exhortation au roi de Juda Jérémie 22.1-9 ; et trois sentences sur Sallum (Joachaz), versets 10 et 12 ; sur Jéhojakim, versets 13 à 19 ; sur Conia (Jéchonias ou Jéhojachin), versets 20 à 30 ; il se termine par l’annonce de l’avènement d’un roi juste, digne fils de David, Jérémie 23.1-8. Comparez Ézéchiel chapitre 34, un discours analogue adressé aux mauvais pasteurs d’Israël

Le morceau Jérémie 22.1-19 date du commencement du règne de Jéhojakim (voir verset 10) et le morceau versets 20 à 30 du court règne de Jéhojachin. Le peuple était encore sous l’impression toute fraîche de la perte de Josias et les : regrets dont ce pieux roi était l’objet étaient augmentés par les injustices et les cruautés dont se rendait coupable son fils Jéhojakim, qui avait succédé à son frère Joachaz.

1 Ainsi a dit l’Éternel. : Descends à la maison du roi de Juda, et là tu prononceras ces paroles,

Comparez Jérémie 17.19-20.

Descends, c’est-à-dire du temple, qui occupait le sommet de la colline de Sion ; comparez Jérémie 36.12 ; Jérémie 26.10, ici, comme au chapitre 7, le prophète doit parler dans un lieu officiel ; là, c’était devant le temple ; ici, devant le palais royal.

2 et tu diras : Écoute la parole de l’Éternel, roi de Juda, assis sur le trône de David, toi et tes serviteurs et ton peuple qui passe par ces portes ; 3 ainsi parle l’Éternel : Faites droit et justice ; arrachez le misérable aux mains de celui qui l’opprime ; n’accablez pas, ne violentez pas l’étranger, l’orphelin ni la veuve, et ne versez pas le sang innocent dans ce lieu.

Faites droit. Comparez Jérémie 21.11-12. Le prophète se contente de signaler les abus les plus criants. Jean-Baptiste fera de même, Luc 3.11-15.

4 Car, si vous faites bien ce que je vous dis, il entrera par les portes de cette maison des rois assis sur le trône de David, montés sur des chars et des chevaux, chacun d’eux avec ses serviteurs et son peuple.

Il entrera. Comparez Jérémie 17.25. Une belle promesse était attachée à la réalisation de conditions si élémentaires. Ce retour au bien eût pu être encore, même à la onzième heure, le gage d’une amélioration plus complète et prévenir le châtiment de l’exil. Comparez Jérémie 21.12 (note).

5 Mais si vous n’écoutez point ces paroles, je jure par moi-même, dit l’Éternel, que cette maison deviendra une ruine.

Je jure par moi-même. Dieu emploie ici le serment pour confirmer, non, comme d’ordinaire, la promesse (verset 4), mais la menace (verset 5), parce que la ruine paraissait à ces hommes aveuglés bien plus improbable que la délivrance.

6 Car ainsi parle l’Éternel touchant la maison du roi de Juda : Tu es pour moi un Galaad, le sommet du Liban. Si je ne fais de toi un désert, des villes inhabitées !

Par une figure hardie, le prophète, après s’être adressé à ceux qui habitent la maison royale, interpelle tout à coup cette maison elle-même.

Un Galaad. Les montagnes de Galaad, surtout dans le voisinage du torrent de Jabbok, étaient et sont encore couvertes des plus belles forêts de chênes.

Le sommet du Liban. Salomon avait, bâti, dans l’enceinte de ses palais, une maison, sans doute plus merveilleuse encore que tout le reste, qui s’appelait la maison du parc du Liban (1 Rois 7.2). Le prophète fait allusion aux jardins et aux parcs magnifiques qui entouraient le palais nouvellement bâti par Jéhojakim. Ces parcs royaux, véritables forêts de cèdres, allaient être changés en désert.

7 Je sacre tes destructeurs, chacun avec ses outils ; ils couperont tes cèdres de choix et les jetteront au feu ;

Je sacre, littéralement : je sanctifie. Comparez Jérémie 6.4. Nous avons déjà dit que toute entreprise guerrière, chez les Gentils comme en Israël, était inaugurée par la religion. Ici, c’est le Dieu d’Israël lui-même qui préside à ces apprêts et qui envoie à leur propre insu les dévastateurs.

Avec ses outils : ses haches ; l’image précédente continue (Ésaïe 13.3).

Tes cèdres de choix, transportés à grands frais du Liban dans les jardins du roi.

8 et de nombreuses nations passeront sur cette ville et se diront l’une à l’autre : Pourquoi l’Éternel a-t-il fait cela à cette grande ville ?

Comparez Deutéronome 29.23 et suivants et 1 Rois 9.8-9. Cette prédiction s’est accomplie à la lettre. C’est le propos que toutes les nations chrétiennes ont tenu jusqu’à aujourd’hui.

9 Et on dira : Parce qu’ils ont abandonné l’alliance de l’Éternel, leur Dieu ; ils se sont prosternés devant d’autres dieux et ils les ont servis. 10 Ne pleurez point celui qui est mort, et ne vous affligez pas à cause de lui ; pleurez, pleurez celui qui s’en est allé, car il ne reviendra plus et ne reverra pas le pays de sa naissance !

Celui qui est mort : Josias, qui avait été tué, à la bataille de Méguiddo, 2 Chroniques 35.23-24. Le deuil du roi Josias est resté typique en Israël (Zacharie 12.11). Les expressions de notre texte font supposer que cette catastrophe était encore récente. Il y a une émotion profonde dans ces mots : Ne pleurez pas celui qui est mort. Le prophète veut dire que chacun devrait désirer d’être mort à sa place. Le pieux roi Josias avait reçu de Dieu cette dernière grâce, de mourir en roi et avant la catastrophe.

Celui qui s’en est allé : Joachaz, fils de Josias, qui, d’abord proclamé roi par le peuple après la mort de son père, avait été emmené en Égypte. Voir introduction. Comparez 2 Chroniques 36.2 ; 2 Chroniques 36.5.

11 Car ainsi parle l’Éternel touchant Sallum, fils de Josias, roi de Juda, qui a régné à la place de Josias, son père, et qui est sorti de ce lieu : Il n’y reviendra plus.

Sallum, le premier nom de Joachaz, d’après 1 Chroniques 3.15. Mais le malheur du jeune exilé sera bien dépassé par celui du roi actuellement régnant.

12 Au lieu où on l’a emmené il mourra, et il ne reverra plus ce pays-ci. 13 Malheur à celui qui bâtit sa maison sans justice et ses étages sans droit, qui fait travailler son prochain pour rien et ne lui paie pas son ouvrage ;

Tout en rançonnant ses sujets pour s’acquitter du tribut que Pharaon Néco lui avait imposé (2 Rois 23.33), Jéhojakim insultait à la misère publique en se faisant construire des demeures fastueuses qu’il ne payait même pas.

Son prochain : expression frappante, surtout dans l’antiquité et dans le despotique Orient, mais tout à fait conforme à l’esprit de la législation mosaïque (Deutéronome 17.11-20). L’Ancien Testament voit déjà des prochains là où l’antiquité païenne ne voyait que des sujets et des esclaves.

Ne lui paie pas son ouvrage. La loi mosaïque était plus humaine que nos mœurs envers les travailleurs ; car elle ordonnait non seulement qu’ils fussent payés, mais qu’ils le fussent chaque soir. Voir Lévitique 19.13 ; Deutéronome 24.14-15.

14 qui dit : Je me bâtirai une maison vaste et des chambres spacieuses ; j’y perce beaucoup de fenêtres, je la couvre de cèdre et je la peins au vermillon !

La plupart des maisons de l’Orient, où l’on vit presque constamment en plein air, sont petites et n’ont que peu de fenêtres ; Jéhojakim voulait en ceci encore se distinguer de ses sujets et peut-être aussi imiter l’architecture des grands palais de Ninive.

De plus, comme ces monarques étrangers qui, à leur avènement, se bâtissaient chacun leur palais, Jéhojakim ne se contentait plus, comme ses prédécesseurs, des palais élevés par Salomon ; il prétendait rivaliser avec ce grand roi par des constructions nouvelles.

15 Es-tu roi, parce que tu as la passion du cèdre ? Ton père n’a-t-il pas mangé et bu ? Il faisait droit et justice, et tout allait bien pour lui ;

La manie de bâtir, qui a été le faible de grands monarques, ne suffit pas pour faire un grand roi d’un petit

Ton père : Josias, qui a surpassé Salomon lui-même en véritable grandeur, ne s’est pas trouvé bien malheureux en accomplissant fidèlement son devoir journalier.

16 il jugeait la cause du malheureux et du pauvre, et tout allait bien ; n’est-ce pas là me connaître, dit l’Éternel ?

N’est-ce pas là me connaître ? Peut-être allusion à ce que Jéhojakim prétendait rivaliser avec Salomon en sagesse aussi bien qu’en magnificence.

17 Mais tes yeux et ton cœur ne visent qu’à la rapine, au sang innocent pour le répandre, à l’oppression et aux pillages pour les commettre.

Ne visent qu’à la rapine… Un bon roi ne pense au sang innocent que pour le venger, à l’oppression et aux pillages qui se commettent dans son pays, que pour les punir et les réparer. Jéhojakim ne pensait qu’à donner l’exemple do tous les crimes.

18 C’est pourquoi, ainsi parle l’Éternel touchant Jéhojakim, fils de Josias, roi de Juda : On ne le pleurera pas : Hélas, mon frère ! Hélas, ma sœur ! On ne pleurera pas sur lui en disant : Hélas, seigneur ! Hélas, majesté !

Hélas, mon frère,… ma sœur ! Formules ordinaires des lamentations, citées ici pour faire tableau. Comparez 1 Rois 13.30.

19 Il sera enterré comme on enterre un âne, traîné et jeté en dehors des portes de Jérusalem.

Il sera enterré comme… Cette prédiction est répétée Jérémie 36.30-31. Les livres des Rois et des Chroniques ne nous disent point où et comment elle s’est accomplie. La mort de Jéhojakim est mentionnée 2 Rois 24.6 en ces termes : il s’endormit avec ses pères. Cette expression peut s’appliquer aussi à une mort tragique, comme c’est le cas pour celle d’Achab, 1 Rois 22.40. D’après 2 Chroniques 36.6, Jéhojakim, aurait été emmené à Babylone par Nébucadnetsar.

20 Monte au Liban et crie ; élève ta voix en Basan et crie du haut d’Abarim, car tous tes amants sont brisés !

Le Liban : la frontière d’Israël au nord ; Basan le hauran actuel, au nord-est ; Abarim chaîne à laquelle appartient la montagne de Nébo, d’où Moïse contempla la Terre promise ; située au sud-est.

Le peuple de Jérusalem et de Juda, représenté sous la figure d’une femme en détresse, est invité à aller s’assurer sur ces sommets qu’aucun de ses anciens alliés (tous tes amants) ne vient à son secours.

21 Je t’ai parlé pendant tes prospérités ; tu as dit : Je n’écouterai pas. C’est là ta conduite dès ta jeunesse ; tu n’as point écouté ma voix !

Je t’ai parlé. Comparez Jérémie 2.1-7.

22 Car le vent emportera tes pasteurs et tes amants s’en iront en captivité ; alors tu seras couverte de honte et d’ignominie pour toute ta méchanceté.

Comparez Jérémie 2.1-7. Littéralement : paîtra ceux qui te paissent : comme tes pasteurs (tes rois) t’ont menée à ta perte, le châtiment les emportera pour les conduire à la leur.

23 Toi qui habites au Liban, qui as placé ton aire dans les cèdres, comme tu gémiras, quand surviendront pour toi des douleurs, des maux tels que ceux d’une femme en travail !

Habites au Liban. Jérusalem a, pour ainsi dire, transporté le Liban dans les jardins de ses palais. Les particuliers riches avaient imité le luxe des rois.

Ton aire : Comparez verset 14.

24 Je suis vivant, dit l’Éternel, quand Conia, fils de Jéhojakim, roi de Juda, serait un anneau à ma main droite, je t’arracherais de là !

Conia : Jéojachin, fils de Jéhojakim, qui monta sur le trône, d’après 2 Rois 24.8, à l’âge de 18 ans. Il n’est appelé Conia que par Jérémie (ici et Jérémie 37.1). Conia est probablement une abréviation familière de Jéchonia le nom qu’il portait avant son avènement au trône. Comparez 1 Chroniques 3.16.

Serait un anneau : l’anneau qui sert à sceller les ordres du roi, c’est le seul objet dont on ne se sépare jamais (Cantique 8.6). Conia fût-il semblable au plus précieux des ornements, il ne serait point épargné ; combien moins après avoir suivi dès sa jeunesse les errements de son père 2 Rois 24.9 ; 2 Chroniques 36.9.

25 Je te livrerai aux mains de ceux qui en veulent à ta vie, aux mains de ceux dont tu as peur, aux mains de Nébucadretsar, roi de Babylone, et aux mains des Chaldéens ; 26 et je te jetterai, toi et ta mère qui t’a mis au monde, dans un autre pays où vous n’êtes pas nés, et où vous mourrez.

Ta mère : elle s’appelait Néhustha (2 Rois 24.8) ; elle fut emmenée avec son fils à Babylone. Comparez Jérémie 13.18 (note) et 2 Rois 24.12 ; 2 Rois 24.15.

27 Et au pays où de toute leur âme ils désireront revenir, ils n’y reviendront pas.

Ils n’y reviendront pas : prophétie littéralement accomplie ; comparez 2 Rois 25.27-30.

28 Est-ce un vase méprisé et brisé, que cet homme-là, Conia, ou un ustensile de rebut, qu’on les ait jetés, lui et sa race, et relégués dans une terre qu’ils ne connaissaient point ?

Vase brisé : comparez chapitre 19.

Le prophète se transporte au moment où la déportation sera un fait accompli et s’étonne avec douleur et sympathie du contraste entre la noblesse de ce fils de David et sa destinée.

29 Terre, terre, terre, écoute la parole de l’Éternel ! 30 Ainsi a dit l’Éternel : Inscrivez cet homme comme stérile, tel qu’un homme qui ne réussit pas dans ses jours, car nul de sa race ne réussira à s’asseoir sur le trône de David pour régner encore sur Juda !

Inscrivez-le comme stérile. Cela ne signifie pas qu’il n’aura pas d’enfant, puisqu’il est dit ensuite que nul de ses enfants ne réussira… ; mais que, s’il a des enfants, ce sera, quant à lui, comme s’il n’en avait pas, parce que nul d’entre eux ne dominera sur Juda. Et en effet, la ligne directe des successeurs de David par Salomon a fini avec Jéhojachin. Zorobabel, qui, au retour de la captivité, fut le chef de Juda et de qui est issu Jésus-Christ, descendait de David, non par Salomon, mais par Nathan, frère obscur de ce monarque. C’est ce que nous apprenons par la généalogie de Jésus dans saint Luc (Luc 3.27-31). Une telle donnée n’a pas été inventée à plaisir ; une généalogie fabriquée eût plutôt cherché à faire de Jésus un rejeton de la famille royale. Cette substitution renferme la condamnation de Jéhojachin et de ses pères, jusqu’à Salomon lui-même, mais tout en maintenant la promesse faite à David. Quant à l’accord de la donnée de Luc avec celle de Matthieu 1.12, empruntée sans doute à 1 Chroniques 3.16-17, voir à ce dernier passage.